Éditorial

Quand le classement vous classe

« Nombre de lecteurs ont pu se retrouver désappointés devant des murs de livres qui leur tournaient le dos » (A. Béthery). « Tout être vivant pratique une activité classificatoire et l'attitude catégorielle lui est indispensable pour orienter son action dans l'environnement » (E. de Grolier). « Un sujet d'intérêt mène à un autre : la technique d'orientation des lecteurs dans l'univers du livre relève du tissage » (E. Véron). « Le centre d'intérêt meurt avec l'intérêt....

L'organisation de l'espace peut renseigner un lecteur sur le contenu d'une lecture » (B. Richter). « Autant de lecteurs, autant de centres d'intérêt » (A. Béthery). « Le classement matériel en vue de l'accès direct ne répond pas aux mêmes besoins que la signalisation par le catalogage » (J. Sansen).

Bref, le classement est une affaire complexe, coincé entre la classification, dont l'objet est le partage du savoir, et l'appréhension immédiate du lecteur, souvent étranger à tout système autre que sa propre recherche, érudite ou à peine définie. D'où réflexions et remises en cause au moment où se mondialise le savoir, où la bibliothèque n'est plus qu'un élément d'un puzzle infiniment plus vaste. Les classifications encyclopédiques sont en crise : de nouvelles recommandations prônent l'abandon de la classification décimale universitaire, dans les bibliothèques universitaires. La lecture publique s'interroge sur l'adéquation de la classification Dewey aux attentes des lecteurs. Faut-il rationaliser, privilégier les communications à l'échelle internationale et adopter les systèmes de valeur dominant à travers le monde ? Faut-il privilégier l'approche ponctuelle du lecteur ? Les bibliothèques peuvent-elles continuer à communiquer sur des contenus comme prétend le faire la CDU, ou doivent-elles se contenter de proposer à leurs usagers des classements simples et relativement uniformes ? Doivent elles, comme le fait la lecture publique, essayer de proposer l'approche sur mesure des centres d'intérêt. Ou bien, le débat sur les classements matériels est-il, dans son essence, désuet au moment où s'amorcent les systèmes de recherche en ligne qui permettront balisage, bouquinage et lecture à distance ? Tout le débat en cours sur les macro et les micro-classifications postule « un » lecteur, un lecteur perplexe ou un lecteur expert, qui se laissera manipuler par les modes de classement ou qui en triomphera aisément. N'y aurait-t-il pas, à l'inverse, des lecteurs, des stratégies de recherche et des stratégies de présentation qui s'interpénètrent inextricablement ? La parole est au sociologue qui démystifie les discours et les attitudes. Bien sûr, personne ne s'y reconnaîtra, mais l'essentiel est que chacun s'y retrouve.