Comparaison entre les normes françaises et les règles anglo-américaines de catalogage
Isabelle Dussert-Carbone
Après un rappel des différents textes de normes édités depuis l'adoption des principes de Paris, en 1961, l'auteur établit une comparaison entre les normes de catalogage françaises et les règles anglo-américaines (AACR) actuelles. Cinq éléments de comparaison: la présentation matérielle, les niveaux de catalogage, la description bibliographique, le choix des points d'accès à cette description et la forme des vedettes. Hormis l'esprit différent qui les anime, cette étude permet de constater un bon degré de compatibilité entre ces normes respectives, ce qui rend les échanges tout à fait possibles. Reste que pour les lire en machine, il faut encore que les formats de catalogage soient également compatibles.
After she had reviewed the different standards published since the Paris principles held in 1961, the author compares French cataloguing rules with Anglo-American ones. There are 5 topics in her comparison : material presentation, cataloguing levels, bibliographical description, different access to this description and entries form. In spite of their different approach, there is a great compatibility between these rules, which makes exchanges possible. But to be read in machine their formats need to be compatible too.
On a beaucoup parlé des règles de catalogage anglo-américaines (AACR: Anglo-American cataloging rules) et de leur compatibilité avec les règles françaises. On a été jusqu'à dire que les échanges de notices bibliographiques ne pourraient se faire que si la France adoptait les règles américaines. Parallèlement à cette affirmation catégorique, on remarque que la littérature française ou américaine est particulièrement pauvre sur ce sujet : le catalogage auteurs (catalogage descriptif aux Etats-Unis) est peu représenté dans les revues spécialisées, et la recherche dans ce domaine est pratiquement inexistante (1). Si des études comparatives ont pu être menées par des catalogueurs pour les besoins de leurs services, aucune n'a été publiée. Dans le domaine francophone, un mémoire récent de l'Ecole de bibliothécaires de l'Université de Genève présenté par Olivier Schlaeppy (6) compare les AACR et les règles de catalogage de l'Association des bibliothécaires suisses (règles ABS).
Pour effectuer cette comparaison, deux méthodes peuvent être utilisées : l'une, pratique, consiste à comparer des notices élaborées par la Bibliothèque nationale avec les notices équivalentes de la Bibliothèque du Congrès ; l'autre établit des concordances règle par règle à partir d'une consultation systématique des normes françaises et des AACR. C'est cette deuxième approche, plus théorique, qui a été choisie : elle reste toutefois superficielle et ne dégage que des grandes lignes. La comparaison porte uniquement sur les règles de catalogage, c'est-à-dire sur la description bibliographique, le choix des points d'accès à cette description ainsi que la forme et la structure des vedettes auteurs. Elle ne traite pas des formats de catalogage qui permettent l'échange de données lisibles en machine. En étudiant le degré de compatibilité des règles de catalogage, on s'intéresse à l'harmonie du produit final, à la présentation de la notice utilisée pour aboutir à ce produit, que l'écriture soit manuelle ou informatique.
Les origines
Comme les règles françaises, les règles de catalogage anglo-américaines existent depuis fort longtemps. Le développement des échanges entre les Etats-Unis et l'Europe après les deux guerres mondiales et la réflexion menée sur les échanges bibliographiques universels ont transformé la conception du catalogage. D'un ensemble de règles dispersées, sans cohérence particulière, on est passé à la définition de principes généraux pouvant s'appliquer à tout support d'information, dans le but de constituer un catalogue unique permettant des accès multiples aux collections d'une bibliothèque. Ce tournant a été pris en 1961 lors de la Conférence de Paris sur les principes de catalogage, au cours de laquelle ont été clairement définis les fonctions et la structure d'un catalogue ainsi que le choix de ses points d'accès.
