Les bibliothèques d'un autre type
Le « tiers réseau »
Claudie Tabet
La France, longtemps sous-équipée en bibliothèques publiques, a bénéficié du dynamisme des mouvements associatifs et syndical, précurseurs de la diffusion du livre en direction des publics spécifiques (hôpitaux, prisons, comités d'entreprise...). Depuis 1981, grâce à l'effort sans précédent de l'Etat et des collectivités territoriales, l'offre de lecture s'est profondément modifiée, notamment par la construction de nombreuses bibliothèques municipales et départementales. Les activités associatives, irremplaçables pour assurer la présence diffuse du livre sur l'ensemble du territoire, évoluent dans le cadre d'une coopération étroite avec les bibliothèques publiques, qui assurent un rôle de centre-ressources et de formation du « tiers réseau ».
France, after having been for many years underequipped with public libraries, has benefited from the dynamism of Unions and Associations which were the forerunners in dispensing books to specific audiences : hospitals, jails, companies,... Since 1981, thanks to the unprecedented efforts of the State and local authorities, the reading supply has deeply changed mostly due to the building of many public and régional libraries. Associations with which no one can compete to ensure a large diffusion of books all over the territory are developping a very close relationship with the public libraries system, thus playing a role in becoming a resource and training center for this « tiers réseau ».
Certaines institutions publiques (établissements hospitaliers et de soins, établissements pénitentiaires) ainsi que des organismes privés (associations d'origine confessionnelle, associations d'éducation populaire, comités d'entreprise) ont mis en place des bibliothèques en direction de publics spécifiques.
Dans certains cas, ce « tiers réseau » a joué un rôle précurseur, antérieurement à la création d'une bibliothèque publique (BM-BCP 1), touchant des populations qui ne fréquentent pas, ou peu, les institutions traditionnelles, soit qu'elles ne se reconnaissent pas en elles, soit qu'elles les ignorent par méconnaissance ou par crainte. Mais ni leurs moyens, ni leur mode de fonctionnement ne garantissent le pluralisme de l'offre et ne leur permettent d'atteindre l'extension et la variété de services professionnalisés, financés par une collectivité publique. C'est ainsi que certaines bibliothèques associatives pratiquent le prêt payant (Culture et bibliothèques pour tous (CBPT), au coût du quotidien local), l'offre de lecture reposant essentiellement sur un bénévolat (souvent peu formé) et sur le don de livres, dont la qualité ne correspond pas toujours aux exigences légitimes des lecteurs d'aujourd'hui.
Dans la desserte du plus large public, les bibliothèques construites ces dix dernières années, grâce aux efforts sans précédent de l'Etat et des collectivités territoriales, sont appelées à se substituer naturellement aux bibliothèques associatives, ce qu'ont fort bien compris certaines d'entre elles.
Par contre, ces bibliothèques du « tiers réseau » s'adressent toujours à un public particulier, qui, pour des raisons diverses, doit faire l'objet d'une approche spécifique. Les bibliothèques municipales et départementales, disposant de personnel qualifié et de collections importantes et pluralistes, jouent un rôle de centres ressources pour celles du « tiers réseau ». Depuis la décentralisation, elles multiplient les aides techniques et entreprennent - avec elles - des actions et des formations en étroite coopération.
De fait, comme le soulignait le rapport Pingaud-Barreau (1982), ces bibliothèques sont irremplaçables pour assumer, sur l'ensemble du territoire, la présence diffuse du livre et de la lecture, tant qu'elles se maintiennent à un certain niveau de compétences. Irremplaçables également, en ce qu'elles entretiennent un vivier non seulement de lecteurs, mais aussi de futurs professionnels.
Depuis 1981, la DLL a contribué significativement à la « montée en puissance » de projets novateurs portés par un certain nombre d'associations nationales. Dès la décentralisation (1986), les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) soutiennent de nombreuses actions locales, particulièrement celles qui s'inscrivent dans une politique globale associant les partenaires naturels du développement de la lecture.
Les bibliothèques dans l'entreprise
Au début du XXe siècle, la formation et l'éducation de la classe ouvrière sont de plus en plus à l'ordre du jour.
Origine et évolution
La création des comités d'entreprise (CE), le 22 février 1945, marque une étape importante où la bibliothèque devient le véritable foyer culturel du comité d'entreprise. La deuxième étape s'illustre par une percée qualitative de l'offre de lecture en entreprise après que 1968 eut apporté une amélioration des conventions collectives. Enfin, une troisième étape amorce la coopération entre les CE et l'Etat, avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981.
Très vite, nombre d'entre eux saisiront l'opportunité de bénéficier des mesures innovantes proposées par le ministère de la Culture, alors même que la « crise » commence à faire sentir ses effets. Mais la décentralisation va de nouveau modifier les comportements en imposant de nouveaux interlocuteurs mal identifiés, que sont les DRAC.
L'enquête publiée en 1991 sur « la lecture en entreprise », que la Direction du livre et de la lecture (DLL) a confiée à l'Association des bibliothécaires français (ABF), indique que l'étroite coopération établie dans les années 81-86 entre les CE et la DLL s'est inégalement maintenue ou développée avec les instances régionales (DRAC). Toutefois, l'intérêt des CE pour l'enquête (32,46 % de réponses) et sa large diffusion ne manqueront pas de produire des effets à moyen terme.
Etat des lieux mais aussi véritable moyen d'information, cette enquête s'inscrit dans la politique volontariste de la DLL qui réaffirme à cette occasion l'indispensable rôle des BCE, comme élément important de la lecture publique.
