IFLA-UNESCO

Leurs relations et le développement de la coopération bibliothéconomique internationale

Dominique Reviller

Ces deux associations entretiennent des relations efficaces depuis plus de quarante ans. Par un accord passé en 1948, l'UNESCO octroie une subvention à l'IFLA pour financer les manifestations internationales qu'elle organise, ainsi que les études et recherches de portée internationale. Malgré quelques différents politiques dans les années 70, leur coopération s'est exercée et continue de s'exercer dans de nombreux domaines : catalogues, accès aux publications... Particulièrement sur le développement de la bibliothéconomie dans le tiers monde.

These two associations have been in relationship for morethan forty years long. By an agreement signed in 1948, UNESCO finances IFLA's international sessions, researches and studies. In spite of some political disagreements during the seventies, this cooperation goes on in many fields (cataloguing, access to publications...) ; especially about the librarianship development in the Third World.

Alors que l'on s'interroge sur un renforcement de l'action de l'Organisation des Nations unies (ONU) en matière de prévention des conflits, l'activité des organisations, gouvernementales, comme elle, est, une fois encore, l'objet de critiques et d'études pour tenter de percevoir leur pouvoir réel.

Dans le domaine précis de la coopération bibliothéconomique intemationale, la principale organisation agissante demeure sans conteste l'UNESCO. Mais l'action que celle-ci a pu mener a demandé l'aide et les services de l'association la plus représentative du monde des bibliothèques, à savoir la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques, qui a vu le jour en 1927.

Ces deux organisations entretiennent ainsi, depuis plus de 40 ans, des relations constantes et efficaces.

On remarque d'ailleurs que ces rapports se sont progressivement développés, qu'ils se sont étoffés, concrétisés, approfondis, et ont rendu les actions des deux organismes complémentaires. Une complémentarité intéressante à analyser.

Trois axes de réflexion peuvent être avancés :
- les origines de cette coopération, ou le pourquoi d'une telle alliance,
- les manifestations diversifiées de cette coopération, ou la nécessité de cette alliance,
- la place de ces rapports, en parallèle avec le schéma traditionnel des relations entre organisation non gouvernementale et organisation intergouvernementale, ou l'exemplarité de cette alliance.

Origines de la coopération

Sur ce point, il faut se reporter à l'histoire assez ancienne de l'IFLA et du mouvement associatif bibliothéconomique. En fait, trois raisons expliquent le choix de l'IFLA par l'UNESCO en 1946.

Les premières expériences internationales de l'IFLA

Il faut ici parler des relations qu'a entretenues l'IFLA avec l'Institut international de coopération intellectuelle (IICI), organisme fédératif, actif à partir de 1924, au sein duquel le gouvernement français avait pris une place importante. Si cette première expérience de dialogue avec une organisation intergouvemementale n'a que peu d'importance dans le développement ultérieur de l'IFLA, elle doit être signalée pour le symbole qu'elle représente. Cette dernière, en effet, dès les années 30, est considérée comme l'association représentative du monde des bibliothèques et ce, malgré la présence de la Fédération internationale de documentation, auréolée alors du prestige que lui vaut le travail important de certains de ses membres.

Les réunions des premiers comités d'experts en bibliothéconomie dans les années 30, l'enquête sur les règles de catalogage de 1933 sont autant de manifestations d'une volonté d'agir ensemble de la part de l'IFLA et de l'IICI. Cette collaboration n'a sans doute pas été négligeable aux yeux des responsables de l'UNESCO lorsqu'il a fallu choisir, en 1946, une organisation professionnelle capable de leur fournir conseils et avis. L'IFLA qui, dès 1927, se voulait l'organe unique de la profession, verra d'ailleurs son autorité grandir de par sa participation aux différentes campagnes menées pendant la guerre, en lien notamment avec la Croix-Rouge. Les affiches et les slogans de cette époque permettront à l'IFLA de se faire connaître d'un public étendu, et d'accéder à une sorte de représentation quasi intemationale. Elle voyait ainsi sa légitimité confortée et ne pouvait manquer d'attirer l'attention de l'UNESCO au sortir de la guerre.

