Simplification ou complication ?
Quelques réflexions sur la constitution d'un catalogue en ligne à la Médiathèque de La Villette
Maria Witt
Le catalogue de la Médiathèque de la Villette, en service depuis 1986, est le premier OPAC français. Il a été constitué à partir de deux systèmes : les notices sont générées sous MEDICIS et consultées sous GEAC, d'où des difficultés dans la gestion et dans la présentation. Le catalogue est consulté par 35 % des lecteurs, notamment par les enfants ; il est interrogeable par les mal-voyants. Le catalogue, qui présente au public la « cuisine interne » de la bibliothèque (documents commandés, en cours de traitement, etc.), engendre des rapports nouveaux entre le public et les bibliothécaires qui voient l'évaluation en direct du service offert.
The catalog of the multimedia library of La Villette, that has been working since 1986, is the first French OPAC. It has been elaborated from two systems : as the records are generated on MEDICIS and the searches are made on GEAC, management and presentation meet some problems. The catalog is being used by 35 % of the readers, most of them children ; inquiries can also be made by visually impaired users. The catalog, which reveals the hidden side of the library to the public, induces new relations between the public and the librarians who can attend the live evaluation of the service.
« On ne peut se passer de lire des livres pour apprendre à utiliser l'ordinateur. Pas nécessairement des livres imprimés et reliés. Par exemple, quand j'utilise un nouveau programme, il y a le fameux help qui explique le programme (vous ne resterez jamais à le lire sur l'écran, vous l'imprimez à part, puis vous vous installez dans votre fauteuil avec une cigarette et pendant trois jours vous le lisez, enfin vous retournez à votre écran et vous faites des erreurs).
« Le nouvel alphabet électronique nous habitue à connaître le monde à travers des formules sans âme : Dir, help, error 29, disk, copy, etc. Quelle horreur face au dolce colore d'oriental zaffiro ! (Dante, Purgatoire, I, 13) » (1).
Ces quelques lignes d'Umberto Eco résument de façon pertinente tout le problème de la communication entre les nouvelles technologies et leurs utilisateurs. Elles ne sont pas moins pertinentes à la Médiathèque de la Villette où fonctionne depuis maintenant trois ans un catalogue en ligne interrogeable par le public.
Un peu d'histoire
Au début des années 80, la constitution d'un catalogue en ligne pour la future Médiathèque du Musée national des sciences et techniques était fermement envisagée. L'équipe de conservateurs et bibliothécaires recrutée sous la direction de François Reiner était chargée de la constitution d'une bibliothèque multimédia de vulgarisation scientifique et technique entièrement automatisée.
Les options sur le libre-accès, déjà résolues par la Bibliothèque publique d'information (BPI) et par d'autres bibliothèques, n'offraient plus matière à discussion. François Reiner écrivait : « Il n'est pas concevable de ne pas mettre les collections en accès libre. Celui-ci présente certes des inconvénients, mais une bibliothèque aux collections closes offre une telle image passéiste et rébarbative que, mis à part les document à protéger spécifiquement, l'usage des magasins doit être tout à fait proscrit » (2).
Quant aux catalogues, « leur médiation n'est pas strictement indispensable au lecteur qui peut se contenter d'une première approche par l'accès libre. Néanmoins, leur existence est absolument nécessaire pour un usage plus approfondi des collections et parfaitement indispensable pour la bonne marche des services de bibliothèque. Leur constitution et leur maintenance sont une activité exigeante en travail qualifié et une puissance des systèmes informatiques.
« L'existence d'un grand nombre de catalogues n 'implique pas nécessairement leur existence physique. J'exclus la constitution des catalogues sur fiches et la base du travail doit être informatique. Les différents catalogues peuvent être simplement des clés d'accès aux notices de documents en mémoire et, physiquement, la consultation peut se faire en temps réel par console... ».
La Médiathèque de la Villette a été ainsi la première bibliothèque en France à être entièrement informatisée et à offrir un catalogue public en ligne. Elle fonctionne actuellement à l'aide de deux systèmes automatisés : MEDICIS, système français pour le traitement intégré interne des données et GEAC pour le catalogue public et le prêt. Le système MEDICIS a été choisi en 1982 pour gérer le traitement des acquisitions, et le catalogage. Or, un tel module de gestion interne répondait mal aux besoins potentiels de consultation en ligne par les usagers ; sa configuration machine ne permettait pas la connexion d'un nombre suffisant de terminaux, avec un temps de réponse satisfaisant pour des interrogations nombreuses et simultanées. La Médiathèque d'un musée moderne des techniques se devait d'être performante dans ce domaine.