Organisation des bibliothèques
La bibliothèque d'entreprise peut relever soit de l'autorité de la direction de l'entreprise (cas en voie d'extinction), soit de celle des comités d'entreprise ou d'établissement (voire de celle du comité central d'établissements). Toutefois, dans les administrations publiques où la loi ne prévoit pas l'équivalent des comités d'entreprise, des bibliothèques ont été créées, gérées et animées par des services sociaux (PTT, EDF/GDF 2). Le CE dispose d'un budget constitué par le versement, par la direction, d'un certain pourcentage de la masse salariale (cf. tableau 1). La part attribuée au développement de la lecture est très variable d'un CE à un autre, selon les priorités retenues.
Doivent être ajoutées à ce budget les subventions du CNL, de la DLL et, depuis 1986, des DRAC qui amplifient l'offre de lecture en entreprise et qualifient les services offerts.
Recensement statistique national
Contrairement aux années 80 où l'évaluation s'élabore en référence à des résultats fragmentaires, en 1990, le recensement des bibliothèques et des activités portant sur l'exercice 88 bénéficiera des données précieuses d'un groupe de travail, de l'enquête ABF (1983-1984), du rapport de la Direction du livre et de la lecture (1986) et des cinq enquêtes régionales réalisées ces dernières années à l'initiative des DRAC. Ce recensement, effectué à partir de sources nombreuses, dont le fichier du ministère du Travail, dénombre 1 272 bibliothèques sur 3 087 entreprises de plus de 500 salariés (INSEE 3).
Le taux de réponses, exceptionnel, est de 32,46 %. Cet échantillon de 413 établissements représente 223 BCE et, pour les bibliothèques en réseau, 94 SNCF 4, 72 PTT, 24 EDF/GDF.
Le rapport Vandevoorde, s'appuyant sur diverses sources, dont celles de l'Unesco, avançait en 1981 le chiffre hypothétique de 3 000 BCE. C'est à la même conclusion que nous arrivons aujourd'hui si l'on prend en compte les 1 815 entreprises de plus de 500 salariés non touchées par l'enquête, ainsi que les petites bibliothèques des entreprises de moins de 500 salariés. Encore faut-il s'entendre sur la définition minimale d'une bibliothèque.
Moyens et résultats fournis par l'enquête
Pour ce qui est du budget, la moyenne des dépenses est difficile à établir, compte tenu du faible taux de réponses à cette question. Sous cet angle, peu de progrès depuis 1981, mais l'informatisation récente des CE et BCE pourrait enrichir les données dans l'avenir.
Il reste que l'informatisation des BCE ne peut bénéficier du concours particulier réservé aux bibliothèques publiques, alors même que le ministère de la Culture et de la Communication et la Direction du livre et de la lecture en particulier considèrent ce réseau comme le deuxième grand réseau de lecture publique, en France, et l'incitent à s'informatiser. Il nous faut rechercher des solutions à ce problème, particulièrement pour les médiathèques de CE qui fonctionnent aux normes de la lecture publique.
Si l'on prend les seules BCE (223), quelques chiffres apportent un éclairage sur les dépenses dont la lecture ne peut être comparative, compte tenu de la nature de chaque échantillon (cf. tableau 2).
On ne peut que souligner l'effort important des CE (certes de valeur inégale selon les priorités retenues) pour assurer la présence du livre et des documents sonores dans l'entreprise (vidéo non comprise). Un mouvement se dessine vers l'équipement de club vidéo « culturel », dont l'investissement est en moyenne de 49 235 F par club.
En ce qui concerne la nature des prêts, le genre dominant est toujours la littérature générale, particulièrement le roman dans les petites bibliothèques tenues le plus souvent par des non-professionnels (élus, retraités, bénévoles). La courbe s'inverse dans les médiathèques où le documentaire et la BD 5 ont leur place. Depuis 1985, on observe une évolution sensible des collections (et animations) pour la jeunesse, de la presse et de tous les supports : la médiathèque tend à supplanter la bibliothèque (qui devient une annexe) dans les grandes entreprises. Cette nouvelle configuration rapproche le réseau des BCE de celui de la lecture publique. Le tableau 3 illustre l'importance des fonds.
Les emprunteurs - toutes catégories de documents confondues - représentent, en 1988, 41,10 % de l'ensemble des salariés des 142 BCE qui ont répondu à cette question (cf. tableau 4). La moyenne approche les 31 % pour la lecture en BCE, elle chute à 18,3 % aux PTT (16 % pour le réseau de lecture publique). D'une enquête à l'autre, la photographie des emprunts par catégorie socio-professionnelle est semblable : une majorité d'ouvriers se dégage. Ces résultats sont à pondérer compte tenu du bas niveau d'informatisation des bibliothèques. Toutefois, les interviews et visites des BCE permettent d'avancer que les caractéristiques spécifiques de la lecture en entreprise que sont la proximité, la convivialité, les horaires adaptés et le public ciblé en font un lien privilégié où les barrières culturelles s'estompent rapidement.
