Pour une Europe du livre
rapport au secrétaire d'État aux Relations culturelles internationales
Rémy Lillet
ISBN 2-11-002319-8.
Ce rapport rédigé par Rémy Lillet, responsable éditorial du département de littérature étrangère chez Flammarion, a été établi d'après une enquête menée de janvier à juillet 1989. Véritable état de l'édition en Europe, il dresse un constat des situations diverses et souvent inégales du marché dans les pays de la Communauté. Bilan général et comparatif, d'une part, il est assorti de dossiers analytiques et détaillés pays par pays, d'autre part.
Comme l'ensemble des industries culturelles, celle du livre subit de profondes mutations depuis le début des années 1980, liées à l'essor des nouveaux médias et au rachat de plus en plus nombreux de groupes éditoriaux par des intérêts étrangers à l'édition. Face à l'explosion de nouveaux moyens d'expression (radio, télévision, cinéma), la création s'est déplacée et l'écrit, dominé par la progression de la presse essentiellement, doit redéfinir son devenir.
La production éditoriale européenne se caractérise surtout par sa diversité, son abondance et paradoxalement sa « marginalité » économique. Des lignes de fracture se dessinent cependant nettement entre une Europe du Nord « protestante », dont l'édition traditionnellement florissante aurait tendance à stagner, voire à régresser, et une Europe latine catholique qui, malgré de réels efforts d'adaptation aux lois du marché, obtient des résultats inférieurs à ceux du Nord.
Pour les uns et les autres, on constate une forte poussée de l'édition de savoir : technique, scientifique, éducative, liée aux besoins de formation (70% du chiffre d'affaires, dans les pays industrialisés) au détriment de l'édition de loisirs, secteur davantage précaire.
Les techniques de distribution ont également un impact important sur la diffusion des produits mais aussi sur leur contenu. Ainsi les éditeurs français, danois, anglais investissent-ils dans la librairie pour contrôler la distribution de leur production, se défendre contre l'invasion des « mégastores », développer et maintenir un marché. Parallèlement, certaines entreprises comme Bertelsman en RFA ou Maxwell au Royaume-Uni, par le biais de regroupements financiers et juridiques, se définissent-ils comme groupes de communication plutôt que comme éditeurs.
Une stratégie d'internationalisation des marchés est en route et il est raisonnable de penser qu'elle profitera à chacun. A condition toutefois de se pencher sur les points délicats soulevés par l'instauration de l'Acte unique. En matière de prix, notamment. Taux de TVA, tarifs postaux, droits de reproduction, et disparités juridiques des droits d'auteurs. Outre le règlement de ces questions, et sans céder au pessimisme, il est indispensable dès à présent de mettre en place une politique solide de soutien aux éditeurs, donc au livre, donc à la lecture qui relève désormais de « la responsabilité des Etats au même titre que la Sécurité, la Défense, la Justice », souligne Rémy Lillet qui fait donc un certains nombre de propositions dans ce sens. Forum des éditeurs européens, Agence européenne du livre, formation transnationale des éditeurs de la Communauté économique européenne. Sur le plan national français, il insiste sur la nécessité d'un effort particulier pour le maintien du livre en langue française. En effet, le futur européen pourrait être là aussi anglophone. L'anglais scientifique et technique a su pénétrer très en profondeur le secteur.
La bataille anglaise se joue également sur le front des droits éditoriaux dont il faut assurer la suprématie contre les Américains. Elle est déjà bien engagée !
Autre enjeu : sur les lignes internationales s'annonce plus que jamais l'Europe des systèmes d'information. S'adapter aux nouveaux besoins qu'ils suscitent, aux nouvelles habitudes qu'ils ne manqueront pas de développer, à la concurrence qu'ils attisent est le défi que doit relever l'édition traditionnelle. Pour approfondir cette question, on peut se référer à l'ouvrage très exhaustif que Pierre Pelou lui a consacré.
Malgré les nombreuses menaces qui pèsent sur lui, le livre a un avenir, en Europe et ailleurs, nous le croyons avec Rémy Lillet qui en est un fervent défenseur parce que le livre est plus que jamais « un objet de savoir, de culture et de référence ».