Dès 1983, il fut décidé de compléter ce module par un système OPAC (catalogue public en ligne). Restait à déterminer les modalités du transfert des données entre le système de gestion et celui de consultation : GEAC fut choisi en 1985.
Les OPACs du début des années 80 fonctionnaient pour la plupart sur la base d'un format MARC, format structuré des données bibliographiques.
La notion de format était absente dans la conception de MEDICIS, les données étant écrites selon les règles ISBD. Or, « l'ISBD n'est pas un format machine. Il est insuffisant pour reconnaître les données et les codes ne sont pas assez significatifs. Il y manque toutes les zones vedettes. Il y manque les codes fixes. La ponctuation ISBD n'est pas suffisamment claire pour un codage machine » (3). Créer un catalogue public en ligne signifiait donc réécrire les données bibliographiques issues de MEDICIS dans un format MARC.
Les débuts
Environ 150 000 volumes étaient prévus pour l'ouverture de la Médiathèque en 1986, ce qui signifiait quelque 50 000 titres. Entre mars 1983 et mars 1986 une équipe d'une vingtaine de bibliothécaires ont constitué la base bibliographique du système MEDICIS (documents imprimés et audiovisuels). Pour les imprimés, la chaîne documentaire dans le système MEDICIS commençait par les acquisitions. Au moment des acquisitions de documents, on devait créer la première notice bibliographique contenant le minimum d'informations indispensables. Pendant la première année, nous nous sommes bornés à acquérir les documents. Le module de catalogage n'étant pas entièrement prêt à ce moment-là (pas de possibilité d'attribution de la cote), il a été décidé d'attendre 1984 pour cataloguer. Cependant ont été faits quelques essais de catalogage auteur-titre et de catalogage matière. Dès cette époque a démarré une réflexion commune sur les règles de catalogage à appliquer, les besoins des futurs utilisateurs, le thésaurus, le plan de classement.
Les règles de catalogage
Les règles de catalogage étaient préconisées par la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique (DBMIST) qui projetait en 1983 l'informatisation en réseau des bibliothèques universitaires au moyen du système MEDICIS. Travailler en réseau demandait l'accord des membres du réseau sur une harmonisation. En 1983, trois partenaires discutaient des problèmes de coopération: la DBMIST, la bibliothèque universitaire d'Orsay et la Médiathèque.
Même si la description recommandée par la norme NF Z 44-050 était beaucoup trop détaillée pour nos besoins et ceux des futurs utilisateurs, cette recommandation était le seul document normatif français en la matière. Par la force des choses, elle a été prise comme base de catalogage pour MEDICIS. La parution de deux fascicules de documentation à la fin de 1984 (notice moyenne et notice minimale), ainsi que l'abandon de MEDICIS par la DBMIST ont permis ultérieurement d'alléger le catalogage. Les règles pour le catalogage abrégé à l'usage de la Médiathèque de la Villette, traitant à la fois de la description des différents types de documents et des accès auteur-titre à ces documents, tiennent compte des particularités et exigences du système MEDICIS et sont encore utilisées. Avant d'intégrer dans le catalogue les nouveaux types de documents, des règles allégées sont élaborées en se basant, si elles existent, sur les normes françaises : cassettes, didacticiels, etc.
Le recours au catalogage partagé a fait partie de nos préoccupations dès le départ. Toutefois, du fait que MEDICIS s'appuie sur les règles ISBD, l'utilisation d'autres bases de données n'était pas possible. C'est cependant dans la perspective d'une future intégration de la Médiathèque dans un réseau de catalogage partagé qu'il a été décidé de respecter le plus possible les normes de catalogage auteur-titre 1.
Le fait que les différences tiennent principalement à la ponctuation reste sans conséquence, car il est possible, dans la plupart des cas, de changer automatiquement la ponctuation normalisée lorsqu'on change de système.
Quelques exemples. Alors que dans MEDICIS on écrit Seynes, Claude: de, selon la norme NF Z 44-061, on écrit Seynes, Claude de. Dans MEDICIS, on écrit *Institut *géographique *national: Département de *télédétection, selon la norme NF Z 44-060, Institut géographique national. Département de télédétection.