S'agissant des locaux, la majorité des bibliothèques dispose d'un local inférieur à 40 m2, surface estimée insuffisante par une majorité de BCE (cf. tableau 5) ; par contre leur localisation est le plus souvent satisfaisante. Le nombre de jours d'ouverture est - comme par le passé - dépendant de la présence ou non d'un professionnel. Or, si les bibliothèques sont aujourd'hui en majorité gérées par des salariés (58,2 %) - évolution sensible depuis quelques années -, on notera encore l'importance de l'intervention des bénévoles (24,66 %) et des élus du CE (15,25 %). Cette évolution est également repérable dans l'exigence de qualification annoncée dans les offres d'emploi. Reste que seulement 14,35 % déclarent avoir un diplôme (CAFB 6, diplôme universitaire) et 22,42 % avoir suivi une formation, dont la durée n'est pas précisée.
Enfin, si la coopération entre bibliothèques d'entreprise et avec le réseau de lecture publique a été fortement souhaitée ces dix dernières années, elle reste faible (21,61 %) dans les BCE et, par contre, en hausse dans celles qui sont en réseau. De même on a vu se développer les associations inter-CE et la signature de quelques conventions avec des communes. A cet effet, les DRAC ont joué un rôle incitatif et de soutien non négligeable.
Enfin, les animations autour du livre représentent un effort important des bibliothèques (62 %) avec une augmentation des activités en direction des enfants et du personnel. Quant aux activités de rencontres avec la création littéraire et artistique sous forme de résidences et d'ateliers d'écriture, elles sont l'apanage de quelques CE.
En conclusion, bien qu'elles soient d'inégale valeur, dans des locaux souvent exigus et manquant encore de personnel qualifié pour les gérer et les animer, les bibliothèques de CE contribuent néanmoins de manière importante et efficace au développement des pratiques de lecture des Français et par là-même infléchissent la chute de celles-ci, régulièrement observée, et ici démentie par les résultats de cette enquête.
Les aides du CNL contribuent à l'enrichissement du patrimoine écrit, la DLL et les DRAC soutiennent des projets innovants, notamment ceux qui resserrent les liens entre la création et les salariés. C'est ainsi que la Fureur de lire 92 valorisera une initiative inter-CE (Air-France, SNCF, Chantiers navals) à travers des créations croisées entre écrivains et photographes. Au-delà de l'aide ponctuelle des DRAC, la DLL soutient la démarche commune de l'ABF et des confédérations syndicales d'élaboration d'une Charte de la lecture en entreprise.
La lecture en prison
La lecture en prison est un droit non limité par la décision de justice ou le règlement intérieur d'un établissement pénitentiaire, y compris en cas d'internement psychiatrique, de mise en isolement ou de sanction disciplinaire.
C'est à partir de cette notion qu'une réflexion a pu être élaborée conjointement par le ministère de la Culture et celui de la Justice. Il eût été impensable pour l'administration pénitentiaire de définir in vitro une politique de la lecture. Elle aurait été techniquement inopérante, faute de techniciens compétents ; perverse, car adaptée à un milieu artificiel et provisoire, enfin socialement illégitime car il n'entre pas dans la mission de l'administration pénitentiaire de développer elle-même la lecture dans ses établissements. Il lui revient par contre, et c'est fondamental, de faciliter ce développement par la mise à disposition de moyens destinés à aider les professionnels du livre.
L'administration pénitentiaire s'efforce donc de développer des dispositifs diversifiés visant à favoriser une insertion sociale et professionnelle. La lecture et l'écriture sont au cœur de ces dispositifs.
1981-1985
La définition des principes d'une politique de développement de la lecture en prison, aboutissant en novembre 1984 à la création d'un poste de bibliothécaire professionnel à l'administration centrale, s'est faite à partir de deux études commandées par le ministère de la Culture : le rapport de Gérard Soulier (1982) et le rapport d'Isabelle Jan (1983).
L'état des lieux réalisé en 1983 indique qu'aucun établissement n'offre l'accès direct aux documents et que tous les détenus sont obligés de choisir leurs livres - recouverts le plus souvent de papier kraft - à partir de listes circulant dans les cellules.
Le 6 août 1985, le décret n° 85-836 énonce dans l'article D 445 du Code de procédure pénale le principe de l'accès direct pour les bibliothèques des établissements pénitentiaires.
De 1985 à 1991 une convention nationale annuelle est établie par la Direction du livre et de la lecture et la Direction de l'administration pénitentiaire, définissant objectifs et modalités de mise en œuvre de la politique de lecture en prison. Cette convention est un avenant au protocole d'accord signé par les ministères de la Culture et de la Justice en 1985.
1985-1992
Les actions de développement de l'apprentissage et des pratiques de lecture et d'écriture relèvent d'une politique culturelle globale mise en œuvre de manière partenariale.
L'apprentissage de la lecture et de l'écriture constitue la tâche prioritaire confiée à des enseignants mis à disposition par le ministère de l'Education nationale, ainsi qu'à des formateurs spécialisés dans la lutte contre l'illettrisme.
Les Directions régionales des affaires culturelles, les bibliothèques de lecture publique, les services culturels des collectivités territoriales et les institutions culturelles nationales sont les garants de la qualité des actions, pour des personnes momentanément prises en charge par l'administration pénitentiaire, comme pour tout citoyen.
Malgré l'existence de problèmes liés à l'exiguïté des établissements anciens et à la surpopulation, l'effort de restructuration des bibliothèques est continu ; entre 1985 et le 31 décembre 1991, 93 bibliothèques ont été mises en accès direct dans les 183 établissements, dans lesquelles se multiplient les animations ainsi que les ateliers d'écriture et de lecture (une trentaine) et l'édition de quelques écrits, co-production de détenus et d'écrivains. Citons au passage la création récente en prison de la première revue littéraire Liralombre à Fleury-Mérogis.
