Spirale, revue de didactique et de pédagogie
- 246 p+163 p. ; 21 cm. (n° spécial: rééd. partielle des nos 1, 2, 3 ; n° 6 : Au théâtre de l'école).
La professionnalisation du métier d'enseignant exige de plus en plus des formateurs qu'ils s'engagent dans la recherche didactique et des institutions qu'elles diffusent leurs travaux dans le réseau de formation des maîtres.
A l'interface du terrain pédagogique et de la recherche universitaire, Spirale, créée en 1988, est un exemple de cette dynamique qui associe autour d'enseignants en IUFM * (lillois surtout) et instituteurs ou même inspecteurs pédagogiques du primaire.
Publication semestrielle à thème (le n° 8 est à paraître en avril 1992), Spirale s'intéresse prioritairement au domaine de l'école maternelle et primaire, sans option disciplinaire définie. Elle vise donc d'abord le public des enseignants du premier degré et surtout leurs formateurs. Elle accueille des contributions de types très divers (pratiques de classe mises en forme, comptes rendus ou présentations d'expérimentations ou d'innovations, mises en perspective théorique, revues de questions) sur des problèmes de didactique générale (comprendre, lire, évaluer) ou de didactique plus spécifique (théâtre, apprentissages scientifiques, instruction civique). Les articles sont en général solidement documentés et contribuent sérieusement au développement de la réflexion didactique et à la construction de séquences d'apprentissage.
La problématique dominante qui traverse les diverses contributions est d'ordre psycholinguistique. Les sciences de la cognition sont tout particulièrement mobilisées et les différents auteurs analysent volontiers, et finement, « le fonctionnement cognitif », « les aides à la compréhension », « les capacités d'attention », « les stratégies d'apprentissage », etc. La programmation des numéros semble tenir compte des réalités de l'actualité éducative institutionnelle (Evaluation nationale en CE2-6e en maths et en français, Plan lecture, Formation des maîtres) sans négliger, tant s'en faut, le questionnement et l'enrichissement du paradigme didactique contemporain (centration sur la logique de l'apprenant, problèmes des médiations du savoir mises en place par le maître, élargissement des contenus d'enseignement, par exemple).
Spirale travaille donc, hors de toute contrainte institutionnelle marquée, à une modernisation des pratiques didactiques. C'est un très utile outil de formation (ou d'auto formation assistée, comme c'est encore souvent le cas à l'Education nationale, malgré le développement récent et important de la formation continue) pour ceux qui souhaitent développer leur maîtrise professionnelle. La preuve en est que certains articles « circulent » parmi les formateurs, comme ceux d'Elisabeth Nonnon sur « L'étayage de l'adulte dans l'aide à la compréhension », de Francis Marcoin sur le texte comme « système paresseux », de Dominique Brassart (« Relire Cannelle »), ou encore de Francine Darras et Michelle Lusetti (« Image textuelle et compréhension »).
Reste que si l'on considère le désormais fameux « triangle didactique » (sujet apprenant -savoir à apprendre - maître de l'apprentissage) et les pratiques culturelles des élèves, les apprentissages spécifiquement culturels sont étrangements absents.
Comment envisager la possibilité de développer des pratiques théâtrales à l'école (et au-delà) et travailler les enjeux (ou résistances) culturels qui y sont liés sans tenir compte par exemple du fait que la fréquentation régulière d'un théâtre est aujourd'hui en France l'une des pratiques culturelles les plus distinctives ?
Comment traiter des évaluations nationales en lecture-écriture sans problématiser la surfocalisation des tests sur les compétences linguistiques et textuelles au détriment - complet - des compétences de communication et des compétences culturelles ? Comment parier enfin du « livre et de l'enfant » sans compléter « le point de vue du psychologue » par celui du sociologue de la culture, quand on sait à quel point ce que le lecteur lettré ressent comme une curiosité individuelle est en fait « une curiosité construite » (Martine Poulain, Pour une sociologie de la lecture...) ? Peut-être que cette « collaboration plus grande » à laquelle appelait l'éditorial du premier numéro trouverait son sens pratique si l'on travaillait avec d'autres partenaires à infléchir des « propensions culturelles qui ne vont jamais de soi » (Jean-Claude Passeron, intervention lors du Colloque Lecture et bibliothèques publiques organisé par la région Nord-Pas-de-Calais à Hénin-Beaumont, en 1981).