« Oh, why (and Oh, what) do we classify ? »
Herbert S. White
Herbert S. White, doyen de la School of library and information science de l'Université de l'Indiana à Bloomington, publie une chronique intitulée « White papers » dans chaque livraison de Library journal. Malgré une longue expérience de bibliothécaire, de professeur et de doyen (ou peut-être à cause d'elle), il a conservé un esprit critique et caustique à l'égard de la profession.
Naïf, ou faussement naïf, tel un nouveau candide, il remet en cause régulièrement des pratiques usuellement admises, des affaires classées, pourrait-on dire. Aujourd'hui les classifications. Pourquoi donc classifions-nous et que classifions-nous, se demande-t-il, et nous demande-t-il. La classification étant une approche d'un arrangement matériel des documents, on peut présumer que les classifications sont ce qui correspond le mieux aux besoins des utilisateurs. Mais aucune étude récente n'a examiné les solutions alternatives, et on n'a jamais demandé leur avis aux lecteurs. De toute manière, ils n'auraient aucun point de comparaison ! Cependant, leurs bibliothèques de laboratoires ne sont que rarement arrangées selon un plan de classification. Mieux, comme il est impossible de trouver un document spécifique sans passer par un instrument de localisation (catalogue sur fiches ou informatisé), importe-t-il qu'une bibliothèque soit disposée selon une certaine classification ?
Et voilà H. White qui (re) découvre les vertus et mérites du classement par ordre d'entrée et même par format : gain de temps (plus rien à classifier) et gain de place (plus de « trous » sur les rayonnages). Mais, dira-t-on, que faites-vous du « bouquinage » * ? II n'existe pas, ou peu, dans les bibliothèques de recherche, nous répond M. White. En effet, les documents récents, que l'on bouquine, ne sont pas dans les magasins. Ou bien ils sont regroupés sur quelques rayonnages séparés, sans classement, ou bien, plus probablement s'ils sont de valeur, ils sont déjà empruntés. Sommet de l'absurdité : la classification des périodiques. Ou bien il faudrait classifier chaque article, ou bien ne rien classifier du tout. D'autre part fait-on du « bouquinage » dans des collections de périodiques vieilles de 20 ans ? Seul argument égoïste : cela évite au personnel d'avoir à déplacer des collections en cas de changement de titre. Non, répond H. White, qui a réponse à tout : un classement par titre serait plus pratique et plus satisfaisant pour le lecteur, puisque ledit lecteur va rechercher un article sous le titre effectif du périodique au moment de la publication. Et malgré cela, toutes les bibliothèques de l'ARL classifient leurs périodiques ! Alors ? Alors la seule raison des classifications est la délimitation de territoire, ce que nos lecteurs aiment le plus. Dans un processus de balkanisation totale, chacun considère non plus la bibliothèque, mais son territoire, sa bibliothèque, ses livres.
Pour paradoxales que soient les démonstrations de M. White, qui se fait l'avocat du diable avec beaucoup de plaisir, il n'en demeure pas moins que sa démarche est utile et que, dans le cas présent, certaines bonnes réponses à de mauvaises questions ou certaines mauvaises réponses à de bonnes questions peuvent donner à penser à des bibliothèques engagées dans des programmes de reclassification.