Le nombre moyen de livres disponibles s'établit à 8 ouvrages par personne détenue et le nombre de consultations par an et par personne est égal à 5. Certains établissements atteignent des taux très élevés de lecteurs (60 à 70 % à Fleury-Mérogis, Mûret, et Limoges).
La surface moyenne des bibliothèques est de 42 m2 (6 à 180 m2), et il n'existe pas de corrélation entre le nombre de détenus et la superficie de la bibliothèque.
Les bibliothèques publiques interviennent dans 62 % des cas, mais le détachement d'un bibliothécaire extérieur au moins un jour par mois n'existe que dans 17,5 % des bibliothèques. Il varie alors de 1 à 20 jours. Dans chaque établissement, au moins un détenu est chargé de la gestion quotidienne, mais ils n'ont reçu une formation que dans 46 d'entre eux.
Ce premier bilan fait apparaître une grande hétérogénéité de mise en place de la politique initiée par les deux directions ministérielles concernées.
Cette hétérogénéité et l'extension du programme de décentralisation et déconcentration ont abouti pour 1992 au remplacement de la convention nationale par une circulaire interministérielle rappelant les principes directeurs de cette politique conjointe et les normes de fonctionnement nécessaires à sa mise en place.
La généralisation des conventions régionales et locales (comme à Poitiers, Nantes, Grenoble, ...) doit porter sur le terrain cette volonté partenariale et permettre son inscription dans la durée.
Cette politique interministérielle volontariste a véritablement transformé quantitativement et qualitativement l'offre culturelle en prison. Avec l'existence d'une centaine de bibliothèques en accès direct (fin 1992) s'ouvrent des perspectives nouvelles de coopération entre bibliothécaires, enseignants et formateurs, tout particulièrement dans les dispositifs de lutte contre l'illettrisme. Enfin, la DLL a souhaité évaluer les effets de cette politique de la lecture, en proposant à la Justice le co-financement d'une étude qui se déroulera en 92-93.
La politique interministérielle Justice-Culture ne se limite pas aux prisons. En 1990, la DLL s'est engagée dans un partenariat avec la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) par la signature d'une circulaire commune incitant les structures de la PJJ à se rapprocher des bibliothèques publiques.
Enfin, un supplément à la Lettre d'information du ministère de la Culture rendra compte en 1992 des actions culturelles organisées en direction des détenus et des jeunes sous protection judiciaire.
Les bibliothèques des établissements hospitaliers
La lecture à l'hôpital marque ses origines en 1634 sous le vocable de « distraction des malades ». Les premières mesures datent de 1845, confortées par des circulaires et arrêtés du ministère de la Santé publique (1947-1948) instituant l'obligation de créer une bibliothèque et d'y consacer des crédits, à percevoir sur la journée du malade (0,25 % en 1952). Depuis les années 80, le prix de journée n'existe plus. Avec la décentralisation, le choix d'une politique de la lecture relève de plus en plus de la volonté des établissements hospitaliers et de leur tutelle.
Les gestionnaires et animateurs de bibliothèques
Les données recueillies par la Direction du livre et de la lecture, sur l'exercice 1990, proviennent d'un état des lieux chiffré et d'analyses fournis par la bibliothèque centrale de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), par la Fédération nationale des associations de bibliothèques en établissements hospitaliers (FNABEH) et d'une enquête d'opinion réalisée en 1990 (1 231 questionnaires traités), à son initiative.
Depuis 1981, on assiste à une évolution importante des fonctionnements et pratiques, notamment depuis la création de la FNABEH en 1981 et celle d'un service central des bibliothèques à l'AP-HP. Sur le territoire, on observe une double situation, que ce soit au niveau statutaire ou en ce qui concerne le regard porté sur le malade et la conception de l'offre qui en découle :
- un secteur statutaire, essentiellement représenté par l'AP-HP dont le professionnalisme s'affirme par le recrutement de 26 bibliothécaires diplômés (25 CAFB et 1 ABF), auxquels sont associés 130 bénévoles, sélectionnés sur entretien par les professionnels qui leur dispensent une formation. A l'échelon des collectivités territoriales, on rencontre deux exceptions : Givors et La Rochelle. Dans ce dernier cas, deux bibliothécaires municipaux sont détachés à l'hôpital de La Rochelle, par convention entre les deux parties. Dans ce secteur, le malade est considéré comme un lecteur à part entière et toute censure sur le choix des livres est catégoriquement écartée ;
- un secteur associatif en développement (12 000 bénévoles recensés), où la sensibilité humanitaire prédomine, représenté majoritairement par la FNABEH qui fédère - tout en respectant leur identité propre - une variété d'associations locales : CBPT-OCB 7, « Les amis de la bibliothèque », « La distraction des malades », « La Croix-Rouge française », ... Cette fédération reçoit le soutien actif de la Fondation de France, depuis deux ans. Dans ce secteur, une forme de censure existe (on protège le malade de certaines lectures), comme l'illustrent par exemple les commentaires résumés d'ouvrages conseillés dans le Chariot, bulletin de liaison trimestriel.
Le réseau des bibliothèques de l'AP-HP
Le bilan 1990 indique que l'AP-HP, avec ses 22 bibliothèques, rayonne sur 19 groupes ou établissements hospitaliers (16 en Ile-de-France) et dessert à partir de sa bibliothèque centrale, les malades (50 %) ainsi que les personnels de l'AP-HP et leurs enfants (50 %). Seuls deux établissements ont des bibliothèques distinctes (Necker et R. Debré).
