Éditorial
Retour à une réflexion sur les missions fondatrices : acquisition, conservation, communication.
La première richesse et la première exigence d'une bibliothèque, c'est sa politique documentaire. La profession commence sur ce point à sortir d'un silence étrange : quelques bibliothèques rendent publique leur politique d'acquisition, y réfléchissent avec leurs partenaires et premiers destinataires. Ce type de nécessité ne concerne pas les seules bibliothèques d'étude ou spécialisées. Les missions des bibliothèques se traduisent en choix de documents et ces choix doivent être explicités et les généralités consensuelles remplacées par des échanges autour des façons de faire, des contenus, des objectifs. De quels autres moyens disposent d'ailleurs les bibliothèques et centres documentaires afin de mettre en regard leurs propres choix et les usages qui en sont faits, pour réorienter, rééquilibrer, remettre en cause ou au contraire maintenir et réaffirmer des choix initiaux ? Comment sans cet outil penser les évolutions des métiers et des compétences nécessaires, l'organisation du travail ? Et sur quelle autre base asseoir une coopération documentaire ?
La conservation, autre activité fondatrice, ne verra pas de si tôt les transferts de support remplacer le besoin de stockage. Elle non plus ne peut être pensée en dehors de l'usage. Toutes les tentatives actuelles la réfléchissent en ces termes : quels documents pour quels services dans quel cadre coopératif selon quels modes de gestion ?
Il apparaît donc que les missions traditionnelles sont elles aussi pensées de manière nouvelle et qu'elles nécessitent de nouveaux savoir-faire. Capacité à la gestion et souci de coopération sont les maîtres-mots des compétences attendues des professionnels dans les années à venir. Ce qui inclut, selon les réflexions ici présentées de responsables d'écoles de bibliothéconomie américaines, à la fois de solides connaissances et compétences techniques (pensées en termes de services de plus en plus personnalisés, proposés à des utilisateurs de plus en plus exigeants, à partir de documents présentés sur des supports et selon des formats hétérogènes) et une capacité à penser des politiques en réseau, anticiper des évolutions, évaluer des besoins et des services rendus.
Reste un autre débat, ici ouvert. « L'autorité culturelle » passe-t-elle par la spécialisation ? Quel doit être le niveau de compétence d'un professionnel dans la discipline qu'il traite ? Doit-on s'orienter, bon gré, mal gré, vers deux types de personnels, les uns compétents dans la discipline, les autres virtuoses de leur traitement ? Ce type de proposition peut légitimement paraître dangereux. Mais le bibliothécaire ou documentaliste doué de toutes les compétences est-il imaginable ?