Les principes de Paris sont à la base de la première édition des règles de catalogage anglo-américaines (AACR1) parue en 1967. Adoptées par les principaux pays de langue anglaise ainsi que, dans leur traduction française, par les bibliothèques francophones canadiennes, ces règles furent contestées dès leur publication et, chaque pays y ajoutant les siennes propres, subirent tant d'amendements et de révisions que, très vite, la nécessité d'une révision complète s'est fait sentir. Parallèlement, au sein de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires (IFLA) et dans la continuité de la Conférence de Paris, étaient menés des travaux sur une normalisation des règles de la description bibliographique qui ont conduit à la parution de la première Description bibliographique internationale normalisée des monographies - International standard bibliographic description for monographs ou ISBD(M) . La norme française NF Z 44-050, Catalogues alphabétiques d'auteurs et d'anonymes, rédaction de la notice bibliographique, parue en 1975, a été rédigée au sein de l'Association française de normalisation (AFNOR) à partir du texte de l'ISBD(M). C'est également à partir de ce texte que, de 1974 à1977, un travail de coopération a été entrepris entre les associations de bibliothécaires et les bibliothèques nationales américaine, canadienne et britannique. La deuxième édition des AACR, dite AACR2, a été publiée en 1978 et adoptée par la Bibliothèque du Congrès le 2 janvier 1981. Une version en langue française, éditée en 1980, est utilisée par les bibliothèques de langue française du Canada. Depuis 1978, à la suite de la parution en 1977 d'une description bibliographique internationale normalisée générale, ISBD(G), valable pour tous les supports, l'ISBD(M) a été révisée deux fois (1978 et 1987) et des ISBD spécialisés ont vu le jour (non-livres, musique imprimée...) Les normes françaises ont suivi de très près l'évolution des ISBD : ainsi, les règles de la description bibliographique des monographies, NF Z 44-050, ont fait l'objet d'une nouvelle édition en 1980, l'application de la version 1987 de l'ISBD(M) est en cours d'élaboration et la dernière version de la norme Z 44-050 devrait paraître fin 1989.
La similitude des démarches d'adoption par les professionnels des recommandations de l'IFLA se retrouve dans les objectifs généraux des AACR et des normes françaises. Toutes deux maintiennent la conformité aux principes de Paris, appliquent l'ISBD, tiennent compte de l'évolution du traitement automatique des données bibliographiques, enfin s'attachent au traitement des « non-livres ».
Pour essayer de définir leur degré de compatibilité, cinq aspects doivent être étudiés : la présentation matérielle, les niveaux de catalogage ou les allégements possibles, les éléments de la description bibliographique, le choix des accès à la description, enfin la forme des vedettes.
Présentation matérielle
Les règles françaises sont élaborées par des groupes d'experts représentant les différents types de bibliothèques. Ils travaillent sous l'égide de l'AFNOR. Les documents élaborés peuvent être homologués, ce qui rend leur application obligatoire : les règles sont alors appelées normes (NF). Lorsqu'ils ne sont pas homologués, ils sont publiés sous forme de fascicules de documentation sans le label NF. Dans lé domaine de la documentation (lettre Z dans la nomenclature de l'AFNOR), les règles ne sont pratiquement plus homologuées. Par commodité on utilisera indifféremment le terme norme ou règle, que le document soit homologué ou non. Le mot fascicule désignera une unité matérielle.
Les normes françaises se présentent sous forme de fascicules indépendants ayant chacun pour objet soit une partie de la notice catalographique (description bibliographique, choix des accès, forme de la vedette), soit un document ou un support particulier (monographie, publication en série, enregistrement sonore, musique imprimée...). L'ensemble des règles est développé dans chaque fascicule : ainsi, chaque norme comporte une annexe « Vocabulaire », alors qu'il existe un Vocabulaire de la documentation édité par l'AFNOR. Ou bien des parties entières d'un fascicule se retrouvent à l'identique dans un autre, lorque les règles sont homogènes.
Les AACR2, au contraire, sont regroupées dans un document unique et selon un principe radicalement différent, qui expose d'abord les règles communes puis étudie les éléments spécifiques (cf. Annexe 1). Une première partie consacrée à la description bibliographique traite des principes communs à l'ensemble des documents puis aborde les particularités support par support, le chapitre consacré à un support renvoyant aux généralités pour tous les points qui ne nécessitent pas un traitement original. La seconde partie présente les règles de choix des accès (access) et d'élaboration des vedettes (headings). Enfin, des annexes donnent les règles de capitalisation, d'abréviation et un glossaire. Des mises à jour et des modifications annuelles s'ajoutent au volume de base, sous forme de feuillets mobiles .
L'une et l'autre présentations ont des avantages et des inconvénients. Le catalogueur français peut se contenter d'utiliser un fascicule pour la description bibliographique, celui du support qu'il catalogue le plus souvent, et les trois normes fondamentales intitulées Choix des accès, Z 44-059, Forme des vedettes noms de personnes, Z 44-061, et Forme des vedettes de collectivités auteurs, Z 44-060. Ce système permet également de réviser une seule norme sans avoir à rééditer l'ensemble des règles.