Malgré les 26 bibliothécaires (17 à temps plein) et 8 employés de bibliothèques, les effectifs sont jugés insuffisants ; certains hôpitaux de l'AP-HP ne fonctionnent qu'avec des bénévoles. Les surfaces des bibliothèques varient de 9 à 100 m2 (réserves non incluses), la signalétique en est absente dans 7 hôpitaux. Le budget fait apparaître une dotation globale de l'administration centrale d'un montant de 1 064 700 F et une subvention de la DLL de 180 000 F, à laquelle s'ajoutent des crédits d'achat de livres du CNL 8. Quant au budget annuel d'acquisition de documents (documents sonores en augmentation), il varie de 5 000 F (E. Roux) à 175 569 F (Beaujon).
Les 19 établissements hospitaliers représentent un total de 15 600 lits (41,5 % desservis) et 34 270 agents, médecins exceptés (25,6 % de lecteurs inscrits). Ces résultats, supérieurs à ceux d'autres bibliothèques d'hôpitaux, s'expliquent par une politique affirmée de la direction de l'AP-HP qui se traduit notamment par la signature d'une convention annuelle AP-HP/DLL, depuis 1986.
Lorsqu'on met en regard les prêts des professionnels et ceux des bénévoles de l'AP-HP, on est frappé de constater que les 22 bibliothèques professionnelles assurent à elles seules les 73 % des 280 000 prêts annuels (statistiques 1989). Les équipes de bénévoles varient de 1 à 16 personnes par établissement.
En 1982, un malade sur trois lisait, en 1992, deux malades sur trois lisent, soit 17,90 livres par lit. On peut expliquer ces résultats par la professionnalisation de l'offre ainsi que par le développement qualitatif des animations autour du livre, comme la Fureur de lire.
Les fonds varient, avec une moyenne par bibliothèque de 5 500 documents (tous supports), soit de 2 206 à 9 964 et de 1 000 à 6 000 documents dans les bibliothèques gérées par des bénévoles. Ces derniers consacrent l'essentiel de leur activité au prêt en chariot.
Les heures d'ouverture mensuelle de la bibliothèque s'échelonnent de 18 h à 68 h et celles des prêts en chariot par les professionnels de 18 h à 48 h. Dans les établissements gérés par des bénévoles, l'écart hebdomadaire est de 1 à 5 demi-journées.
Au vu des résultats statistiques de l'AP-HP, il nous faut relever la prééminence du professionnalisme sur le bénévolat et souhaiter que le recrutement de bibliothécaires, reconnus statutairement, se poursuive ainsi que la formation des bénévoles qui assurent une offre de lecture non négligeable (25 % des prêts). Depuis deux ans, l'AP-HP est assurée du soutien financier de la DDF 9 pour ses actions de formation (salariés et bénévoles).
La FNABEH
Parce que la Fédération nationale des associations de bibliothèques en établissements hospitaliers fédère un grand nombre d'associations locales de sensibilités diverses, les bilans de cette fédération nous ont semblé être une bonne photographie de l'offre de lecture proposée par les bénévoles à l'hôpital.
Créée en 1981, elle est placée sous le patronage du ministère de la Santé. Les statistiques annuelles de la FNABEH (exercice 1990) montrent que, depuis dix ans, sa représentation et ses activités ne cessent de croître. Elle fédère sur l'ensemble du territoire 49 associations regroupant 1 794 bénévoles (moins de 50 % sont formés) et 218 bibliothèques ou plus souvent « activités de lecture » (263 fin 1991), soit une activité par établissement représentant un total de 72 945 lits.
La FNABEH dispense une formation « maison » par correspondance (idem pour CBPT), particulièrement destinée aux bénévoles isolés géographiquement. La DLL incite cette fédération à s'associer au réseau de lecture publique, notamment pour bénéficier de formations inter-relais que dispensent les BCP (à leurs nombreux bénévoles), les CRFP 10, l'ABF, certaines agences de coopération...
Le nombre de lecteurs, en augmentation constante parallèlement à l'augmentation du nombre de lits, s'élève à 383 342 pour un total de prêts annuels de 853 239 ouvrages, soit 11,60 prêts par lit (17,90 par l'AP-HP, la même année). Par contre, la FNABEH constate une chute des prêts par lit (19,18 en 76) qu'elle tente d'expliquer par la chirurgie ambulatoire, la réduction du temps d'hospitalisation (75 % de moins de 5 jours) ainsi que par l'introduction de la télévision et la création de sonothèques que la FNABEH développe (24 789 emprunteurs dans 91 sonothèques).
La FNABEH bénéficie des subventions du CNL, particulièrement pour les fonds de livres en gros caractères. Elle n'est pas la seule, Culture et bibliothèques pour tous, qui fédère 90 bibliothèques à l'hôpital, est soutenue par le CNL depuis plusieurs années, ainsi que des associations locales dont les projets d'animation sont par ailleurs subventionnés par les DRAC.
Les lois de décentralisation ont modifié les procédures d'aide à la lecture avec la déconcentration des crédits. Des solutions doivent donc être recherchées avec le soutien des DRAC, entre les collectivités locales et les hôpitaux pour contractualiser l'offre de lecture. De même, l'Etat doit contribuer à la clarification de la législation dans ce domaine. C'est en ce sens que la Direction du livre et de la lecture va proposer au ministère de la Santé la mise en place d'un groupe de travail associant les partenaires de cette politique.
