De la République des lettres aux lettres de la République

Gérard Gengembre

A la conjonction d'une libération politique et d'une libération intellectuelle, 1789 connaît l'explosion de la parole et de l'écrit. Echanges, commentaires, discussions autour d'une diffusion démultipliée du papier : journaux, pamphlets, almanachs, chansons, affiches... Ecrits de l'éphémère, commentaires à chaud, littérature populaire directement articulée sur l'événement : la presse d'information rapide explose (335 titres en 1790), et le langage se libère. Liberté politique et éloquence ont partie liée. Le journaliste moderne - colporteur, tribun, dénonciateur, orateur public - intervient directement dans l'histoire. L'homme de lettres, au service de la Révolution, perd son trône et s'inscrit dans la société. Redéfinition du rôle de la littérature qui essaie de promouvoir des nouvelles valeurs ; le théâtre y réussit particulièrement.

At the junction of a political liberation and of an intellectual liberation, 1789 is a time of the exploding word and writing. Exchanges, comments, discussions about an expanded dissemination of the paper : journals, satirical tracts, almanacs, songs, posters... On-the-spot comments, popular literature directed on the event : the fresh information press is expanding (335 titles in 1790) and cataloguing is being liberated. Political freedom and eloquence are now closely linked. The new journalist, a denouncer and a speaker, publishes and is directly involved in History. The man of letters, serving the Revolution, is loosing his throne and ranks now within the society. The literature, above all theatre, is attempting to promote new values.

« Le bilan littéraire de la Révolution est désastreux » 1 : le lieu commun a la vie dure. L'appréciation littéraire de la Révolution ne saurait prendre en compte la seule comptabilité des chefs-d'œuvre 2, ni se réduire à la relation des avatars de l'homme de lettres confronté à la politique triomphante. Pas plus qu'elle ne peut s'arrêter à déplorer les exécutions ou à frémir d'horreur devant le poète guillotiné. Il faut en finir avec cette idée reçue : une révolution sans littérature.

En revanche, la position symétriquement inverse ne semble guère plus fondée. La Révolution a-t-elle révolutionné la littérature ? Il suffit alors d'invoquer la permanence des formes, la survivance des genres, la seule « révolutionnarisation » des contenus ou des références dans une écriture classique pour affirmer l'écart sidérant entre le bouleversement politique et idéologique et la stagnation de l'écriture. N'attribuons pas à l'histoire littéraire un mécanisme simpliste, en oubliant que l'énergie révolutionnaire a d'autres chats à fouetter et d'autres points d'application que l'écriture. Mais peut-on pour autant parler d'une littérature sans révolution ?

Si la Révolution a coupé des têtes, elle les a aussi bourrées de papier. Comment cette prétendue « ère catastrophique pour la littérature » 3 modifie-t-elle le paysage littéraire ou, mieux, comment permet-elle de redéfinir les enjeux de la littérature ? Ce qu'on aimerait suggérer ici, c'est l'extraordinaire importance de l'écrit, la complexité d'une situation historique et la fécondité, sinon des problématiques posées, du moins des chantiers et des expériences.

La Révolution, fleuve d'encre et tigre de papier

La Révolution fut la fin d'un régime des lettres : suppression de la censure (article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) et soumission de l'écrit à la loi ordinaire (la Constitution de 1791 précise les infractions répréhensibles), suppression du régime corporatif à privilèges (1791), des Académies (1793)...

Libérations créatrices d'un nouvel espace de l'écriture ouvert sur l'infini théorique de la production, mais aussi légitimation implicite de l'acte d'écrire, puisque l'article 11 fait de chacun un écrivain potentiel : « Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Si l'on a souvent dit que 1789 était l'explosion de la parole, il faut ajouter que c'est en même temps celle de l'écriture. C'est que l'écrit jouit d'un prestige sans précédent, prestige assuré, établi par les Lumières. Mais en même temps il va de pair avec un écart sans doute aggravé entre les masses paysannes largement immergées dans leur civilisation traditionnelle, dominée par un clergé bien mieux formé qu'avant (bien des drames de la Révolution trouvent là leur origine) et les fameuses élites cultivées. Ecart mental ville/ campagne que ne peut combler la littérature de colportage, et que, peut-être, elle contribue à maintenir. Pourtant, elle vulgarise les textes fondateurs des Lumières en les simplifiant considérablement et répand une littérature populaire allant de la magie et des contes aux ouvrages pieux, mêlant les romans aux recueils de recettes, les vies de saints aux récits merveilleux ou inquiétants. Le colporteur ouvre sur un monde confus, obscur, mais où les lueurs se font jour, mystérieux et prometteur, où l'ancestral, le traditionnel et le nouveau cohabitent 4.

En sus de toute cette production qui a imprégné ce que l'on n'appelle pas encore les masses, la Révolution éclate en frénésie d'écriture et de communication : tous les publics sont visés, et c'est la conjonction de la libération politique et de la libération intellectuelle, fût-elle illusoire, qui prévaut. Des bouches s'ouvrent, des coeurs s'épanchent, des esprits bouillonnent. La Révolution démocratise l'écrit.

Par ailleurs, la réception de l'écrit obéit à des procédures multiples et complexes. La diversité des comportements (ville/campagne, régions, métiers, oppositions sociales...) évolue rapidement, car l'imprégnation variable mais réelle de toutes les couches de la société par l'événement révolutionnaire opère de véritables mutations.

