De l'introduction de l'image comme outil pédagogique en sciences de la terre
Claudine Kleb
Robert Mathieu
Le CADIST des sciences de la terre de l'université Pierre et Marie Curie, service commun de documentation installé sur le campus Jussieu depuis 1967 a, en relation avec l'UFR de géologie, décidé d'impulser une dynamique relative aux techniques audiovisuelles. Depuis 1987 des documents ont été acquis et gérés. Une réflexion sur les objectifs pédagogiques a été menée. Des moyens audiovisuels, matériel (magnétoscope VHS et téléviseur multistandards) et documents (diapositives, cassettes vidéo) ont été acquis. Leur gestion et l'information destinée à sensibiliser les utilisateurs a été faite. Un bilan financier permet de mieux cerner le coût d'une telle opération.
The Earth sciences « CADIST » of the University Pierre et Marie Curie, common reference service seated in the campus of Jussieu since 1967, decided, with the department of Geology, to impulse a dynamics to audiovisual techniques. For 1987, documents and materials have been obtained and managed, thinkings about pedagogical objectives have been got, information to users has been done... A financial assessment allows to define better the cost of such an operation.
Née en 1962 comme bibliothèque de la faculté des sciences de l'université de Paris, installée sur le campus Jussieu en 1967, la bibliothèque interuniversitaire scientifique Jussieu, créée en 1978, est le Service commun de la documentation des universités Pierre et Marie Curie et Denis Diderot. Héritière des fonds en sciences exactes de la bibliothèque de la Sorbonne, la BIUSJ, exclusivement scientifique, remplit de par ses collections (200 000 volumes, 50 000 thèses, 6 250 titres de périodiques dont 3 000 en cours, 25 000 cartes), son histoire et sa situation géographique au centre de Paris, un rôle de pôle documentaire européen.
Au cœur des sciences de la terre
Nommée, en 1979, centre d'acquisition et de diffusion scientifique et technique (CADIST) en sciences de la terre, des océans et de l'environnement terrestre, du fait de la richesse et de l'ancienneté de ses fonds, elle s'est vue confier la responsabilité nationale de veille documentaire pour l'acquisition des documents primaires et la diffusion de l'information dans ces disciplines.
Cette bibliothèque est installée au cœur des bâtiments rassemblant la recherche en sciences de la terre. Celle-ci s'effectue pour une grande part au sein de l'unité de formation et de recherche « Sciences de la terre et évolution des milieux naturels » (UFR 28) qui regroupe dans l'université Pierre et Marie Curie tous les domaines de cette discipline.
La nécessité d'utiliser les documents audiovisuels s'est manifestée parmi un certain nombre d'enseignants et chercheurs géologues, utilisateurs de la bibliothèque.
Par ailleurs, la Direction des bibliothèques (DBMIST) souhaitant financer des projets propres aux CADIST, il est apparu important au responsable des sciences de la terre d'impulser une dynamique relative à ces techniques au sein de l'UFR 28.
Les images vidéo
Durant la dernière décennie, le développement des sciences de la terre s'est accompagné d'un foisonnement d'images naturelles et de synthèse.
Les techniques vidéo modernes d'acquisition des données en recherche, tant sur le terrain qu'en laboratoire, sont encore trop souvent ignorées dans l'enseignement supérieur.
L'organisation de grandes expositions ou festivals et les percées médiatiques sur quelques aspects spectaculaires de cette discipline ne sauraient suffire à éviter que celle-ci ne devienne réservée à un cénacle d'initiés. Avec l'astronomie, les sciences de la terre sont pourtant les seules disciplines qui permettent d'appréhender la notion de temps et d'accéder à une vision historique de l'aventure planétaire.
Il existe de nombreux documents réalisés par des équipes scientifiques dans le cadre de campagnes de recherche nationales ou internationales dans les domaines océanique ou continental et dans l'espace. Ceux-ci traitent généralement des phénomènes liés à la tectonique des plaques.
