La bibliothèque publique de San Francisco de l'an 2000

Kenneth E. Dowlin

Un groupe de travail réfléchit depuis les années 60 à la conception de la nouvelle bibliothèque de San Francisco, les locaux actuels (de 1917) étant désuets et par trop exigus. Cette réorganisation concerne la construction de la bibliothèque centrale, mais aussi la rénovation d'une vingtaine d'annexes (sur un ensemble de 26), un équipement technologique très perfectionné permettant la fourniture documentaire et la communication à distance, le développement des collections..., le critère essentiel sur lequel tout repose étant l'accessibilité des collections. Ce projet doit faire de la SFPL l'une des plus grandes bibliothèques « néographiques » du monde.

A working group is thinking about the new San Francisco library thirty years ago. The existing buildings are outmoded and far too small. This re-creation concerns the new main library but also the renovation of about twenty branch libraries (they are 26), a technology system with on-line services, the development of the collections... being the access to the collections the most important goal. This plan will do the SFPL one of the biggest « neographic » library over the world.

Nous suivons avec intérêt le développement des grands projets de bibliothèques, en particulier celui de la Bibliothèque de France. Il est important en effet aujourd'hui de partager ses connaissances avec tous ceux qui travaillent dans le monde des bibliothèques ou de l'information au sens large. La Bibliothèque de France va fixer de nouveaux objectifs aux bibliothèques. Dans le futur, il est vraisemblable que la Bibliothèque publique de San Francisco (San Francisco Public Library, SFPL) sera directement connectée aux ressources des bibliothèques françaises. Nous partageons les mêmes ambitions : construire les plus prestigieuses bibliothèques de l'an 2000.

Un groupe de San Francisco travaille depuis les années soixante à concevoir une nouvelle bibliothèque centrale. Le bâtiment actuel, ouvert en 1917, est à la fois désuet et beaucoup trop exigu pour abriter les collections. Les habitants de la ville ont encouragé ce rêve d'une nouvelle bibliothèque, mais il a fallu attendre 1987 pour que les plans et le financement se concrétisent.

L'arrière plan

Cette même année, après un appel à candidatures lancé dans le pays tout entier, j'ai été choisi pour devenir conservateur en chef de la bibliothèque municipale de San Francisco. Ma mission consistait essentiellement à coordonner la création de la future bibliothèque centrale et à définir les conditions optimales pour l'utilisation des systèmes informatiques. Six semaines après ma nomination, le maire approuvait l'insertion des locaux de la bibliothèque dans l'ensemble du Centre administratif. Ce premier pas encouragea tous ceux qui soutenaient le projet à poursuivre leurs efforts.

En janvier 1988, un nouveau maire entra en fonctions. Réalisant l'importance de l'entreprise, il appuya le projet et contribua par des moyens décisionnels et financiers, notamment l'émission de bons de souscription, à encourager les habitants de la ville à se prononcer sur le calendrier et la construction. Cette campagne permit de rassembler près de 175 000 dollars en très peu de temps. Avec une participation de 77 % des électeurs, elle se situe loin devant les opérations du même ordre les plus réussies de l'histoire de San Francisco. Les titres furent ratifiés pour la somme de 109,5 millions de dollars, dont cinq destinés à la rénovation des bibliothèques annexes, ce qui représente la souscription la plus importante jamais réunie pour une bibliothèque. Les intérêts correspondant au montant des titres doivent être exclusivement consacrés au projet, en sorte que la part réelle du budget incombant à la ville se monte à peu près à 112 millions de dollars.

La planification fut tout de suite établie. Le personnel chargé de superviser le projet fut rapidement recruté au sein du Service municipal d'architecture et on entreprit de choisir un architecte. En même temps, un contrat était signé avec la société HBW Associates de Dallas (Texas) pour qu'elle révise l'ensemble des plans antérieurs et définisse le plan-programme destiné à guider le travail de conception des architectes. N'étant pas partisan d'un concours d'architecture - ayant déjà aménagé trois bibliothèques centrales au cours de ma carrière, j'estimais que la conception de cette nouvelle structure exigeait un effort collectif -, décision fut prise d'engager les meilleurs architectes alors disponibles en leur demandant de collaborer avec la ville et l'administration de la bibliothèque à la réalisation d'un bâtiment susceptible de satisfaire les objectifs de toutes les parties concernées.