L'écrit et l'oral ne sont pas aussi séparés qu'il y paraît. Un fait domine : la lecture collective dans les assemblées populaires, les sections, les clubs, les ateliers, et les formes traditionnelles, ou instituées par les Lumières, de la sociabilité comme ces veillées, les marchés, les assemblées communautaires, les cabarets, pour le monde rural, ou les cafés, les cercles, les promenades, dans les villes. Qu'environ deux tiers de la population à la veille de la Révolution ne sache pas lire (la moitié des hommes au moins a toutefois des rudiments) ne doit pas masquer la montée de l'idée et de la revendication d'éducation - ce que l'idéologie des Lumières prend en charge et théorise -, ni les possibilités réelles de réception des textes écrits. Le papier, fragile support du monde moderne et de sa polyphonie, se redistribue en échanges, commentaires, discussions...

Matériellement, peut-être la Révolution s'effectue-t-elle d'abord par la multiplication des presses, permettant non seulement la production des journaux, mais aussi celle, massive, de pamphlets, de canards, d'almanachs, de caricatures, d'images et de chansons. Pouvoir social renforcé des imprimeurs, extension de la profession, disponibilité de l'écrit : la feuille imprimée envahit la France moderne. Le colporteur traditionnel accroît son activité, le mur devient un support privilégié, la circulation de l'écrit est bien une des caractéristiques de la Révolution. Tout ce qui ressortit à la littérature populaire s'en trouve multiplié 5.

« Civilités », ou traités de morale sociale et de politesse, almanachs, chansonniers et pamphlets prédominent dans la propagande révolutionnaire... et contre-révolutionnaire. En 1792, l'Almanach du père Gérard de Collot d'Herbois s'oppose au contre-révolutionnaire Almanach de l'abbé Maury. Bon marché, il explique aux villageois les principes de la Révolution, sous forme d'entretiens. Existent également les catéchismes républicains, qui copient la formule questions et réponses des manuels religieux. Les chansonniers rassemblent les chants de la Révolution : des milliers de chansons ont retenti dans les rues, les ateliers, les échoppes, véhiculant thèmes politiques et idéologiques sur des airs connus ou des musiques dues aux plus grands compositeurs. Le pamphlet, « écrit bref pour temps pressés » 6 joue un rôle décisif et met au point un type d'écriture.

Du médium de l'éphémère que sont affiches et caricatures 7, commentaire à chaud de l'événement, au journal des analphabètes qu'est la chanson, tout un éventail de formes et d'expressions étale le bariolage de cette littérature populaire directement articulée sur l'histoire en cours. Deux dominantes : le rire et l'émotion. Tradition satirique et popularisation de la sensibilité vont de pair avec la trop fameuse abstraction de la pensée révolutionnaire. Nous sommes dans la problématique des médias chauds, elle-même prise dans celle de l'esprit public et de l'opinion. C'est ce que nous appellerions aujourd'hui les mentalités politiques. C'est dire combien est complexe le rapport entre l'événement historique et les représentations, entre l'univers politique et sa dimension culturelle, l'autonomie du processus de production et de réception de ces formes populaires de l'écrit et de l'image. La question si difficile de l'imaginaire politique commande l'analyse de ces productions.

Faute de pouvoir seulement esquisser une réponse à ce problème, il convient de redire combien la presse a su se créer une place qu'elle n'avait jamais pu occuper. Explosion et diversification, rapports inédits avec le cours des choses, elle va devenir, selon la formule de Hegel, la prière quotidienne du monde moderne.

Le Verbe et l'Histoire

Le journal de l'époque révolutionnaire conserve souvent la forme et la typographie du livre ou de la brochure - in-octavo ou in-quarto -, avec quelques essais d'in-folio. Mise en page classique sans mise en évidence majeure de la nouvelle : bois gravés, estampes... La présentation reste archaïque. Ses conditions de production (presse manuelle, organisation rudimentaire de la rédaction, même si certains journaux ont déjà un fonctionnement presque moderne) contribuent à le rendre éphémère. Combien de titres meurent après quelques numéros ! Quant au tirage, il dépasse rarement quelques centaines d'exemplaires. Il n'empêche que la presse fut pour quelques-uns une affaire assez lucrative. Les calculs faits pour le Patriote français de Brissot montrent que les abonnements rapportent de 100 à 180 000 livres par an, pour des frais de personnel et de production de 73 000 livres.

Toutes les presses

La presse parisienne connaît plus de créations en six mois (184 titres entre mai et décembre 1789) que pendant la décennie 1770-1779 pour toute la presse de langue française en Europe ( 173 titres). En 1790 on arrive à 335 titres, et l'an V (1797) en verra 190 supplémentaires. Et on connaît encore mal la presse provinciale ! Certes, il faut tenir compte de la durée de vie de nombre de ces titres et de leur périodicité, mais le quotidien est lui, vraiment bien implanté : à la fin de 1789, on en dénombre 23 à Paris, à côté de 3 trihebdomadaires, 8 bihedomadaires et 7 hebdomadaires.