Consciente qu'une qualification de l'offre de lecture à l'hôpital implique une meilleure connaissance de l'existant, la DLL a proposé à la Fondation de France le co-financement d'une enquête nationale sur l'état des lieux et des pratiques de lecture à l'hôpital, en 1992. Il est probable qu'elle permettra l'ébauche d'initiatives nouvelles dans l'hôpital, notamment en direction des enfants hospitalisés, par le rapprochement souhaitable des interventions des bibliothécaires et des enseignants.
La Fédération nationale des foyers ruraux
L'évolution de cette fédération, depuis une dizaine d'années, nous incite à lui consacrer une place spécifique dans ce bilan.
La FNFR (71 fédérations départementales et 18 unions régionales) regroupe près de 3 000 structures. Son activité se déploie auprès de 4 955 communes avec 250 permanents, 500 emplois à temps partiel et 26 000 bénévoles ayant reçu 90 000 journées de formation. Elle diffuse la revue Animer qui rend compte de ses activités, notamment de celles en relation avec la création littéraire.
Plus d'un million d'usagers et 350 000 adhérents (recensement de 1987) confirment sa transformation.
La FNFR s'est dotée d'un Observatoire des pratiques culturelles -exemple unique dans le mouvement d'éducation populaire. Une étude a été réalisée en 1990 sur les actions menées en 1989 dans 68 départements, et soutenues par des crédits ministériels (Culture et Agriculture). Sur la thématique « livre et lecture », 39 départements et 18 régions ont été couverts. L'étude a recensé 350 bibliothèques, dont 223 sont gérées par les Foyers ruraux ; en appui, l'organisation de l'idnérance des « malles lecture », support de promotion du livre scientifique et technique. Là encore, la FNFR se distingue.
L'évolution ne se traduit pas par la multiplication des bibliothèques associatives, puisque de plus en plus de communes en sont équipées, mais par le développement du partenariat : 32 BCP, 15 communes, 11 conseils généraux, 9 DRAC, mais aucun conseil régional sur l'échantillon de l'enquête.
Toujours plus offensive, la FNFR a proposé une charte des bibliothèques rurales qui viserait à favoriser ce partenariat local, au moyen d'un contrat annuel d'objectifs définissant les rôles, missions et moyens de chacun des partenaires : élus locaux, professionnels du livre (BCP), responsables associatifs.
L'enquête indique encore que depuis une dizaine d'années, les Foyers ruraux considèrent le livre comme objet culturel prioritaire. Cette option s'illustre par de nombreuses activités, intitulées « Livre en vert » : colloques nationaux, ateliers d'écriture, résidences d'écrivains, itinéraires littéraires, éditions, expositions et animations diverses.
Rappelons que cette politique, en convention notamment avec le ministère de la Culture, semble ne pas avoir encore trouvé les aides locales que la décentralisation aurait pu lui apporter pour mener à bien sa mission de relais culturel.
« Les assocations représentent pour les communes rurales, et si les municipalités en font le choix, outre un vivier d'animateurs, le creuset possible des innovations dynamiques qui permettront aux petites bibliothèques d'affronter les défis du XXIe siècle », déclarait Bertrand Calenge, alors directeur de BCP, au colloque national FNFR « Vivre en livre » à Dijon en 1990.
La démonstration est ici faite que le soutien de l'Etat, et plus particulièrement celui du ministère de la Culture, qualifie l'offre culturelle associative et contribue largement au maintien des relais, indispensables dans le monde rural aujourd'hui en voie de désertification.
Les bibliothèques des mouvements de jeunesse
Les années 36 et 45 ont dessiné un large mouvement d'éducation populaire duquel émergent quelques grandes fédérations, ayant en leur temps, voire encore aujourd'hui, assuré la gestion et l'animation de bibliothèques et de clubs de lecture.
Dans l'ensemble, au niveau des fédérations nationales interrogées sur leur réseau de bibliothèques, on constate une absence d'information, d'état des lieux et d'évaluation des politiques départementales et locales. Le terme de décentralisation de leurs activités a souvent été avancé pour expliquer (ou justifier) cet état de fait.
Le mouvement associatif a, semble-t-il, recentré son intérêt pour la lecture en développant les animations et des actions de lutte contre l'illettrisme notamment et, pour certaines associations locales, en coopération avec le réseau de lecture publique qui s'est fortement développé ces dix dernières années.
Fédération française des maisons de jeunes et de la culture
Agréée par le ministère de la Jeunesse et des Sports (reconnue depuis 1946), la FFMJC a mis en place une politique nationale sur le livre et la lecture au début des années 1980.
Sur 1 200 MJC qui lui sont affiliées, 450 ont été interrogées par enquête en 1985. La FFMJC évalue alors à environ 10 % les MJC disposant d'une bibliothèque, dont certaines font office de bibliothèques municipales et reçoivent en conséquence un budget communal de fonctionnement, exceptionnellement du personnel détaché par la commune, comme par exemple à Evian. Alors qu'elles remplissent une mission de service public, elles sont menacées dans leur existence, la gestion reposant sur le seul bénévolat (peu formé) ou quelques contrats emploi-solidarité. Cette menace pèse par exemple sur la bibliothèque de la MJC de Dieuze (Moselle), canton de 4 000 habitants, qui, avec ses 1 223 lecteurs (298 en 1981) soit 30,57 % de la population, prête 16 146 documents à partir d'un fonds de 7 200 ouvrages (dont 1 500 de la BCP).