Dans un avenir très proche, un autre flot d'images va grossir dans des domaines en plein essor qui tentent d'éclairer le futur à la lumière du passé : climatologie, hydrogéologie, pollution, production océanique, réserves énergétiques et risques naturels. L'enseignement doit rattraper son retard et ne peut manquer une seconde fois un tel rendez-vous.
Création à l'université Pierre et Marie Curie
En 1987-1988, un certain nombre de documents ont été acquis. Une commission vidéo, en 1989, s'est constituée à la demande conjointe du directeur de l'UFR et du responsable du CADIST avec comme objectifs d'évaluer les besoins des enseignants, de diffuser et de faire des propositions afin que soit mis en place un service vidéo efficace et adapté aux enseignements de haut niveau en sciences de la terre.
Diverses réunions de travail ont d'abord eu pour buts de définir quels moyens techniques puis financiers permettraient d'atteindre cet objectif. Ce groupe de travail s'est aussi concerté de manière à partager les domaines d'activité (politique d'acquisition de documents ou de matériel). Par ailleurs, les problèmes liés au copyright et aux droits d'auteur et de consultation ont été examinés.
Objectifs pédagogiques
Les techniques audiovisuelles dans la formation des étudiants facilitent les observations collectives. Elles permettent d'utiliser des documents vivants, variés et en prise avec l'actualité.
Cette collection d'images intégrées doit promouvoir l'analyse des problèmes à différentes échelles et sous différents angles. Tout doit contribuer à aider l'étudiant à « décloisonner » ses connaissances.
Les objectifs que nous avons définis portaient sur :
- l'insertion des techniques audiovisuelles dans l'enseignement en salle ;
- la création d'outils de travail individuel ;
- la création de documents pédagogiques à thème par des groupes d'enseignants de spécialités géologiques différentes, dans le but d'adapter le contenu de l'enseignement à l'évolution des connaissances ;
- la projection d'images microscopiques optimisant le travail en groupes, par l'interactivité entre l'enseignant et des observations effectuées simultanément par tous. Il s'agit là d'une utilisation spécifique en pétrologie ou micropaléontologie.
Fonctionnement et utilisation des moyens audiovisuels
Dans le cadre de l'opération que nous avons lancée en 1988, nous avons été confrontés à un certain nombre de problèmes spécifiques dûs à l'utilisation des techniques audiovisuelles scientifiques comme complément pédagogique au sein de l'université. A côté des documents commercialisés, les chercheurs de l'UFR sont des créateurs d'images élaborées lors des campagnes océanographiques, de terrain ou au laboratoire. Il est apparu nécessaire de rassembler ces images, de les répertorier dans un même lieu accessible à tous, à tout moment, sur simple demande.
En même temps il fallait mettre à la disposition des enseignements du matériel permettant de présenter à tout un groupe la même image microscopique.
Le matériel
En ce qui concerne les diapositives, il a été acquis une table lumineuse et une visionneuse grand format. Les diapositives sont regroupées dans des classeurs à pochettes transparentes. Ce matériel permet à l'enseignant de choisir judicieusement les documents dont il a besoin. Les diapositives et ce matériel se trouvent dans les locaux de la bibliothèque.
Pour la vidéo, les problèmes sont plus complexes.
D'abord, s'est posé le choix du format des documents. Le format VHS a été retenu pour des raisons diverses :
- le prix du matériel de projection et des documents sont plus abordables dans le contexte des crédits universitaires ;
- le matériel de format VHS, de dimension compacte, est plus aisément transportable et utilisable dans des locaux non spécifiques ;
- de plus, le format VHS, d'usage plus répandu dans le domaine de l'enseignement, permet une utilisation plus souple ; par exemple, l'enseignant peut plus facilement emprunter les documents, les visionner chez lui afin de préparer son cours (le format U-MATIC non retenu, semi-professionnel, est moins maniable).
Le format VHS pose néanmoins un certain nombre de problèmes quant au système de décodage des couleurs (standards) : SECAM en France, PAL en Europe, NTSC aux Etats-Unis et au Japon. Les cassettes vidéo en sciences de la terre sont produites dans les trois standards. Ainsi, nous avons acquis du matériel de lecture et de projection VHS multistandard.