En revanche, la séparation des fascicules a un inconvénient majeur : il ne donne pas la notion d'unité des règles de catalogage. On ressent particulièrement ce défaut quand on enseigne : les étudiants ont l'impression, après avoir assimilé une norme avec difficulté, de repartir à zéro quand il faut étudier la description bibliographique d'un autre support. Combien d'étudiants, devenus des catalogueurs émérites, se trouvent ainsi démunis devant un support inhabituel, par exemple l'enregistrement d'un roman sur cassette ! La publication par l'AFNOR des normes de documentation en deux volumes dans la collection « Recueil de normes françaises » compense en partie la dispersion des fascicules, au moins sur le plan matériel. Mais l'habitude n'est pas encore prise de posséder l'ensemble des règles, d'autant que certaines ne sont utilisées que très rarement.
La présentation des AACR2 permet, quant à elle, une vue synthétique des problèmes de catalogage - avec une réserve pour les mises à jour, peu pratiques -, leur consultation est plus rapide, ce d'autant plus qu'un index très complet figure en fin de volume. Par ailleurs, le nombre de supports faisant l'objet d'une règle y est beaucoup plus important et l'on sent une plus longue habitude de catalogage des documents multimédias. Toutefois, lorsqu'on trouve une règle convaincante dans les chapitres spécialisés, on a tendance à oublier de se reporter au chapitre des généralités ou, inversement, lorsqu'on catalogue peu un support, on compulse difficilement les explications le concernant. Les enseignants américains admettent que les étudiants ayant reçu la formation de base en catalogage ont bien compris les notions générales, mais ont du mal à les appliquer. Ils sont capables de discuter théoriquement du bien fondé d'une règle, mais ont des difficultés à rédiger une notice bibliographique (7).
Les niveaux du catalogage
Les AACR2, comme les règles françaises, offrent au catalogueur trois niveaux, ou profondeurs (6), dans la description bibliographique, sans changer la structure de l'information : minimale, first level, (AACR2 : 1.0D1 ; AFNOR: Z 44-072), intermédiaire ou moyenne, second level, (1.0D2 ; Z 44-073) et maximale ou norme, third level, (1.0D3 ; NF Z 44-050). Cependant, les AACR2 présentent les allègements dans les principes généraux. On peut donc les appliquer à la description bibliographique de tous les supports d'information. Les normes françaises ne prévoient pour l'instant cette possibilité que pour les monographies et pour le livre ancien.
Récente en France (1984), cette conception d'allégement s'implante rapidement. En effet, la circulaire 88-179 du 22 juillet 1988 donnant aux bibliothèques universitaires, interuniversitaires et services de documentation des universités des recommandations concernant le traitement des documents acquis et leur mise à disposition des lecteurs, indique : « Dans la mesure où elles procéderont encore elles-mêmes à un catalogage original pour des besoins locaux, il est recommandé aux bibliothèques d'adopter une description bibliographique allégée. En l'état actuel de cette question, elles doivent normalement recourir aux fascicules de documentation AFNOR sur la notice moyenne ou minimale ». De son côté, la Direction du livre et de la lecture a recommandé l'utilisation de la description moyenne pour les bibliothèques de lecture publique.
L'allégement de l'ISBD est largement répandu aux Etats-Unis, ce d'autant plus que, quel que soit le niveau retenu, le choix des accès et la forme des vedettes restent les mêmes. Le partage et la planification du catalogage restent ainsi possibles puisqu'on peut intercaler dans le même catalogue différents niveaux de description bibliographique. Les bibliothèques américaines qui utilisent les données de la Bibliothèque du Congrès ont donc la liberté pour leur catalogage original d'alléger leur description (cf., en annexe 2, la comparaison entre les descriptions minimales et moyennes selon les AACR2 et selon les normes françaises).
La description bibliographique
Il faut maintenant examiner point par point les règles de la description bibliographique pour essayer de mettre à jour les différences et déterminer si leur degré de compatibilité rend les échanges possibles.