La presse purement politique est donc fortement concurrencée, pour ne pas dire dévalorisée, par la nouvelle presse d'information rapide. La matière journalistique s'étend prodigieusement. Tout un éventail, allant du traditionnel Journal de Paris à l'énigmatique Rougyff (anagramme de son fondateur, Guffroy) parcourt les possibles du titre, insistant sur l'événement en cours (Les Révolutions de Paris), sur la périodicité (La Quotidienne) ou la fonction idéologique (L'Ami du peuple). Il faudrait aussi signaler la spécialisation : journal d'assemblée, de club, de l'armée, de l'individu, des femmes... La voie est ainsi ouverte au siècle de toutes les presses, y compris celle à sensation, qui invente les méthodes destinées à assurer bientôt sa fortune.

Le journal accueille tout, textes littéraires, petites annonces (avec un titre spécialisé : « Les affiches, annonces et avis divers », courrier des lecteurs. Presse multiforme en prise directe sur l'événement, capable de cibler des lectorats, passionnée ou analytique, haletante ou austère, didactique ou plaisante, menaçante et menacée... Le langage du journal est totalement libéré, ce dont la littérature devra tenir compte. Les effets, de l'éloquence à la satire, de la violence dénonciatrice au « ton peuple » affecté, témoignent d'une maestria assez prodigieuse.

Le journaliste moderne mène une vie de forçat : toujours aux aguets, réceptacle et amplificateur, colporteur de nouvelles et de rumeurs, acteurs, apôtre, tribun (Babeuf intitule son journal Le Tribun du peuple ), dénonciateur, leader d'opinion, il entend d'abord occuper la fonction de porte-parole et d'organe - au sens propre parfois : être l'oeil du peuple - de la nation. Il se grandit aux dimensions de la collectivité devenue par la Révolution une notion plus intégratrice que jamais. Le journaliste et son produit interviennent directement dans l'Histoire. Créateur à part entière du débat démocratique, au même titre que les assemblées de toute sorte, il crée l'événement, soit en le suscitant, soit en l'annonçant, et lui confère son sens, par le récit et le commentaire. D'où son nécessaire positionnement : il devient le raconteur, l'interprète, l'idéologue, l'acteur...

Eloquence et politique

De là découle la « sollicitude » du pouvoir révolutionnaire qui, après une période de totale liberté, laquelle ne sera jamais remise en cause officiellement, présente comme mesure circonstancielle la censure que la Déclaration avait abolie. De la censure militante exercée par les sociétés populaires à l'interdiction des journaux royalistes après le 10 août 1792, un processus se met en place. Le pouvoir, par décrets, proscrit des thèmes ou des positions politiques : rétablissement de la royauté, loi agraire, fédéralisme... Il vise la Contre-révolution ou les opposants assimilés, tels les Girondins. Le Directoire continuera ces pratiques au rythme des péripéties politiques. Il faudra attendre Bonaparte et l'arrêté du 27 nivôse an VIII (17 janvier 1800) pour voir revenir la censure préalable. La liberté officielle est morte.

C'est le militantisme professionnel et politique de cette presse, organisant d'emblée les grands types d'interprétation et de légende de la Révolution, qui explique que la corporation paiera largement le prix du sang. Ces militants auront eu pour arme principale, sinon unique, la plume, et une plume d'écrivain 8.

On ne saurait trop insister sur les qualités littéraires des journaux et des discours. Produits d'une rhétorique apprise et pratiquée dans les collèges, nourris d'une culture fonds commun de la référence, de l'horizon culturel de l'Ancien Régime et des Lumières, ils tiennent autant au talent personnel qu'à l'apprentissage scolaire de la parole publique et de l'écriture. Ils procèdent de la diffusion des Lumières, cet immense processus d'acculturation qui va de pair avec le règne de l'écrivain après le milieu du XVIIIe siècle 9. Par ailleurs, il faut souligner que la presse et l'éloquence représentent pour bien des écrivains faméliques, ces « Rousseau du ruisseau » une instance de légitimation.

L'éloquence reste encore victime du discrédit où le XIXe romantique l'a fait tomber - il fallait lui « tordre le cou » - et ce discrédit semble s'être aggravé de la méfiance moderne à l'égard de toutes les techniques manipulatoires. Notons que cette méfiance retrouve ainsi celle des idéologues, pour qui l'éloquence est démagogique, faisant appel aux passions plus qu'à la raison, et ayant un rapport étroit avec la Terreur. Le Verbe ne fait plus recette, ou plutôt il fait recette autrement. Toutefois, le renouveau des études rhétoriques laisse bien présager d'une analyse littéraire globale de ces discours 10.

Pouvoirs de l'écrit

Il n'en reste pas moins qu'un idéologue, dès avant 1789, avait insisté sur la métamorphose moderne de l'écrivain impliquée par les pouvoirs de l'écrit. Volney avance cette thèse que « Tout écrivain est devenu un orateur public, qui a parlé non seulement à sa ville, mais à sa nation, à l'Europe tout entière. Si dans ce nouveau genre de comices, il a perdu l'avantage de sa déclamation et du geste pour remuer les passions, il l'a compensé par celui d'avoir un auditoire mieux composé, de raisonner avec plus de sang froid, de faire une impression moins vive peut-être, mais plus durable ».

