Image et vidéodisque
Paris : Documentation française, 1988. - (Collection Documentation et information scientifique et technique)
Il manquait à ce jour, dans le domaine du vidéodisque, un ouvrage complet qui fasse le point sur tous les aspects de la question : problèmes documentaires, technologies diverses, aspects juridiques, logiciels de pilotage, etc., car bien souvent, dans les journées d'étude, un seul aspect du problème est abordé. C'est maintenant chose faite avec Image et vidéodisque publié conjointement par la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique (ministère de l'Education nationale) et la Documentation française.
Dans une première partie consacrée à la documentation iconographique et à sa gestion, Geneviève Dieuzeide nous montre comment l'évolution de l'informatique et l'apparition du vidéodisque (c'est-à-dire la petite révolution que constitue l'image en ligne) ont entraîné des mutations profondes dans les méthodes de traitement de l'image. Elle nous indique les écueils à éviter : l'analyse trop poussée et la surindexation. De nombreux exemples de fiches descriptives, empruntées à différents systèmes déjà opérationnels orientent vers des choix possibles. Son étude a l'intérêt également de montrer comment toutes les solutions présentes et à venir peuvent cohabiter : numérique, analogique et bientôt les réseaux numériques à intégration de services.
Grâce à Albert Naêl, nous avons enfin un essai court et concis expliquant clairement la différence entre l'image analogique et l'image numérique, si souvent opposées de manière irréductible. C'est une excellente idée de faire le point d'emblée sur les avantages et les inconvénients de ces deux types d'images tout en sachant bien (et le mouvement s'accélère), que l'on va irrésistiblement vers l'image numérique.
Jean Martin passe ensuite au crible les problèmes de droit. « Le nombre des questions juridiques à aborder n'est pas sans rapport avec celui des images susceptibles d'être contenues dans un vidéodisque ». C'est dire l'importance des droits d'auteur. Cette analyse permettra aux producteurs de vidéodisques (ce que tout bibliothécaire ou gestionnaire de fonds d'images est susceptible de devenir) de se familiariser avec les aspects juridiques d'une telle réalisation.
Dans la quatrième partie, concernant l'accès aux images, le chapitre que Marion Gréhange consacre aux bases d'images et à l'intelligence artificielle a le mérite d'aborder un problème que je considère comme essentiel : celui de l'aide à l'indexation, car, comme elle le remarque, « la création de thésaurus et celle des descriptions constituent un énorme goulot d'étranglement ». Et après de nombreuses analyses, notamment du système EXPRIM, elle note : « l'appel à l'intelligence artificielle permet de promouvoir le rôle de l'utilisation en un rôle de créativité et de réflexion et d'instituer un véritable dialogue entre l'homme et le système ». Car malgré l'usage en long, en large et en travers du concept d'interactivité, c'est bien ce qui manque dans 90% des logiciels de pilotage : ils permettent une interrogation plus ou moins sophistiquée du disque mais rien de plus, le système est clos ; impossible de dialoguer réellement, c'est-à-dire d'apporter quelque chose (une indexation par exemple). Si, dans le domaine de bornes d'interrogation (tourisme, renseignements divers, bricolage...), cela peut suffire, il est bien évident qu'il en va tout autrement dans le domaine de la recherche scientifique.
Une grande mutation
Ces réflexions de base sont suivies par la présentation de diverses applications, tant dans le domaine de la recherche que dans ceux de l'industrie et du grand public (CNRS, RATP, SNCF : on connaît les travaux passionnants de Gérard Cambillau et de la cellule Recherches de la SNCF sur l'image et la synthèse vocale).
Enfin, les perspectives ouvertes par Henri Hudrisier et Xavier Dalloz donnent tout son poids à l'ouvrage. Le premier analyse les enjeux européens et internationaux des banques d'images. Une petite phrase m'a frappée : il faut « évaluer contenus et machines non pas prioritairement par rapport à leur sophistication, mais bien plutôt par rapport à des services et des usagers et à leur rentabilité réelle ».
Le second nous présente les directions vers lesquelles évoluent les systèmes optiques = nouveaux vidéodisques, CD-ROM, disque optique numérique, les progrès dans l'interface homme/machine, les digitaliseurs.
Quelques regrets toutefois à la lecture de cet ouvrage : publié dans une collection centrée sur la documentation, il aurait été intéressant d'aborder la question fondamentale de la fabrication des banques d'images. Sur ce terrain, l'outil vidéodisque peut représenter, du point de vue méthodologique, une petite révolution : support largement diffusable, il permet de multiplier les postes de travail d'indexation ; interfaçable à d'autres supports optiques, il autorise la création de configurations modulables permettant tous les niveaux d'analyse et de production. L'exemple du musée d'Osaka est en ce sens remarquable : disque optique numérique, vidéodisque, CD-ROM, reconnaissance de caractères, gestion de bases de données : tout s'articule afin de produire ce dont beaucoup de chercheurs rêvent, un outil qui concilie la fabrication d'une banque d'images de très bonne qualité et qui permet, par déchargement sur des postes dédiés à des chercheurs, un travail créatif à partir de petits lots d'images.
Avec des exemples de ce type, on voit bien qu'une grande mutation dans les usages et les méthodes devra s'opérer à notre niveau de bibliothécaire et de documentaliste. Le catalogage, l'indexation seront de plus en plus partagés et réutilisés, réinjectés dans différents systèmes. L'image en ligne et l'intelligence artificielle l'autorisent déjà. Cela ne se fera pas sans grincements, nous l'avons constaté avec le catalogage. A nous de nous adapter très vite à ces outils, la fabrication et l'avenir des grandes banques de données iconographiques en dépendent.