Les sources d'information
La notion de source d'information, élément du document à partir duquel on transcrit les informations dans l'ISBD, est identique dans les AACR2- et les normes françaises. Pour les monographies, la page de titre est la source d'information principale ; pour les autres supports, on utilise le plus possible les étiquettes et les conteneurs (boîtiers, pochettes, étuis...). S'il manque un élément sur la source d'information principale, on détermine un ordre des sources à utiliser (1.0A et 1.0H). La fidélité à la page de titre et la définition rigoureuse des sources est essentielle pour l'harmonisation du catalogage. Elle est très importante pour la transcription du titre et des mentions de responsabilité, ainsi que pour la date de publication. Une étude comparative sur la qualité du catalogage de deux grands réseaux américains, OCLC et RLIN (2), montre que les erreurs d'interprétation dans le titre sont rares, les AACR2 laissant ici peu de liberté au catalogueur. En revanche, on relève un grand nombre d'erreurs dans la date de publication, information pour laquelle les sources d'information sont nombreuses et où le catalogueur a l'illusion d'être plus libre. Les mêmes données se trouvent dans les paragraphes « Sources d'informations » des normes françaises, où l'on détermine, pour chaque zone de l'ISBD, un ordre préférentiel des sources et des sources principales d'information.
La capitalisation
Les règles d'emploi des majuscules tendent également à une compatibilité totale. Les nouvelles normes françaises prennent désormais en compte les apports du traitement informatique des données et abandonnent pour le titre propre la notion de majuscule de classement qui pouvait se justifier dans un catalogue manuel. Ainsi, un titre propre est désormais transcrit sans que soit obligatoirement respecté l'emploi des majuscules de la page de titre, mais uniquement les règles de l'orthographe dans la langue concernée : Les misérables et non Les Misérables (Z 44-050, à paraître).
Zone 1 : titre et mention de responsabilité, GMD
Le titre propre, les compléments du titre, les titres parallèles sont transcrits de manière identique avec les mêmes règles de fidélité et aussi peu de possibilités d'abréviations que d'ajouts. Un point de détail dans les AACR2 précise que si un complément du titre est très long, on peut l'abréger, mais on en transcrit obligatoirement les cinq premiers mots (1.1E3). Cette règle peut s'expliquer par l'habitude déjà ancienne du catalogage informatisé, les titres étant des points d'accès. La norme française ne prévoit que la suppression des longueurs inutiles, notion beaucoup plus floue.
Un élément d'apparition récente dans les normes françaises est donné comme optionnel dans les AACR2: l'indication générale du type de document (General material designation, ou GMD), qui figure entre crochets tout de suite après le titre propre (1.1C: Z 44-066, 1.2). Les AACR2 ont en effet été élaborées en partant du principe d'un catalogue intégrant l'ensemble des collections d'une bibliothèque et décrivant tous les médias avec les mêmes règles. Il fallait donc trouver un moyen d'indiquer à l'utilisateur le support de l'oeuvre qu'il recherche, tant pour les non-livres que pour les livres.
Exemples :
L'ours des Pyrénées [diapositives]...
Z 44-050 (à paraftre) : pour une monographie, on peut ajouter à la suite du titre propre [texte], [texte en braille]...
Z 44-066 (1988). Cosi fan tutte [enr. sonore] : opéra bouffe en deux actes / Wolfgang-Amadeus Mozart.
AACR2 (1.1C4) : Changing Africa [ensemble multi-supports]
Cette possibilité existe pour la description bibliographique des enregistrements sonores, Z 44-066 (1988), elle est introduite au fur et à mesure que les normes françaises sont révisées.
Si la mention de responsabilité des unes et des autres règles ne présente aucune différence pour les monographies, les AACR2 évitent la longueur excessive de ces mentions pour d'autres supports. Elles rejettent en note (zone 7) les interprètes des enregistrements sonores. Seuls les auteurs, les compositeurs et les collecteurs de matériaux sonores sont transcrits en zone 1 (6.1F1 et 6.7B6). Exemple :
AACR2 : Zone 1, Cassation pour luth, violon et violoncelle [GMD] / Joseph Haydn
Zone 7, Trio au luth de Bruxelles Z 44-066: Zone 1, Cassation pour luth, violon et violoncelle [GMD] / Joseph Haydn ; Trio au luth de Bruxelles.
Même chose pour les images animées : seuls les producteurs et les réalisateurs figurent en zone 1. Les autres participants sont indiqués en note, zone 7.