Une opération tout aussi importante fut montée en parallèle afin de réunir les fonds nécessaires aux aménagements intérieurs : le mobilier, l'équipement, les différentes installations de la nouvelle bibliothèque. La loi interdisant d'utiliser à ces fins les revenus des titres de souscription, il fallait trouver leur financement dans le budget municipal, les ressources allouées à la bibliothèque ou la participation d'entreprises privées.

La San Francisco Public Library Foundation se constitua en 1987. Remarquablement dirigée, elle offre de brillantes perspectives. Son but est de réunir 30 millions de dollars d'ici à 1995, en fonction des exigences du calendrier - les engagements financiers reçus au 1er juillet se montent à 6 millions de dollars ; ils devraient s'élever à 15 millions le 1er août. Le partenariat public/privé qui permet cet effort - le plus important de l'histoire de San Francisco - constitue une nouvelle donne pour la ville et permet d'envisager sérieusement une exceptionnelle réussite. Les fonds privés garantissent que le programme disposera de sommes supérieures à celles qu'on attribue habituellement aux Etats-Unis à un établissement public.

L'attention se focalise bien sûr sur la bibliothèque centrale dont l'ouverture est prévue pour 1995, mais sa construction ne représente qu'une partie du programme de réorganisation de la SFPL. La bibliothèque bénéficie de fonds publics pour rénover une vingtaine de ses annexes (sur vingt-six). Elle dispose de l'argent nécessaire pour commencer à s'équiper en systèmes technologiques en 1991-1992, va entreprendre un fantastique développement de ses collections et lance une formation professionnelle programmée selon les directives d'une société-conseil. En l'an 2000, la SFPL sera redevenue une grande institution prête à jouer un rôle de premier plan en matière d'accès à l'information, au savoir et à la lecture des citoyens de San Francisco, et son extension devrait conduire à la création du futur « Village Bibliothèque ».

La nouvelle bibliothèque centrale

Directeur de bibliothèques depuis vingt-huit ans et chargé de superviser la construction de trois bibliothèques centrales, j'ai dressé la liste des grands objectifs à intégrer au nouvel édifice. Ce sont autant de cibles prioritaires pour le programme de construction.

Il faut avant tout penser à la souplesse de la structure d'ensemble et des espaces de circulation. L'extrême rigidité des murs et des couloirs du bâtiment érigé en 1917 pèse d'un poids trop lourd sur les capacités d'accès aux collections et aux animations de la bibliothèque.

Objectifs du programme de construction

La nouvelle bibliothèque doit être en mesure d'adapter facilement ses locaux à la taille de ses activités, ce qui signifie que tel service doit pouvoir s'étendre en empiétant au besoin sur l'espace d'un autre. Elle a besoin de deux fois plus d'espace que celle qui est actuellement en service. L'accessibilité devrait être le premier critère qui préside à l'organisation des collections, des différents services, des entrées et des espaces de circulation. A une époque où les coûts en personnel représentent 85 % du budget de la SFPL, il est primordial que chacun arrive à se déplacer d'instinct, en s'aidant des systèmes d'orientation. Les plots de service public seront identifiés sous forme de modules aisément localisables et parfaitement visibles. Il est indispensable de prévoir une signalétique qui guide efficacement le public et s'intègre agréablement à l'architecture d'ensemble. Les activités liées à la bibliothèque devraient occuper 75 % de la surface.

Plus de la moitié de l'actuel bâtiment est consacrée aux puits de lumière, au grand escalier, aux couloirs et à divers espaces qui s'opposent aux agrandissements nécessaires.

S'agissant de la sécurité, les locaux actuels sont un vrai cauchemar : plusieurs des sorties sont difficilement contrôlables, les bureaux du personnel sont pratiquement ouverts à tous, la disposition des fenêtres permet aux gens de jeter les livres dans la rue, il est impossible de surveiller les couloirs à distance et d'innombrables recoins encouragent des conduites inadmissibles.

