Le métier de libraire

par Jean-Claude Utard
ASFODELP.
Paris : Ed. du Cercle de la Librairie, nouvelle éd. 1992. - 336 p. ; 24 crn.
ISBN 2-7654-0481-1 : 220 F

Régulièrement édité depuis 1978, le Métier de libraire, que publie l'Association nationale pour la formation et le perfectionnement en librairie et en papeterie, a pour objectif d'aider à la formation de ceux qui travaillent en librairie, « quel que soit le degré de responsabilité dans l'entreprise commerciale ». Parallèlement, ce livre est devenu un ouvrage de référence pour tous les professionnels du livre, d'une part parce qu'il présente d'utiles données sur tout le monde du livre, des éditeurs aux acheteurs, d'autre part parce qu'il permet d'observer les pratiques et préoccupations des libraires.

Or, cette nouvelle édition, la dernière datant de 1988, propose un profond remaniement de ce manuel. Ainsi l'ancien plan en deux parties, « La librairie et son environnement » et « Savoir-faire et faire-savoir », est abandonné au profit d'un exposé en trois grands chapitres mieux équilibrés.

L'essentiel des données actuelles

Le premier, intitulé « Le projet d'entreprise », nous présente les dispositions de la loi du prix unique du livre, puis les caractéristiques de l'édition, du marché du livre, de la demande, et enfin nous propose une réflexion sur les objectifs économiques et culturels de l'entreprise. Certes, le vocabulaire employé correspond aussi à une certaine mode actuelle : les entreprises développent une culture d'entreprise, elles ont un « projet sociétal », etc. Cela étant, il est juste de rappeler que nombre de libraires ont une certaine idée, militante, de leur rôle, de la lecture et des livres qu'ils défendent et que ce commerce a partie liée avec la culture et l'enthousiasme.

Par ailleurs, ce chapitre résume bien les grandes tendances du marché du livre : les dernières statistiques et enquêtes disponibles sont citées (hélas, celles de 1991 ne le sont point !). La demande de livres, par exemple, est analysée tant à partir des enquêtes sur les achats que viennent de publier les Cahiers de l'économie du livre que des travaux récents sur la sociologie du livre. Le résultat apparaît très contrasté, avec autant de raisons de désespérer que de réconforter les libraires : les capacités de lecture de la population française augmentent, mais en même temps on assiste au vieillissement des acheteurs, et à une atomisation des lectures, celles-ci devenant « séquentielles » (on lit par périodes) et se dispersant sur beaucoup plus de titres ou de sujets que par le passé.

Notons enfin que ce chapitre a été utilement allégé : les tableaux statistiques sont moins nombreux que par le passé, les exposés sur les diverses sortes de prix du livre qui se sont succédé sont abandonnés, etc. Bref, l'information est plus pratique et résume l'essentiel des données actuelles. D'autre part ce chapitre s'ouvre à l'espace européen : des éléments de comparaison sont ainsi proposés sur le commerce du livre dans les autres pays de l'Europe. Je regretterai cependant que les chiffres cités soient par trop généraux : offrir le nombre de titres (et la France en produit bien moins que l'Allemagne, la Grande-Bretagne, voire l'Espagne) ne suffit pas à déterminer l'état de santé de l'édition. Il y faudrait au moins ajouter les tirages moyens. De même, ne faudrait-il pas se contenter de donner les pourcentages de consommation finale de loisirs des habitants de la CEE *, termes très flous, et ponctuels, mais plutôt fournir des renseignements sur les pratiques de lecture de ces derniers (pourcentages de non-lecteurs, de petits lecteurs, etc.).

Les deux autres parties sont bien évidemment concrètes et pragmatiques... Elles veulent apporter au libraire tous les renseignements nécessaires pour gérer son entreprise. Notons là encore que la nouvelle présentation est plus claire. Les informations sont désormais regroupées en quelques grands domaines, au lieu d'être émiettées en de trop nombreux petits chapitres, comme autrefois. En fin de volume, un glossaire vient donner succinctement des définitions et renvoyer à la page où le sujet est traité. Par exemple, la bibliographie fait partie du « Métier de libraire au quotidien », alors que l'inventaire physique du stock renvoie à « L'économie de la librairie ».

Gérer et prévoir

La seconde partie est maintenant intitulée « La librairie, outil de communication ». Sont traités les assortiments, la vente, les animations et promotions, tous objets qui autrefois n'étaient vus qu'à la fin de l'ouvrage, après la gestion financière... Le changement est plus que symbolique... Il me semble aussi fort rationnel : les finances ne sont-elles point déterminées par la rencontre entre l'assortiment proposé et la clientèle desservie ? Le libraire n'est-il point aussi un médiateur ?

La dernière section, « La conduite du développement de l'entreprise : gérer et prévoir » envisage tant le quotidien du travail, que la gestion financière, sociale et humaine de la librairie. Deux aspects nouveaux ont été ici bien développés : l'étude des ratios (indicateurs de gestion de la librairie) et celle de l'outil informatique... deux domaines qui ne manqueront pas de rappeler quelques préoccupations actuelles aux bibliothécaires...

Enfin, l'ouvrage se clôt sur les annexes habituelles, bibliographie, adresses... Y est ajouté le texte du premier protocole d'accord sur les usages commerciaux de la librairie, protocole issu de la médiation Cahart, et fort important quant à l'avenir de la librairie puisqu'il porte sur les conditions de vente et de remises que les éditeurs accordent aux libraires. A l'heure où l'avenir du livre et de la librairie font l'objet de débats et d'interrogations, on ne saurait trop recommander d'aller se promener dans les pages de cet ouvrage, à la fois dense et pratique. Il permet de mieux comprendre les enjeux économiques et culturels du livre.