A la société de conversation des Lumières succède la tribune, et un nouveau contact d'un public à la parole littéraire en action. Idéalement, le discours s'adresse au peuple, continuant l'ambition des écrits qui visent un public anonyme mais censément immense, élargi au peuple tout entier. Les acquis de la chaire, du barreau et de l'académie se conjuguent avec l'idée que liberté politique et éloquence ont partie liée : telle est la logique du règne de l'opinion publique. La parole était légitimée par l'institution; elle l'est désormais par l'exercice de la raison et de la vertu ainsi que par l'occasion historique. C'est une mutation irréversible, qui révolutionne la parole, le langage et sa pratique. La Révolution est une affaire de mots et de leur incarnation dans l'espace politique réel. Jamais des concepts n'avaient ainsi pris vie avec la participation réelle ou fantasmée de la collectivité. Le contrat social est un contrat discursif.

La Révolution réinvente le forum et tente d'apprendre la démocratie. Plus profondément encore, la « publicisation » de la parole prend l'allure d'un débordement ou d'une invasion du quotidien, dont Louis-Sébastien Mercier traduit l'effet : « L'état de la Convention devint presque un état de nature tant les hommes y changèrent leur logique, leur langage et leurs idées antérieures » 11.

Paradoxe : l'éloquence, si littéraire dans ses modèles - ne serait-ce que pour les contester -, si empreinte de culture antique, si dépendante de l'instance scolaire, est en même temps un moyen puissant de dévalorisation de la littérature 12. Celle-ci semble incapable de prendre appui sur le réel de la politique, de suivre le tempo de l'histoire, comme si l'incarnation de la Philosophie entraînait un rejet symbolique du livre. Mais cette éviction relève avant tout du discours idéologique; elle révèle un rapport contradictoire de la Révolution à l'écriture. Il faut distinguer deux choses : la réalité de la production et la mission affectée à l'homme de lettres.

Malgré des appels qui tentent de fédérer les écrivains pour le combat révolutionnaire, malgré des initiatives comme le Cercle social, nouvelle forme de sociabilité des écrivains 13, l'écriture reste une affaire individuelle. Si bien des écrivains se mettent au service de la Révolution, la disparition de la République des lettres ne donne pas naissance à une nouvelle symbiose entre l'écrivain et la société, entre l'écriture et la politique. Robespierre, dans son célèbre discours du 18 floréal an II (7 mai 1794), pourra dénoncer les hommes de lettres qui se sont déshonorés dans la Révolution, mais c'est pour leur reprocher soit d'être restés des philosophes des Lumières effrayés par la montée du peuple (et, dans la perspective robespierriste, de n'avoir pas continué Rousseau), soit de s'être enfermés dans une « lâche neutralité ».

La condition moderne de l'écrivain

Juger la littérature révolutionnaire se fait souvent à partir de cette figure antérieure : le philosophe ou l'homme de lettres des Lumières. La décadence paraît alors frappante, et prouver de façon aveuglante l'effet délétère de la Révolution sur les lettres. C'est oublier que ces figures étaient liées à une conjoncture sociale et idéologique inséparable de l'Ancien Régime. S'il est vrai que les philosophes craigaient le développement d'une plèbe de publicistes, satiristes, journalistes à scandale qui dévalorisent et discréditent le prestige nouveau de l'homme de lettres, ils bloquaient l'accès des demi-littérateurs à la profession et à des prestiges. La Révolution offre à ces exclus ou à ces déclassés une revanche sur l'institution, ce qui motivera une interprétation qui a la vie dure de la promotion des médiocres (idéologiquement récurrente et revivifiée par certaines plumes aiguisées par le Bicentenaire).

La politique au quotidien

L'auteur moderne se trouve confronté à une disponibilité théorique, une ouverture des possibles et à une réalité anarchique : si tout peut s'imprimer - au moins jusqu'à la censure après le 10 août et la Loi des suspects -, les droits ne sont pas encore protégés (il faut attendre 1793), et les contrefaçons foisonnent. L'auteur risque de se perdre dans l'anonymat d'une production pléthorique. Par ailleurs, la marche de la Révolution pose un problème qui nous informe toujours, puisqu'il est fondateur : la contradiction entre la liberté d'expression et la politique puisque, entre 1789 et 1800, trente textes tentent d'organiser la liberté d'expression.

Plus profondément, l'auteur est confronté, comme on l'a montré, à cette désarmante nouveauté: « Aucune stratégie d'auteur ne restait valable » 14. Le modèle du philosophe n'est plus adapté à la situation. Il faut dès lors inventer sa propre stratégie, qui passe par l'autolégitimation, par celle de la parole et la prise en compte des difficultés à la nature même de l'événement, à la fluctuation permanente des positions et des réalités. Le politique donne maintenant son tempo à l'écriture.

L'engouement pour la politique, devenue l'environnement quotidien, la référence obligée, le mode d'inscription de soi dans la société, fait refluer la littérature. L'homme de lettres perd son trône, comme le Roi. La Révolution exige de lui qu'il se repense autrement, qu'il s'inscrive non seulement dans la société mais dans son mouvement historique, et qu'il se mette au service de la Révolution. Rien ne l'y préparait. Aussi se trouve-t-il devant des choix drastiques : la propagande sous toutes ses formes, du tract à la fête; l'engagement direct ou la reconversion dans la politique; le silence; l'écriture, quand même, au risque de la mort; l'écriture déconnectée de l'Histoire.

