Le public étudiant à la bibliothèque interuniversitaire de Toulouse
Sylvie Fayet
Marie-Dominique Heusse
Les enquêtes sur le public étudiant - analyse des comportements et des attitudes face à l'offre documentaire des bibliothèques, mesure de la satisfaction des usagers - se sont beaucoup développées depuis le milieu des années 1980 dans les bibliothèques universitaires. Un certain nombre de principes communs se retrouvent dans ces différentes démarches d'enquêtes : sur le fond, la volonté de recueillir des données quantitatives sur un public connu jusque là seulement par des indicateurs statistiques, le souci surtout d'appuyer la détermination d'objectifs et de projets de développement sur une véritable politique d'évaluation : sur la forme, la pose orale des questionnaires par des équipes d'enquêteurs, et le traitement informatique des résultats. A la BIU de Toulouse, le projet a développé quelques éléments originaux par rapport à cette trame générale : la mise au point d'un questionnaire hiérarchisé permettant de rendre compte des différents comportements possibles (non-public, public utilisant la BIU comme lieu de travail seulement, public « consommateur » de ressources documentaires et de services spécialisés), accompagnement méthodologique de l'enquête, traitement informatique à la BIU d'exploiter elle-même les résultats.
Surveys about student users have very much expanded since the middle of the eighties in the academic libraries. Some common principles are in these different processes of surveys : about the content, the intention of collecting qualitative data about users only known before by statistical indicators and, above all, the worry to support the determination of objectives and developmental plans with a real evaluation policy ; about the form, some oral questionnaires by teams of investigators and computerized processing of the results. In the Toulouse inter academic library, the plan developped some original elements in relation to this general framework : the setting up of a questionnaire which allows to report the different possible behaviours, methodological accompaniment of the survey, computerized processing which allows the inter academic library to exploit the results.
Si les pratiques d'évaluation apparaissent désormais bien ancrées dans les bibliothèques universitaires, c'est peut-être que celles-ci disposent d'un support de choix pour ces études : le public étudiant, à la fois abondant, apparemment homogène voire captif, et pourtant extrêmement divers dans ses pratiques d'appropriation de la connaissance. L'augmentation accélérée, depuis plusieurs années, du nombre de ces étudiants, qui menace de faire échec au développement pourtant considérable des moyens des BU 1, nous contraint à une gestion de plus en plus rigoureuse et donc à une connaissance aussi fine que possible de ce public, dont les pratiques, les besoins et les attentes en matière de documentation apparaissent souvent décalés par rapport à l'offre des bibliothèques.
Ce même souci de l'évaluation a gagné l'ensemble de l'université, même si les préoccupations des bibliothèques restent à certains égards singulières. Pour les activités d'enseignement, en effet, l'accroissement des effectifs étudiants se traduit en calculs simples - du moins dans leur principe - de volume horaire de cours, de nombre de groupes de TD 2 ou de nombre de salles. Pour les bibliothèques, la réflexion normative qui a accompagné la vague de constructions des années 60 n'apparaît plus aujourd'hui que comme le souvenir d'une utopie 3. La réalité, ce sont des bâtiments de trois à quatre fois trop petits, en moyenne, pour accueillir les flots d'étudiants qui les envahissent ; c'est une multiplication des supports documentaires et des services spécialisés, coûteux, peu intégrés, mal connus et sous-utilisés ; ce sont enfin des projets de réforme des enseignements visant à diminuer les cours magistraux et à privilégier le tutorat, l'apprentissage de méthodologies et l'emploi de techniques d'autoformation, pour lesquels la participation des BU est parfois activement sollicitée.
Dans ce paysage en mutation, la connaissance des publics est donc bien un instrument essentiel de pilotage, pour ne pas dire un outil de survie. On peut d'ailleurs regretter à cet égard que les études engagées par nombre d'universités pour mesurer les taux de réussite ou d'échec et le devenir de groupes homogènes d'étudiants (les « suivis de cohorte ») n'englobent pas, dans les indicateurs qualitatifs, la fréquentation des BU.