Zone 2, l'édition
La norme française précise qu'on ne transcrit pas la mention de première édition. Les AACR2 indiquent que, si la publication comporte une quelconque mention d'édition, on la transcrit (1.2B). Dans les exemples figurent des premières éditions : 1ère éd. illustrée, 1st American ed. (2.2B1). Cette différence d'interprétation ne présente pas d'inconvénient pour l'échange de notices, si dans la zone 4, zone de l'adresse, la date de publication est correctement transcrite.
Zone 3, propre à certains types de documents
En France, cette zone est utilisée pour les publications en série et les documents cartographiques. Tant pour les uns que pour les autres, la compatibilité de cette zone est bonne.
Zone 4, l'adresse
Les AACR2 prescrivent des règles plus simples que les normes françaises, tant pour la transcription des lieux de publication que pour celle des noms d'éditeurs. Tout d'abord apparaît la notion de présentation mise en relief dans la source d'information : on ne transcrit plusieurs lieux ou plusieurs noms que s'ils sont en évidence. En France, en revanche, on note tout ce qui figure sur cette source, en se limitant à trois éléments. Les AACR2 tiennent, par ailleurs, compte du pays de l'organisme de catalogage, ce qui entraîne en règle générale la transcription d'un seul lieu de publication, le plus évident, et éventuellement, d'un second lieu, si le premier n'est pas situé dans le pays de la bibliothèque qui catalogue. La même règle s'applique pour les noms d'éditeurs (1.4B8).
Exemple :
Pour un organisme de catalogage situé en France, un document co-édité par Laffont (Paris) et les Editions de l'Homme (Montréal), AACR2: Paris: Laffont
Normes françaises: Paris : Laffont; Montréal : Ed. de L'Homme.
Ce que l'on peut considérer comme une perte d'information dans les AACR2 est minime et ne nuit pas à une identification certaine du document. Ce, d'autant plus que les règles concernant la date de publication, beaucoup plus difficiles à maîtriser pour un catalogueur, sont aussi rigoureuses dans les deux cas.
Zone 6, la collection
On. verra plus loin que les AACR2 ne réservent pas cette zone à la seule collection. Dans la rédaction de la zone de la collection subsistent quelques points de détail qui ne compromettent en rien la compatibilité des règles: les AACR2 prévoient la possibilité de transcrire un complément du titre de la collection (1.6D1), elles font figurer la mention « n° » ou « v. » avant la numérotation quand cette mention apparaît sur la publication.
Zone 7, les notes
Cette zone est relativement libre tant dans les normes françaises que dans les AACR2. De plus, les éléments qui y figurent n'ont pas une importance telle qu'ils puissent modifier la lecture de la notice.
Le catalogage à plusieurs niveaux
Le débat qui a beaucoup agité les milieux du catalogage lorsque les AACR2 ont commencé à être introduites en France portait sur le traitement des publications en plusieurs volumes. Les normes françaises imposent en effet encore, et jusqu'à la publication, prochaine, de la révision de la description bibliographique des monographies, (Z 44-050), de répartir les informations bibliographiques en un ou plusieurs niveaux lorsque les documents sont composés de plusieurs volumes paraissant séparément, ou quand, paraissant simultanément, ces volumes portent des titres différents ou autres mentions particulières.
Dans la pratique, ce catalogage à niveaux tend à disparaître, surtout depuis que la Bibliothèque nationale a décidé de l'abandonner. Qui plus est, la nouvelle version de la norme Z 44-050 donnera trois possibilités de traitement identiques à celles que proposent les AACR2. Le catalogage à plusieurs niveaux reste bien sûr possible (quoique peu utilisé, il a toujours existé dans les AACR2), mais les deux règles conseillent de le limiter à certains organismes de catalogage. Deux autres traitements sont offerts : une description volume par volume, le titre global figurant en zone 6 de collection, ou une description globale et toujours en un seul niveau, chaque titre particulier étant alors transcrit en zone 7 dans une note de dépouillement.
Exemple :
1. Description à plusieurs niveaux :
- premier niveau : Le quatuor d'Alexandrie / Lawrence Durrell
- second niveau :
[1] : Justine
[2] : Balthazar ...
2. Description volume par volume :
- zone 1 : Justine / Lawrence Durrell
- zone 6: (Le Quatuor d'Alexandrie ; 1)
3. Description globale avec note de dépouillement:
- zone 1 : Le quatuor d'Alexandrie / Lawrence Durrell
- zone 7 : 1 : Justine ; 2 : Balthazar...