Libération absolue et contrainte absolue : en ces termes Jean-Claude Bonnet définit le paradoxe révolutionnaire. C'est dire combien il est difficile à l'écrivain de déterminer une position pertinente dans le bouleversement révolutionnaire. Mais les écrivains contre-révolutionnaires eux-mêmes seront déstabilisés, hésitant entre le maintien de la tradition et la mise en cause de leur propre statut. Le romantisme y gagnera l'invention du paria, la problématique moderne de l'écriture et de son décentrement par rapport à la société : voir Chateaubriand.

Peut-être a-t-il fallu que l'écrivain passe par cette épreuve pour comprendre, du fait de son intégration et, parallèlement, de son exclusion forcées, la spécificité de l'écriture, et pour penser de façon nouvelle le mode d'intervention de l'écrivain dans le politique et l'Histoire. Calvaire ou descente aux enfers, l'expérience révolutionnaire n'a pas détruit les lettres ni l'écrivain. Elle les a contraints à se définir, douloureusement, après le vertige de l'énergie dévorante, de l'implication de soi jusqu'à la mort. Le tumulte, l'accélération du temps ont permis cette redisposition chaotique. La dignité de la littérature et l'importance de l'écrit, de l'idée, du verbe en ont été magnifiées.

La plus féconde des attitudes reste peut-être celle des écrivains qui tentent d'adapter leurs textes à la réalité en éruption, de trouver des formes émergeant, sinon du naufrage, du moins du grand chambardement des genres. Ainsi de Louis-Sébastien Mercier ou de Rétif de la Bretonne qui développent la polygraphie.

Les Muses révolutionnées

Chantier des formes, laboratoire littéraire : autant d'expressions qui pourraient magnifier l'apport indéniable de l'époque révolutionnaire à la littérature. Mais l'inventivité de l'époque - et c'est son originalité - s'inscrit à la fois sur un fond de permanence de formes consacrées, survivances rassurantes, et dans un bouleversement enivrant et tragique. La Révolution semble imposer une hiérarchie du fait littéraire selon son inscription dans la Cité, autrement dit selon son ancrage dans l'Histoire en cours.

Une révolution culturelle ? Serge Bianchi a tenté de défendre et d'illustrer cette proposition 15. Force est de constater qu'un projet de ce type a bien existé. Ainsi la Société des amis de la constitution (qui deviendra le Club des Jacobins) l'énonce-t-elle dès septembre 1791 dans la perspective de la régénération 16: « On propose de purifier les voies de la corruption usitée par la politique du gouvernement et de faire servir à nos frères 1) les nouvelles, 2) les almanachs, 3) les chansons, 4) les danses, 5) les spectacles, et de recommander la propagation de ces moyens faciles » 17. La forme littéraire la plus apte à promouvoir ces nouvelles valeurs reste le théâtre, traditionnellement la plus socialisée, celle dont les enjeux ont marqué la politique de censure de l'Ancien Régime, celle enfin qui n'exige pas de savoir lire. Ce secteur de la production reste le moins mal connu aujourd'hui, même si les études qui lui sont consacrées n'en donnent pas encore une analyse féconde.

Un théâtre libéré

La Révolution libère le théâtre (Loi du 13 janvier 1791) : plus de monopoles selon les salles, plus de censure. De 14 théâtres en 1791, on passe à 35, en 1793. Le renouvellement du public est facilité par des mesures qui changent les horaires et les prix. L'acteur est également libéré et devient ce qu'il n'avait jamais été : un citoyen à part entière. Les péripéties et les contradictions seront nombreuses, mais le progrès est indéniable 18.

On a pu parler de carcan classique. Il est vrai que le théâtre sous la Révolution va conserver l'héritage déjà sclérosé du classicisme. Mais une approche plus féconde pourrait souligner « l'écart entre un système de genre vieux de plus d'un siècle et les réalités de la pratique théâtrale » 19.

La Révolution récupère les thèmes antiques pour deux raisons : l'habitude, la force contraignante des modèles, la force acquise de la tradition, mais aussi parce que les figures antiques correspondent au désir et à l'idéologie de la régénération. Il s'agit de renouer avec la jeunesse du monde, école d'énergie, et, sinon d'annuler, du moins de réinterpréter l'histoire de l'Ancien Régime, de la féodalité et de la monarchie. Alors Brutus, Marius, Gracchus et Caton reprennent sens. La plasticité des thèmes autorise la prise de position ou l'adaptation aux fluctuations politiques : si le Caius Gracchus de Marie-Joseph Chénier de 1792 est révolutionnaire, son Timoléon de 1794 dénonce la Terreur. Un Antoine Arnault peut écrire successivement un Marius révolutionnaire en 1791, un Quintus Cincinnatus thermidorien en 1795, un Scipion napoléonien en 1804 et un Germanicus royaliste en 1817.

Comédie et tragédie

La tragédie évolue aussi vers le drame national ou la tragédie historique, ce qui incorpore des sujets médiévaux ou plus modernes. D'ailleurs le coup d'envoi du théâtre révolutionnaire fut le Charles IX ou l'Ecole des rois de Marie-Joseph Chénier. Des figures de l'histoire française accèdent à la dignité du genre tragique, et si le genre garde ses prérogatives, l'évolution de la réception est ainsi rendue manifeste.