La démarche de l'enquête présentée dans cet article a été réalisée dans le cadre du stage d'une étudiante de 4e année de l'Ecole des Chartes. Elle se situe dans la continuité des études menées depuis quelques années en région parisienne et dans certaines BU de province 4. Profitant de l'expérience des autres, ce travail apporte certaines innovations notamment sur deux points :
- la volonté d'appréhender dans la même enquête, mais en les différenciant, le non-public, le « public non utilisateur », et le public consommateur de documentation et de services. Ces approches successives par un questionnaire hiérarchisé permettent de mieux segmenter les résultats, et d'éviter des taux massifs de non-réponse à des questions pointues ;
- l'accompagnement méthodologique du processus d'enquête, sachant que les questionnaires seront posés par des non-professionnels de la documentation.
La bibliothèque dans l'université
La BIU 5 de Toulouse se compose de quatre sections en cinq implantations : droit et sciences sociales à l'Arsenal (université de Toulouse 1, en centre ville), lettres à l'université du Mirail, sciences à l'université Paul Sabatier, et enfin santé qui dessert également Toulouse 3 sur deux implantations distinctes, l'une à Rangueil, l'autre aux Allées Jules Guesde en centre ville.
L'étude des chiffres d'inscrits fournis par les systèmes informatiques de prêt fait d'emblée apparaître deux éléments peu surprenants dans la composition du public étudiant inscrit à la BIU : la prépondérance en valeur absolue des étudiants de 1" cycle, contrebalancée par un taux de pénétration croissant du premier au 3e cycle. Pour des appréciations plus fines, ces chiffres sont insuffisants, puisqu'ils ne tiennent pas compte des nombreux étudiants qui sont usagers de la BIU sans pour autant y être inscrits ; ils font en outre apparaître quelques usagers fictifs, en l'absence d'une gestion centralisée des inscriptions ; un même usager est compté autant de fois qu'il est inscrit à des sections.
Or ce sont justement les circulations d'une section à l'autre qui permettent de mieux apprécier la fréquentation de la BIU. L'Arsenal en particulier draîne près de 1 600 étudiants de Toulouse 2 et environ 200 étudiants de Toulouse 3. Deux raisons peuvent a priori expliquer ce phénomène : tout d'abord l'implantation géographique de l'Arsenal, en centre ville ; ensuite la richesse de ses collections (fonds très importants en sciences sociales et en histoire, fonds d'informatique). Ces circulations croisées se retrouvent aussi, bien qu'à une échelle moindre, en sciences et en médecine.
Il faut aussi considérer, pour mieux situer la BIU dans le contexte universitaire, l'impact des autres centres documentaires existants. Dans les deux universités de lettres et de sciences sociales, les bibliothèques d'UFR 6 jouent un rôle très important en direction des étudiants dès le 1er cycle. En sciences exactes et en santé, en revanche, il s'agit de centres beaucoup plus spécialisés, très nombreux mais cloisonnés et mal connus ; ces unités sont réservées aux enseignants, aux chercheurs et aux étudiants de 3e cycle, et les sections de la BIU restent les seules structures d'accueil des étudiants de 1er et 2e cycles.
Les BUFR 7 et les unités de recherche s'affirment comme le milieu naturel de la documentation pour les enseignants, qui leur transmettent leurs demandes d'acquisitions et les bibliographies de leurs cours. L'atout de la BIU aux yeux des enseignants semble surtout résider dans les services spécialisés qu'elle peut offrir : RDI et PEB 8 ; les enseignants scientifiques tendent à restreindre à ces seuls services leur usage de la BIU.
Au total donc, la diversité des situations d'une section de la BIU à l'autre reflète un certain éclatement dans les ressources et le mode de fonctionnement ; le positionnement de la BIU dans l'université relève plus d'une juxtaposition a posteriori des activités de chaque section que d'une valorisation de l'unité de l'institution. Le phénomène de la circulation du public entre les sections en est un bon exemple, puisqu'il est surtout perçu (par les usagers et par les professionnels) comme une gêne et un facteur de dispersion, alors qu'il pourrait être, à l'inverse, utilisé comme élément de promotion du caractère réellement interuniversitaire de l'établissement.
Les services de la bibliothèque et leurs usagers
L'organisation des collections varie suivant les sections. Là où il existe - à l'Arsenal pour le dixième des fonds, à Paul Sabatier pour le tiers, à Rangueil pour plus de trois quarts -, le libre accès se révèle très attractif et intensifie l'utilisation des collections, que ce soit en consultation sur place ou en emprunts ; il existe en libre accès à Paul Sabatier un fonds de culture générale dont les ouvrages sortent régulièrement.