Il ressort des conclusions de cette enquête et de la réflexion d'un collectif « livre et lecture » que si les MJC peuvent être des relais indispensables, parallèlement elles peuvent « se battre » pour la création de bibliothèques municipales avec qui elles devront coopérer, notamment par une politique de formation conjointe (formations exemplaires dans la Drôme avec la BCP et l'ABF).
La FFMJC a également répondu favorablement au souhait de la DLL d'entreprendre une réflexion, particulièrement sur une méthodologie d'évaluation des politiques associatives, en matière de lecture.
Ligue de l'enseignement : fédérations des œuvres laïques
En l'absence de statistiques nationales rendant compte des activités des fédérations départementales, la Ligue indique que quelques bibliobus sillonnent encore les banlieues (deux en Seine-St-Denis et un dans le Val-d'Oise) ou certaines zones démunies culturellement (musi-bibliobus en Loire-Atlantique). Elle bénéficie, comme en 1980, de mise à disposition d'instituteurs sur des missions culturelles. La lecture est inscrite fortement dans un projet global de lutte contre les inégalités (illettrisme).
La Ligue préconise des actions en partenariat par la mise en réseau des compétences (professionnels et créateurs), des moyens (bibliothèques), des motivations de tous les acteurs locaux. Elle participe à des concours (Prix du jeune écrivain à Mûret) ainsi qu'à des projets de résidence d'écrivains en direction de tous les publics (FOL 22).
On peut penser que la création d'un ministère de l'Education nationale et de la Culture dynamisera cette association dans sa volonté partenariale et que ses actions en direction des scolaires refléteront l'action conjuguée de l'enseignement et de la culture.
Union nationale culture et bibliothèques pour tous
Par ses origines historiques et le public desservi, l'UNCBPT se distingue des mouvements de jeunesse laïques (FFMJC, Ligue de l'enseignement, Fédération Léo Lagrange, CEMEA 11,...). C'est en 1934, qu'est créé un service « Bibliothèques pour tous » au sein de la Ligue féminine d'action catholique. Sous l'influence de mai 68, s'exprime alors le besoin de se démarquer d'une église pour atteindre tous les milieux sociaux, d'où la création de l'UNCBPT en 1970 et l'agrément « Jeunesse et Sports » en 1973. L'UNCBPT fédère 89 associations départementales, regroupant 1 500 bibliothèques ou « lieux-lecture », 80 discothèques et 20 ludothèques, animées par 7 000 bénévoles ayant bénéficié d'une formation spécifique CBPT.
Le prêt de livres, qui est payant, s'adresse en majorité aux adultes ; toutefois le secteur jeunesse est en développement avec un tiers des prêts, sur un total évalué par l'UNCBPT à 6 500 000 par an, notamment prêts aux écoles.
Au-delà des activités habituelles autour du livre et de la lecture, l'UNCBPT publie une revue mensuelleNotes bibliographiques, des fiches, des sélections de livres et des dossiers thématiques. Elle fait également la promotion de la lecture par des actions de lutte contre l'illettrisme et participe à des programmes d'aides en direction de l'Afrique (Guinée, Madagascar).
Enfin, 21 bibliothèques ont participé à la Fureur de lire. Ce réseau fonctionne plus que d'autres « en circuit fermé » (formation, interventions, production bibliographique) et perpétue le prêt payant alors qu'il bénéficie d'aides importantes du CNL. On peut souhaiter qu'il s'ouvre davantage aujourd'hui à une véritable coopération avec les professionnels du réseau de la lecture publique.
Fédération nationale Léo Lagrange
Aucune information n'ayant pu être donnée à la DLL par la Fédération nationale Léo Lagrange sur son réseau de bibliothèques, nous aurions souhaité valoriser l'expérience innovante « Métro-Lire », sur la ligne 7 du métro, mais l'absence de moyens financiers et de personnels qualifiés l'a fait péricliter. Conformément à son objectif de création de nouveaux lieux de proximité, la Direction du livre et de la lecture a soutenu cette expérience pendant des années, sans jamais être relayée par d'autres financeurs. Gageons que ce réseau de lecture publique aurait accueilli autant de lecteurs que la bibliothèque du Métro de Marseille (annexe de la médiathèque) s'il avait été soutenu par le Service central des bibliothèques de la ville de Paris en convention avec la RATP et l'association Léo Lagrange.
De nouveaux espaces de lecture
Il est intéressant de mettre ici en valeur un réseau plus récent de petites bibliothèques associatives qu'est celui des Centres de vacances familiales, développé par les associations de tourisme, VVF 12 et Renouveau, en étroite coopération avec le ministère de la Culture (DLL et DDF) et certaines collectivités locales et grâce à l'implication forte de certaines DRAC.
Enfin, les années futures devront évaluer le développement des bibliothèques de loisirs, dans les casemes, suite à la signature récente d'un protocole d'accord entre les ministères de la Culture et de la Défense (1990). Une action pilote, initiée par la DRAC de Lorraine, se déroule à la caserne de Toul qui accueille depuis deux ans un écrivain et met à la disposition des appelés une bibliothèque de loisirs avec l'aide du Conseil général (BCP).
Conclusion
Un recensement exhaustif des bibliothèques associatives nécessiterait, comme en 1980, une enquête réalisée par les Directions départementales de la jeunesse et des sports. Aujourd'hui, il serait toutefois nécessaire de croiser ces données avec celles émanant des nombreux projets associatifs soutenus par les directions régionales des affaires culturelles. C'est un chantier qu'il faudra certainement entreprendre sous une forme partenariale élargie, en collaboration avec l'Education nationale et les acteurs de la politique de la ville, alors inexistante.