La comédie ne se renouvelle guère, car le genre est particulièrement labile. Les tendances fondamentales se maintiennent: la comédie sérieuse, voire larmoyante, se retrouve chez un Collin d'Harleville ou un Fabre d'Eglantine, dont le Philinte de Molière réécrit le Misanthrope dans une perspective rousseauiste et révolutionnaire ou chez Andrieux ou Picard, prolifiques auteurs du temps; le drame bourgeois également (voir La Mère coupable de Beaumarchais, en 1792), ainsi que les pastorales, vaudevilles et bergeries. Insistons sur la promotion des genres dits intermédiaires qui subvertissent les classifications, sur les interpénétrations ou contaminations. C'est la déstabilisation féconde du théâtre qui importe, pris dans l'Histoire, dans la déclaration politique, dans un nouveau rapport au public. Ambition pédagogique, militantisme, opportunités nouvelles, tout concourt à faire du théâtre la grande explosion proprement littéraire de la Révolution.

Et comment oublier le théâtre purement révolutionnaire, celui qui, explicitement, la prolonge en la mettant en scène ? L'an II illustre bien ce phénomène, nullement réduit d'ailleurs à cette année terrible. Le Moniteur du 5 septembre 1793 proclame : « Les théâtres sont les écoles primaires des peuples éclairés et un supplément à l'éducation publique ». Les pièces civiques à la thématique entièrement dirigée contre les tenants de l'Ancien Régime et de la Contre-Révolution se multiplient, et leurs titres en annoncent clairement la teneur : Les crimes de la noblesse, Le Congrès des rois, La démonseigneurisation... La meilleure reste sans doute Le jugement dernier des rois de Sylvain Maréchal (octobre 1793), pièce tyrannicide. D'autres évoquent les succès de la République, à Toulon - Bonaparte fera ainsi son apparition comme personnage de ce théâtre de l'histoire au présent -, et en Vendée.

Les pièces anticléricales constituent une part importante de cette créativité révolutionnaire. Elles se développent évidemment pendant la période de déchristianisation : du Souper du pape à L'inutilité des prêtres, tout un programme se donne à voir, dont l'un des clous sera la Sainte Omelette (22 décembre 1793).

Naissance du mélodrame

Enfin, l'appareillage même du théâtre passe au premier plan: décor, costume et mise en scène, voilà la grande innovation - inaugurée, il est vrai, par le drame bourgeois - qui fécondera le XIXe siècle. C'est le mélodrame qui hérite de tout cela, mélodrame en qui l'on peut saluer la vraie création révolutionnaire.

Le mélodrame, c'est la tragédie des boulevards. Opium du peuple, même si les nouveaux riches du Directoire le prisent, il expose un bilan moral de la Révolution. Tribune politique, exorcisme de la Terreur, célébration de l'émotion, il montre le triomphe du bien sur le mal, mais il conforte en même temps la bourgeoisie, en opposant les figures honnies de l'Ancien Régime (le noble et le moine, de préférence lubrique) aux vertus nécessaires au peuple : travail, courage, bons sentiments. Quatre cents titres entre 1790 et 1823 : tout un éventail allant du drame d'aventure (Loaisiel de Tréogat avec Le Château du diable, 1792, et La Forêt périlleuse, 1797), à la charge anticléricale (Les victimes cloîtrées de Monvel, 1791). Guilbert de Pixérécourt, le plus grand, adapte Ducray-Duminil, l'incontestable maître du roman noir populaire (Coelina ou l'enfant du mystère, 1800) .

Parfaitement codé, le genre tire son efficacité de ses stéréotypes : père noble ayant eu des malheurs, pure jeune fille torturable à merci, jeune et beau sauveur, traître abject sous les traits du protecteur, valet simplet mais bon... Univers manichéen, lieux clos, intrigue intemporelle mais lisible selon les préoccupations contemporaines, retour final au bonheur initial, le mélodrame multiplie les signes de connivence avec le public. Beaux ou hideux modèles, émotions fortes, fertile imagination qui organise la persécution, mais surtout grande mobilité des décors, avec catastrophes naturelles : théâtre essentiellement visuel, où la mise en scène est capitale. Au nom d'une idéologie conservatrice postrévolutionnaire ou de fin de révolution, il donne à voir une société moderne et des types nouveaux. Il ouvre sur le drame romantique. Charles Nodier exprimera de la meilleure façon en 1829, le rapport du mélodrame à l'Histoire en montrant comment le mélodrame prolonge sur la scène l'apparition dans la rue de « cet être réel, palpable, animé, passablement dramatique et cependant jusqu'à nous tout à fait oublié par les metteurs en œuvre de la scène qui s'appelle le peuple ».

Au total c'est la frénésie du théâtre qui caractérise l'époque révolutionnaire, car des motivations contradictoires y conduisent un public toujours plus nombreux : l'emportement dans le tourbillon d'une histoire dont on retrouve les vibrations et les échos sur scène, où les combats de la rue et des assemblées se continuent dans la salle, où le théâtre est l'affaire de la cité, fût-ce en alexandrins et en cinq actes.

