Le premier rapport du Conseil supérieur des bibliothèques

Pierre Louis

Le Conseil supérieur des bibliothèques existe bel et bien : il a été installé, ses commissions se sont mises au travail et il a tenu à le faire savoir : tout cela semble de bon augure et l'on ne peut que lui souhaiter longue vie et efficacité.

Les missions du CSB

Ce conseil comprend 18 membres nommés par les ministres concernés (Culture, Education, Recherche), le président (André Miquel) et les vice-présidents (Pierre Jolis et Michel Melot) étant nommés par le Premier ministre. Ce premier rapport donne la liste complète des membres (avec fonction, adresse et téléphone).

Quelles sont les missions du Conseil supérieur des bibliothèques ?

Le décret du 23 octobre 1989 semble avoir voulu éviter, pour tout le monde, contraintes, a priori ou limitations : le Conseil est « chargé d'émettre des avis et des recommandations sur la situation et les questions qui concernent les bibliothèques et les réseaux documentaires. Il favorise la coordination des politiques documentaires relevant de plusieurs ministres » (Article 2).

L'article 4 précise que le Conseil supérieur des bibliothèques fixe le programme de ses activités et détermine sa méthodologie. La Charte adoptée par le Conseil le 14 juin 1990 en constitue la première illustration : installé auprès de ministres, le Conseil a tenu à affirmer sa compétence tant au niveau des collectivités territoriales qu'au niveau international et à souligner son indépendance.

De plus, le Conseil supérieur des bibliothèques se veut une instance d'initiative et d'arbitrage, d'écoute et de promotion, d'orientation et d'évaluation des politiques, voire d'intervention. Lors de la séance inaugurale, André Miquel a été plus loin encore : il pourrait être nécessaire de « corriger les effets pervers et éclairer les zones d'ombre », voire d'envisager des « remontrances ». Le ministre de la Culture lui-même n'exlut pas que le Conseil puisse « infléchir les décisions des uns et des autres lorsqu'elles sont mal coordonnées ».

Une introduction situe bien les enjeux : éviter que le réveil des bibliothèques ne se fasse dans l'incohérence. Après la scission « irréversible » de 1975, tous les ministères ont vocation à développer des réseaux de bibliothèques ; les lois de décentralisation rendent les collectivités territoriales responsables de leurs politiques culturelles et, progressivement, les universités vont elles-mêmes opérer des choix en matière de politique documentaire ; enfin, la Bibliothèque de France ne doit pas être coupée des autres institutions documentaires.

Après cela, l'on conçoit sans peine (« être en dehors des ministères arbitrés ») que le Conseil souhaite ardemment (p. 93) être rattaché aux services du Premier ministre.

Premiers travaux

Les travaux des commissions sont largement rapportés et couvrent la plupart des « chantiers » en cours :
- statut et formation des personnels : réaffirmation de l'unité des professions travaillant dans les différents types de bibliothèque, prise en compte des trois fonctions principales du personnel scientifique qui doit être à la fois chercheur, ingénieur et administrateur ;
- services collectifs nationaux : catalogue collectif national, rôles respectifs de la Bibliothèque de France et des autres bibliothèques, modalités de mise en œuvre ;
- politique européenne : soutien aux programmes retenus par le Comité français de pilotage du plan d'action pour les bibliothèques de la Communauté européenne avec indication de priorités : favoriser l'accès aux fonds des bibliothèques par les usagers ; renforcer le dialogue Nord-Sud et ouverture sur l'Est ; mener une politique de jumelage plus active ;
- relations entre les bibliothèques de lecture publique et les bibliothèques scolaires : institutionnaliser le dialogue entre l'école et la bibliothèque pour aller au-delà des bonnes volontés, établir des cartes documentaires au niveau des collectivités, favoriser la constitution d'équipes mixtes (enseignants, bibliothécaires), mettre en place des « observatoires » pour la lecture,... - bibliothèques des antennes universitaires délocalisées : prévoir des conventions qui prennent en compte toutes les ressources documentaires disponibles en prenant bien soin des spécificités locales ;
- place des bibliothèques spécialisées dans les réseaux nationaux : les bibliothèques spécialisées sont très mal connues, dispersées, voire isolées ou marginalisées (sections spécialisées, sans « autonomie », des bibliothèques municipales ou des bibliothèques universitaires, bibliothèques des Grandes écoles, bibliothèques des administrations centrales des ministères) alors que, bien souvent, leur potentiel aurait toute sa place dans la carte documentaire française désormais indispensable par la montée en puissance de la Bibliothèque de France ;
- droit de copie en bibliothèque : « ayants-droit » et service public de l'information : toutes les difficultés d'un dossier « serpent de mer » qui aboutira (peut-être) dans le cadre européen ;
- dépôt légal : le nouveau projet concerne essentiellement le dépôt légal audiovisuel, la convention entre l'Institut national de l'audiovisuel et la Bibliothèque nationale ne donnant pas satisfaction ; le dépôt légal des logiciels est encore à l'étude, pour cinq ans au moins ; pour les imprimés, le Conseil supérieur des bibliothèques approuve la prudence des projets en cours, tout en souhaitant l'institution d'un Conseil scientifique du dépôt légal pour organiser une nécessaire mais permanente adaptation.

Les membres du Conseil supérieur des bibliothèques sont, chacun dans leur domaine, des personnalités incontestées. L'on ne peut que souhaiter qu'ils forment une équipe avec le plus d'« existence » possible avec, chaque fois que cela semble nécessaire, des prises de position largement publiques, sans exclure - pourquoi pas ? - la tenue de Rencontres ou d'Assises destinées à manifester l'enjeu et la solidarité professionnels pour les grands dossiers : cela suppose, naturellement, que le Conseil supérieur des bibliothèques soit doté de moyens réels de fonctionnement.

Pour l'heure, le plus difficile reste sans doute cette sorte de défi que le Conseil s'est lancé à lui-même : être une autorité non contraignante qui respecte la liberté de chaque partenaire.

  1. (retour)↑  André MIQUEL, Rapport du Président pour l'année 1990, Paris, Association du Conseil supérieur des bibliothèques, 1991.
  2. (retour)↑  André MIQUEL, Rapport du Président pour l'année 1990, Paris, Association du Conseil supérieur des bibliothèques, 1991.