« French university libraries in 1988 »
Joan McConkey
Joan McConkey, assistante du Directeur de l'administration, à l'Université du Colorado à Boulder, vient de passer trois mois en France durant l'hiver 1987-1988, grâce aux échanges de la Commission Franco-américaine. Voyage organisé, matériellement, par la DBMIST. Tel le Persan (du XVIIIe siècle) Joan raconte ses visites et ses impressions, sans jamais critiquer ou même émettre de réserves. L'exposé seul de certaines pratiques suffit en lui-même.
Après plusieurs jours à la DBMIST, Joan a visité bon nombre de bibliothèques universitaires, à Paris et en Province, ainsi que certains autres établissements prestigieux. La Bibliothèque nationale, la Bibliothèque publique d'information, « très populaire auprès des étudiants à cause... de ses horaires », la médiathèque de La Villette, la Sorbonne, Sainte-Geneviève, Nanterre, l'Université de technologie de Compiègne, trois semaines à la Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, qui ne méritent que trois lignes, et l'Ecole nationale supérieure de bibliothécaires (ENSB).. Pour récapituler l'impression générale, si les préoccupations sont identiques des deux côtés de l'Atlantique, les moyens et les méthodes diffèrent grandement. Si le lecteur français ne trouvera pas de révélation, le lecteur américain, lui, ne manquera pas d'être surpris. En effet, chacun des thèmes successivement étudiés débute toujours par le mot DBMIST, qui semble omniprésente et seul acteur des bibliothèques françaises. La DBMIST est telle une araignée au centre de sa toile. C'est cette hyper-centralisation étouffante qui est implicitement mise en cause. Toute initiative ne peut venir que de cette DBMIST et tout doit remonter à la même DBMIST. L'initiative locale est rare.
Joan reconnaît certaines réalisations de la DBMIST : Catalogue collectif national des publications en série (CCN), Pancatalogue ; d'autres interventions lui semblent plus douteuses. Toutes les constatations de Joan ne peuvent que surprendre ses lecteurs américains, puisqu'en général, aux Etats-Unis, les pratiques sont opposées. Par exemple, la plus grande partie du budget des bibliothèques universitaires provient de la DBMIST, alors qu'aux Etats-Unis, tous les crédits viennent de l'Université; les étudiants payent un droit spécifique, à la différence des Américains; les salaires ne sont pas inclus dans le budget, alors qu'aux Etats-Unis, ils en sont partie intégrante * ; les postes sont pourvus deux fois l'an par la DBMIST et la situation des épouses des fonctionnaires et l'ancienneté ont plus de poids que les qualifications des candidats, les nécessités du service ou l'avis des directeurs; les suppressions de poste ont lieu au niveau ministériel, d'après des statistiques comparatives et non après avis des personnes les mieux placées localement. Ainsi se crée, sur un point essentiel, une sorte d'habitude de s'en remettre à la DBMIST.
Quant à l'organisation matérielle des bibliothèques universitaires elles-mêmes, Joan semble être tombée de Charybde en Scylla : immeubles anciens, inadaptés et bondés, immeubles récents, pas mieux adaptés et déjà en mauvais état; horaires brefs, entre 50 et 60 heures par semaine et pas d'ouverture le dimanche (sauf la BPI); pas assez de libre accès ; pas ou peu d'intégration de la bibliothèque universitaire à l'Université (seule Compiègne fait exception); bibliothèques réduites également à n'être que des bibliothèques d'étudiants (aux Etats-Unis, une BU est avant tout une bibliothèque de recherche). Ces bibliothèques universitaires sont également très petites, constate-t-elle.
La hiérarchisation rigide des différentes espèces de personnels est décrite, quant à elle, avec un soin de zoologiste ravi de découvrir pas à pas une nouvelle classe jusque là inconnue. Les statuts de ces personnels sont très surprenants : stricts et définitifs; « les congés et les congés de maladie sont généreusement accordés », en revanche.
Le lecteur américain, en fin de compte, pourra se demander si Joan a bien visité des bibliothèques.