La bibliothèque nationale Széchényi

Judith Szilvassy

La Bibliothèque nationale hongroise a connu bien des vicissitudes et traversé bien des circonstances pénibles (guerres et pénuries). En 1949, elle devient institution autonome et refait progressivement surface. Ses missions essentielles sont la conservation, la recherche, l'offre de services centralisés aux différentes bibliothèques et la diffusion du savoir pour tous. Elle développe particulièrement certains domaines d'importance comme les relations internationales et l'informatisation. Malgré des difficultés de tous ordres, la Bibliothèque n'a jamais interrompu les programmes entrepris au niveau international, évitant ainsi l'isolement caractéristique des pays de l'Est.

The Hungarian National library lived through many vicissitudes and periods of shortage. In 1949, it became an independant institution and started again to develop progressively. Its most important missions are conservation, centralized services for all types of libraries, research and diffusion of knowledge. Three fields are particularly developped : international relationships, computerisation and diffusion of knowledge for all publics. In spite of many difficulties, the libraries never stopped the programmes started at an international level, preventing on that way the caracteristic loneless of Eastern Europe.

Budapest, capitale de la Hongrie est l'une des plus belles villes du monde. Le Danube qui coule ici en vrai fleuve imposant la divise en deux parties : sur la rive gauche s'étend Pest et sur la rive droite s'élèvent les collines de Buda dont le panorama est dominé par la coupole grandiose de l'ancien palais royal baroque. Ce magnifique ensemble de bâtiments est devenu - selon un décret gouvernemental de 1959 - « le fief de la culture hongroise » et abrite les institutions culturelles les plus importantes du pays. Parmi elles, la Bibliothèque nationale Széchényi.

La bibliothèque fut fondée par le comte Ferenc Széchényi (1754-1820), grand patriote éclairé, précurseur de l'ère des Réformes en Hongrie. En 1802, cet aristocrate, à qui la bibliothèque rend hommage en portant son nom, jeta les bases de la collection en faisant don à sa patrie de plus de 13 000 livres imprimés, 1 200 manuscrits et de plusieurs centaines de mappemondes, cartes et gravures.

Aujourd'hui la Bibliothèque nationale possède environ 7 000 000 de documents, dont 2 190 000 livres, 285 000 volumes de publications en série, 825 000 manuscrits, 200 000 cartes et plans, 170 000 partitions, plus de 2 600 000 petits imprimés, 300 000 documents d'histoire d'art dramatique et environ 350 000 films, gravures, etc. (cf. encadré).

Cette collection considérable a été essentiellement constituée par le dépôt légal, en vigueur depuis 1804.

Dès sa fondation, la Bibliothèque nationale Széchényi - Orszagos Széchényi Könyvtar -, en tant que gardienne du patrimoine culturel hongrois, collecte les « hungarica » avec un souci d'exhaustivité : tout imprimé, document et copie de document réalisés de façon anarchique dans le pays, les ouvrages hongrois imprimés à l'étranger, les ouvrages d'auteurs hongrois en toutes langues et tout imprimé concernant la Hongrie. Outre cela, la bibliothèque acquiert, bien évidemment, du monde entier les ouvrages les plus importants en sciences humaines, littérature, linguistique et « finno-ougristique ». Les acquisitions internationales sont essentiellement tournées vers les anciennes éditions, les ouvrages rares et précieux. Notons que la collection particulière du Centre de bibliothéconomie et d'informatique géré par la bibliothèque est également unique en son genre et, comme telle, la plus importante du pays.

Historique

L'Acte de création de la « Bibliotheca Széchényiano-Regnicolaris » émis par Ferenc Széchényi reçut, le 26 novembre 1802, la ratification royale de François II, Empereur romain, roi apostolique de Hongrie, d'Allemagne et de Bohême.

