Éditorial
Bibliothèques et écoles : cela aurait pu être une histoire en rose et gris.
Côté gris : des élèves qui, dans la rue, réclament des centres de documentation. Un quart des collèges qui n'en sont pas encore équipés. Dans le secteur primaire, des bibliothèques en nombre insuffisant (six écoles sur sept n'en offrent pas), la plupart du temps sans personnel spécialisé. Bref, des bibliothèques et centres documentaires dont l'offre et la qualité restent inégales.
Côté rose : des développements et des engagements. Plus aucune création de collège sans ouverture d'un centre de documentation et d'information ; création d'un diplôme de haut niveau, reconnaissance statutaire de la profession de documentaliste, intégration des offres de lecture dans des projets d'ensemble des établissements, développement de la réflexion, du dynamisme et des propositions de la part des professionnels eux-mêmes.
Pourtant, ce n'est pas seulement ce type de bilan que nous avons voulu développer dans ce numéro du Bulletin consacré aux évolutions récentes des bibliothèques du secteur scolaire et à celles des relations entre bibliothèques des écoles et bibliothèques publiques.
Celles-ci, on le sait, ont été longtemps mélange de collaboration, volontaire ou obligée, et d'amertume partagée. Les sections pour enfants des bibliothèques municipales, aux heures pionnières du début du siècle, comme plus tard, lors de la floraison des années soixante, se sont constituées pour une part, « contre » le modèle scolaire. A vous le devoir, à nous le plaisir ! Là où l'école impose et oblige, les bibliothèques seraient le lieu du libre choix et d'une autre lecture...
Des pas, des cheminements ont été faits de chaque côté : bibliothèques et centres de documentation du secteur scolaire, tout en s'attribuant une spécificité pédagogique, affirment eux aussi la multiplicité des modes d'accès à la lecture, la diversité des fonctions du lire, l'importance de propositions plurielles qui respectent et encouragent l'itinéraire, toujours singulier, de chaque enfant, de chaque jeune.
Du côté des bibliothèques publiques, le ressentiment dû à l'impression de « faire le travail de l'école », tout en se situant en contre-exemple, laisse peu à peu la place à l'idée d'une coopération plus positive, qui intègre les apports et les rôles spécifiques de chaque partenaire.
Tout se passe comme si, après la coopération subie, se mettait peu à peu en place une coopération voulue. Tant est grande la conscience qu'en matière d'apprentissage de la lecture et d'ancrage du goût de lire, tous les efforts sont bons...
Et là aussi, l'évolution des mentalités est accompagnée et renforcée par une évolution des structures. La décentralisation a renforcé le rôle des collectivités locales dans la mise en oeuvre des politiques culturelles, mais aussi scolaires. D'où, peu à peu, la mise en place de propositions qui ne soient plus seulement complémentaires par simple coexistence spatiale ou par obligation morale, mais qui soient véritablement pensées comme proposition culturelle active, comme projet commun d'offre de lecture.
Plusieurs exemples sont ici donnés de ces nouvelles coopérations où les savoir-faire et les spécificités de chacun ne sont plus vécus comme concurrentiels, mais pensés et proposés, de façon raisonnée et planifiée, au service de la communauté.