Accès aux documents
L'accès aux documents devient plus problématique au fur et à mesure qu'il est médiatisé. L'emploi de fichiers n'est pas toujours bien compris ; il est encore compliqué par la coupure chronologique correspondant à l'informatisation des fonds, au Mirail et à Paul Sabatier ; comme il n'existe pas d'OPAC 9, les fichiers interrompus sont poursuivis par des catalogues papier ou des microfiches, très nettement sous-utilisés. De plus, la communication d'ouvrages conservés en magasin pâtit dans certaines sections de difficultés de fonctionnement (horaires de communication restreints, long temps d'attente). De manière générale, le recours aux outils bibliographiques pour repérer les documents n'est le fait que d'une minorité d'étudiants. L'absence de poste spécifique consacré à l'orientation des recherches dans les fichiers, les bibliographies et les instruments de référence peut en partie expliquer leur sous-utilisation relative.
Le recours aux banques de données est une ressource peu exploitée, demandée presque exclusivement par les étudiants de 3e cycle ou les enseignants. Une distinction s'opère à ce sujet entre les sections littéraires et scientifiques. En sciences en effet, la demande est hyperspécialisée ; elle est suivie d'une démarche auprès du service de prêt entre bibliothèques, avec l'exigence d'une grande rapidité dans l'obtention des articles. En lettres en revanche, si la RDI reste utilisée par des usagers de niveau élevé, les CD-ROM - BN-Opale surtout -sont également utilisés par quelques étudiants des premiers cycles ; le service du PEB bénéficie également d'une audience un peu plus large (estimée à plus de 10 % des inscrits), et une part non négligeable des demandes concerne des ouvrages et non des périodiques.
Une typologie très sommaire s'esquisse, supposant une gradation des niveaux d'usage de la BIU, de l'utilisation la plus directe - la BIU comme simple lieu de travail, puis le recours à des ouvrages en libre accès - jusqu'à la maîtrise de pratiques de plus en plus médiatisées - recherche dans les fichiers, demandes d'ouvrages en magasin, services spécialisés du PEB et de la RDI.
Formation des usagers
Une telle gradation pose naturellement le problème de la formation des usagers. La BIU pratique une information préalable, par le biais de visites, de journées de présentation, ou de publications occasionnelles. Il existe également des séances de formations bibliographiques ponctuelles, à la demande des enseignants. Mais de telles actions ne touchent qu'une minorité du public. L'essentiel est dispensé sur place, de manière informelle, à l'occasion des demandes formulées par les usagers. Le personnel chargé des services publics souligne l'aspect aléatoire et empirique de ces réponses fournies au coup par coup ; tout d'abord parce que tous les étudiants n'osent pas forcément demander des renseignements (cela pose un problème pour les sections qui ne disposent pas de poste dédié à l'accueil, et dans lesquelles il faut s'adresser à la banque de prêt) et préfèrent essayer de se débrouiller seuls ; ensuite parce que les demandes sont souvent mal formulées, les usagers n'ayant pas forcément une notion exacte des contraintes liées au fonctionnement d'une bibliothèque : par exemple, des étudiants demandent régulièrement qu'on leur prépare une documentation sur tel sujet, ou qu'on leur communique les documents utiles pour tel cours.
Une partie essentielle des demandes porte sur deux points : l'organisation matérielle de la BIU (horaires, disposition des locaux, procédures d'emprunt et de communication, accès aux services spécialisés), et l'accès aux documents (recherche dans les fichiers, surtout les fichiers matières, localisation dans la BIU d'un document trouvé au fichier, moyens de repérer et d'obtenir un document) ; ces questions récurrentes montrent d'abord la nécessité d'une information générale de base sur la BIU, ensuite combien certaines pratiques bibliothéconomiques (cotation, indexation-matière...) nécessitent des explications auprès du public.
