Monuments historiques, n° 168

Bibliothèques/1990

par Anne-Marie Filiole
Paris, CNMHS, 1990. - 109 p. ; 27 cm.

Le patrimoine architectural de nos bibliothèques françaises dans une mise en page d'extrême sobriété, équilibre harmonieux du texte et du noir et blanc... Seuls quelques miroitements de boiserie chaude et d'éclats d'or étalé sur une frise architecturale... Un silence ombré « luxe, calme et volupté ».

Faisant écho à la naissance de la Bibliothèque de France et au Colloque international sur l'avenir des grandes bibliothèques. Monuments historiques fait le point sur l'architecture héritée du passé, à travers de superbes bibliothèques historiques - celles des princes et des évêques, de l'époque révolutionnaire, du second Empire et de la troisième République -, les réhabilitations et créations qu'elles suscitent encore aujourd'hui.

Vestiges

Un historique rappelle que les bibliothèques publiques furent d'abord abritées dans des locaux inappropriés - anciens couvents, collèges, chapelles ou hôtels particuliers réutilisés. Puis le XIXe érigea de vastes bâtiments, véritables « temples du savoir » jumelés aux musées, qui privilégiaient l'apparat. Enfin, après une période de total immobilisme, le XXe siècle se mit à construire à partir des années 40, et beaucoup plus encore depuis les années 70, de véritables bibliothèques fonctionnelles, qui prirent place dans l'équipement de la ville « chargé de contribuer aux loisirs, à l'éducation, à l'information et à la culture » de tous...

Les évocations de ce numéro possèdent un charme séculaire que personne ne saurait nier, tout démocrate soit-il. Il n'est que d'entrevoir la bibliothèque capitulaire de Bayeux (XVe siècle). complètement désuète, avec ses phylactères et son poële néo-gothique, la bibliothèque d'Amiens, « sorte de temple néo-grec » construit entre 1823 et 1825 sur le mode de l'antique, façade en péristyle et colonnes doriques, l'Université impériale de Strasbourg (1878 à 1884), inspirée du palais Pompéï à Vérone, avec portiques, métopes, statues d'acrotères, niches et médaillons, le musée-bibliothèque de Grenoble, parfaitement académique et ornemental... Bibliothèques érudites et grandioses, bibliothèques recluses, assoupies dans le silence moiré des lambris, des sculptures et des colonnes...

Insertions historiques

Les bibliothèques modernes deviennent populaires et fonctionnelles : celle de Tours, élevée par Pierre Patout en front de Loire (1957), en son temps « la plus belle bibliothèque moderne de France »..., prisme à section carrée de onze niveaux superposés, architecture rythmée de pleins et de vides sous entablement, comparée par Julien Caïn au temple de Segeste... Des bibliothèques qui réintègrent l'histoire et les vestiges de pierre... Celle de Blois, dans le château restauré de Louis XII, la bibliothèque Toussaint d'Angers, qui s'articule sur le musée des Beaux-arts, la galerie David et le cloître partiellement rénové, dont la transparence cubique reflète à la fois l'activité interne et l'environnement architectural et végétal, la médiathèque de Nevers qui réutilise un couvent d'Ursulines du XVIIe et fédère divers lieux grâce à son chapiteau de verre, celle d'Arles, dans l'ancien hospice du Saint Esprit, celle de l'Opéra de Paris dans les locaux du Palais Garnier remis en état en 1987, la médiathèque de Vitré que la ville envisage d'abriter dans l'Hôtel de Sévigné, style fin Renaissance avec tours et donjon, le Centre national de la bande dessinée d'Angoulême, verre et aluminium dressés sur un site d'importants vestiges...

La bibliothèque sous nos yeux peu à peu se transforme, tranparence symbolique, pièce unique dans le jeu de la ville et de l'espace.

A l'occasion de la parution de ce numéro, la salle d'actualité de la BPI a proposé, du 28 mars au 14 mai, en collaboration avec la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, une exposition - Architecture des bibliothèques : patrimoine et actualité - sur un reportage photographique d'Etienne Revault (Monuments historiques). Autour d'un salon de lecture offrant livres et articles consacrés aux bibliothèques, un parcours en trois volets menait des Fastes de l'Ancien régime aux Temples du livre du siècle passé, pour s'achever devant des cas de réhabilitations d'anciens édifices et de reconstructions in situ.