Il faut pouvoir appuyer la gestion du nouveau centre sur des options permettant de contrôler totalement l'accès aux divers secteurs et l'entrée dans le bâtiment lui-même grâce à des cartes d'identification remises au personnel et aux lecteurs. Dans tous les cas, l'accès sera rigoureusement surveillé au niveau des zones sensibles ou des espaces abritant certaines collections. Il est prévu que la technologie utilisée fournisse à tout moment une visualisation en temps réel de l'occupation des locaux. Des capteurs seront installés en plusieurs points d'intersection, dans les différents étages et domaines et jusqu'aux abords des plots d'information, afin de fournir des données qui permettront d'appuyer les prises de décision en matière de gestion et de recrutement.

Le bâtiment contribuera à apporter des informations au système d'assistance de gestion en temps réel. L'emplacement stratégique des entrées devrait améliorer considérablement l'accès. Le périmètre de contrôle renforcé ne disposera quant à lui que d'un seul point d'entrée.

La bibliothèque comprendra des espaces de communication : des galeries, des salles d'exposition et de réunion, un petit auditorium. Elle possédera également des zones affectées à des activités particulières, par exemple une salle de découverte de l'électronique pour les enfants, un espace d'exposition où seront présentées des pièces rares calligraphiées, et elle disposera d'un système d'affichage électronique centralisé.

L'aération et l'éclairage intérieurs seront contrôlés en permanence. Bien que le climat de San Francisco soit presque aussi bon pour les livres que pour les humains, il faut filtrer l'air pour le débarrasser des particules et des gaz corrosifs, diminuer ou augmenter la température de l'air ambiant en fonction des conditions extérieures. De plus, en cas d'incendie, il est indispensable de contrôler l'atmosphère pour évacuer la fumée. D'après les prévisions, le système d'aération fonctionnera à 90 % du temps avec de l'air naturel non traité.

L'édifice sera entièrement accessible aux handicapés physiques. Si tout a été mis en œuvre pour dégager l'accès des zones expressément conçues à l'intention des aveugles et des mal-voyants, ils pourront par ailleurs se déplacer sans peine dans l'ensemble du bâtiment et consulter toutes les ressources qu'offrent les collections grâce aux outils technologiques à leur disposition.

Le réseau électrique distribuera partout la quantité d'électricité requise à tel ou tel moment et devrait satisfaire les besoins de la bibliothèque pendant au moins vingt ans. Les systèmes de télécommunication seront installés parallèlement au réseau électrique. Les branchements qu'ils nécessitent seront systématiquement installés à côté des placards électriques. Idéalement, le plan devrait prévoir un module de branchement multiple permettant d'installer sur chaque prise électrique les appareils de télécommunication et de téléphone, les équipements vidéo et audio, ainsi que ceux destinés à la sécurité et à la consultation des catalogues informatisés. Y parvenir est un des objectifs majeurs.

Conception d'ensemble

Une bibliothèque à plusieurs étages devrait permettre aux usagers de trouver satisfaction au niveau même où débouche chaque entrée. La configuration particulière du site, la nécessité de tirer le meilleur parti des entrées tout en les contrôlant ont poussé les architectes à proposer un « premier étage » qui, en fait, compte pratiquement deux niveaux. Ce schéma ménage aussi bien l'accès aux services généraux qu'aux domaines spécialisés. Dans la mesure où l'édifice est bâti sur un plan incliné, le meilleur moyen de ménager cet accès à partir de deux des portes d'entrée consistait à construire une passerelle à mi-hauteur du premier niveau. Quant à la troisième entrée, elle a été légèrement surélevée par rapport au premier niveau.