Enfin, une dernière série de demandes relève d'une formation spécifiquement bibliographique : repérage et maniement des ouvrages de référence, utilisation des CD-ROM. L'attitude du public étudiant semble varier schématiquement en fonction des disciplines. L'implantation de librairies sur les campus universitaires, rapport de la Délégation à l'IST 10 du ministère de la Recherche et de la Technologie (juin 1990), différencie ainsi le lectorat (à partir de sondages auprès de 1 520 étudiants, dont 300 de Toulouse 3) : en lettres et droit, le livre fait partie intégrante de l'arsenal pédagogique, il est jugé nécessaire à la réussite et prescrit par les enseignants ; en sciences économiques en revanche, plus de la moitié des étudiants estime qu'un bon polycopié vaut un livre ; cette opinion est encore répandue chez les scientifiques, pour lesquels les polycopiés et les TD sont les outils centraux ; le livre a également un rôle périphérique en médecine, les revues spécialisées n'étant utiles qu'à un haut niveau. Les documents sont ainsi jugés selon leur efficacité, avant d'être considérés comme vecteurs potentiels de culture ou de communication. Il semble qu'une distinction schématique entre littéraires et scientifiques puisse en effet s'appliquer au public de la BIU de Toulouse. Les sections de droit et de lettres sont celles qui drainent les flux documentaires les plus importants (le nombre d'emprunts est presque le double de celui des sections scientifiques). Les étudiants de droit et de lettres semblent avoir une pratique livresque plus riche, alors que ceux de sciences et de médecine ont surtout besoin de manuels et de périodiques et sont plus nombreux à fréquenter la BIU sans s'y servir d'aucun document. D'autre part, d'après les demandes des étudiants, il semble qu'il existe en sciences et en médecine le souhait d'une organisation sectorielle séparant premiers cycles et recherche - ce qui recoupe dans les grandes lignes la distinction ouvrages / périodiques.
Objectifs d'une enquête
A partir de ce bilan rapide sur le public de la BIU, on peut dégager certains éléments importants qu'une enquête devrait s'attacher à fournir :
- une série d'éléments quantitatifs : mesure de la notoriété de la BIU et de ses différents services ; fréquentation d'une ou de plusieurs sections, en rapport avec une pratique documentaire générale ; estimation de la part de non-inscrits parmi les usagers ; évaluation de l'usage des différents services ; typologie des documents utilisés et impact du libre accès ;
- une série d'éléments qualitatifs : motifs de (non-) fréquentation, vecteurs et besoins d'information, appréciation des services proposés.
D'autre part, l'enquête doit également pouvoir appuyer les différents projets de la BIU, en donnant des indications sur l'opportunité de certaines orientations et sur le public potentiel des développements prévus. Ces lignes d'action sont :
- à l'échelle interuniversitaire, l'amélioration de la notoriété et de l'image de la BIU ; il importe donc de savoir comment elle est perçue par les étudiants ;
- la mise en place de formations régulières pour les étudiants, dont le contenu précis et les modalités seraient à définir ;
- un élargissement des activités : organisation d'expositions, développement de services d'actualité avec des informations sur la vie universitaire et locale ;
- une amélioration concrète de l'accueil du public : nouvelles signalisations, guides du lecteur ;
- la perspective d'un réseau local et la mise en œuvre d'un catalogue collectif des différentes sections ;
- la tendance à l'augmentation des achats de manuels et d'ouvrages pour les étudiants de 1er cycle ;
- une réflexion sur le développement du libre acès et l'éventuelle mise en place d'un libre accès sectorisé par niveaux ;
Enfin, l'enquête doit dans sa forme se plier à une triple contrainte. Tout d'abord, elle doit pouvoir s'adresser à tous les étudiants, qu'ils fréquentent ou non la BIU, qu'ils soient usagers ou non de ses services ; c'est pourquoi on peut proposer un modèle tripartite, la première partie concernant tous les étudiants, la seconde partie s'adressant à ceux qui fréquentent la BIU - même si c'est uniquement comme lieu de travail -, la dernière partie étant réservée à ceux qui utilisent les documents. Ensuite, sans préjudice d'une synthèse ni de certaines informations intéressantes uniquement à l'échelle interuniversitaire, l'enquête doit permettre de cerner les fréquentations multiples au sein de la BIU, et d'individualiser les caractéristiques propres à chaque section. En dernier lieu, l'éventualité d'un traitement informatique impose de limiter les questions ouvertes, et donc de prévoir les diverses possibilités de réponse.