La projection d'images microscopiques a nécessité l'installation d'une caméra adaptée sur un microscope, reliée à un moniteur à haute définition d'image.
Dans l'univers spécifique du campus Jussieu, la sécurité des biens étant incertaine, les enseignements étant dispersés dans des salles réparties sur cinq étages et cinq corps de bâtiments, nous avons opté pour un matériel mobile entreposé dans des locaux blindés. Le grand nombre d'utilisateurs intéressés imposent une organisation de réservation d'emploi du matériel. Un planning journalier est établi mensuellement.
Les documents
La politique d'acquisition est définie par les utilisateurs au cours de réunions de travail régulières. A cette occasion, sont examinés à la fois :
- les demandes ponctuelles pour un enseignement donné ;
- les catalogues de producteurs (SPOT-image, CNRS audiovisuel, Centre national d'études spatiales, Institut français du pétrole,...) ;
- les bibliographies spécialisées (Scientific books and films,...) ;
- les critiques analytiques publiées dans les périodiques spécialisés en sciences de la terre (Eos, American association of petroleum geologists bulletin, Geological society of America bulletin, Géochronique,...) ;
- les comptes rendus de festivals scientifiques (Palaiseau, Rencontres internationales de l'audiovisuel scientifique, Festival universitaire en sciences de la terre) ... ;
- les publicités.
Ces documents diffusés dans l'un des trois standards ont nécessité le choix de l'achat de matériel de lecture multistandard.
Dans un juste partage des dépenses, l'acquisition des documents est pris en charge par la bibliothèque CADIST.
Du fait de la fragilité des circuits commerciaux de diffusion, les cassettes vidéo sont parfois difficiles à acquérir et, comme la qualité des enregistrements magnétiques n'est visible qu'à la lecture, une vision est obligatoire avant paiement afin de détecter les défauts.
Des listes analytiques de ces documents ont été établies puis largement diffusées. Elles sont accessibles sur demande.
Un certain nombre de problèmes peuvent survenir du fait du support (démagnétisation des bandes).
Quelques précautions doivent être prises :
- éviter le passage à travers des détecteurs magnétiques...,
- ne pas stocker à proximité de champs magnétiques intenses (enceintes acoustiques) ou de source de chaleur,
- rembobiner et ranger verticalement les bandes.
Pour le prêt il est demandé une déclaration sur l'honneur de non-duplication à tout emprunteur.
Promotion
Des journées d'information ont été organisées à la bibliothèque CADIST afin de faire mieux connaître le fonds de documents et le fonctionnement du matériel.
Plusieurs campagnes d'information par affichage et envoi de circulaires ont été destinées à sensibiliser les enseignants à l'usage de ces documents.
A l'occasion de ces « Journées portes ouvertes sur l'audiovisuel », des présentations critiques de films ont été faites par les auteurs ou des producteurs universitaires ou d'établissements publics.
Bilan
Après trois ans d'utilisation, nous pouvons constater l'intérêt des enseignants pour ce type de documents.
Il est apparu un certain nombre de difficultés dues à l'organisation de l'enseignement. En particulier, dans le cadre rigide des horaires imposés des cours, des travaux dirigés et pratiques, il est difficile d'utiliser ces documents de manière développée.
Néanmoins, l'utilisation par les enseignants des images vidéo a été expérimentée avec bonheur, à tous les niveaux de l'enseignement de la géologie à l'université Pierre et Marie Curie.
Un autre type d'utilisation des enregistrements vidéo, testé par ailleurs, celui du libre accès des étudiants à l'image scientifique sans accompagnement pédagogique, montre le sous-emploi de ces documents.
Le développement de la création de documents pédagogiques, encore à ses débuts dans notre université, sera la conséquence d'une fréquente et pertinente utilisation des images vidéo.
L'image scientifique constituant une partie de la culture de l'étudiant de cette fin de siècle, nous envisageons de développer la vision, l'observation et la réflexion sur les documents vidéo en sciences de la terre par l'organisation de séances de projection thématiques à l'usage des étudiants et des enseignants.
Juillet 1992