La volonté de l'UNESCO

Lorsque l'UNESCO est créée, en 1946, les domaines dans lesquels elle entend acquérir une compétence sont déjà l'apanage de plusieurs associations privées. Bien que ses responsables ne peuvent, à cette époque, prétendre agir tout de suite et efficacement dans les trois domaines de l'éducation, de la science et de la culture, les moyens mis à leur disposition, en capital et en personnel, leur donnent un poids certain. Cette situation privilégiée va très vite être perçue par les organisations privées comme providentielle, à une époque où celles-ci cherchent à se consolider.

Dans le secteur des bibliothèques, comme ailleurs, l'UNESCO voulait développer la coopération entre les peuples. Et cet idéal de partage des connaissances devait obligatoirement passer par un dialogue avec les associations professionnelles : c'étaient elles qui pouvaient le plus facilement intervenir, de par leurs contacts nombreux, sur le terrain. Elles connaissaient mieux, en effet, les problèmes à traiter. Sans cette aide, l'UNESCO pouvait agir mais de façon moins coordonnée et moins efficace.

La place de l'IFLA

Ce dernier élément intervient également dans la décision de l'UNESCO de nouer des relations avec la Fédération. A cette époque, en effet, elle a bénéficié de l'impact qu'ont eu les opérations de la Croix-Rouge. Elle est devenue, aux yeux d'un public étendu, l'organisation la plus représentative du monde bibliothéconomique. Bien sûr, elle ne peut encore justifier d'aucune réalisation vraiment concrète. Mais l'organisation des deux congrès internationaux de bibliographie, avant-guerre, le fait qu'elle regroupe des membres des associations de bibliothécaires les plus actives, notamment la British Library Association et l'American Library Association et son désir de s'ouvrir le plus complètement possible font que l'UNESCO décide de l'aider dès les premières demandes et va même plus loin en proposant de conclure un accord en 1947.

Développement de la coopération

Les relations IFLA-UNESCO s'articulent autour de trois procédures particulières et concernent des domaines d'action bien précis. Il est bon de les rappeler avant de voir quelles évolutions ces formes de coopération ont subies au fil des ans et quels domaines elles ont pu toucher.

Le descriptif

Brièvement, il faut signaler par quels moyens la coopération IFLA-UNESCO a pu s'exprimer, moyens prévus dès la signature de l'accord en 1948.

La subvention financière

Cette pratique qui est courante dans les relations entre organisation intergouvernementale et organisation non gouvernementale (ONG) s'est, en effet, appliquée entre l'IFLA et l'UNESCO. Il semble bien que l'IFLA, à l'époque, en avait un besoin certain, cherchant, comme plusieurs de ses partenaires non gouvernementaux, un accroissement du nombre de ses membres et du montant de ses ressources pour réaliser les projets qui lui tenaient à cœur. Dans l'accord, l'UNESCO gardait un droit de regard en précisant que les manifestations envisagées, financées par l'IFLA, devaient avoir un caractère international et en instituant des procédures assez strictes de contrôle de l'utilisation des fonds. Mais ces subventions permirent aussi, pendant plusieurs dizaines d'années, le développement de l'institution bibliothéconomique et de ses activités.

Malgré la diminution importante du pourcentage de la subvention dans l'ensemble des revenus de la Fédération - aujourd'hui, les 37 000 dollars accordés chaque année ne représentent que 7,5 % des revenus globaux de l'IFLA, alors que pendant les dix premières années ce pourcentage s'élevait en moyenne à 35 % -, les sommes en jeu restent considérables. L'accroissement des ressources provenant des cotisations a permis, cependant, de rééquilibrer cette situation et a donné à l'IFLA les moyens de faire des choix et de privilégier certaines actions.

Le financement de certaines études

Parallèlement à la subvention, l'accord passé entre les deux organismes prévoyait le versement d'une somme d'argent en cas de recherches, d'études faites sur un sujet de portée internationale. Cette pratique était verrouillée par l'UNESCO qui se gardait la possibilité de décider si le projet était réellement nécessaire. Pourtant, la mise en œuvre de cette procédure allait montrer son utilité.