Pour la liste d'autorité matière, la Médiathèque s'est inspirée du thésaurus du Bureau national d'information scientifique et technique (BNIST) et des thésaurus spécialisés.
But du catalogue
Les règles, fixées d'une façon générale, peuvent évoluer avec les changements normatifs français et, surtout, avec les besoins de l'utilisateur. Car, le but d'un catalogue, s'il est de répertorier les documents conservés dans une bibliothèque, est, aussi et surtout, d'en faciliter l'accès par l'utilisateur. « Apprécier l'efficacité d'un service passe par exemple par l'examen de l'accès aux ressources documentaires au moyen du catalogue - l'usager peut-il trouver ce qu'il veut en consultant le catalogue quelle que soit la recherche ? Les discussions traitant du catalogage et les exercices s'y rapportant doivent mettre en relief les besoins de l'usager, l'accessibilité des ressources aussi bien que le respect des règles de catalogage » (4).
MEDICIS et GEAC
La constitution du catalogue a été très difficile, du fait de l'ignorance du futur système d'interrogation offert à l'utilisateur. Le personnel recruté, jeune et débutant, avait peu d'expérience du service public en bibliothèques et imaginait mal les pratiques d'interrogation du catalogue par le public. Aucun OPAC n'était installé en France avant 1984 et il était difficile d'imaginer les possibilités d'un tel outil. Un voyage aux Etats-Unis, effectué par les membres de la direction de la Médiathèque en 1983, a permis d'avoir une vision plus claire des potentialités afin d'élaborer le cahier des charges. Le système GEAC a été choisi au début de l'année 1985. L'OPAC a été mis en fonctionnement le jour de l'ouverture de la Médiathèque, le 13 mars 1986, et le prêt a été ouvert le 14 octobre 1987 ; une version Minitel (code 36 14 MEDVIL), interrogeable à distance fonctionne depuis novembre 1987.
Comme nous l'avons vu plus haut, les données entrées dans le système MEDICIS ne sont pas structurées dans un format MARC alors que GEAC utilise des données en format MARC. La réécriture des données bibliographiques conditionnait le bon fonctionnement du catalogue et, par la suite, la satisfaction du public. En 1985, une toute petite équipe d'informaticiens et bibliothécaires rattachés soit à la Villette, soit à la société GEAC, a commencé à travailler sur le programme de reprise des données. Il était impensable, au bout de deux ans d'alimentation de la base bibliographique MEDICIS, de saisir à nouveau toutes les données et il a fallu inventer le moyen le plus efficace pour reprendre le maximum d'informations sous GEAC, avec une présentation claire pour les utilisateurs. D'où la constitution d'un format MARC local, MARC Villette, sans chercher dans l'immédiat à étudier un reformatage. En effet, comme le fait remarquer Marc Chauveinc, « la conversion de notices d'un format dans un autre est possible, théoriquement. Mais, pratiquement, toutes ou presque toutes les expériences de conversion ont été longues, difficiles, onéreuses... La conversion n'est jamais parfaite et il y a toujours perte dinformation » (3).
Les informations contrôlées dans MEDICIS, à savoir le titre, le sous-titre, les vedettes auteur, les vedettes matière, les cotes, les numéros d'inventaire ISBN, etc. ont pu être convenablement réécrites. Par contre, les données venant de zones non contrôlées dans MEDICIS, telles que la mention de fonction d'un auteur, le numéro du volume à l'intérieur d'une suite ou d'une collection, l'éditeur, le nombre de pages... étaient perdues, puisque hors format. Pour éviter cette perte, il fallait les inclure dans une « zone de notes » correspondant, en fait, à la notice ISBD dépourvue du titre et redondante avec certaines informations précédentes.
Guide de l'OPAC
Que préférer pour le lecteur ? Donner quelques informations présentées clairement, ou beaucoup plus, au risque d'encombrer l'écran ? La taille d'un écran est en effet limitée, 80 caractères sur la longueur et 24 lignes en hauteur. De plus, il faut déduire la place nécessaire pour l'intitulé de l'écran, le rappel de la recherche, la mention de commandes.
