Le val-d'Oise à livre ouvert

Jean-Philippe Accart

Compte rendu du forum sur la lecture publique Lire en Val-d'Oise organisé par le Conseil général du Val-d'Oise, le 24 octobre 1991. Réunissant les professionnels de la lecture publique dans le département, ce forum s'est articulé principalement autour de l'étude de Françoise Danset, chargée de mission auprès du Conseil général.

Un sérieux retard

Le Val-d'Oise est un département jeune, qui accorde depuis 1976 une large place au développement culturel. Plusieurs politiques ont été lancées concernant la musique, le patrimoine (avec la mise en valeur des abbayes de Royaumont et de Maubuisson), l'archéologie, le théâtre, les arts plastiques.

D'après des statistiques récentes, la lecture publique dans le Val-d'Oise connaît un sérieux retard. Elle se situe en-dessous de la moyenne nationale (de 17 % de lecteurs inscrits en bibliothèques municipales), avec un chiffre de 13,15 %, le budget alloué étant pour sa part de 0,1 %.

Pour pallier ce retard, un Plan départemental pour la lecture publique sera appliqué en 1992.

Le Conseil général s'est défini trois objectifs : la redéfinition de la mission et de la vocation de la bibliothèque centrale de prêt, afin de reconstruire un réseau de lecture publique digne de ce nom ; le travail en collaboration étroite avec les partenaires locaux (les élus, les bibliothécaires) ; enfin, le réexamen des processus de financement. Le plan se déroule en trois phases : une analyse détaillée de la situation - ce fut le travail, durant toute l'année 1991, de Françoise Danset -, l'adoption d'un plan de développement, la mise en œuvre de ce plan avec un financement approprié.

L'illettrisme

Un Français sur quatre ne lit pas de livres, 38 % n'en achètent pas, 17 % sont inscrits en bibliothèque.

L'enquête de 1989 sur les Pratiques culturelles des Français note un déplacement de l'intérêt pour la lecture vers un public plus jeune, de 14 à 25 ans.

Cependant, 25 % des Français ne lisent aucun livre. Qui sont-ils ? C'est une population en général non diplômée, de plus de 65 ans (38 %), vivant dans un secteur où les activités culturelles sont faibles ou quasi inexistantes (milieu rural ou agricole).

A ces chiffres déjà peu encourageants s'ajoute celui de l'illettrisme : il concerne 6 % de la population adulte née en France. Que faire pour y remédier ? Une des solutions envisagées est de mettre en place de nouvelles formes de communication, et ainsi, le concept de « médiathèque » prend toute son importance, avec l'offre de documents plus variés pour un public ayant lui-même des intérêts diversifiés.

Aucune loi ne régit la lecture publique en France. Les collectivités territoriales prennent de plus en plus d'initiatives en la matière. Le Conseil général du Val-d'Oise en est un bon exemple.

L'Etat a, en outre, mis des aides en place : de 1981 à 1987, l'impulsion donnée à la création de bibliothèques municipales a été très importante, mais depuis, on note un certain ralentissement.

Photographie du Val-d'Oise

L'étude de Françoise Danset a pour cadre, depuis novembre 1990, la lecture publique dans son ensemble, cadre élargi à la lecture documentaire.

Trois questionnaires d'enquête ont été lancés : auprès des bibliothèques municipales, des lieux d'accueil de la petite enfance, écoles maternelles et primaires, enfin des maisons de retraites et foyers de personnes âgées.

Les bibliothèques municipales

Quarante bibliothèques municipales sont recensées dans le Val-d'Oise, dont six seulement répondent aux normes ministérielles. Sur ces quarante bibliothèques, quatorze sont informatisées, mais avec des systèmes différents. Deux ont un fonds de plus de 100 000 ouvrages.

On peut noter deux vidéothèques, à Ermont et à Cergy-Pontoise. Par contre, il n'y a ni logithèques, ni artothèques.

Il n'y a pas à proprement parler de fonds anciens dans le Val-d'Oise - ils représentent 4 % des fonds anciens de la région Ile-de-France -, il n'y a donc pas de bibliothèques municipales classées. 15 000 livres du XIXe siècle et 5 000 ouvrages anciens ont été recensés à Pontoise et à Argenteuil. Ces fonds sont peu répertoriés et donc peu mis en valeur.

Les discothèques sont au nombre de neuf dans tout le département. Les conditions d'accès représentent un véritable problème, surtout en ce qui concerne les personnes handicapées, beaucoup de bibliothèques étant installées à des étages sans ascenceurs. Une loi de 1975 fait cependant obligation d'accessibilité. Seules 23 bibliothèques sur 40 répondent aux normes édictées par la loi.