Comment, en effet, sans ces premiers contrats, auraient pu être mis sur pied les programmes ambitieux de la Fédération ? A l'époque, la subvention donnée par l'UNESCO ne suffisait pas à l'IFLA. C'était donc un nouveau moyen de financement non négligeable pour elle. Et c'était l'occasion pour l'UNESCO de profiter des conseils de l'IFLA. En effet, l'organisme onusien ayant vocation à intervenir dans un nombre de domaines non limité, devait, dans celui des bibliothèques, disposer de relais, de personnes compétentes qui pouvaient, elles, juger de la nécessité de telle ou telle mesure. La concertation entre ces deux organismes en devint plus efficace encore, l'UNESCO choisissant de financer des actions, mais des actions proposées par l'IFLA.

Les obligations de consultation

Dès 1948, l'IFLA et l'UNESCO s'engagent à se consulter régulièrement et à envoyer, lors de chaque réunion générale, des représentants de leurs organes dirigeants. Cette obligation de consultation est, évidemment, la base de relations efficaces. On peut supposer que, dans ce cas, l'IFLA se devait d'être présente à chaque invitation de l'UNESCO. Parfois, devant le nombre important de conférences tenues, ces représentations furent assurées par des membres éminents de la Fédération.

Cependant, l'information sur l'organisation du travail, les actions projetées, était primordiale tant pour l'UNESCO que pour l'IFLA. La première pouvait ainsi approfondir la connaissance d'un domaine dont, à l'origine, elle ignorait tout et la Fédération, en fonction des options de l'organisme intergouvernemental, pouvait préciser ses propres lignes d'action, en souligner d'autres. Cette information se faisait en général facilement, le courrier portant sur la subvention, les programmes de l'UNESCO et les programmes préliminaires au contrat fournissant d'assez bonnes indications. De plus, en cas d'études financées conjointement, le document réalisé parvenait automatiquement à l'UNESCO. Ainsi, les relations IFLA / UNESCO se sont-elles bâties et développées sur une connaissance réciproque.

L'évolution

A propos de la subvention, il faut noter, outre l'augmentation significative de son montant qui a permis à l'IFLA de mettre sur pied un secrétariat permanent dès 1962, la décision de l'UNESCO de suspendre les relations existantes et, par conséquent, le versement de la dotation annuelle en 1971.

C'est à cette occasion que les rapports entre les deux organismes furent les plus tendus. Tout commença lorsque l'Assemblée générale de l'UNESCO arrêta en 1970 une résolution condamnant les pratiques discriminatoires des gouvernements sud-africain et rodhésien et cautionnées par les différentes associations locales.

L'UNESCO demanda alors à tous ses partenaires de soumettre leurs membres à une série de questions sur leurs activités et attitudes vis-à-vis des pouvoirs en place dans leur pays. Une première enquête aboutit à la mise en accusation indirecte de plusieurs organisations internationales dont l'IFLA. Les explications fournies par le président de l'époque, Herman Liebaers 1, ne suffirent pas à convaincre l'UNESCO du caractère uniquement professionnel des préoccupations des membres de la Fédération mis en cause.

C'est à peu près à la même époque que le Bureau exécutif de l'UNESCO décida en session de prononcer la suspension des relations avec l'IFLA à partir du 31 décembre 1971 juqu'à ce que de nouveaux faits viennent préciser le caractère non répréhensible des activités des membres de l'IFLA.

Il fallut donc une nouvelle enquête, cette fois suscitée par la Fédération, pour qu'il apparaisse clairement que seule l'activité de la South African Library Association (qui n'était que membre institutionnel et n'avait pas le droit de vote au sein de l'IFLA), pouvait prêter à discussion. Les autres membres agissaient en effet pour le développement des services bibliothéconomiques au profit de tous les usagers sans discrimination aucune. Cet épisode, qui menaça pendant au moins deux ans les réalisations en matière bibliothéconomique, mit l'IFLA dans une position peu confortable. Cependant, sa détermination lui permit de faire face et de se justifier aux yeux de l'UNESCO.