Du fait de ces contraintes et de l'aspect nécessairement technique de certaines questions à poser, la formule d'une distribution de questionnaires à remplir par le public semblait peu adaptée ; il a semblé préférable de poser oralement les questions aux étudiants, ce qui garantissait une plus grande cohérence dans les réponses et permettait de définir a priori un échantillon. Avant de prendre une forme définitive, le questionnaire a été testé auprès de cinquante étudiants, les items étant ajustés au fur et à mesure pour que toutes les réponses puissent être prises en compte sans poser de problème. Cette phase d'essai a également permis de repérer certaines réponses « pièges », suceptibles d'induire l'enquêteur en erreur et qui doivent donc être vérifiées : par exemple, des étudiants déclarent en toute bonne foi connaître les CD-ROM, alors qu'ils les confondent avec les microfiches. Dans la perspective d'une prise en charge de l'enquête par une équipe d'étudiants d'un laboratoire d'économie de Toulouse 1, un document d'acccompagnement du questionnaire a été rédigé ; il comprend la liste des réponses qui appellent une vérification, une explication du libellé des questions (lorsqu'elles sont assez techniques), et des commentaires sur la manière d'enregistrer les réponses lorsque leur interprétation peut faire hésiter.
On peut espérer que ce document d'accompagnement remédie en partie au manque de formation des enquêteurs, manque de formation qui a été mentionné pour des enquêtes réalisées par d'autres BU comme un facteur atténuant la fiabilité des résultats. L'échantillon proposé à l'équipe d'enquêteurs est de 800 étudiants, soit 200 par section de la BIU ; pour chaque groupe de 200 étudiants, on peut envisager une forte majorité d'usagers de la section (ce sont leurs réponses qui sont les plus riches), répartis également entre les trois cycles, et un petit groupe de non-usagers (sachant qu'un étudiant non-usager de la section qui dessert son université peut fréquenter une autre section de la BIU). Cette répartition égalitaire de l'échantillon n'est pas gênante puisque les statistiques des universités et de la BIU permettent de pondérer les résultats en fonction de la répartition des inscrits dans chaque filière et / ou dans chaque cycle, et / ou dans chaque section de la BIU.
Premiers résultats
Sur la base de cette méthode de répartition et avec le modèle définitif du questionnaire, un premier résultat a été obtenu auprès de 104 étudiants interrogés du 21 mai au 4 juin 1991. Pour chacune des quatre sections, ce premier échantillon comprenait sept usagers de chaque cycle et cinq non-usagers ; les non-usagers se répartissaient ainsi : dix de 1er cycle, huit de 2e cycle (dont 5 filières scientifiques) et deux de 3e cycle (en filières scientifiques).
Tendances
La faiblesse de l'échantillon étudiant ne permet de dégager que des tendances très générales, susceptibles d'être précisées, voire infirmées, par les résultats d'une diffusion plus large. Certains faits paraissent caractéristiques :
- la bonne notoriété de chaque section auprès des étudiants des filières qu'elle dessert, et la notoriété beaucoup plus transversale de l'Arsenal, qu'elle s'accompagne de fréquentation ou non. Cette notoriété ne passe pas par les instances universitaires, qui se préoccupent rarement d'informer sur les bibliothèques et privilégient les BUFR quand elles le font. Les recommandations des enseignants en revanche représentent un vecteur plus important, et la principale motivation des étudiants reste la recherche de documents cités par les professeurs ;
- contrastant avec cette bonne connaissance qu'ont les étudiants de l'implantation de la BIU sur leur campus, la méconnaissance des ressources : dès qu'ils ne sont pas traditionnels, les services proposés par la BIU souffrent d'une très mauvaise notoriété. Deux comportements extrêmes s'esquissent : d'un côté l'utilisation de la BIU comme salle d'études, de l'autre le recours à un large éventail de services. Le premier de ces deux pôles regroupe onze étudiants (dont cinq sont pourtant inscrits). Le second concerne seize étudiants (cycles supérieurs uniquement), qui ne fréquentent la BIU que pour ses ressources propres ; ce groupe fournit la majeure partie des utilisateurs du PEB et de la RDI, services peu « populaires » (seulement vingt et un étudiants au total y recourent). Entre ces deux comportements très typés, le reste du public a des pratiques moins systématiques ; travail sur les documents de la BIU et recours occasionnel à des services spécialisés ;
- une fréquentation motivée : que ce soit pour y travailler ou pour recourir aux collections proposées, le public a une fréquentation relativement assidue de la BIU ; au total, sur les 84 usagers interrogés, 35 fréquentent la section de la BIU qui dessert leur université au moins une fois par semaine, et 25 entre une fois par mois et une fois par semaine, le tout sans écart notable entre les cycles ;
- la proportion notable d'étudiants qui fréquentent les BUFR, proportion traditionnellement croissante du 1" au 3e cycle, et l'écrasante pratique des polycopiés, éléments révélateurs du décalage qui peut exister à certains niveaux entre l'offre de la BIU et les préoccupations étudiantes.