Le fait que la Bibliothèque nationale de Hongrie ait été créée après les institutions similaires de nombreux pays européens s'explique par l'histoire particulière de la Hongrie. Dans la deuxième moitié du XVe siècle, le roi Mathias (1458-1490), désirant sauvegarder la culture et l'art des livres médiévaux, fonda sa bibliothèque de Cour, la « Bibliotheca Corviniana », de renom mondial. Or, au milieu du XVIe siècle, la culture royale hongroise et, avec elle, la célèbre bibliothèque connurent une période de décadence. Pendant les 150 ans d'occupation ottomane et les presque 400 ans de règne des Habsbourg, qui négligèrent les intérêts hongrois, la cause de la culture et du savoir national fut défendue, non par l'Etat, mais par les forces progressistes de la société hongroise. De nombreuses bibliothèques scientifiques renommées, ecclésiastiques essentiellement, furent créées jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Toutefois, l'idée d'une bibliothèque « au service du public national » ne naquit qu'au début du XIXe siècle, dans l'esprit des Lumières de Hongrie.

L'établissement fut inauguré à Pest, le 20 août 1803, et s'installa, après plusieurs déménagements, dans le Palais du musée, construit en 1846. A cette époque, la bibliothèque faisait partie intégrante du Musée national fondé en 1808 et portait le nom de Bibliothèque du Musée national.

De 1848 à la Première Guerre mondiale

L'essor que la bibliothèque avait pris dès le début fut rompu par l'échec de la guerre d'indépendance de 1848-1849 et ne reprit que dans les années 1860, avec la détente politique - avec l'objectif de répondre désormais aux besoins d'une société bourgeoise et d'entreprendre des réformes. A la charnière des XIXe et XXe siècles, la bibliothèque devint le centre des recherches scientifiques. Elle acquit d'importants fonds spéciaux et lança sa propre publication, le périodique scientifique de bibliothéconomie qui existe encore aujourd'hui sous le titre Magyar Kônyvszemle (« Bulletin de livres hongrois »). Au moment de la Première Guerre mondiale, elle est déjà une véritable bibliothèque nationale publique, avec un règlement propre, qui accueille un nombre toujours plus important de lecteurs.

L'Entre-deux guerres

Ces années furent dominées par de graves problèmes matériels dûs, d'une part, au fait que la Hongrie avait perdu la Première Guerre mondiale, d'autre part, à la pesante pénurie de locaux entravant toujours plus fortement le fonctionnement de la bibliothèque. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'établissement concentra ses efforts à sauvegarder et protéger les collections et les valeurs culturelles du pays. Malgré les circonstances, un certain progrès put être enregistré : on constitua de nouvelles collections spéciales et on substitua à la classification par sujets de Munich - désuète - la Classification décimale universelle (CDU). Un système moderne de duplication de fiches fut mis sur pied qui permit la mise au point des nouveaux catalogues auteurs et matières.

En ce qui concerne les acquisitions, la bibliothèque reçut des hungarica de très grande valeur et, suite à la Convention de Venise (1932), elle put récupérer 33 précieux codex médiévaux dont 16 Corvinas (Bibliotheca Corviniana).

De la Seconde Guerre mondiale à 1984

Après cette nouvelle défaite, la remise sur pied de la bibliothèque, toujours intégrée au Palais du musée, demanda de longues années de travail.

A cette époque, l'événement le plus important pour l'institution fut le décret gouvernemental de 1949 qui stipulait un nouveau statut : la Bibliothèque Széchényi fut détachée du Musée national et déclarée officiellement Bibliothèque nationale, institution étatique et autonome. Les années suivantes, on procéda successivement à la réorganisation de toutes ses activités. En 1956 et 1976, des lois sur les bibliothèques confirmèrent son système de fonctionnement et sa sphère d'activités.

En tant que musée du livre hongrois, la bibliothèque fut tenue dès sa création de conserver ses fonds pour la postérité. Ce que stipule le décret de 1804, maintes fois révisé, qui introduit le dépôt légal. Depuis 1951, celui-ci est de deux exemplaires. Bien qu'il s'agisse d'une institution publique - toute personne de plus de 18 ans peut la visiter librement -, le règlement ne permet pas l'emprunt, sauf exception, et avec autorisation spéciale de la Direction (nombre de personnes accueillies en 1990 : approximativement 23 000 ; nombre d'unités utilisées : 159 000). Cette mesure permet d'assurer la mission de conservation.

La seconde mission de la Bibliothèque nationale est d'offrir des services centralisés et interbibliothèques au niveau national :
- centre de distribution du dépôt légal,
- attribution de numéros d'identification internationaux (ISBN 1, ISSN 2),
- rédaction et publication des séries courantes et rétrospectives de la bibliographie nationale hongroise comprenant tous les types de documents,
- élaboration des catalogues collectifs de livres et de périodiques,
- mise à jour de la liste d'adresses des bibliothèques hongroises,
- échange international de publications,
- prêt international,
- stockage et redistribution des exemplaires en excès dans les bibliothèques hongroises,
- Centre national hongrois pour l'ISDS 3.

