Illettrisme

Martine Poulain

Le Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme vient de rendre publiques de nouvelles tentatives pour mesurer l'illettrisme en France *. L'étude porte sur les appelés. 420 000 jeunes sont incorporés dans l'armée pour leur service militaire chaque année. Sur cet ensemble, 25 à 30 % déclarent « avoir un niveau inférieur ou égal à la classe de troisième et ne posséder aucun diplôme ». C'est à ceux-là qu'un test d'évaluation a été proposé. Ce test contenait sept épreuves, « chacune révélant un degré particulier de performance de lecture », soit :
- épreuve 1 : décodage de mots grammaticaux monosyllabiques. Lecture à voix haute des cinq combinaisons syllabiques proposées.
- épreuve 2 : décodage de mots isolés. Lecture à voix haute des cinq mots proposés.
- épreuve 3 : identification du sens des mots isolés. Face à une image, cinq mots sont présentés ; un seul correspond à l'image.
- épreuve 4 : identification du sens des phrases simples. Face à un dessin, quatre phrases sont présentées ; une seule correspond au dessin.
- épreuve 5 : capacité à prendre en compte le contexte. Dans un petit texte de 42 mots, cinq mots ont été enlevés.
- épreuve 6 : capacité à maîtriser la mise en relation d'ordre logique et chronologique de deux propositions.
- épreuve 7 : capacité à lire à vitesse moyenne et à comprendre ce qu'on lit. Un texte de 70 mots est proposé. Lecture et questions de compréhension sont demandées.

106 415 appelés ont passé les épreuves et ont été ainsi classés :
- niveau de lecture 1 (NL1) : nul (3,88 %)
- niveau de lecture 2 (NL 2) : déchiffre les syllabes (2,14 %)
- niveau de lecture 3 (NL3) : comprend les mots isolés (7,13 %)
- niveau de lecture 4 (NL 4) : comprend les phrases simples (17 %)
- niveau de lecture 6 (NL6) : prend en compte le contexte (16,66 %)
- niveau de lecture 7 (NL7) : maîtrise les relations logiques et chronologiques (25,3 %)
- niveau de lecture 8 : lit un texte de 70 mots à la vitesse de la parole et en comprend le sens (24,3 %).

Soit, si l'on regroupe les niveaux : « 9,59 % n'ont aucune possibilité d'accéder au sens des mots ; 24,11 % ont une compréhension de mots isolés et de phrases simples ; 41,95 % possèdent les mécanismes élémentaires de contextualisation et de relations interphrastiques ; 24,36 % ont atteint un seuil d'efficacité dans la lecture ». Rappelons que ces pourcentages ne s'appliquent qu'aux seuls appelés qui avaient déclarer ne posséder aucun diplôme. Les auteurs du commentaire de l'enquête (Alain Bentolila et J.N. Vernizeau en collaboration avec des membres du GPLI) ont ensuite proposé une tentative d'extrapolation de ces résultats à la population totale des appelés. Ceci donnerait : NL 1,1 % de l'ensemble ; NL 2, 0,55 % ; NL 3, 0,92 % ; NL 4, 1,85 ; NL 5, 4,37 ; NL 6, 4,3 ; NL 7, 6,53 ; NL 8, 80,49. Au total, « 6,5 % des jeunes gens sont éliminés par la lecture du texte », 9 % « sont incapables d'aller au-delà de la phrase simple » et 80 % « ont réussi à lire et à comprendre un texte court ». Des croisements complémentaires mettent bien sûr en évidence que « plus le niveau scolaire est élevé, plus les résultats sont satisfaisants ».

Un rapport, qui pour être bref, n'en est pas moins riche en informations d'une grande précision.

  1. (retour)↑  Approche de l'illettrisme en France : premiers résultats à partir du test passé à la Direction centrale du Service national depuis mai 1990, Paris, Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme, janvier 1992, 23 p.