La lecture et ses institutions

la lecture publique 1919-1989

par Louis Desgraves

Noë Richter

Le Mans, Edition Plein Chant, 1989. - 238 p. ; 20cm.
ISBN 2-854452-083-1.

En rendant compte ici * du premier volet des études de Noé Richter sur la lecture et ses institutions, nous avions souligné l'intérêt et l'originalité de ses recherches. En abordant la période qui s'étend de 1919 à 1989, l'auteur n'a pas craint de traiter de questions encore brûlantes dont certains aspects ne sont pas tous connus avec certitude.

Les dix chapitres de l'ouvrage reflètent l'évolution des conceptions et en jalonnent les étapes chronologiques. « Le printemps américain rappelle comment, au lendemain de la guerre de 1914-1918, la reconstruction des régions sinistrées allait implanter le modèle américain sur le sol français et contribuer à la lente évolution des conceptions, grâce à l'influence de l'American committee for devasted France et du Book committee of Children's libraries. Cette influence se reflète dans le chapitre Il consacré à « L'idéologie de la bibliothèque moderne » et dans le chapitre III qui rappelle les plans, encore timides, d'organisation et de lecture publique avant 1940, marqués par le Comité français de la bibliothèque moderne, la Commission de la lecture publique, le plan de Grolier et quelques autres projets de moindre importance. Il est alors possible d'analyser, dans le chapitre IV, la continuité et le changement dans les conceptions et les réalisations qui ont marqué les années d'avant 1940 et de souligner, dans le chapitre V, les convergences lecture ouvrière et lecture publique.

On lira avec intérêt les pages neuves du chapitre VI, « L'Intermède vichyssois », que Noé Richter conclut en ces termes : « Le temps d'arrêt de 1940 à 1945 a décanté la réflexion de l'entre-deux-guerres et donné un fondement plus solide à un système de lecture français qui se cherche depuis 1918 ».

Avec le chapitre VII, l'auteur aborde « Les années de braise 1945-1968 » au cours desquelles, grâce à la création de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique et à l'action de bibliothécaires décidés à moderniser le paysage des bibliothèques françaises, se mettent en place des institutions essentielles qui contribuent encore au développement de la lecture publique urbaine et rurale. En qualifiant dans son chapitre VIII 1968 d'« Année sans pareille », Noé Richter attribue, semble-t-il, une influence excessive aux événements de cette année. Ils avaient, en effet, été précédés par le plan de développement de la lecture publique élaboré à la demande de Georges Pompidou, lorsqu'il était Premier ministre.

Ayant participé aux actions et aux évolutions de cette période foisonnante en projets, et suivi les réalisations qui en ont découlé, je pense qu'il est peut-être prématuré d'analyser, sans le recul nécessaire, une époque aussi passionnante. Noé Richter retrace, avec une parfaite objectivité, les diverses étapes de cette « révolution culturelle », rappelant les projets ambitieux qui ont permis, au-delà de 1968, de créer un nouveau paysage de la lecture publique en France. Il s'interroge sur les résultats, en ce domaine, de la politique de décentralisation menée depuis 1981. Il est incontestable, qu'au cours de cette période, les constructions de bibliothèques municipales ont connu un essor jusque-là inconnu, les départements ont, enfin, été tous pourvus d'une bibliothèque centrale de prêt qui, grâce à des moyens accrus, ont permis l'implantation d'un réseau de lecture publique rurale. S'il reste encore beaucoup à faire, le bilan dressé par l'auteur offre de très nombreux aspects positifs.

Cet ouvrage s'appuie sur une solide documentation. Les décideurs politiques et les bibliothécaires ont intérêt à le lire. Il s'achève par un index général des matières (p. 215-218), un index général des personnes (p.219-225), un index général des institutions (p. 226-229) et un index général des chercheurs et des références (p. 230-233) communs aux deux tomes de cette étude.