Colloque franco-norvégien de littérature enfantine, 14 novembre 1987
actes
Caen, Impr. Mairie, 1990. -29 cm. ; 39 p.
Les actes de ce colloque proposent des compte rendus d'expériences menées en Norvège ou en France concernant la promotion du livre pour enfants ou la stimulation à la lecture - notamment le cas des enfants sourds -, la littérature enfantine et les différences d'approche entre les deux pays ainsi que les problèmes liés à la traduction.
L'école, base des actions
Une semaine nationale de promotion de la littérature enfantine organisée en Norvège est précisément décrite : objectifs, organisation et structure de l'action, partenaires impliqués, matériels, animations, expositions... et effets de cette campagne sur la lecture des jeunes, mais aussi sur les professionnels de la lecture ou de l'enfance impliqués dans cette opération d'envergure.
Le projet Lire davantage au Telemark est présenté, collaboration entre bibliothèques, enseignement et école normale : les objectifs étaient de favoriser l'automatisme de la lecture et une meilleure compréhension, les acteurs principaux du projet étant les écoles. Des découvertes ou constatations qui semblent tout de même évidentes aujourd'hui (il faut que les enfants aient envie de lire pour lire...) donnent l'impression d'un léger décalage entre la Norvège et la France. Mais ces évidences en sont-elles dans toutes les écoles françaises... ?
La conclusion indique qu'un effort pour les bibliothèques scolaires du Telemark est nécessaire : « Les livres pour enfants existent, pourquoi ne pas augmenter les crédits afin de les acheter ? ».
Deux autres actions de stimulation à la lecture dans une commune norvégienne en direction des élèves de 10 à 12 ans sont décrites (c'est là encore l'école qui est à la base du projet, la bibliothèque étant semble-t-il simple fournisseur de livres).
Ces actions donnent l'impression - à la lecture du compte rendu - d'être très bien bâties dans le contexte scolaire, mais de ne pas chercher de complémentarité avec les autres structures culturelles ou sociales de la commune.
Des expériences variées
Un souffle de fraîcheur et d'oxygène se dégage alors des recommandations de Geneviève Patte pour l'éveil du goût de la lecture chez les enfants : centre de la petite enfance new-yorkais, collaboration bibliothèques - centre sociaux -pédiatres - orthophonistes -psychologues, pour aller vers les tout-petits, bibliothèques de rue à Clamart, porte-à-porte bibliothèque dans les cités : autant d'avancées qui aident parents et enfants à échanger autour des livres, à participer de la même expérience.
L'évolution de la situation de la lecture publique en Basse-Normandie est présentée et met en valeur les besoins et les progrès dans les trente dernières années.
Le cas des enfants sourds - problèmes du langage oral, de l'apprentissage de la lecture, de la syntaxe, de la grammaire, de la compréhension - est précisément décrit. Le goût de la lecture est une été sous-utilisée à l'heure actuelle qui peut permettre à l'enfant, puis à l'adulte sourd, de rompre son isolement. Des logiciels peuvent aider à donner ce goût, mais les livres sont indispensables : or il n'en existe quasiment pas qui soient écrits dans cette perspective : « Comment aimer lire quand on n'a jamais eu de livres ? »
Une certaine proximité
L'accès à la littérature norvégienne, scandinave ou, plus généralement, étrangère, passe par la traduction. Or on connaît mal, souligne Rose M. Vassalo-Villeneau, l'état de la traduction de littérature enfantine dans le monde. Les critères de choix des ouvrages, sans faire abstraction du pari économique lié à toute édition, laissent une belle place aux « coups de cœur » des agents littéraires.
Mais les ouvrages traduits sont un reflet fragmentaire de l'édition étrangère. Il est certain que des ratages se produisent.
R.M. Vassalo-Villeneau regrette que la critique concernant la grande proportion d'ouvrages traduits, de l'anglais surtout, soit absente sur le marché français : la traduction n'est-elle pas enrichissement (cf. Grimm, Caroll ou Collodi), stimulation et ouverture ? Le monde anglo-saxon produit beaucoup, on y trouve d'excellents auteurs, et l'écart de civilisation n'est pas gênant.
Toutefois, la question de l'adaptation est importante : savoir adapter pour être lisible sans casser la nature du texte, et sans le simplifier ni sous-estimer le lecteur...
De l'avis de Geneviève Patte et de Vigdis Hort (auteur), la littérature norvégienne s'est débarrassé de cette frilosité qu'on trouve en France - certains thèmes ne sont presque pas abordés -, du besoin de moraliser, de présenter des « petites filles modèles ». Elle a su, dans les années soixante, s'écarter des « sentiers battus ». Il y a eu libération dans les contenus et le style. L'artiste parle avant le professeur, l'auteur est porte-parole de l'enfant tout en parlant aussi à l'adulte.
Les actes du colloque montrent la similitude des problèmes liés à la pratique de la lecture dans les deux pays et une proximité d'action semble s'y dessiner. Si ces littératures de jeunesse semblent assez éloignées, et insuffisament traduites dans un sens comme dans l'autre, une dynamique, à laquelle ce colloque a participé, devrait naître entre la Norvège et la France.