Cahiers de l'économie du livre

par Jean-Michel Salaün
Paris : Editions du Cercle de la librairie, 1989. - 99 p. ; 24 cm.(n° 4)
ISSN 0999-6435 : 80 F.

Ce numéro de la revue regroupe quatre articles : le compte-rendu d'une table ronde qui s'est tenue au Salon du livre 1990 sur les stratégies des groupes d'édition ; et trois présentations d'études (le livre français en Afrique francophone, l'implantation des librairies dans les communes et l'édition en sciences humaines et sociales).

La table ronde réunissait plusieurs auteurs d'analyses sur les groupes d'édition, issus soit du milieu professionnel, soit du milieu universitaire ou para-universitaire. Au-delà des multiples points de vue qu'il est difficile de résumer ici, le débat peut se lire à un double niveau. Tout d'abord, il ressort clairement que l'analyse classique des stratégies industrielles est appliquée aujourd'hui à l'édition. Le vocabulaire HEC 1 fait florès. L'intérêt est de montrer combien l'évolution classique (concentration, poids du financier, diversification, niches, internationalisation...) touche cette branche comme les autres. Mais ensuite, bien malin qui pourra en tirer une conclusion claire sur la taille optimale des groupes, sur les stratégies idéales des éditeurs moyens, sur les implications du réseau de librairies ou encore sur la mesure du capital réel des éditeurs... Le travail d'adaptation des outils d'analyse aux particularités de la branche ne paraît pas totalement achevé.

La synthèse, établie par Vincent Poussou, sur « Le livre français en Afrique francophone » montre d'abord l'importance démographique, mais aussi le manque de moyens des vingt et un pays concernés. Quatre d'entre eux totalisent plus de 70 % des exportations vers la zone (Côte-d'Ivoire, Cameroun, Sénégal, Gabon). Les éditeurs français y sont en position dominante notamment sur le livre scolaire. Mais les pratiques économiques semblent mal adaptées. Les livres sont vendus selon les mêmes critères que pour la métropole. Ils sont trop chers, d'autant plus que les choix se portent souvent, pour les livres scolaires, sur les éditions coûteuses et que le coût du transport pèse lourd. La comparaison entre l'action des pouvoirs publics français et britanniques est accablante pour les premiers...

Michel Chaffanjon de l'ASFODELP 2 propose une courte lecture de l'Inventaire communal 1988 de l'INSEE 3 pour analyser les implantations de librairies par types de communes. La présentation met en appétit, mais malheureusement reste bien frugale quant à son analyse. Sont évoqués notamment la concurrence des hypermarchés, les relations de commerce de proximité, l'implantation des FNAC dans les centres villes. Les mêmes éléments (attraction des centres urbains/hypermarchés, réseaux, zones « rurbaines », etc.) appliqués aux bibliothèques, pourraient fournir la base d'une intéressante cartographie sociologique de la lecture publique.

Le dernier article est le plus développé puisqu'il tient à lui seul la moitié de la brochure. Il rend compte d'une recherche menée par Marc Minon du BIPE 4 sur l'édition en sciences sociales et humaines. On n'y trouvera pas de véritable révélation, mais une confirmation chiffrée et intelligemment argumentée des principales tendances.

Piquons quelques éléments dans un texte trop dense pour être résumé et renvoyons le lecteur intéressé à la revue. La concentration de l'édition, notée dans la table ronde, ne se reflète pas ici. Les éditeurs indépendants dominent, les éditeurs publics sont aussi très présents. Les titres se renouvellent plus que dans d'autres secteurs, mais les tirages restent modestes. Le marché est moins captif qu'il n'y paraît : si les étudiants sont a priori de forts consommateurs, les chiffres ne font pourtant pas apparaître une corrélation entre leur augmentation et celle des ventes ; la croissance des budgets d'acquisition des bibliothèques les laissent encore loin derrière leurs homologues britanniques ou allemandes.

L'organisation de la filière montre, dans un contexte plutôt favorable, de dangereuses faiblesses ponctuelles, en particulier la situation de plus en plus périlleuse de ce que l'auteur appelle « le noyau dur », c'est-à-dire les ouvrages les plus spécialisés. Les recommandations de l'auteur sont regroupées en quatre thèmes : rédiger les recherches et les thèses en fonction d'une éventuelle publication ; éviter la trop grande coupure entre ouvrages spécialisés et vulgarisation ; réhabiliter la lecture en particulier chez les étudiants ; résoudre le dilemme copyright/photocopies. De numéro en numéro, la revue permet de capitaliser une précieuse connaissance sur l'économie du livre. Elle s'affirme ainsi comme un outil indispensable pour les professionnels et les chercheurs. A quand l'équivalent pour le disque ou l'audiovisuel ?