Les villes moyennes de 20 à 30 000 habitants semblent peu investir dans un projet de bibliothèques municipales. A titre d'exemple, Pontoise dépense 95 F annuels par habitant pour la lecture publique, Goussainville 8,22 F. Pontoise réalise 110 000 prêts par an, Goussainville 5 000.

La bibliothèque centrale de prêt du Val-d'Oise, installée à Pontoise, possède une annexe à Luzarches et trois bibliobus.

Les professionnels dénoncent un certain nombre de dysfonctionnements : équipements insuffisants, accueil des adolescents et des étudiants insuffisant, services à réévaluer (avec notamment le problème de la gratuité), problèmes de stockage et de conservation des documents, formation et information, mise en place nécessaire d'outils de coopération.

On dénombre quatorze projets d'extension ou de création : Cergy-Saint-Christophe, Eaubonne, Tavemy, Ecouen, Enghien, Ermont, l'Isle-Adam, Montigny, Montmagny, Parmain, Saint-Ouen-l'Aumône, Sarcelles, Vauréal, Villiers-Adam, Mériel.

Les tout jeunes et les plus âgés

Les lieux d'accueil de la petite enfance font l'objet de la deuxième partie de l'enquête : 220 établissements sont recensés dans le Val-d'Oise, qui comprennent crèches, haltes-garderies, centres de PMI (protection maternelle et infantile), à l'exclusion des écoles maternelles.

93 établissements ont répondu à l'enquête, soit 42 % du total.

D'une manière générale, il ressort de l'étude que les enfants accordent beaucoup d'importance à l'image dans le livre, ainsi qu'à la matière et au thème abordé. La nécessité de réserver un coin pour la lecture est primordiale.

Mais l'on note une qualité des livres insuffisante ainsi qu'une formation professionnelle inadéquate par rapport au domaine particulier qu'est la lecture pour les tout petits. Les ressources humaines sont mises en avant par rapport à la formation.

Ce secteur sera celui auquel le Conseil général du Val-d'Oise compte apporter une aide substantielle.

En ce qui concerne la lecture pour les personnes âgées, la capacité d'accueil du département est de 18 000 places avec 117 établissements comprenant maisons de retraite, centres de long séjour et foyers logements. 36 établissements ont répondu à l'enquête.

L'ensemble des fonds recensés est évalué à 28 000 livres, dans un état plutôt défraîchi, comprenant 450 livres en gros caractères.

Le nombre des prêts annuels est de 15 000, ce qui montre l'existence d'une demande. L'animation est confiée à des bénévoles (La Croix-Rouge à Argenteuil, Le Chariot à Eaubonne).

Autres acteurs de la lecture publique

L'étude de Françoise Danset répertorie d'autres acteurs de la lecture publique : le milieu scolaire, avec 800 établissements. Très peu ont répondu à l'enquête : les associations de mal-voyants, à Enghien et Pontoise (l'Association des donneurs de voix), les hôpitaux où il existe quelques structures (Eaubonne, Pontoise et Argenteuil), la bibliothèque de la Maison d'arrêt, les Maisons des jeunes et de la culture ainsi que les foyers d'accueil, les associations luttant contre l'illettrisme, les associations pour l'insertion (ATD Quart Monde), etc.

Le constat est sévère mais lucide : il faut sauver les bibliothèques. Si la situation de la lecture s'améliore en France, ce n'est pas le cas dans le Val-d'Oise. Il faut agir rapidement.

Le plan salvateur

Le plan départemental pour la lecture publique a été présenté par Jean-Philippe Lachenaud, président du Conseil général, comme « un choix de politique culturelle ». Il a annoncé que le budget consacré à la lecture publique passera de 3 à 13 millions de francs en 1992.

Le plan s'adressera en premier à des publics défavorisés : personnes âgées, illettrés, prisonniers, handicapés, immigrés, malades...

Il permettra de soutenir les actions des associations et municipalités et de cofinancer la construction de nouveaux équipements.

Trois points sont à souligner plus particulièrement. Les efforts porteront sur la restructuration complète de la bibliothèque centrale de prêt du département. Le projet du développement d'une grande bibliothèque universitaire est lancé. Enfin, Jean-Philippe Lachenaud a particulièrement insisté sur le concept de réseau : réseau informatisé, réseau humain, réseau permettant l'échange d'informations.

Ainsi donc est lancé le Plan de développement de la lecture publique dans le Val-d'Oise. Rendu nécessaire par rapport au retard du département dans ce domaine, il permettra de compléter efficacement les efforts réalisés en matière culturelle par le Conseil général. Il dynamisera, à n'en pas douter, la vie culturelle. Les bibliothécaires, les élus, les municipalités, les associations en seront les premiers bénéficiaires.