Coopération France-Roumanie : deux témoignages

Marie-Ange Laumonier

La Roumanie, très médiatisée lors de la Révolution de décembre 1989, a montré aux Français que 25 % de sa population parle couramment notre langue. Immédiatement un élan de solidarité nationale s'est organisé en faveur de ce pays qui semble si proche par la culture.

L'action de l'Education nationale

Le livre a toujours été un élément important de la vie culturelle de Roumanie. Bien que les livres soient rares, les lecteurs sont nombreux. En effet la lecture a été l'un des rares loisirs libres pendant la période Ceaucescu. Les classiques français traduits en roumain étaient lus et relus. Les bibliothèques furent l'unique endroit où les Roumains pouvaient se procurer des livres, car les librairies étaient peu fournies en livres intéressants. Ces quatre dernières années, aucun livre étranger n'a pu pénétrer en Roumanie, aussi l'ensemble des lecteurs roumains avait une « fringale » de livres nouveaux et d'ouverture sur l'ailleurs.

Officiellement la Roumanie possède un réseau dense de bibliothèques. Les chiffres communiqués pour évaluer ces collections sont impressionnants.

Les bibliothèques universitaires sont totalement centralisées autour de la Bibliothèque universitaire centrale. Fondée en 1891, celle-ci possédait 2 600 000 livres, en 1989, dont 500 000 ont été détruits par un incendie lors de la Révolution. Elle a la charge du catalogage de l'ensemble des BU.

Ces bibliothèques, les municipales, la Bibliothèque de l'Académie et la bibliothèque nationale ont toutes des points communs. Ce sont :
- le manque absolu de moyens,
- des collections vieillies,
- une formation du personnel non homogène,
- la centralisation extrême du système.

Au vu de toutes ces constatations, le ministère de l'Education nationale a choisi de retenir, dans le cadre du Plan d'aide aux pays d'Europe centrale et orientale établi par le gouvernement français en mars 1990, une action spécifique pour les bibliothèques roumaines. Il a souhaité que l'action en leur faveur comporte deux volets :
- une action de formation pour les conservateurs de bibliothèques : l'ENSB 1 a accepté la charge de la réalisation de ce projet ;
- une action spécifique pour l'acquisition des livres neufs et récents pour les BU de médecine et de sciences humaines.

Ces actions ont été réalisées et reconduites en 1990 et 1991. Elles le seront peut-être en 1992.

La formation des stagiaires

En ce qui concerne le projet « formation des bibliothécaires roumains », dès le point de départ, des contacts furent établis avec le ministre de la Culture roumaine : il s'y intéressa personnellement. La durée du stage fut fixée à deux semaines afin de ne pas dégarnir les bibliothèques où travaillaient les stagiaires. Le choix des candidats se fit selon des conditions définies conjointement. Leur nombre fut fixé à 25 pour chaque stage.

Le coût global (prise en charge intégrale à partir de Bucarest) s'élève à 240 000 F pour 25 personnes et pour deux semaines, y compris une allocation personnelle attribuée à chaque participant.

Certains critères furent retenus pour les sélections qui eurent lieu à Bucarest. Les candidats devaient remplir les conditions suivantes lors de l'entretien :
- parler couramment français,
- avoir un diplôme universitaire,
- être jeune (la moyenne d'âge du stage de septembre 1991 était de 38 ans).

Il fallait de surcroît :
- rechercher un équilibre de façon à avoir des stagiaires de Bucarest mais aussi du reste du pays (lors du premier stage, la moitié des stagiaires venait de la capitale, lors du dernier, seulement un sur cinq),
- avoir un nombre égal de conservateurs de bibliothèques d'universités et de bibliothèques de lecture publique.

Le principe de base du stage fut défini par la direction de l'ENSB.

Leur suivi très personnalisé a créé pour chacun d'eux une ambiance très chaleureuse.

L'objectif était de permettre aux stagiaires d'acquérir une vue générale du système français et de pouvoir avoir des points de comparaison, de se faire une idée personnelle et, plus tard, à leur retour, de pouvoir décider par eux-mêmes.

Pour cela, l'équipe de l'ENSB a d'abord recueilli leurs souhaits afin de se faire une opinion et de mieux répondre aux demandes des bibliothécaires roumains.

Un important matériel de référence fut donné à chaque stagiaire : textes de base, lois, décrets, documents sur les normes de construction, sur les statuts des établissements et des personnels.

Le contact direct avec le personnel de différentes bibliothèques (BU, BCP, BM) fut privilégié. Les stagiaires ont pu visiter les grands établissements de l'agglomération lyonnaise : Bibliothèque municipale de la Part Dieu, la Maison du livre, de l'image et du son de Villeurbanne, les bibliothèques des universités de Lyon, et des centres de documentation spécialisés tels que Docinsa.

Un week-end « découverte » a été chaque fois organisé. En septembre 1990, la Bibliothèque centrale de prêt de l'Ardèche, puis la bibliothèque municipale d'Annecy ont réservé aux stagiaires un accueil extrêmement sympathique. Cette année le département de la Drôme, et en particulier la BM de Valence ainsi que la BCP, ont organisé ces deux journées de voyage professionnel et de détente.

Ces deux stages ont permis de toucher cinquante bibliothécaires, ce qui est peu en soi, mais qui est le début d'un réseau entre bibliothécaires roumains qui ne se connaissent pas entre eux. Leur souhait de poursuivre en Roumanie ce travail est un facteur de réussite.

Des livres neufs

L'autre opération menée par le ministère de l'Education nationale (DAGIC 2) fut l'envoi de livres neufs et récents pour les universités de médecine et de sciences humaines. Le ministère de l'Education nationale leur a consacré une somme d'un million de francs.

En juin 1991, une réunion s'est tenue à Bucarest avec l'ensemble des présidents des six universités roumaines, les doyens des universités de Bucarest, Tirgu Mures, Iasi, Cluj, Timisoara et Craiova, afin de sélectionner les ouvrages qui leur semblaient intéressants. Pour cela, nous leur avons apporté de France, les catalogues 1989 et 1990 des principaux éditeurs.

Le Président de l'université de Toulouse était chargé du domaine de la médecine. Celui de l'université d'Aix avait la responsabilité des sciences économiques et sciences humaines. Les directrices des BU de Toulouse et d'Aix-Marseille furent les chevilles ouvrières de cette opération car elles eurent la lourde charge de commander les ouvrages choisis et de faire les paquets correspondant à chacune des multiples bibliothèques.

Le lundi 17 juin, à 10 heures, dans les jardins de l'université de Bucarest, l'Ambassadeur de France accueillit le camion venant de l'Université de Toulouse et remit aux présidents des universités roumaines l'ensemble des livres.

La réalisation et le succès de ces opérations n'ont pu se réaliser que grâce à l'aide de nombreuses personnes 3 et en particulier à l'ENSB.

Ces actions, bien que limitées, furent l'occasion pour nos amis roumains de créer un tissu de relations qui va permettre la naissance d'un réseau entre les institutions des deux pays. Le succès sera complet lorsque ce début de trame aura permis les jumelages entre des bibliothèques roumaines et françaises, jumelage parfois dû à l'amitié née entre deux bibliothécaires.

  1. (retour)↑  Ecole nationale supérieure des bibliothèques.
  2. (retour)↑  Direction des affaires générales internationales et de la coopération
  3. (retour)↑  Notamment Noëlle PONCET et Mireille PENICHON.