Depuis 1980, la bibliothèque tient lieu par ailleurs de centre de recherches scientifiques. Recherches bibliothéconomiques, en histoire de la civilisation et autres sciences. Elle publie régulièrement, dans sa propre édition, les travaux de ses collaborateurs.

1985, au Château royal

La Bibliothèque nationale n'a pu investir des locaux propres que 183 ans après sa création : l'aile occidentale de l'ancien Château royal. Conformément au décret de 1959 déjà cité, ce monument historique gravement endommagé pendant la guerre a été rénové - en fonction des besoins de la bibliothèque -afin que, sur la surface d'environ 44 000 m2, il soit possible d'installer l'institution entièrement restructurée, réorganisée et équipée de moyens techniques modernes.

On a développé de façon considérable trois domaines d'importance nationale : les relations internationales, l'informatisation et la diffusion du savoir au public.

Malgré les obstacles idéologiques et les difficultés matérielles des quarante dernières années, la bibliothèque a réussi, grâce à l'intransigeance et au courage de certains de ses dirigeants et collaborateurs, à suivre, tout au long de cette période, les programmes entrepris au niveau international, et même à y participer avec succès : IFLA 4 (UBC, UAP, ISBD), UNESCO 5 (Unisist, ISDS), IS0 6. Elle a pu également profiter des résultats internationaux dans son travail pratique. On a ainsi pu éviter l'isolement des bibliothèques et de l'informatique hongroises, contrairement aux autres pays de l'Europe centrale et de l'Est où, malheureusement, cet isolement a eu des conséquences néfastes. En 1976, le Centre national hongrois pour l'ISDS a commencé à fonctionner à l'intérieur de la Bibliothèque nationale et a servi d'intermédiaire entre le Centre international de Paris et le Centre régional de Moscou. Il a également joué un rôle considérable dans l'harmonisation des programmes professionnels internationaux de l'ISDS et du Système régional d'enregistrement des périodiques (MARSI) organisé à l'intérieur du système informatique des pays socialistes de l'époque.

L'informatisation de la bibliothèque, basée sur les principes internationalement adoptés, a été entreprise au début des années 1970. L'objectif était l'informatisation du domaine le plus important, à savoir, celui de la bibliographie nationale hongroise. Toutefois, étant donné que les restrictions de la liste du COCOM 7 avaient empêché l'automatisation des bibliothèques hongroises pendant de longues décennies, cette informatisation, achevée en 1976, n'a pu être exploitée que par l'intermédiaire d'un serveur. Tout comme le Catalogue collectif des périodiques étrangers, Base de données nationale (NPA), dont l'installation a commencé en 1981, également exploitée par serveur.

Ce n'est qu'en 1990 que la bibliothèque a pu enfin se procurer, avec l'aide de la Banque mondiale, un ordinateur de grande capacité IBM 9377/80 et utiliser dans son propre centre d'informatique le logiciel intégré DOBIS/LIBIS conçu pour les besoins spécifiques de la bibliothèque.

On doit actuellement rapatrier les deux banques de données traitées par serveurs et mettre sur l'ordinateur central les bases de données locales (IKB, Katal, HUN) développées par la bibliothèque dans le système de traitement de bases MICRO/ISIS conçu par l'UNESCO pour les IBM/PC compatibles. Après l'entrée des 500 000 données et plus de la bibliographie nationale, ainsi que des données bibliographiques et des localisations des périodiques étrangers (28 000 titres, 700 000 localisations), les deux banques de données seront accessibles en ligne tant au niveau local que national et, à long terme, à l'étranger.

Grâce à la superficie du nouveau site, aux salles d'exposition et de conférence, la bibliothèque a pu entreprendre sa mission de diffusion du savoir, en plus de ses activités de base et de son programme scientifique.

Depuis 1985, de nombreuses manifestations culturelles, des conférences, des congrès et des visites se sont déroulés entre ses murs et une série d'expositions de très grande valeur a été réalisée. Citons tout particulièrement l'exposition Bibliotheca Corviniana conçue en 1990 à l'occasion du 500e anniversaire de la mort du roi Mathias, grand souverain hongrois de la Renaissance. Cette exposition a eu un grand écho dans le monde entier et a accueilli 200 000 visiteurs.