Mais les étudiants ne semblent pas trop sensibles à ce décalage, puisque les deux tiers conçoivent la BIU comme un élément important de la vie universitaire. Malgré cette opinion largement favorable, il paraît très difficile pour la BIU d'attirer le non-public, dans la mesure où les motifs les plus régulièrement mis en avant sont l'absence de besoin et la préférence pour une autre bibliothèque, mieux située ou offrant des collections mieux adaptées ;
- le bon accueil réservé aux projets d'élargissement des fonctions de la BIU : les projets d'expositions, et surtout d'un espace d'information et d'actualité, trouvent une audience largement favorable. Les actions de formation en revanche sont diversement ressenties ; certains étudiants de 1er cycle se déclarent intéressés par des visites ; mais le résultat le plus net est l'intérêt des cycles supérieurs pour des initiations à la recherche documentaire (à condition, précisent-t-ils souvent, que ce ne soit pas trop lourd) ;
- les exigences relativement modérées des étudiants quant aux modalités générales d'accès : de manière assez inattendue, les étudiants ne souhaitent pas en matière d'horaires une ouverture très tardive, mais une ouverture plus matinale ; les deux tiers d'entre eux demandent une ouverture à 8h, ou bien 8h30. Pour la fermeture, les horaires cités se situent dans presque tous les cas entre 18h30 et 20h.
Pour le prêt à domicile, les étudiants souhaitent, dans plus de la moitié des cas, conserver les documents 3 semaines, le reste (45 %) se prononçant pour 15 jours (avec une petite minorité de cinq étudiants sollicitant des prêts d'un mois) ; - la nécessité de développer une information de l'usager : la demande d'information n'apparaît pas comme une démarche naturelle aux étudiants ; la majorité effectue une démarche autonome, ce qui ne signifie absolument pas une démarche fructueuse ou sans problème ; l'écueil récurrent est l'accès aux documents : la localisation des ouvrages et la recherche dans les fichiers constituent les difficultés majeures, surtout pour le premier cycle. Mais la demande d'aide n'est qu'irrégulièrement exprimée au personnel ;
- l'opportunité aux yeux des étudiants de développer une politique d'achats de manuels et d'ouvrages de base en plusieurs exemplaires, puisque l'indisponibilité des documents constitue selon eux une gêne dans leur travail.
Ces grandes tendances peuvent être précisées par les résultats propres à chaque université desservie :
- le rôle des BUFR a beaucoup plus d'impact en lettres et sciences sociales qu'en sciences ;
- le travail à la BIU sur ses propres documents est une pratique beaucoup plus répandue en sciences. Il est particulièrement rare en lettres qu'un étudiant fréquente la BIU sans en utiliser les services ;
- l'utilisation des fichiers est plus fréquente en lettres et en droit qu'en sciences, mais elle n'est pas pour autant jugée plus facile ; les fichiers matières en particulier posent quelques problèmes aux étudiants. Les formes autres que les traditionnels fichiers tiroirs sont méconnues, et sont jugées d'un maniement difficile par les quelques étudiants qui les utilisent, avec une mention spéciale de sous-utilisation des microfiches ;
- l'idée d'un libre accès par secteurs est diversement reçue. En sciences, elle semble attirer un certain nombre d'étudiants de chaque cycle. En lettres en revanche, elle recueille souvent les suffrages des étudiants du 1er cycle, qui ont l'impression qu'un tel système leur permettrait de mieux se repérer dans les collections (une remarque revenait à l'occasion de cette question : « Plus c'est classé, mieux c'est »). Les cycles supérieurs en revanche, peut-être mieux à même de concevoir ce que représente un libre accès sectorisé, y sont plutôt défavorables.
Corrélations
D'une manière générale, le principe du libre accès répond à une attente des étudiants, qui trouvent les procédures d'obtention des documents très lourdes.
Il existe d'autre part une série de corrélations éventuelles intéressantes à étudier ; il est difficile de les tester sur ces premiers résultats car les chiffres ne sont pas assez importants pour garantir leur validité.