En ce qui concerne le bloc ISBD, il apparaît donc que les différences sont minimes entre normes françaises et AACR2 et qu'elles tendent à s'estomper au fur et à mesure que les normes françaises sont révisées.
Choix des accès
Reste à examiner les points d'accès à la description bibliographique. Ces règles sont décrites dans le chapitre 21 des AACR2, selon le principe habituel: d'abord les généralités, puis les règles propres à chaque type de document. En France, la norme Z 44-059, Choix des accès à la description bibliographique, traite principalement des documents imprimés. On trouve des règles de choix des accès dans les normes sur les documents cartographiques, les enregistrements sonores et les images animées.
Les AACR2 définissent l'accès principal (vedette principale) et les accès secondaires (vedettes secondaires), tous étant obligatoires, puis elles donnent une liste de vedettes secondaires facultatives. Par exemple, un ouvrage de Jean Martin et Paul Durand, coauteurs, a pour vedette principale Martin, Jean et pour vedette secondaire Durand, Paul. De plus, la mention de fonction des auteurs indiquant que les personnes physiques ou les collectivités ont contribué à la réalisation d'un document (adaptateur, collaborateur, ...), obligatoire dans les normes françaises, est considérée comme un ajout facultatif dans les AACR2 (21.0D).
Si bien que le Larousse de la musique, publié sous la direction de Norbert Dufourcq avec la collaboration de Félix Raugel et Armand Machabey, aura comme vedette principale son titre, Larousse de la musique, et comme vedettes secondaires : Dufourcq, Norbert; Raugel, Félix; Machabey, Armand (21.7B). Pour le choix des accès, les AACR2 restent très traditionnelles et n'intègrent pas les -possibilités de l'informatique. La norme française en cela est plus en avance : elle considère que le premier accès à la description bibliographique est le titre propre et elle détermine, d'une part, des vedettes obligatoires avec ou sans fonction, toutes les vedettes sans fonction étant obligatoires, d'autre part, des vedettes facultatives, qui comportent toujours une précision de fonction. Pour les deux exemples ci-dessus, on aurait donc un premier accès par le titre propre de chaque ouvrage puis, pour le premier, deux vedettes obligatoires sans fonction, Martin et Durand et, pour le Larousse, trois vedettes obligatoires avec fonction : Dufourcq, Norbert. Dir : ; Raugel, Félix. Collab. ; Machabey, Armand. Collab. La différence, si l'on excepte la mention de fonction, porte donc sur l'accès par le titre propre, les AACR2 ne le considérant pas comme obligatoire : « On établit une vedette secondaire au titre s'il y a lieu de croire que certains usagers pourraient rechercher un document à ce titre plutôt qu'à la vedette choisie comme vedette principale » (21.29B). Les vedettes principales des AACR2 sont toutes des accès obligatoires de la norme française ; en revanche, les accès obligatoires ne sont pas totalement recouverts par les vedettes secondaires.
En bref, les AACR2 prévoient moins d'accès à la description bibliographique que ne le font les normes françaises, et ce, pour tous les types de documents. Elles présentent en revanche un nombre de cas impressionnants, y compris le choix des vedettes pour les « communications émanant d'un esprit » (21.26)..., avec une vedette principale au nom de l'esprit supposé - Beethoven, Ludwig van (esprit) - et une vedette secondaire au nom du médium. Les normes françaises développent moins largement les particularités, mais sont plus claires et plus synthétiques.
Si l'on étudie la compatibilité des règles et les possibilités d'échanges que permettent ces normes respectives, il ne semble pas que les différences décrites ci-dessus posent de problèmes majeurs. Si l'on se contente de la recherche dans un catalogue manuel ou dans une bibliographie imprimée, les vedettes telles que les fixent les AACR2 sont suffisamment variées pour permettre de retrouver facilement le document. La norme française se plaçant d'emblée dans un système d'échange de données informatiques, les formats d'échange doivent alors tenir compte des deux interprétations pour les rendre transparentes au niveau de la recherche.
Forme et structure des vedettes
Ici encore les normes françaises rejoignent les AACR2.
Les noms de personnes
Dans ce cas précis, on pourrait éluder la question en disant que l'existence d'un fichier d'autorité lié au catalogue permet de retrouver n'importe quel auteur sous n'importe quel nom. Mais peut-être est-ce faire preuve de trop d'optimisme, aussi donnera-t-on quand même les grandes lignes des règles françaises et anglo-saxonnes.