L'activité déployée par la bibliothèque dans le domaine de la diffusion du savoir a été reconnue en 1990 et en 1991 par la « Médaille de Musée » octroyée par le ministère de la Culture et de l'Education nationale.

Les Instituts de la Bibliothèque

Le Centre de bibliothéconomie et d'informatique fonctionne depuis 1959 dans le cadre de la Bibliothèque nationale. Remplaçant l'ancien Centre national des bibliothèques et le Centre des bibliothèques populaires, il a été réorganisé en 1966, 1982 et 1989-90. Toutes ces réformes devaient préciser sa mission générale concernant l'ensemble des bibliothèques hongroises.

Le Centre doit assurer le professionnalisme des bibliothèques (conseils techniques, échanges d'expériences, organisation de congrès et de conférences professionnels) ainsi que la formation initiale et continue des bibliothécaires (formation de niveau secondaire, et post-secondaire pour les bibliothécaires diplômés).

Il établit des inventaires et des bibliographies (publication des périodiques pour les bibliothèques scolaires et publiques, service d'information à l'intention des communautés et des bibliothèques hongroises à l'étranger).

Il dirige et coordonne des recherches nationales et intemationales en bibliologie, sociologie, travaux sur la lecture, gère et développe une bibliothèque spécialisée en bibliothéconomie et informatique, ainsi que son service de documentation (diffusion de la littérature spécifiquement bibliothéconomique, collecte des ouvrages « biblio-techniques » hongrois et étrangers, etc., publications documentaires,...)

En 1990, la structure et la sphère d'activité du Centre ont été modifiées et élargies. Il s'est chargé de la gestion et du secrétariat de quelques fondations étrangères dans le but de pouvoir soutenir -grâce aux moyens financiers étrangers - la création de la base informatique moderne des bibliothèques et de l'enseignement supérieur. Le directeur du Centre est l'un des directeurs généraux adjoints de la bibliothèque.

Depuis sa fondation (1er octobre 1985) jusqu'au 31 août 1991, l'Institut d'études hongroises était lui aussi rattaché à la Bibliothèque nationale. A partir du 1er septembre 1991, il va probablement être géré par une fondation. Il est dirigé par l'académicien Gyula Juhasz, historien, directeur général de la bibliothèque.

Les recherches s'effectuent dans trois grands domaines :
- la plupart des chercheurs étudient l'histoire et la situation actuelle des minorités hongroises et des groupes hongrois vivant à l'étranger dans le but de former les spécialistes à la rédaction de monographies et de synthèses ;
- un petit groupe travaille sur le problème des nationalités et met au point l'histoire des recherches sur les nationalités au XXe siècle en Hongrie et dans les Etats voisins ;
- quelques chercheurs analysent les composantes et les caractéristiques de la conscience nationale hongroise au XXe siècle : la situation internationale de la Hongrie et la pensée hongroise en matière de politique étrangère, la notion d'appartenance à l'Europe centre-orientale dans la pensée, la littérature, etc. du peuple hongrois et des peuples voisins.

Le travail scientifique de l'Institut est facilité par l'existence d'une petite bibliothèque « à portée de main », d'une collection de périodiques et de documents.

La tâche des Archives de l'Institut est de faire fonctionner une bibliothèque spécialisée en matière de civilisation hongroise et d'études des nationalités, de réunir des legs, des mémoires et autres documents relatifs à l'histoire et à la situation présente des minorités hongroises et des groupes hongrois dans d'autres pays, afin de constituer une banque de données.

Octobre 1991

Illustration
Collections de la Bibliothèque nationale Széchényi

  1. (retour)↑  International Standard Book Number.
  2. (retour)↑  International Standard Serial Number.
  3. (retour)↑  International Serials Data System.
  4. (retour)↑  International Federation of Library Associations. UBC : Universal Bibliographie Control ; UAP : Universal Availability of Publications.
  5. (retour)↑  United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization. UNISIST : Universal System for Information in Science and Technology.
  6. (retour)↑  International Standardizing Organization.
  7. (retour)↑  Consultative group Cooperation Committee.