« En tout état de cause, la réponse à la question du dénombrement de ces bibliothèques dépend d'abord de la définition de l'objet recensé, c'est-à-dire du sens que l'on donne au mot bibliothèque. » Cette remarque du rapport Vandevoorde (1981) nous semble toujours être d'actualité.
Néanmoins, les bilans annuels sur la nature des subventions accordées par la DLL et les DRAC, cette dernière décennie, permettent de dégager quelques axes relatifs à l'évolution des activités autour de la lecture, initiées par le mouvement associatif. Un premier constat s'impose, depuis le rapport Vandevoorde, compte tenu de la formidable éclosion des bibliothèques publiques dans le paysage urbain et rural français (doublement des surfaces en dix ans). Auparavant gestionnaires de petites bibliothèques aux moyens extrêment limités, les associations comblaient avec beaucoup de conviction et de dévouement les carences du service public. Aujourd'hui, l'aménagement sans précédent du territoire - certes insuffisant et à poursuivre - ouvre des perspectives nouvelles pour les associations, en terme de politique partenariale.
Autre constat, le développement de ce partenariat s'illustre notamment par la transformation des activités de développement de la lecture qui relèvent moins de la gestion de mini-bibliothèques que d'une formidable dynamique de mise en réseaux de ressources et de compétences complémentaires. De nombreuses structures associatives (MJC, Foyers ruraux, FOL, CEMEA, ...) ont inscrit la lecture comme un de leurs axes prioritaires, notamment par la prise en compte de l'échec scolaire, de l'illettrisme, du rapprochement entre créateurs et publics peu lecteurs, de la relation entre insertion et pratiques culturelles. Ces orientations soulignent la nécessité d'un partenariat entre enseignants, bibliothécaires et professionnels du livre, associations, parents et collectivités locales.
Enfin, en même temps qu'elles adaptaient leurs activités à des besoins nouveaux et toujours plus exigeants (soutien scolaire, concours de poésie, résidences d'écrivains, ateliers d'écriture, fêtes du livre, éditions de recueils, de brochures, ...), ces structures prenaient la mesure d'une nécessaire qualification de leurs personnels, en majorité bénévoles. Qualification assortie d'aides importantes du ministère de la Culture (DLL-DDF). Depuis 1981, la DLL a toujours considéré que ces structures relais remplissaient un rôle irremplaçable aux côtés des services publics de la lecture. A l'écart des lourdeurs administratives, imaginatives, accessibles à un large public, ancrées dans le tissu local et proches des lieux de vie, elles favorisent - par leur fonction de médiation - des approches encore timides vers la lecture de loisir par un fonctionnement souple, ouvert et démocratique. Elles représentent par là-même des passerelles entre les publics et les équipements culturels.
L'effort particulier de la DLL mené en direction des publics spécifiques s'est fortement traduit par des aides aux acteurs associatifs que ce soit dans les quartiers, les entreprises, les hôpitaux, les prisons, les lieux de vacances et ceux de grande pauvreté. En ce qui concerne ces derniers, un réseau exceptionnel de bibliothèques de rue animées par des volontaires du quart monde est en pleine expension (75 en 1992), notamment grâce à des subventions annuelles de la DLL et du CNL. De même, une aide à hauteur de plus de 500 000 F a été apportée par le ministère de la Culture (DLL, DRAC, DDF) à la mise en œuvre d'une formation pilote de seize « médiateurs du livre » issus des quartiers défavorisés et du quart monde et accueillis (formation en alternance) dans treize bibliothèques publiques.
En renforcement des politiques nationales et accompagnant le processus de décentralisation, les conseillers au livre et à la lecture auprès des DRAC, partenaires privilégiés de ces nombreux acteurs locaux, impulsent et dynamisent la promotion de la lecture et les réseaux de lecture associatifs.
Les dernières années ont été essentiellement marquées par la volonté du ministère de la Culture de renforcer les moyens financiers et de proposer des dispositifs et cadres institutionnels permettant la cohérence des politiques de développement de la lecture, au plan national et au plan local :
- signature de protocoles d'accord interministériels avec l'Education nationale (1984), la Justice (1985 et 1990), Jeunesse et Sports (1989), la Famille ( 1989), la Défense ( 1990), les Handicapés et Accidentés (1990), suivie de la déconcentration des crédits ;
- circulaires avec l'Education nationale et la Protection judiciaire de la jeunesse (Justice) ;
- signatures de conventions de développement culturel avec les collectivités territoriales, pouvant impliquer les acteurs associatifs ;
- enquêtes et publications sur la lecture (petite enfance, jeunesse, handicapés, cultures minoritaires, comités d'entreprise, illettrisme, ...), outils d'évaluation et mode d'emploi des mesures nouvelles.
L'ensemble de ces dispositions a entraîné une dynamique associative aux côtés et en partenariat avec les services publics et les administrations centrales. La collaboration, renouvelée depuis trois ans, des associations au Plan-lecture de l'Education nationale dans les écoles, en est un exemple très significatif. Cette adhésion au travail partenarial dessine des horizons nouveaux et se démarque fondamentalement des pratiques associatives des années 80.
Pour saluer les efforts du mouvement associatif, on pourrait conclure avec Bemard Pingaud « que se sont multipliées, sur l'ensemble du territoire et dans toutes les directions, des actions en faveur du développement de la lecture, le plus souvent grâce à l'initiative des associations » 13.
Mai 1992