L'officialisation et la pratique des contrats

Ce qu'il convient de retenir ici, c'est que les actions subventionnées par l'UNESCO dont nous avons parlé ci-dessus se sont tellement développées que l'on a jugé bon de les « officialiser ». En effet, des actions de ce type se sont très vite multipliées et il a été décidé de les faire rentrer dans la procédure dite des contrats. Cette pratique, qui n'est pas particulière aux relations IFLA-UNESCO, a le mérite de définir clairement les attributions de la personne choisie pour l'étude et les attentes des différents partenaires. Chaque année en effet, l'IFLA fait parvenir à l'UNESCO une liste de projets qui lui tiennent à cœur. Les sujets traités peuvent être très différents et concerner, par exemple, la conservation des documents écrits dans un milieu particulier ou la préparation d'une conférence sur la normalisation de telle catégorie d'ouvrages. L'UNESCO fait savoir alors quels sujets l'intéressent et ceux pour lesquels elle est prête à verser l'argent nécessaire à la réalisation d'une étude.

Le « contrat », formulaire pré-rédigé, peut alors être rempli. Il fixera de façon précise les limites du sujet et donnera à la personne en charge de ce travail (généralement choisie par l'IFLA) des dates au-delà desquelles elle devra faire parvenir aux deux organismes demandeurs, d'abord le plan détaillé, ensuite le document final.

Pour juger de l'efficacité d'une telle formule, il faut savoir que, depuis 1949, année du premier contrat passé pour la préparation du troisième Congrès mondial de bibliothéconomie, deux à trois de ces contrats aboutissent chaque année à la production d'un document agréé par les deux partenaires et constituent une base de données plus qu'intéressante.

Le principal problème posé par ces procédures est constitué par le manque de temps souvent dénoncé par les responsables des études et qui conduit généralement à l'abandon du contrat après la lecture du plan détaillé. En tout cas, cette procédure montre que l'IFLA et l'UNESCO ont su, par ce moyen, respecter chacune leurs prérogatives, et faire avancer la coopération bibliothéconomique internationale.

L'interaction mise en place par ce système donne la garantie que les intérêts d'organismes si différents puissent soit être préservés, soit se rejoindre, pour fournir une documentation sérieuse et propre à l'élaboration d'une action efficace.

L'obtention d'un statut consultatif de niveau A 2

L'évolution, dans ce domaine, est également notable. Il faut signaler que l'attitude de l'IFLA lui a permis de revendiquer des responsabilités accrues. Au début des années 60, en effet, devant l'accroissement considérable du nombre d'organisations avec lesquelles elle était en relation et devant le réseau plutôt confus que ces rapports constituaient, l'UNESCO décida de leur donner un cadre plus officiel. Pour cela, elle contacta tous ses partenaires pour leur demander de se prononcer sur un avant-projet qui comprenait notamment la séparation des organisations en trois catégories -leurs prérogatives variant en fonction de ce « classement ».

Le président de l'IFLA, Gustav Hofmann, profita de cette occasion pour exprimer ses souhaits, à savoir une plus grande répartition des compétences entre l'UNESCO et ses partenaires. Bien sûr, il y avait déjà interaction, mais ce qu'il proposa alors fut de donner plus de prérogatives aux organisations non gouvernementales dans la préparation et l'exécution des décisions. Cette volonté s'explique aisément : les ONG sont plus aptes que les groupements interétatiques à intervenir dans un champ d'action déterminé. Elles sont, de par leur composition, en contact avec les problèmes réels qui peuvent se poser. L'IFLA entendait ainsi garder une place précise vis-à-vis de l'UNESCO et, particulièrement, dans la mise en application des décisions où elle avait jusqu'à présent un droit de regard peu développé.

Ces trois attributions qu'il nous fallait présenter, et l'évolution qu'elles ont connue montrent que l'IFLA et l'UNESCO ont influé l'une sur l'autre. Sans l'argent et la position de l'UNESCO, l'IFLA serait restée une association professionnelle avec des moyens limités et concentrée sur des débats, certes intéressants, mais qui n'auraient pu se matérialiser. De l'autre côté, les conseils de l'IFLA, ses réclamations, ses suggestions et la qualité de ses interventions sur un plan intellectuel n'ont jamais été négligés par l'organisme intergouvernemental. La meilleure preuve de l'efficacité de ces relations nous est fournie par l'examen des domaines couverts.