En pratique, 10-11 lignes sont utilisées. Le catalogue de la Médiathèque de la Villette non seulement devait être consultable sur place, mais devait aussi être interrogeable à distance, par Minitel. Dans un catalogue imprimé (papier ou sur fiches) il n'y a pas de limites de texte et on peut établir plusieurs fiches qui restent sous les yeux du lecteur. A l'inverse, dans un catalogue en ligne, si les informations concernant une notice remplissent plus d'un écran, le lecteur perd l'écran initial lors du passage à l'écran suivant, et il doit mémoriser les données de cet écran initial. Pour pallier cette difficulté ont été prévus deux types d'approches pour le lecteur : notice abrégée et notice complète.
Aide au lecteur
Les écrans de consultation sont dispersés dans la Médiathèque et doivent être bien signalés. Peu après l'ouverture, le public, qui n'était pas encore habitué à un catalogue présenté sous cette forme, le confondait souvent avec les bases de données ou les jeux informatiques. Ajouter des panneaux CATALOGUE au dessus des consoles n'a guère amélioré la situation, car ces panneaux restent trop discrets.
Dans les bibliothèques anglo-saxonnes, les consoles d'interrogation du catalogue sont clairement indiquées et équipées d'un guide d'utilisation. On pourrait réfléchir à une aide semblable qui compléterait d'une part la signalétique générale, d'autre part les écrans d'aide. Pendant les périodes de forte fréquentation (vacances scolaires, week-ends), les consoles catalogue sont occupées en permanence par plusieurs personnes à la fois. Un mode d'emploi bref pourrait encore améliorer l'utilisation.
Dans la version Minitel, le premier écran remplit le rôle d'introduction - à la fois pour le catalogue et pour la Médiathèque (cf. écran 3). Les textes des écrans permettant une recherche doivent préciser les potentialités et les démarches à faire, et ce d'autant plus que le recours aux bibliothécaires est impossible lors de la consultation sur Minitel. Ces textes doivent être courts, compte tenu de la petite taille de l'écran Minitel (environ la moitié de l'écran d'une console catalogue). La Médiathèque a rédigé certains écrans de présentation et d'aide à la recherche (cf. écran 4). Pour dérouter le moins possible l'utilisation, la nouvelle version Minitel présente les différentes commandes toujours à la même place de l'écran et de la même façon.
Le but de cette présentation est, aussi, d'entraîner des réactions assez rapides pour réduire le coût de la connexion. Pour éviter au lecteur le retour à la case départ, le renvoi à l'écran précédent doit toujours être possible : la commande EP-retour à l'écran précédent figure sur chaque écran d'aide, toujours au même endroit.
Les services de l'OPAC
Le catalogue répertorie tous les documents disponibles pour le public, de toutes les sections thématiques de la Médiathèque. Le lecteur a cependant la possibilité de connaître les titres des documents commandés ou en cours de traitement en s'adressant à un bibliothécaire qui interroge à partir d'une console professionnelle. Mais le nombre d'interrogations simultanées par ce canal est limité à deux 2...
L'utilisateur peut limiter sa recherche à un des trois fonds de la Villette. Au fonds général qui répertorie l'ensemble des documents, s'ajoutent en effet deux fonds locaux, la Médiathèque spécialisée en histoire des sciences et la Médiathèque des enfants. Par contre, à la différence des options prises à la BPI, l'utilisateur ne peut restreindre sa recherche à un type de documents, à savoir, livres, audiovisuels, périodiques.
Grâce à un lien entre les fichiers du catalogue et du prêt, un lecteur consultant le catalogue peut savoir si l'ouvrage voulu est sur place ou emprunté (la date de retour s'affiche dans ce cas, cf. écran 2). Les lecteurs possédant une carte de lecteur emprunteur peuvent réserver les documents à partir du catalogue soit sur les consoles de la Médiathèque, soit à distance par leur Minitel.
Les publics
En mai 1988, la fréquentation moyenne par jour de la Cité des Sciences était de 12 700 visiteurs.
En comparaison, la moyenne journalière des visites du Musée du Louvre, pour la même période, était de 9 500 personnes.
La Médiathèque apparaît comme l'un des espaces les plus visités et les plus appréciés de la Cité : elle accueille plus de 30 % de l'ensemble des visiteurs.
Selon les premières enquêtes, le public de la Médiathèque est plutôt masculin, jeune (52 % sont âgés de 20 à 29 ans), et habitant l'Ile de France ; 73 % sont titulaires au moins du baccalauréat. La segmentation du public emprunteur se répartit à peu près de la même façon. Le catalogue attire les lecteurs par sa forme attrayante et sa facilité d'utilisation. 35 % des lecteurs l'ont utilisé en 1987 3.
