Bibliotheken und Aufklärung

par Denis Pallier
hrsg. von Werner Arnold und Peter Vodosek
Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1988. - IX-213 p. ; 24 cm. - (Wolfenbütteler Schriften zur Geschichte des Buchwesens ; Bd. 14)
ISBN 3-447-02840-8

En 1986, le groupe de travail pour l'histoire des bibliothèques de Wolfenbüttel a consacré sa quatrième session annuelle au thème « Bibliothèques et philosophie des Lumières ». Le présent ouvrage recueille l'ensemble des contributions présentées lors de ce colloque, à l'exception de celle de P.J. Becker sur les visites de bibliothèques en Allemagne, partie de ce phénomène spécifique que furent les voyages de formation, car cette contribution était issue d'un ouvrage publié en 1980. De même, n'ont pas été publiés les débats qui ont accompagné chaque exposé.

Deux introductions générales présentent l'ensemble du thème, suivies de sept contributions qui fournissent, type de bibliothèque par type de bibliothèque, le point des recherches actuelles. Le dixième exposé fait entrer en scène pour le final les bibliothécaires savants et érudits du siècle des Lumières.

Bibliothèques traditionnelles

Il appartenait au professeur Fabian de poser la problématique générale, étayée par des exemples allemands, anglais et américains : quels furent la situation et le rôle des bibliothèques dans une période marquée par la croissance de l'édition et la diffusion de la lecture et de l'écriture ? L'expansion des bibliothèques traditionnelles, leur ouverture aux Lumières semble variable. Avec le succès de formes littéraires nouvelles, courtes et légères, et le développement, étonnant en Allemagne, des périodiques, fleurissent des bibliothèques éphémères : sociétés de lecture, cafés littéraires et bibliothèques de prêt. M. M Nagl complète cette introduction en examinant les sources relatives à la lecture. Un rappel des données statistiques est nécessaire : augmentation de la production (de 1 000 à 4 000 titres par an entre 1700 et 1800), notamment des romans et de la littérature d'instruction populaire, multiplication des auteurs, croissance du lectorat (de 80 000 à 550000 personnes peut-être). Mais des différenciations apparaissent, par génération, par zone géographique du Nord au Sud, par groupes sociaux, avec coexistence de cultures livresques différentes, maintien d'une culture mnémotechnique, poids des dialectes. Le changement de la pratique, le passage de la lecture répétitive de quelques textes (lecture intensive) à la lecture d'ouvrages courts et nombreux (extensive), soulève la critique, dans des campagnes contre la « fureur de lire » (Lesewut), dénoncée comme facteur de troubles moraux et sociaux.

Des trois premiers exposés ressortent les limites des bibliothèques traditionnelles. Les riches bibliothèques princières décrites par M W. Arnold ont connu des destinées diverses, dépendant de l'intérêt des princes pour les livres et, plus souvent, de leur prise en charge par les finances publiques, en concurrence avec l'opéra, l'orchestre ou le théâtre. L'état et l'organisation des bibliothèques universitaires, le statut de leurs bibliothécaires ont essuyé les critiques de contemporains tels que F.A. Ebert, W. Arnold et J D. Michaelis, le savant directeur de la bibliothèque de Göttingen. De l'examen mené par M. G. Frühsorge, il ressort que, à l'exception de Halle, modèle inachevé, et de Göttingen, les bibliothèques des universités n'ont été que de façon limitée des lieux de propagation de la littérature nouvelle, des éléments d'un programme « éclairé» ». Dans les couvents de chanoines augustins et bénédictins de Bavière et d'Autriche, non sans liens avec des congrégations françaises, deux périodes sont identifiées par M. G. Heilingsetzer : une phase d'ouverture des bibliothèques et des enseignements aux influences nouvelles (1730-1740) mais, après 1770, une attitude défensive face aux menaces des Etats et aux doctrines anti-monastiques Dans ces bibliothèques, plus riches que celles des universités à Polling ou Saint-Florian, ont exercé cependant de véritables personnalités scientifiques, membres des Académies.

Ouverture et développement

En revanche, la première moitié du XVIIIe siècle voit le développement des recensions d'ouvrages nouveaux, des dictionnaires, des bibliographies, traduisant le goût des particuliers pour la constitution, l'exploitation de collections, la transmission des enseignements de deux siècles d'édition. L'Historia litteraria née alors dans ces bibliothèques et dans les universités a pour enfants l'histoire du livre et des bibliothèques. Tout en soulignant la connaissance encore fragmentaire des bibliothèques privées de la bourgeoisie, M. P. Raabe esquisse un tableau de ces bibliothèques de tailles diverses, constituées dans les villes universitaires mais aussi dans ces cités commerciales comme Hambourg ou Francfort. Il relève leur rôle dans la diffusion de la lecture, la tendance progressive à la spécialisation, le rôle de ces collections privées pour la transmission des manuscrits et des incunables à la recherche actuelle.

Etroitement lié à l'histoire du système scolaire moderne, le développement des bibliothèques scolaires trouve de nouvelles conditions favorables avec les Lumières, qui constituent une période significative entre la Réforme et le mouvement pédagogique du XIXe siècle. Examinant les textes de Ballenstedt, Gedike, Natorp, M. K. Hohlfed montre une conception de plus en plus élargie du rôle de ces bibliothèques, confrontées cependant constamment au problème de leur financement. Dans un long article, suivie d'une bibliographie de 94 références, M. P. Vodosek examine le cas des bibliothèques populaires sous deux aspects. En premier lieu sont recensées les demandes de leurs apôtres, théoriciens, mais aussi prêtres et enseignants d'esprit pratique, proches des villageois et paysans. En second lieu, l'auteur fait la preuve, à partir de dépouillements de périodiques, d'une douzaine de fondations dans les villes et campagnes entre 1780 et 1800, effet d'initiatives le plus souvent privées, de but et contenu divers. Mais les bibliothèques nouvelles qui semblent avoir connu, malgré censure et critiques, un développement et un rôle de diffusion considérables au temps des Lumières furent les bibliothèques de prêt payantes, thème de recherches récentes. M. R. Ligocki décrit sur un échantillon de 150 cas la floraison de ces bibliothèques en Allemagne de 1750 à 1800, date à laquelle il en existe dans presque chaque ville, puis leur déclin, dû à la baisse du prix du livre et à la concurrence d'institutions non commerciales. Après 1815, dans ces bibliothèques issues de la demande culturelle de la bourgeoisie mais utilisées par toutes les classes, le type encyclopédique cède le pas à la dominante « Belles-Lettres ».

Dans le même temps, M. J. Voss montre que la définition et l'image du bibliothécaire changent dans les dictionnaires et les manuels, du garde de la librairie au savant maîtrisant les langues anciennes et modernes et diverses disciplines. La participation des bibliothécaires aux Académies, principales assemblées savantes, est attestée, avec prédominance des bibliothécaires des Cours et des bibliothécaires-professeurs.

Axés pour l'essentiel sur le domaine germanique, les exposés rassemblés ici comportent cependant des comparaisons avec la France et la Grande-Bretagne. L'ouvrage ainsi constitué rend compte de la vitalité des recherches sur l'histoire des bibliothèques en République fédérale d'Allemagne. Il est susceptible de fournir de nombreux exemples et points de comparaison aux recherches de même type, menées ou à mener en France sur les bibliothèques au siècle des Lumières.