Journée Patrimoine

Christophe Pavlidès

L'automne 1990 a décidément été fertile en rencontres autour du patrimoine des bibliothèques. Après l'ABF le 28 septembre 1, c'est la commission patrimoine de l'ADBU qui organisait une journée d'étude le 20 novembre, témoignant - s'il en était encore besoin - de la vitalité des bibliothèques d'enseignement supérieur dans ce domaine.

Un premier carrefour, sous la houlette de Christiane Baryla (chargée de mission à la Vaticane), confrontait des expériences assez différentes dans le domaine du vidéodisque, l'une au Muséum d'histoire naturelle (le vidéodisque des vélins et ses produits dérivés) et l'autre au Musée des Antiquités nationales, traduisant la diversité - et l'évolution rapide -des supports optiques en termes d'interactivité et plus généralement de standards. L'indexation pose également des problèmes tant techniques qu'intellectuels, et le vidéodisque des enluminures de la Vaticane présenté par Jean-Claude Schmitt (Ecole des hautes études en sciences sociales) en donne l'illustration : il n'y a pas de classification parfaite, et « plus l'analyse est fine, plus elle est subjective ». Un exposé sur la numérisation confirmait que la simplification de l'accès à l'image passe par des techniques de plus en plus complexes.

L'édition n'est pas, loin s'en faut, hors du champ des bibliothèques et de leurs tutelles: tandis que le ministère de la Culture présentait deux entreprises-fleuves, le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France et la série des catalogues régionaux d'incunables, un bilan était dressé de l'action récente du ministère de l'Education nationale en faveur de l'édition de reprints à partir des fonds des bibliothèques, suscitant une discussion nourrie.

Les entreprises éditoriales confirment que le patrimoine est un véritable gisement pour la recherche ; ainsi, grâce à des vacations d'étudiants spécialisés, ce sont près de 4 000 bois gravés alsaciens antérieurs à 1515 qui ont été inventoriés et décrits à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, et le premier volume d'un inventaire par imprimeurs est sous presse. Dans un autre domaine, l'édition des catalogues par fonds d'auteur de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet se heurte en revanche à des difficultés matérielles, ce qui n'enlève rien à la qualité des catalogues déjà parus.

Aborder des thèmes faussement « classiques » (restauration, conservation...) permet de balayer quelques idées reçues sur le traitement du patrimoine. Une enquête récente sur les Réserves 2 montre le flou et le manque de doctrine qui les régissent : critères de sélection très inégaux sinon contradictoires, assimilation au fonds ancien ou au fonds régional, on pourrait presque dire qu'il y a autant de types de réserve que de cas étudiés. On comprend dès lors que Jean-Paul Oddos (Bibliothèque de France) accorde la primauté aux problèmes de méthode dans le traitement du patrimoine, avec l'idée qu'il faut toujours procéder par étapes et dans un schéma évolutif.

On en sut enfin un peu plus long au terme de cette journée sur le Centre technique du livre, futur centre de dépôt des bibliothèques franciliennes d'enseignement supérieur, grâce à Hubert Dupuy qui est en charge du projet. Missions, coût, fonctionnement (notamment délai de livraison de 24 h pour les bibliothèques déposantes), phasage du projet, partenariat technique avec la Bibliothèque de France, droits et obligations des bibliothèques déposantes, tous les aspects du dossier furent abordés dans un silence religieux qui traduisait l'impatience des confrères franciliens et la curiosité des autres pour ce qui sera une grande première dans les bibliothèques françaises. Les voies du patrimoine sont décidément bien diverses, et cette journée ADBU rappelait fort à propos que les bibliothèques universitaires et les bibliothèques des grands établissements y sont particulièrement sensibles.