Quelques sondages ponctuels montrent que l'interrogation par sujet représente 50 % des recherches. L'interrogation par auteur ou par titre constitue près de l'autre moitié. Très peu de lecteurs utilisent l'interrogation par mot-clé, dont on pourrait penser qu'elle complète bien la recherche sujet. En 1989, seront effectuées des études systématiques à partir des terminaux installés à la Médiathèque et des interrogations à distance.
Les enfants et le catalogue
Deux jeunes habitués fouillent en vain dans le rayon Automobile, quand l'un d'eux s'exclame : « Laisse béton, on va chercher Lamborghini » et de taper « Lamborghini » sur le catalogue. Les enfants utilisent le catalogue avec une grande facilité. Ils se servent souvent des touches de fonction, au lieu des numéros ou des codes. La compétition consiste à collectionner le plus possible de tickets sortis de l'imprimante située à côté du terminal.
Un autre jeu consiste à prendre un livre et à le chercher ensuite dans le catalogue. Grâce aux enfants, à la facilité avec laquelle ils se servent du catalogue, les adultes, qui auparavant n'ont jamais eu l'occasion de consulter le catalogue d'une bibliothèque, y viennent. Les enfants trouvent le catalogue « super, génial, fantastique ».
Le fichier de documents étant commun à toutes les sections de la Médiathèque, certains problèmes se posent par rapport à la recherche sujet et au vocabulaire utilisé. La recherche par mot clé s'avère parfois plus efficace que la recherche par sujet : un enfant cherche des documents sur « comment devenir cuisinier ? ». Avec la recherche sujet, une seule référence lui est donnée, alors que la recherche par mot-clé lui donne plusieurs références. Celle qui l'intéresse le plus est indexée sous le terme technique culinaire... On peut dire que le comportement des enfants face à un écran se caractérise souvent par la volonté d'aller au bout de la démarche (trouver le titre dont la référence s'affiche sur le terminal), l'écoute attentive des explications, une rapidité de compréhension (si, en plus, le catalogue est considéré comme un jeu, tant mieux).
Gérer un OPAC
Le fichier autorité auteur, comme le fichier autorité matière, a été créé au fur et à mesure du catalogage. Une notice bibliographique peut être liée à plusieurs vedettes autorité, à des auteurs de fonctions différentes. La vedette autorité peut elle-même être liée aux vedettes renvoi qui correspondent à des formes non retenues de la vedette autorité. Dans MEDICIS, l'interrogation par une vedette renvoi affiche la vedette autorité ; pour avoir accès aux titres liés il faut passer par la vedette autorité. A l'inverse, un lecteur interrogeant le catalogue public par une vedette renvoi obtient directement les titres liés à la forme retenue : une gestion simple et claire pour le lecteur (cf. écran 5).
Ce service pose cependant des difficultés dans le cas d'autorités ayant la même forme renvoi. GEAC considère comme une anomalie l'utilisation du même sigle pour deux collectivités auteur différentes, alors que cette éventualité est admise par MEDICIS. Pour que le lecteur obtienne une information satisfaisante, on est obligé alors de créer des vedettes renvoi supplémentaires, en les différenciant entre elles. Ainsi, CSI <Paris> signifie le Centre de sociologie et de l'innovation, tandis que CSI <Paris-La Villette> signifie la Cité des Sciences et de l'Industrie. Les vedettes auteurs renvoi ne peuvent être interrogées dans GEAC par mot-clé, ce qui est possible pour les vedettes autorité.
L'affichage de l'index auteur sur une seule ligne (soit 80 caractères) présente beaucoup d'inconvénients pour les collectivités auteur. Les noms des institutions, souvent très longs, n'apparaissent pas entièrement, et ne permettent pas une identification rapide. Une solution aurait été de choisir les sigles ou acronymes de ces collectivités comme vedettes renvoi. Mais, de ce fait, ces formes développées ne pouvaient être interrogées par mot-clé.
Par exemple, si le mot Santé est employé pour connaître les collectivités qui comportent ce mot dans leur intitulé, on pourra retrouver l'Organisation mondiale de la santé, alors que si l'OMS est retenu comme vedette autorité et pas en renvoi, une telle interrogation est sans résultat.