Le critère de base des AACR2 pour choisir la forme d'une vedette est « le nom sous lequel une personne est généralement connue » (22.1A). La même règle est édictée dans la norme NF Z 44-061, 1 : « En règle générale, le nom de l'auteur est mis en vedette sous la forme qu'il a lui même adoptée ou que l'usage a consacrée, en respectant la graphie des formes ». Par exemple, on choisira Carter, Jimmy et non Carter, James Earl.
Lorsqu'un auteur a utilisé plusieurs noms, le choix se fait de manière identique dans les AACR2 et dans la norme française, c'est-à-dire soit au nom sous lequel il a le plus écrit, soit sous ses deux pseudonymes, ou son nom et son pseudonyme, s'il a écrit également sous ces différents noms ou dans des genres totalement différents. Enfin, pour les noms d'auteurs ayant plusieurs formes (grecs, latins, noms en plusieurs langues), les AACR2 imposent très nettement l'usage de la forme française pour les francophones, anglaise pour les anglophones, lorsqu'elles existent (22.3B).
La norme française (Z 44-061 1.2.2) est plus élitiste : elle choisit la forme savante, en précisant toutefois que « s'il existe une forme française consacrée par l'usage, elle peut être employée dans les catalogues où elle serait plus appropriée ». La Bibliothèque nationale a adopté cet usage. Dans les deux cas, les renvois permettent de retrouver la forme retenue pour la vedette uniforme.
Les normes AACR2 sont très complètes et donnent des exemples pour les auteurs de nationalités et de langues très variées : noms chinois, arabes, indonésiens... Ces informations manquent actuellement dans les normes françaises.
Les vedettes de collectivités
La réflexion précédente sur les fichiers d'autorité en ce qui concerne les vedettes auteurs personnes physiques est également valable dans ce cas, mais la forme des vedettes de collectivités présente des différences dans les AACR2 et les normes françaises. De plus, la rédaction d'une telle vedette met en jeu des connaissances administratives et juridiques qui ne sont pas toujours acquises par le catalogueur dans son propre pays et qui donc peuvent générer de nombreuses erreurs.
Une première différence, quoique minime, saute aux yeux. Alors que les normes françaises donnent l'élément d'entrée de la vedette en majuscules, les AACR2 donnent l'ensemble de la vedette en minuscules.
Exemple :
NF Z 44-060: FRANCE, Direction des lycées
AACR2: France. Direction des lycées
Cet usage français qui, dans un catalogue manuel, rend la vedette plus lisible sera certainement abandonné avec la généralisation du catalogage informatisé.
La deuxième différence porte sur la forme retenue en vedette uniforme. Pour les AACR2, la règle générale vaut pour les collectivités, autrement dit, la forme prédominante du nom de la collectivité est choisie comme vedette (24.1). Une collectivité connue sous son sigle ou son acronyme sortira donc en vedette comme tel, excepté s'il y a ambiguïté. La règle est également de supprimer les points et les espaces entre les lettres. La norme française, au contraire, préfère la forme développée, à quelques exceptions près (NF Z 44-060 1.2.2.2). Elle précise que l'on écrit un sigle ou un acronyme sans points, s'il se prononce comme un mot courant, ou avec points, si on ne peut le prononcer: FEN se prononce, C.G.T., non. A l'usage, cette règle est extrêmement difficile à appliquer.
Exemple :
AACR2: Afnor
NF Z 44-060 : ASSOCIATION FRANÇAISE DE NORMALISATION
Dans un cas comme dans l'autre, on établit des renvois. La notion de collectivité territoriale (administrations publiques) est bien définie (24.6 et 24.17 à 24.26), celle de collectivité subordonnée, largement développée tant dans les AACR2 que dans les normes françaises.
En revanche, le traitement des congrès (24.7 et 24.13) est très succinct dans les AACR2, et surtout dispersé. Autant la norme française prévoit plusieurs types de congrès, y compris le cas des congrès d'une collectivité (NF Z 44-060 3.1.4 et 3.1.5), et les regroupe dans un même chapitre, autant les AACR2 dispersent l'information en traitant les vedettes de congrès ordinaires dans un paragraphe (24.7) et en rattachant les congrès réguliers de collectivités ou d'associations au paragraphe sur les collectivités subordonnées et assimilées figurant en sous-vedettes. C'est une différence de présentation qui peut déconcerter le catalogueur français. Enfin, la ponctuation entre les qualificatifs et la transcription du lieu du congrès ne sont pas identiques dans les AACR2 et dans les normes françaises.
