Éditorial
La Décentralisation
Comme dans les autres domaines de la vie publique, les lois de décentralisation, votées par le Parlement en 1982 à l'initiative de Gaston Defferre (qui, de manière significative, avait choisi de donner à sa charge le nom de ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation), n'ont pas manqué de produire des effets sur la vie des bibliothèques de France. Mais, redoutée par les uns, et fêtée par les autres, crainte ou désirée, jugée trop timorée ou, au contraire, trop radicale, trop lente ou trop brutale dans ses délais d'application, la réforme devait nécessairement susciter le débat - sinon la polémique.
De ce débat, le dossier ici présenté, auquel participent les différentes parties prenantes de l'affaire - élus locaux aussi bien que professionnels des bibliothèques - se fait largement l'écho. Dans l'ensemble, et quelles que soient les critiques évoquées ci-dessus, c'est un jugement consensuel et positif qui se fait jour. Plus précisément, on voit se manifester un triple objet de satisfaction. D'une part, il apparaît que les transferts de compétence ont bénéficié aux établissements sur le plan financier ou budgétaire ; ensuite, la réforme a permis aux professionnels de faire preuve d'une plus grande responsabilité dans le cadre de leur travail ; enfin, le rapprochement administratif a rendu les rapports plus étroits entre bibliothécaires et responsables politiques, ce qui ne pouvait évidemment se traduire que par une plus grande compréhension réciproque. Le consensus n'est en revanche nullement acquis en ce qui concerne les rapports avec l'Etat, les uns jugeant son emprise encore beaucoup trop forte et, par là, cause de dysfonctionnements dans l'application de la loi, tandis que les autres redoutent un trop grand désengagement de sa part, en faisant valoir les exigences d'un idéal républicain qu'un récent bicentenaire (puis quelques polémiques relatives à la laïcité) a remis à la mémoire de tous.
Ce dossier que nous présentons ici laisse toutes ces questions ouvertes, de même qu'il ne tranche pas quant au débat de fond. L'une des raisons en est qu'il se constitue essentiellement de points de vue particuliers sur le problème global, qui s'expriment en autant d'études de cas ou de prises de position. Il le fallait, si la démocratie, considérée comme l'un des buts principaux de la réforme décentralisatrice, ne se peut que dans le libre débat au sein duquel nulle position n'est considérée préalablement comme expression de la vérité. Cependant, une telle attitude peut conduire au pur émiettement si une approche globale et synthétisante ne vient pas jouer le rôle de modérateur. C'est à cette approche que devraient répondre les études que nous pensons publier dans une prochaine livraison du Bulletin, pour compléter ce présent dossier.