L'intérêt d'une interrogation par mot-clé auteur se révèle évident. On trouve ainsi actuellement à la Médiathèque 24 collectivités auteur dont l'intitulé comprend le mot Santé.
Les sous-titres
Le sous-titre est un élément très important de la description d'un document, surtout dans les cas de publications scientifiques. Leur transcription est dans tous les cas obligatoire, cependant ce sous-titre peut être ou ne pas être significatif. S'il est jugé significatif, il doit être précédé de deux points et d'un astérisque lorsqu'il est suivi sous MEDICIS, de manière à pouvoir être retrouvé. Dans GEAC, où il est impossible de moduler, tous les premiers sous-titres contenus dans la description bibliographique peuvent, sans exception, être interrogés par la recherche titre (TTT) et la recherche par le mot du titre (MTTT). Cette dualité déroute parfois les bibliothécaires qui utilisent un système pour traiter les documents, l'autre pour renseigner le public.
La procédure d'affichage complique encore les choses : lorsque le titre recherché par le lecteur n'est pas dans le fonds, le système affiche les titres alphabétiquement proches, ainsi que les titres dont les sous-titres sont proches du titre recherché, sans que ces sous-titres n'apparaissent. Ils ne sont affichés que sur demande de la notice abrégée. Tout est dans l'ordre, mais on a cependant l'impression d'un désordre non alphabétique (cf. écran 6).
On pourrait citer d'autres exemples de différences entre les deux systèmes tels que :
- les accès à un document ;
- le traitement des mots vides (articles) au début des titres en langues étrangères et la recherche par conséquent ;
- il y a perte de données venant de MEDICIS quant aux publications en plusieurs volumes ou aux éditions successives, ou aux éditions différentes du même document, etc.
Un véritable dialogue
Dans les bibliothèques automatisées, le nombre de lecteurs qui consultent les catalogues semble être plus important que dans les bibliothèques ayant un fichier manuel traditionnel.
Très largement utilisé parce qu'il est à la fois attrayant et disponible, le catalogue en ligne de la Médiathèque est présent partout et non plus centralisé dans une salle des catalogues. Certains lecteurs découvrent parfois par hasard l'existence d'un catalogue en ligne, en étant attiré par le support. En France, où l'introduction de l'informatique dans les bibliothèques est récente, la curiosité joue un rôle important dans le comportement des lecteurs par rapport aux nouvelles techniques.
Mais « un certain nombre d'expériences de mise en accès libre des catalogues en ligne conduisent à sinterroger sur les effets pervers de systèmes qui voudraient améliorer et faciliter la consultation bibliographique. L'informatisation de ces mêmes catalogues peut poser des problèmes aux usagers : la nécessaire maîtrise de l'orthographe par exemple, la nécessaire maîtrise du système d'interrogation peuvent constituer un obstacle supplémentaire d'information et non en faciliter l'accès. Les logiques et les irrationnalités des usagers face aux nouvelles technologies doivent être autant prises en compte et étudiées que la performance du descriptif bibliographique des documents » (5).
Certes ces « effets pervers » sont indéniables, cependant le bibliothécaire est de plus en plus conscient que le public est le but ultime de son travail de catalogage et d'indexation. Ce travail devient de moins en moins de la cuisine interne, que le consommateur ne serait pas sensé remettre en question. Avec l'OPAC, ce travail devient moins opaque pour l'utilisateur, les règles et méthodes deviennent apparentes, ce qui n'était pas le cas du catalogue sous forme de fichier manuel.
L'interactivité du catalogue en ligne suscite des réactions de la part des utilisateurs, alors que, face à un catalogue sous forme de fichier, ses réactions ne sont pas aussi vives. Pour le lecteur, le terminal ressemble plus à une personne qu'à une machine. Cette « personne » cherche les informations qu'il lui a demandées. Dans le fichier papier, c'est le lecteur qui cherche lui-même la réponse à sa question, il se la pose donc à lui-même. Il devient donc utilisateur et « machine » dans un même temps. Dans le catalogue en ligne, il est demandeur et attend une réponse. Les réponses du système s'affichent sur l'écran, quelle que soit leur nature, et provoquent de vives réactions. Le comportement devant un écran devient alors un véritable dialogue, comme si deux personnes étaient impliquées et non pas une personne et une machine. Souvent les lecteurs font part de leurs réactions aux bibliothécaires : « Je lui ai demandé ça et il me répond cela ! »
Il est vrai que l'utilisation d'un catalogue en ligne par le menu, tel que GEAC par exemple, ne demande pas de formation préalable. Cependant, certains lecteurs ont besoin de réponses aux questions qu'ils se posent. Ils peuvent les poser aux bibliothécaires présents ou aux autres utilisateurs qui « pianotent » à côté d'eux. Le catalogue en ligne favorise ainsi la « consultation groupée », ce qui ne serait pas possible avec un fichier traditionnel. Mais cela ne veut pas dire pour autant que tous, sans exception, aiment ce genre de consultation groupée. Cela peut gêner les lecteurs qui préfèrent un peu plus d'intimité et qui n'aiment pas être dérangés.