Les domaines de cette coopération

Nombreux furent les domaines dans lesquels les relations IFLA-UNESCO ont pu avoir un rôle bénéfique (catalogage, accès aux publications,...), mais il convient de s'arrêter plus particulièrement sur le développement de la bibliothéconomie dans le tiers monde. Ce secteur semble actuellement au cœur des préoccupations des deux organismes. L'IFLA en a fait l'un de ses six programmes prioritaires depuis 1986 et l'UNESCO, constatant à forte raison que c'est là que surgissent les problèmes les plus cruciaux, y porte depuis longtemps une attention soutenue, par le biais, notamment, du Programme général d'information.

Ce programme, qui date de 1977, a eu le mérite de coordonner toutes les actions qui pouvaient se faire au sein de l'UNESCO sur les problèmes d'accès, de production et de diffusion de l'information. Les membres de cette structure sont en effet les interlocuteurs privilégiés du personnel de l'IFLA pour les actions visant, soit à organiser des séminaires et conférences, soit à produire des études. Ces divers travaux peuvent, par exemple, insister sur la nécessité de disposer dans chaque pays d'une structure de base permettant l'élaboration d'une bibliographie nationale ou les règles à respecter pour que cette bibliographie soit compatible avec les normes internationales.

Mais, à ce niveau, il faut également signaler les efforts particuliers des autres associations partenaires de l'IFLA, la Fédération internationale de documentation (FID) et le Conseil international des archives dont la qualité des interventions a toujours été rappelée par l'UNESCO.

Actuellement, on constate même que l'action entreprise tend à se compléter ou à se rapprocher : l'UNESCO et l'IFLA veulent essentiellement la création de structures bibliothéconomiques régionales qui pourraient ensuite servir des actions décentralisées sur un terrain moins vaste mais avec des résultats plus probants. Le don de centres pouvant s'autogérer devient le fer de lance des organismes d'aide bibliothéconomique et semble être l'une des voies les plus efficaces pour permettre l'accès de la majorité des populations à l'information.

Tradition et renouvellement

A première vue, on pourrait penser que les relations IFLA-UNESCO correspondent au schéma habituel pouvant exister entre organisations intergouvernementales et organisations non gouvernementales. Le versement d'une subvention amène souvent une certaine dépendance et empêche les ONG ainsi rémunérées d'être totalement libres dans l'utilisation de cette somme. Ces relations, qui sont monnaie courante dans le monde international, peuvent prendre un aspect négatif dans la mesure où lesdites organisations perdent toute autonomie pour devenir, comme le note Marcel Merle 3, « les simples auxiliaires de l'action intergouvernementale ».

Que dire des relations IFLA-UNESCO ?

Traditionnelles, elles l'ont certes été mais ont permis de montrer réellement la complémentarité de l'action des deux organismes.

L'UNESCO, organisme interétatique par excellence, était, à cause de son importance financière, l'instigatrice désignée de grands programmes d'aide et de développement. Malgré les constestations internes qu'elle a connues et le départ des Etats-Unis, qui l'a conduite à pratiquer des restrictions budgétaires, elle demeure responsable de l'application et du respect des grands principes internationaux élaborés par l'ONU et ses satellites 4.

L'IFLA, quant à elle, symbolise avec succès le principe qui reste l'une des caractéristiques de l'action non gouvemementale, à savoir la spécialisation. Elle voyait, avant, son action importante limitée par un manque de moyens, mais également par un manque d'influence sur les gouvernants des pays peu sensibilisés à son action.

L'interaction, la discussion mise en place à partir de 1948 ont eu pour principal effet de placer l'activité de l'IFLA a un niveau plus intemational. Elle lui a donné également les moyens d'étendre son champ d'action. Actuellement, en effet, l'objectif de la Fédération ne consiste plus en une extension géographique mais en des réalisations professionnelles valables dans les 120 pays où elle compte des membres.