L'art poétique

La poésie reste dominée par les genres épique et lyrique, mais toutes les formes prolifèrent. Hymnes, odes, poésies didactiques : il faudrait redécouvrir ces textes, moins pour le talent de leurs auteurs (encore qu'il y aurait certainement des surprises) que pour démontrer l'importance de la technique (rhétorique et métrique), la prégnance des modèles, la combinaison d'une tradition revivifiée et des thèmes révolutionnaires. Les grandes tendances du XVIIIe siècle se maintiennent, notamment la poésie descriptive, qui confère une dignité poétique au monde entier et aux productions humaines : Delille mérite d'être relu. Quant à Chénier, que dire sinon qu'il représente à la fois le poète sachant utiliser la palette disponible au versificateur du temps, la réflexion sur le langage poétique, l'engagement révolutionnaire puis contre-révolutionnaire, enfin le destin de l'écrivain en révolution ?

Roman et roman noir

La production romanesque est abondante 20, même si 1794 est l'année la moins féconde : une douzaine de titres 21.

La fiction tente d'intégrer la politique. Le conte philosophique ou moral convient bien aux exigences de l'heure, mais le roman sensible et libertin fleurit sans discontinuer. Enfin une figure s'impose, dont le rapport à la Révolution est toutefois éminemment problématique: Sade. Il pose d'une façon éblouissante et inquiétante, voire terrifiante, le rapport entre le républicanisme et la sexualité dans La philosophie dans le boudoir (1795).

Sous bénéfice d'inventaire, on commence à s'accorder pour réhabiliter tel ou tel titre comme Eponine ou la République de Delisle de Sales, d'abord publié en 1791, puis remanié en 1792 pour être réédité en 1793. Le roman respecte la tradition romanesque, tout en embrassant l'Histoire depuis l'Antiquité et la politique. Tentative d'intégration de la fiction et de l'histoire, du roman et de l'actualité, proposition d'un dépassement du genre romanesque au profit d'une forme totalisante.

Le roman noir termine presque ce panorama sommaire de la littérature révolutionnaire : d'abord par la chronologie (1797, c'est la marée noire), ensuite parce qu'il va de pair avec le mélodrame, échangeant avec lui thèmes et situations, atmosphère et procédés. Les traductions du roman gothique anglais mettent à la mode tombeaux, souterrains, châteaux-forts, revenants, traîtres, sombres ermites, moines diaboliques, jeunes filles enfermées, terrorisées, violées. Mais le roman français avait déjà traité, au XVIIIe siècle, le double thème des malheurs de l'amour et de la vertu, dont Sade saura tirer les effets les plus flamboyants. Les Allemands donnent dans le roman de chevalerie, et Mme de Tencin avec les Chevaliers du cygne (1795) en propose une version très consommable. Le genre frénétique, héritier du genre sombre, se diffuse dans le roman populaire avec Ducray-Duminil qui multiplie les titres à succès comme Victor ou l'enfant de la forêt (1796) et Coelina ou l'enfant du mystère (1798).

Le roman des années 1795-1805 sera désormais la référence des écrivains du XIXe siècle - Balzac commencera comme auteur de romans noirs -, il participe pleinement à la promotion sur l'horizon d'attente de la fiction romanesque et entérine l'amalgame de la création romanesque et des préoccupations historiques ou informées par l'histoire (voir l'exemple du genre troubadour). Même quand il s'affiche comme roman d'évasion, il passe par la modernité, mettant en place des schémas romanesques, véritable réservoir pour le flot fictionnel du siècle, et inventant des situations, des personnages, des sujets. C'est la démocratie dans la littérature.

La littérature, fille de la Révolution

En définitive, la littérature de l'époque révolutionnaire ouvre trois portes de la modernité : diffusion démultipliée de l'écrit: invention d'une problématique complexe du rapport entre écriture, société et Histoire; transgression des codes. Il n'est pas étonnant que, sous le Consulat et l'Empire, la question du statut de la littérature et du bilan des lettres se soit posée avec une telle urgence. C'est que les cadres anciens ont explosé, que l'homme de lettres est définitivement devenu un écrivain de type moderne et qu'il doit s'interroger sur sa mission. S'ouvrira alors le temps des prophètes 22. Mais l'implication de l'acte d'écrire dans le social, qui peut déboucher sur leur mutuelle exclusion comme sur leur mutuelle dépendance, est dégagée de façon telle qu'elle nous détermine toujours. A moins que ces considérations ne perdent leur pertinence, sans que l'on perçoive de nouveaux horizons.

En 1800, le De la littérature de Mme de Staël apparaît comme un premier manifeste de l'homme de lettres moderne, encore pris dans certaines catégories des Lumières, mais inséparable de l'expérience révolutionnaire. Un axe domine et organise le texte, la perfectibilité. Une rythmique de l'histoire organise le temps, civilisation/barbarie, qui recoupe l'opposition géographique.

Les données principales établissent la légitimité théorique d'une mise en rapport de la Révolution - « ère nouvelle pour le monde intellectuel » ou « événement terrible » - et de la littérature. Assumant la destruction des cadres sociaux qui déterminaient la production littéraire des Lumières, De la littérature... se veut ouvrage programmatique, gouverné par un axiome : « Les progrès de la littérature sont nécessaires à l'établissement et à la conservation de la liberté », couplé avec l'affirmation de la perfectibilité, sans laquelle l'entreprise perdrait toute signification, non seulement parce qu'elle permet de récupérer la Révolution, élaguée de ses excès, mais aussi et surtout parce qu'elle place la littérature dans une perspective historique et lui confère un devenir.