Parfois le lecteur s'étonne de ne pas trouver trace du document cherché. Il se demande alors si c'est parce qu'il a mal cherché ou parce que le document n'a pas été acheté, mais à chaque fois le doute subsiste. Il arrive également que la quantité d'information reçue décourage le lecteur, dans le cas d'une recherche effectuée à partir d'un ou deux mots du titre par exemple. Prenons un cas précis : le lecteur cherche des documents concernant « l'analyse de la valeur ». En tapant le mot « Analyse » sur le clavier, il obtient 342 réponses (ce qui équivaut pour lui à visualiser successivement une trentaine d'écrans) et pour le mot « valeur » presque autant. Si ce type de recherche peut s'avérer utile dans certains cas, elle peut aussi avoir un effet négatif.
Malgré ces quelques inconvénients, consulter un catalogue en ligne semble tout de même plus pratique, puisque l'on peut naviguer facilement entre différents catalogues, sans avoir à se déplacer. Un lecteur voulant construire un modèle de moulin à vent n'a trouvé, par la recherche sujet « moulin à vent », que deux références dans le catalogue, toutes les deux dans le fonds enfant. Ne voulant pas se contenter de ces deux références, il a essayé une autre recherche: par le mot « vent », ce qui lui a donné 33 titres en réponse. Parmi ces documents, il n'y en avait que quelques-uns qui pouvaient l'intéresser. Il a poursuivi sa recherche, guidé par l'indexation matière, et, au terme « éolienne », a trouvé un ouvrage intitulé « Les Eoliennes : 18 modèles faciles à construire », qui correspondait aussi à son attente.
Les bibliothécaires sont sensibles aux réactions du lecteur face au catalogue, car ce sont autant de réactions sur leur travail. Cependant le catalogage est une tâche ingrate, non toujours perçue comme une priorité et qui réclame un travail final de grande qualité. Faire passer ce message de qualité n'est pas toujours aisé en raison du caractère répétitif et lassant de ce travail. Or retrouver un document identifié d'une façon incomplète ou erronée est difficile, voire impossible, pour l'utilisateur, à moins qu'il ne fasse lui aussi la même erreur !
L'histoire de l'OPAC de la Médiathèque de la Villette, courte de 6 ans (3 ans pour le public), est pourtant riche en expérience et son enseignement est loin d'être épuisé. La Médiathèque, au cours de l'installation de son OPAC, a participé indirectement au développement du sytème GEAC, qui a amélioré sa nouvelle version du catalogue, en tenant compte de certaines critiques. L'utilisation du catalogue informatisé est un thème qui passionne de plus en plus le monde des bibliothèques françaises. Il serait intéressant de mettre en commun les études faites en France sur les OPACs et de créer un centre de recherche. Ce centre devrait se pencher sur la perception de l'OPAC par le public, mais aussi sur les problèmes de création en amont dans une perspective de coopération - la Médiathèque souhaiterait participer à un réseau national. Il devrait aussi étudier les problèmes de la communication destinée à tous les publics. D'ores et déjà le catalogue de la Villette est accessible au public non voyant : la salle Louis Braille récemment ouverte permet l'accès au catalogue par lecture braille et par synthèse vocale.
Dernier axe des recherches : arriver à expliciter le fonctionnement de l'institution OPAC, de la bibliothèque à l'utilisateur, l'OPAC annulant la « cuisine interne » de la bibliothèque. L'OPAC supprime les zones d'ombre, et constitue un moyen d'évaluation radicale des services et du fonctionnement de la bibliothèque. Il est en tout cas permis de se poser la question suivante : l'OPAC est-il un instrument de la révolution culturelle ou affirme-t-il la compétence technique des bibliothèques ?
février 1989