Cette disposition autorise certains aménagements :
- les trois entrées sont ainsi réparties : la première répond aux besoins de l'Hôtel de ville ; la deuxième communique avec l'édifice qui sert actuellement de bibliothèque (et deviendra le musée des Arts asiatiques, dans Fulton Street) ; la troisième, la plus basse, est reliée au réseau du Bay Area Rapid Transit (BART) et au métro situé dans Grove Street, et on lui adjoindra un point de contrôle ;
- ces entrées à tous les niveaux permettent de saisir d'emblée l'organisation de la bibliothèque ;
- telles qu'elles sont situées, toutes ces entrées permettent de voir l'espace réservé aux enfants, protégé par une isolation sonore, et accessible par le périmètre de la zone de contrôle ;
- grâce à la passerelle et à l'atrium, les visiteurs de passage peuvent observer l'architecture intérieure sans déranger les lecteurs ni les étudiants ;
- plusieurs des services destinés à ceux que pourrait intimider l'atmosphère qui règne dans les grandes institutions (les espaces pour aveugles et mal-voyants, la boutique où acheter livres et cadeaux, le programme d'apprentissage de la lecture conçu pour corriger l'analphabétisme dû à des troubles fonctionnels) se trouvent à proximité des entrées et en dehors de la zone de sécurité ;
- l'accueil des Amis de la bibliothèque se situe lui aussi au niveau de la passerelle, élément clé qui ouvre au public l'ensemble des ressources de la bibliothèque.

Le niveau principal abrite la première salle des ouvrages de référence, les banques de retour des livres, les banques d'emprunt, le bureau d'inscription des lecteurs et la salle de lecture en libre accès. Pour passer de ce niveau au reste de la bibliothèque, il faut emprunter le grand escalier ou la série d'ascenseurs qui évitent les entrées donnant sur la passerelle afin que les sorties n'échappent pas au contrôle.

Le niveau bas comprend une aire de livraison en sous-sol, des parkings, des espaces réservés à la maintenance, aux services de réparation et aux réserves.

Le centre de communication renferme le petit auditorium, des salles de réunion, une petite cafétéria, une galerie, un studio de production audio et vidéo ; on y accède par l'entrée de Grove Street, même lorsque la bibliothèque proprement dite est fermée. Sa localisation dans cette partie du bâtiment permet de prolonger verticalement le domaine des enfants et d'accueillir les représentations destinées à un large public enfantin. Sa distribution prévoit une salle de conférences et des pièces plus petites où pourront se poursuivre les discussions, un espace d'exposition pour illustrer les exposés situé dans la galerie surveillée, une salle de réception dans la cafétéria et la diffusion vidéo simultanée des conférences.

Le deuxième étage rassemble les collections générales et de sciences humaines - avec des plots d'information dépendant du service d'assistance aux nouveaux lecteurs qui rassemble des documents dans presque toutes les langues du monde et dont le personnel maîtrise plusieurs langues -, le département des « sciences humaines » et celui des jeunes. Des pièces d'angle seront réservées aux fonds spécialisés du « centre d'histoire des homosexualités » et à ceux du « patrimoine ethnique ». Ces secteurs organiseront des expositions intéressantes. Le nombre de documents qu'ils mettent à disposition est limité, mais ils seront équipés de systèmes de consultation informatisée afin que les usagers puissent s'informer sur l'ensemble de ces fonds.

Le troisième étage héberge deux des sections de base de la bibliothèque. Le département « affaires et technologie » offre l'une des collections les plus complètes au niveau national. Le centre de consultation et de documentation sur le monde des affaires géré par la SFPL compte déjà parmi les plus importants de Californie et il est prévu de lui donner une ampleur sans précédent en agrandissant les collections et en développant le réseau des systèmes d'information électroniques. Le département « art et musique », l'un des plus riches du pays, présente un extraordinaire intérêt pour tous ceux qui désirent se documenter sur ces thèmes. Le fonds de musique a été récemment complété par l'acquisition de près de 500 000 morceaux de musique. Ce domaine possède en outre une remarquable collection de documents audiovisuels à la charge du centre audiovisuel.

Le quatrième étage se partage lui aussi en deux domaines : les publications périodiques et le centre de publications officielles. La SFPL possède plus de 3 millions de publications officielles et plus de 22 000 titres de périodiques. Il est prévu de réduire considérablement l'espace occupé par ces collections grâce aux procédés d'enregistrement sur disque optique et à la digitalisation. Il faudra toutefois des décennies pour mener à bien cette conversion. Une superbe salle de lecture se trouve également à cet étage.