Exemple :
AACR2 : Congrès international de linguistique africaine (8e : 1969: Université d'Abidjan)
NF Z 44-060: CONGRES INTERNATIONAL DE LINGUISTIQUE AFRICAINE (8;1969; Abidjan)
Les titres uniformes et titres de forme
Les vedettes titres uniformes destinées à regrouper les notices d'une même œuvre, qui seraient dispersées si l'on ne pouvait y accéder que par le titre propre, existent aussi bien dans les AACR2 (25) que dans la norme française (NF Z 44-061 3.1), On remarquera que les AACR2 sont extrêmement détaillées et qu'elles exposent les règles d'élaboration des titres uniformes pour les œuvres musicales. La norme française NF Z 44-061 ne donne que les principes généraux pour les monographies et renvoie à la liste élaborée en 1964 par la FIAB (IFLA), Liste internationale des vedettes uniformes pour les classiques anonymes. Il faut consulter la norme sur les enregistrements sonores Z 44-066 pour élaborer les vedettes titres uniformes de ce support.
Les titres de forme reflètent la forme de l'ouvrage et sont essentiellement utilisés en France pour regrouper les expositions et les mélanges, possibilité qui n'existe pas dans les AACR2. Pour une exposition, les accès AACR2 sont le titre propre, la collectivité organisatrice et l'auteur du catalogue. Les mélanges ont pour vedette principale leur titre propre et une vedette secondaire au nom du dédicataire (21.30F), ce qui bouleverse tout particulièrement le catalogueur français à qui l'on a répété, au cours de son apprentissage, que le dédicataire ne pouvait faire l'objet d'un accès.
Cette étude point par point des règles de catalogage anglo-américaines et des règles françaises montre que leur degré de compatibilité est bon et que des échanges de notices sont possibles. Il ne devrait donc pas y avoir de guerre des normes. C'est plutôt la méconnaissance de la norme étrangère qui suscite des craintes pouvant aller jusqu'au rejet. On peut également remarquer que l'esprit dans lequel ces règles ont été élaborées diffère en France et aux Etats-Unis. Les catalogueurs américains sont très descriptifs, ce qui explique la très grande compatibilité des règles de la description bibliographique, celle-ci devant rester très proche du document. Au contraire, les catalogueurs français ont un esprit plus analytique et cherchent à donner la raison de leurs choix. On retrouve cette approche du catalogage dans le choix des accès et l'élaboration des vedettes qui, dans les normes françaises, sont présentés de manière synthétique, si bien qu'on en perçoit toujours les objectifs. Sur ces deux aspects, les AACR2 apparaissent plutôt comme une énumération sans fin et sans logique réelle.
Ceci étant, la compatibilité des règles de catalogage ne suffit pas à rendre possible l'échange de données bibliographiques lisibles en machine. Encore faut-il que les formats donnant le cadre et la structure des données soient également compatibles. Il n'existe pas de format national normalisé de catalogage, si bien que les bibliothèques françaises utilisent une grande variété de formats, y compris des formats américains. Des programmes sont en cours d'élaboration, d'autres devront être élaborés pour rendre possible l'échange de données identiques sur le fond.
Enfin, il semble que les échanges ne soient rendus possibles que par un changement de mentalité du catalogueur. Celui-ci doit tout d'abord être convaincu de l'absolue nécessité d'appliquer les normes, mais surtout de n'appliquer que ce qui est obligatoire dans ces normes et ne pas s'égarer dans ce qu'elles permettent. Ce qui amène à penser, comme Olivier Schlaeppy (6), qu'il faut encore simplifier les règles de catalogage en supprimant, pour les règles diffusées par l'AFNOR, les « on peut ». Libre ensuite à certains réseaux de catalogage, dont la spécificité nécessite un catalogage approfondi, de travailler, d'établir et de diffuser leurs règles en collaboration, sans obligation d'application pour les bibliothèques moyennes. Ainsi la Bibliothèque du Congrès publie-t-elle en feuillets mobiles et, très régulièrement, des mises à jour interprétatives des AACR2, non traduites en français. Cette tendance à une plus grande simplification est amorcée avec les allégements de la description bibliographique dans la notice moyenne, mais pourquoi ne pas produire la notice moyenne comme norme, en laissant la possibilité d'une description renforcée ?