Par ailleurs, ces relations ont su prendre de nouvelles formes qui ont modifié le schéma traditionnel sans pour autant le disloquer et sans porter atteinte à la coopération bibliothéconomique.

Jamais les litiges ou conflits n'ont amené de situations de crise trop longues. Tant pour l'Afrique du Sud, en 1970, que pour les querelles entre associations de bibliothécaires chinois. 5, l'IFLA a toujours su garder une attitude décidée. Si la rupture des relations a été effectivement prononcée et appliquée, les deux organismes, après une période d'enquêtes et d'explications, ont renoué des liens. Le dialogue entre responsables semble à ce propos être l'une des caractéristiques de leurs relations et expliquer leur longévité.

D'autre part, les litiges qui ont surgi ont également eu pour conséquence de provoquer l'intervention de l'IFLA dans la sphère du politique, sphère dont elle s'était toujours tenue à distance. Inhabituel, certes, pour une association professionnelle, mais profitable lorsqu'on constate à la lumière de sa représentativité actuelle que, pendant longtemps, l'eurocentrisme a prévalu au sein de la Fédération et lui a fait oublier certains problèmes importants. Cette ouverture nécessaire fut très bénéfique et permit aux relations IFLA-UNESCO de se dérouler sur un autre plan, leur donnant ainsi une importance que les responsables de l'UNESCO semblaient avoir souhaitée dès le début. Dans un courrier daté du 19 décembre 1947, le responsable de la division des bibliothèques de l'UNESCO rappelait en effet que le Bureau exécutif voulait réduire au minimum le nombre d'organisations non gouvernementales en rapport avec lui et que l'IFLA était déjà considérée comme le principal porte-parole des bibliothécaires.

Au fil de cette étude, on s'aperçoit que, tout en s'inscrivant dans un cadre connu de tous (nature et forme des relations), mais avec des éléments remarquables (longévité, constance), les relations IFLA-UNESCO ont permis des réalisations nécessaires, notamment dans les pays sous-développés où se trouvent les enjeux futurs de notre monde. Comment parvenir à un échange total de l'information et des connaissances si la plupart de ces pays ne disposent pas du matériel adéquat et des structures essentielles ? Comment également atteindre l'objectif idéal de l'IFLA, l'accès universel aux publications, sans efforts et concertation de tous les partenaires ? Outre la tenue de congrès et la production de documents, l'action conjointe de l'IFLA et de l'UNESCO a permis et permet la rencontre et l'échange entre bibliothécaires et responsables politiques. Rencontre préalable et indispensable à la possibilité pour chacun un jour de disposer des moyens de s'instruire et de s'informer.

Septembre 1992

  1. (retour)↑  IFLA : International Federation of Library Association. UNESCO : United Nations educational, scientific and cultural organization
  2. (retour)↑  Cet article présente une version résumée du mémoire soutenu en septembre 1990 pour l'obtention du DESS de Direction de projets culturels soutenu à l'ENSSIB (Villeurbanne)
  3. (retour)↑  IFLA : International Federation of Library Association. UNESCO : United Nations educational, scientific and cultural organization
  4. (retour)↑  Cet article présente une version résumée du mémoire soutenu en septembre 1990 pour l'obtention du DESS de Direction de projets culturels soutenu à l'ENSSIB (Villeurbanne)
  5. (retour)↑  Lettre d'Herman Liebaers datée du 9 avril 1971.
  6. (retour)↑  Les organisations bénéficiant de ce statut auprès de l'UNESCO participent activement à l'élaboration et à l'exécution des décisions et programmes et ne se cantonnent pas à donner un avis
  7. (retour)↑  Sociologie des relations internationales, Paris, Dalloz, 1988.
  8. (retour)↑  Il faut entendre ici l'ensemble des organisations internationales créé dans le sillage de l'ONU après 1945.
  9. (retour)↑  Pendant les années 70, l'IFLA a dû affronter les querelles entre associations de bibliothécaires chinois, certaines d'entre elles (Chine nationaliste) prétendant représenter l'ensemble du peuple chinois. Après plusieurs rappels à l'ordre, l'IFLA fut contrainte de cesser ses relations avec elles.