Le cinquième étage est occupé par les services administratifs, la section « livres d'art et estampes », la bibliothèque historique de San Francisco et diverses collections spécialisées. Il correspond également au sommet de l'atrium, coiffé d'une magnifique galerie d'exposition, et ouvre sur un jardin et une terrasse aménagés sur les toits. Aux deuxième, troisième et quatrième étages, les rayonnages en libre accès occuperont le mur plein des façades nord et ouest, reliés par des passerelles de part et d'autre des puits de lumière. Les zones de lecture et les plots de service public se situeront au milieu, alors que les compactus et les bureaux du personnel seront regroupés dans le tiers sud-est du bâtiment. A ces étages, tous les domaines sont disposés de la même façon par rapport aux ascenseurs, aux escaliers et à l'atrium, lequel a pour fonction d'unifier visuellement l'ensemble de l'édifice.

Pour les architectes, concevoir cet ensemble tenait de la gageure. Il leur fallait remplir les exigences du programme en tenant compte des particularités de l'emplacement et de la hauteur maximale imposée, prévoir de vastes espaces qui servent à la fois d'éléments unificateurs et procurent une impression d'ouverture, imaginer une construction compatible avec les bâtiments du Centre administratif et lui donner en même temps un cachet futuriste qui réponde à l'architecture de l'immeuble des Finances. Et tout cela devait être réalisé dans les délais impartis et dans les limites du budget.

La technologie

La nouvelle bibliothèque de San Francisco comptera parmi les plus grandes bibliothèques « néographiques » du monde. Les différents supports d'information et de connaissance y seront tous également accessibles. Sa mission consistera plus à connecter entre eux les grands sujets généraux qu'à couvrir tous les domaines. Les fonds de référence et de recherche continueront de s'accroître et de se diversifier alors qu'on limitera l'extension des collections d'ouvrages généraux. Le transfert vers l'extérieur des ressources de la bibliothèque qu'autorisent les communications électroniques sera des plus performants. Le réseau de la bibliothèque reliera entre eux tous les domaines et services intérieurs et il sera consultable de l'extérieur. Le but est, à cet égard, que d'ici dix ans chaque foyer de San Francisco soit électroniquement branché sur ce réseau, porte ouverte sur le futur « Village Bibliothèque ».

Ce programme de réseau informatique a été baptisé San Francisco Connection. Il permettra d'accéder très rapidement à la bibliothèque, à partir de chez soi, du bureau ou de l'école. L'utilisateur pourra y consulter les ressources des catalogues et des index ainsi que les informations concernant la ville, qu'il s'agisse d'associations ou de services municipaux. A partir de cette connexion avec la SFPL il pourra également communiquer avec d'autres serveurs opérant en Californie ou sur tout le territoire des Etats-Unis, grâce aux réseaux câblés tels INTERNET ou NREN qui lui permettront de commander à distance, d'élargir ses connaissances et d'obtenir directement les renseignements qu'il recherche.

La San Francisco Connection est conçue pour faciliter la communication avec les spécialistes de tel ou tel domaine - quiconque ayant besoin de conseils pourra entrer en contact avec les services d'assistance sociale, des avocats, des associations de défense des consommateurs -, la collaboration entre spécialistes - qui auront la possibilité de se réunir sur le réseau pour résoudre des problèmes précis -, ainsi que les demandes plus traditionnelles concernant les cotes et références bibliographiques.

Ces moyens technologiques vont profondement modifier le fonctionnement de la bibliothèque. Cette institution souvent perçue comme une forteresse va se transformer en réseau de distribution. Au lieu d'effectuer les opérations une à une, elle passera au stade de la production de masse et, plutôt que d'entreposer le savoir, elle aura pour tâche de favoriser les échanges et de rapprocher. Sa philosophie tout entière va basculer de la prudence (« au cas où ») à l'efficacité (« au moment voulu »). Quant au bibliothécaire, ce ne sera plus une mine d'informations mais un organisateur et un intermédiaire.

