Les collectivités locales et la lecture publique
Annie Le Saux
Un projet de loi relatif à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique, préparé par le ministre de la Culture, le secrétaire d'Etat aux grands Travaux et le secrétaire d'Etat chargé des collectivités locales a été présenté par Jean-Pierre Sueur au conseil des ministres du mercredi 22 avril. Ce projet vise, six ans après le transfert des compétences en matière de culture, à réformer la dotation de l'Etat aux collectivités territoriales, avec un double objectif : favoriser la lecture publique en milieu rural et équilibrer au niveau régional le projet de la Bibliothèque de France. Il s'agit, en fait, d'une part, d'une nouvelle distribution de la dotation générale de décentralisation (DGD) des communes et des départements, et d'autre part, d'une majoration provenant du secrétariat d'Etat aux grands travaux destinée à encourager la création de bibliothèques municipales à vocation régionale.
Situation actuelle
Depuis la loi du 9 janvier 1986, la dotation générale de décentralisation des communes, par le concours particulier « bibliothèque », aidait au financement des bibliothèques municipales par des crédits répartis par les préfets de région selon deux parts, une pour les dépenses de fonctionnement - 100 millions en 1992 - et l'autre pour les investissements - 200 millions en 1992.
La dotation générale de décentralisation des départements intégrait dans sa masse globale les crédits de fonctionnement alloués aux bibliothèques centrales de prêt, soit, pour 1992, 212 millions de francs. Les crédits d'investissement, soit 62 millions de francs, conservés par le ministère de la Culture afin d'achever le programme d'équipement des BCP, en cours depuis 1986, seront intégrés, une fois les opérations achevées, dans la dotation générale de décentralisation.
Le projet de loi
Le nouveau dispositif prévoit dans la DGD des communes, par le biais du concours particulier des bibliothèques municipales, l'introduction d'une troisième part pour les grands projets à caractère régional. Cette troisième part serait financée, en partie, par une somme affectée par le secrétariat d'Etat aux grands Travaux. Cette participation s'élèverait, pour 1992, à 20 millions de francs.
Cette dotation, limitée à 6 ans, sera réservée, précise Jean-Pierre Sueur, aux communes ou aux groupements de communes de plus de 100 000 habitants, désireuses de former un réseau de bibliothèques municipales à vocation régionale, afin de jouer un rôle fédérateur de la lecture à l'échelon régional et susceptibles de devenir des pôles associés de la Bibliothèque de France. Ces bibliothèques devront répondre notamment à « des conditions de surface, d'importance du fonds et de diversité de supports documentaires, d'aptitude à la mise en réseau et d'utilisation de moyens modernes de communication ». On compte actuellement onze villes ayant des projets recensés : Besançon, Dijon, Limoges, Marseille, Montpellier, Orléans, Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, Toulon.
De 1992 à 1998, la somme qui semble pouvoir être dégagée pour ce projet devrait être supérieure à 300 millions de francs.
Le deuxième point de ces nouvelles dispositions législatives concernant la lecture publique vise à répondre à des besoins nouveaux, comme la lutte contre l'illettrisme, les démarches d'insertion, les loisirs culturels et donc à encourager le développement de la lecture en milieu rural en renforçant le réseau des BCP Dans ce but, un concours particulier est créé au sein de la DGD des départements pour achever les travaux d'investissement des BCP et pour le soutien des départements aux investissements des petites communes de moins de 10 000 habitants dans les bibliothèques. En outre, un aménagement du texte existant aura pour effet de faciliter la construction d'annexes de proximité dans les quartiers des villes.
Le cinéma
Le projet de loi contient une deuxième partie concernant le cinéma, dont l'objectif est de favoriser le maintien des salles, en particulier dans les petites villes. Jusqu'à présent, les communes ne pouvaient pas apporter d'aide directe au cinéma, celle-ci étant liée au financement de la région. Le projet de loi autorise les communes et les départements à verser des subventions, « dans le respect de la liberté du commerce et de l'industrie », aux exploitants de salles.
D'après les déclarations de Monsieur Jean-Pierre Sueur, ce nouveau dispositif en faveur de la lecture publique et du cinéma, soumis en première lecture au Sénat dans le courant du mois de mai, devrait être mis en œuvre en 1992.