Une première corrélation pourrait aider à déterminer l'issue de la recherche dans les fichiers ; il s'agirait de lier les questions concernant, d'une part l'utilisation des fichiers et, d'autre part, la communication d'ouvrages en magasin ; l'existence d'une corrélation tendrait à prouver que la recherche dans les fichiers concerne les ouvrages en magasin, et que le libre accès supprime l'intermédiaire du fichier ; pour les quelques résultats obtenus jusqu'ici, rien dans les chiffres ne permet d'affirmer catégoriquement l'existence d'une telle corrélation. Ce qui frappe, en revanche, dans les sections où le libre accès existe, c'est l'absence de corrélation entre la consultation des fichiers et l'activité d'emprunteur ; il existe des emprunteurs qui ne passent pas par les fichiers.
Une autre corrélation dont il pourrait être pertinent de définir l'existence consisterait à mettre en rapport les difficultés d'identification et de localisation des documents avec la consultation des fichiers et l'aisance dans leur utilisation, ainsi que l'aptitude de l'étudiant à situer un ouvrage dans la bibliothèque ; cela permettrait de déterminer les sources de problèmes dans la recherche d'un document : recherche compromise dès le départ par une mauvaise consultation du fichier, ou bien recherche difficile du fait de l'incompréhension du système de cotation.
La troisième corrélation pertinente pourrait lier la question concernant la demande d'aide auprès du personnel à la question sur les difficultés à trouver les références d'un document et à le localiser, puis à celle concernant le degré de fréquentation de la BIU : un étudiant demande-t-il plus ou moins d'aide suivant qu'il a plus ou moins de problèmes, et son attitude est-elle modifiée en fonction de son assiduité à la BIU ? Là non plus, les premiers résultats ne donnent rien de net, mais sur des chiffres plus importants, il y a peut-être matière à esquisser des logiques de comportement intéressantes.
Réalisation de l'enquête
Après l'étape de préparation et de mise au point du questionnaire, il a été décidé la réalisation en vraie grandeur de l'enquête auprès de 800 étudiants. La meilleure période pour le faire paraît être les mois de mars ou d'avril, c'est-à-dire après les examens du premier semestre : les étudiants ont eu à ce moment-là toutes les raisons de fréquenter les bibliothèques, et ne sont pas encore pris par la préparation des examens de fin d'année. Une convention a été préparée avec le laboratoire d'économie 11 qui assure le suivi de la réalisation.
La prestation, assurée par des étudiants de DEA 12 sous le contrôle d'un professeur, concerne une dernière validation du questionnaire, l'encadrement des équipes d'enquêteurs, la saisie informatique des réponses, l'exploitation et la présentation des résultats. Sur ce dernier point, il a été prévu un traitement qui laisse ouvertes toutes les possibilités d'exploitation et d'interprétation, y compris l'établissement de corrélations qui n'auraient pas été prévues ; la prestation de l'équipe de recherche comprendra, en effet, l'adaptation d'un logiciel permettant à la BIU d'être autonome dans le traitement des informations recueillies dans les questionnaires. A titre d'exemple, un projet actuellement développé par l'université nous amène à rechercher une corrélation entre l'appartenance des étudiants à des filières professionnalisées et la quantité de temps passé à travailler en bibliothèque, ce temps apparaissant aux enseignants beaucoup plus faible que pour les étudiants des filières générales : une corrélation, non prévue au départ, entre l'identification de l'étudiant et son assiduité à la BIU nous permettra immédiatement de confirmer ou d'infirmer cet a priori.
Une autre décision concerne la périodicité de l'enquête : aussi bien pour suivre les évolutions éventuelles dans le comportement des étudiants, que pour vérifier l'impact auprès du public de la réalisation d'un certain nombre de projets, la régularité dans la mesure des indicateurs est essentielle. Une enquête tous les deux ans est apparue comme un compromis acceptable entre les exigences de fraîcheur des informations et la capacité à assumer les coûts de l'opération.
Les perspectives d'évolution sont représentées par les possibilités offertes par la future carte d'étudiant à mémoire, qui permettra des croisements d'information aujourd'hui impossibles : corréter par exemple la fréquentation des bibliothèques, l'emprunt de livres et la réussite aux examens... Ce type d'information sera précieux pour alimenter les tableaux de bord des universités. Il suppose une synergie plus grande encore, mais tout à fait à notre portée, entre les opérations d'enquêtes menées par les BU et les pratiques d'évaluation des universités.
Mars 1992