La San Francisco Connection offrira les moyens de gérer les 19 millions de titres des collections. Elle se chargera de ces tâches ménagères que représentent l'inventaire, le catalogage, les acquisitions, le contrôle des périodiques, le rangement vertical, le pointage des documents éphémères. Ce sera le métacatalogue de l'information et du savoir.

Ce catalogue deviendra pour finir multilingue, il ne contiendra pas uniquement du texte mais aussi des images, il renseignera sur le contenu et sera accessible à partir de n'importe quel modem, où que ce soit dans le monde. Grâce aux moyens technologiques, il sera non seulement aisément consultable, mais aussi approprié aux besoins des utilisateurs : il saura immédiatement si la personne qui l'interroge poursuit des études supérieures ou si elle ne maîtrise pas du tout l'anglais.

Un fabuleux potentiel

De surcroît, ce réseau comportera des fichiers de renseignements localement constitués sur San Francisco et sa région. La SFPL a déjà mis à l'essai un fichier sur les éditeurs de la région, un autre sur toutes les entreprises de la ville comptant plus de cinquante employés, un troisième sur les associations de la ville. Ces fichiers seront intégrés à l'ensemble des serveurs urbains qui réuniront des informations sur les clubs et les associations, les services sociaux, les cours pour adultes, les transports, le calendrier des manifestations organisées dans la ville et autres renseignements du même ordre. Tous ces fichiers seront consultables à distance et mis à jour par les organismes ou les individus qui en sont responsables. La technologie des images de synthèse sera utilisée pour intégrer les fonds de recherche de la SFPL au réseau câblé accessible en permanence. Les chercheurs et les lecteurs en quête d'informations précises pourront consulter les fonds spécialisés à partir de postes de travail informatisés. Des universitaires de San Francisco se chargeront d'indexer la plupart des images reproduites.

La San Francisco Connection fonctionnera comme un système de communications à partir duquel les usagers pourront, en s'abonnant, envoyer de chez eux des messages électroniques à la bibliothèque. Elle sera reliée à plusieurs réseaux de bibliothèques et à des serveurs privés. Ce procédé très high tech d'accès à l'information et au savoir recèle un fabuleux potentiel. La SFPL a pour mission de devenir le point focal de l'accès à l'information, au savoir et à la lecture, subventionné par des fonds publics. Elle se prépare pour le XXIe siècle et se veut un modèle pour d'autres bibliothèques et d'autres associations. Si tout se déroule comme prévu, les premiers éléments du réseau, l'ordinateur central et l'informatisation des tâches seront mis en service à l'automne 1991 et auront atteint leur vitesse de croisière en 1995, pour l'ouverture des nouveaux locaux.

Pour que la technologie tienne toutes ses promesses, la bibliothèque et les fabricants de logiciels doivent définir les postes de travail individuels, les systèmes de validation par l'utilisateur, les systèmes de conception et de production des images, le métacatalogue, les dispositifs d'auto-assistance, les outils « intelligents » destinés aux utilisateurs, le système d'assistance décisionnel, et le très complexe système de gestion informatisée. En l'an 2000, la bibliothèque disposera de trois simulateurs d'images en trois dimensions. Cette bibliothèque néographique pensée par des bibliothécaires sera pilotée par les usagers et conçue pour l'accès le plus large possible.

Il est de la plus grande importance que partout dans le monde les bibliothèques s'emploient à vaincre l'ignorance. Si dans nos sociétés l'ignorance n'est pas considérée comme une bonne chose, il a longtemps été possible de s'en accommoder. Puis nous avons réalisé qu'elle coûtait très cher. Il nous faut maintenant admettre que l'ignorance tue. Nous devons l'éradiquer de la planète. En travaillant de concert, les bibliothécaires et les spécialistes de l'information ont un rôle de premier plan à jouer pour que cet effort porte ses fruits.

Mai 1991

Illustration
La nouvelle bibliothèque de San Francisco

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La bibliothèque de San Francisco

  1. (retour)↑  La traduction de cet article a été effectuée par Oristelle BONIS.
  2. (retour)↑  La traduction de cet article a été effectuée par Oristelle BONIS.