D'emblée, la littérature se donne comme politique. Il's'agit donc bien de théoriser une politique du littéraire, tâche d'autant plus urgente que les effets de la Révolution pervertissent moeurs, lettres et philosophie par la généralisation de la vulgarité, due à « l'introduction d'une nouvelle classe dans le gouvernement », affectant langage, manières, opinions, faisant « rétrograder, à beaucoup d'égards, le goût et la raison, (même si) elle peut à la longue, éclairer une plus grande masse d'hommes ». Mme de Staël assigne aux écrivains une mission nouvelle : comment écrire dans une France ainsi révolutionnée ? D'où la détermination des perspectives ouvertes et des modalités de leur inscription sociale. La littérature moderne sera constructive ou ne sera pas. Tout se passe comme si, du fait de l'équivalence moderne littérature/politique, l'engagement était la condition même de l'écriture : l'écrivain serait le plus prestigieux des Républicains. La littérature républicaine, c'est aussi l'explosion des talents soumis à la règle concurrentielle de l'émulation, ce qui identifie le talent littéraire au talent politique. Est ainsi défini le rôle des intellectuels dans la République. La littérature devient éminemment utile, faisant franchir une nouvelle étape à la perfectibilité. Elle est en quelque sorte aux affaires. Régénération, perfectibilité : la littérature révolutionnée assume le temps. A la fois mémoire de l'humanité et instrument de sa libération, elle occupe la première place dans la Cité.

Ces perspectives ne sont probablement plus les nôtres, mais c'est la conclusion qui importe : la Révolution détermine la littérature. Le XIXe siècle peut commencer.

avril 1989

  1. (retour)↑  jean TULARD, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Laffont, 1987, p. 288, coll. Bouquins.
  2. (retour)↑  On ne peut que souscrire à ce qu'écrit Jean-Claude BONNET : « Cette question (des chefs-d'oeuvre NB) n'a pas vraiment de pertinence, car ce recensement limité à des critères exclusivement normatifs ferait oublier les transformations plus sourdes mais profondes et le laboratoire des formes qu'elle suscite », La Carmagnole des Muses, A. Colin. 1988, p. 11-12.
  3. (retour)↑  Jean-François FAYARD, Histoire et dictionnaire de la Révolution... op. cit., p. 954.
  4. (retour)↑  Sur toutes ces questions voir Roger CHARTER, Lectures et lecteurs dans la France d'Ancien Régime, Le Seuil, 1987.
  5. (retour)↑  Voir « Littérature populaire », XVIIIe siècle, n° 18, 1986.
  6. (retour)↑  Chantal THOMAS, « L'héroïne du crime : Marie-Antoinette dans les pamphlets », La Carmagnole des muses, op. cit., p. 245.
  7. (retour)↑  Voir Michel VOVELLE, La Révolution française, images et récit, Messidor Livre club Diderot, 1986, (5 vol.) et Claude LANGLOIS, La Caricature contre-révolutionnaire, Antoine de BAECQUE, La Caricature révolutionnaire, Presses du CNRS, 1988.
  8. (retour)↑  Voir Georges BENREKASSA « Camille Desmoulins, écrivain révolutionnaire ), La Carmagnole des muses, op. cit., p. 223-241.
  9. (retour)↑  Voir le livre fondateur de Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, Corti, 1973.
  10. (retour)↑  Voir Patrick BRASART, Paroles de la Révolution, Minerve, 1988.
  11. (retour)↑  Le Nouveau Paris, an VIII, chap. LXXVII, « Tribune », cité par Jean-Claude BONNET, La Carmagnole des Muses, op. cit., p. 328.
  12. (retour)↑  Id., « La sainte masure », La Carmagnole des Muses, op. cit., p. 185-222.
  13. (retour)↑  Voir Marcel DORIGNY, « Le Cercle social ou les écrivains au cirque », La Carmagnole des Muses, op. cit., p. 49-66.
  14. (retour)↑  jean-Caude BONNET, La Carmagnole des Muses, op. cit., p. 306.
  15. (retour)↑  La Révolution culturelle de lân II, Aubier, 1982, coll. Floréal.
  16. (retour)↑  Sur ce thème, voir l'article de Mona OZOUF, « Régénération » in Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988.
  17. (retour)↑  La Révolution culturelle de l'an II, op. cit., p. 173.
  18. (retour)↑  Voir Pierre FRANTZ, « Pas d'entracte pour la Révolution », la Carmagnole des Muses, op. cit., p. 381-398.
  19. (retour)↑  Ibid., p. 390.
  20. (retour)↑  Voir Huguette KRIEFF, Révolution et fiction romanesque, 1789-1799, thèse d'Etat sous la direction d'Henri Coulet, 1984.
  21. (retour)↑  Voir Henri LAFON, « Basses eaux, notes sur les romans de l'an II », in « La Révolution mise à nu par ses écrivains mêmes-», Europe, n° 715-716, 1988.
  22. (retour)↑  Voir Paul BENICHOU, Le temps des prophètes, Gallimard, 1978.