Achetez, éliminez
la gestion des stocks dans les bibliothèques universitaires anglaises
Geoffrey Ford
L'application du rapport Atkinson dans les bibliothèques universitaires du Royaume-Uni entre 1984 et 1986. Publié en 1976 par l'University grants committee (UGC) pour faire face à l'accroissement considérable des collections, ce rapport devait permettre d'éviter un nombre important d'extensions de locaux et de nouvelles constructions. Il conseillait un rééquilibre des stocks par une politique de désherbage (refoulement et éliminations) régulière, d'un taux égal à celui des acquisitions. On constate que les bibliothèques universitaires ne pratiquent pas la méthode Atkinson régulièrement, mais seulement dans certaines circonstances ou comme ultime recours. Peu de politiques très élaborées, mais des politiques peu variables d'un établissement à l'autre. En général, le taux d'acquisition équivaut à 8 fois et demie celui des éliminations et l'on refoule 5 volumes pour 4 éliminés. Les critères retenus pour le choix des documents à éliminer sont de trois niveaux : la catégorie du document elle-même ; des critères " objectifs " qui sont l'utilisation, l'obsolescence, l'âge, l'usure et, pour les séries, la cessation de parution ; enfin, le critère subjectif de celui qui prend la décision finale.
The application of the Atkinson report in the university libraries of the United Kingdom between 1984 and 1986. Published in 1976 by the University grant committee in order to face the wide development of the collections, it was supposed to avoid the extension of new buildings. It recommended to balance the stocks by implementing a constant weeding policy (relegation and withdrawal), at the same rate as acquisitions. It appears that university libraries do not use the Atkinson method regularly, except in special circumstances or as a stop-gap measure. Not many detailed policies, all quite alike in all institutions. In general, university libraries are acquiring eight and a half times as much as they are discarding, and relegating five volumes for every four discarded. The criteria used in selecting the documents to be weeded out are at three levels : the category of the document ; objective criteria (usage, obsolescence, age, decay and, for serials, death) ; at last, the subjective criteria of the person who takes the final decision.
Qui peut lire aujourd'hui le (premier) rapport Aktinson 1 ? Je me souviens encore du scandale, des résistances qu'il déclencha, des conférences hâtivement organisées au cours desquelles chacun essaya de se faire entendre ; puis des bibliographies, des projets d'étude, et même des mémoires qui s'ensuivirent. En bref, ce rapport proposait des normes spécifiant, d'une part, que la superficie attribuée aux bibliothèques universitaires devait être calculée au prorata du nombre d'étudiants et, d'autre part, qu'il convenait d'avoir une politique stable, visant à mettre au rebut, en même temps qu'on procédait aux acquisitions, et en quantité égale, les documents stockés depuis cinq ans en magasin.
Voici quelques exemples significatifs de réactions qui s'exprimèrent à la publication du rapport et à l'adoption des nouvelles normes par l'University grants committee (UGC) :
Bibliothèques trop exiguës: les nouvelles normes s'appuyant sur la moyenne des stocks existants, la moitié des bibliothèques universitaires s'avéraient officiellement trop petites, et nécessitaient donc l'adjonction de nouveaux bâtiments avant d'être vraiment en mesure d'envisager un refoulement.
Espaces inappropriés : certaines bibliothèques étaient prêtes à refouler, mais l'espace dont elles disposaient n'avait pas été conçu dans cette optique ; la construction d'un bâtiment adéquat s'imposait. Matériel bibliographique : la modification des notices catalographiques, lors du refoulement, s'avérait très onéreuse. Seul un investissement important dans l'informatisation et la conversion du catalogue rétrospectif pouvaient réduire convenablement les coûts.
Normalisation universitaire indispensable : l'opposition la plus virulente provenait du corps enseignant, et une rationalisation des acquisitions ne pouvait s'accomplir qu'après une rationalisation des structures universitaires.
Ces réactions étaient, certes, prévisibles. Mais il est intéressant de voir ce qui s'est passé par la suite, en prenant le même ordre :
Les grands programmes de construction : j'ai oublié le nombre exact de projets de construction lancés par l'UGC depuis 1976, mais certains me reviennent à l'esprit, comme Aberdeen, Newcastle, Durham, York, Manchester, Loughborough, Queen Mary college, Reading, UMIST 2 et Southampton.
L'espace adéquat: l'une de ces bibliothèques au moins semblait répondre aux normes Atkinson et plusieurs autres furent pourvues de magasins leur permettant de s'organiser de manière satisfaisante.
L'informatisation : inutile de préciser la somme investie au cours de ces dix dernières années. Les faits sont éloquents puisqu'il existe au moins seize fournisseurs de systèmes de catalogage informatisé au Royaume-Uni et quatre firmes spécialisées dans la conversion rétrospective.
La rationalisation universitaire : le processus de rationalisation rapide actuellement en cours dans le secteur universitaire est-il une simple coïncidence ? Est-ce également une simple coïncidence qu'il ait débuté avec le (deuxième) rapport Atkinson sur la rationalisation des départements de russe ? Il est très intéressant de constater que les accords initialement conclus sur les transferts d'enseignants entre établissements en entraînent souvent d'autres sur les transferts de fonds des bibliothèques et que, dans certains cas, les mêmes accords concernent les deux transferts à la fois.
Ainsi, les raisons de s'opposer aux propositions du rapport Atkinson ont-elles peu à peu disparu, et ses adversaires ont-ils été convaincus que l'histoire de la création et du développement des universités pendant ces dix dernières années reflétait essentiellement le désir de nos « maîtres et seigneurs » de restreindre l'accès à une information risquant d'encourager une remise en question de la politique gouvernementale. Mais revenons plutôt aux faits.
Refoulement et retrait
Bien que le titre de mon article comprenne le mot « refoulement », je ne me limiterai pas à ce seul aspect. Lorsqu'il y a dix ans l'UGC m'a chargé de faire cette étude, il m'est apparu nécessaire de définir certains termes, termes dont j'essaierai d'user régulièrement et dont je vous livre ci-dessous les définitions.
Le refoulement consiste à transférer des documents d'un fonds « très utilisé » vers un fonds « moins utilisé ». On conservera ces appellations même si la sélection ne s'effectue pas toujours d'après ce seul critère d'« utilisation ». Le retrait ou le rebut désigne le retrait définitif des documents du fonds d'une bibliothèque : les documents peuvent être détruits, vendus ou donnés. Désherbage est un terme générique qui recouvre à la fois le refoulement et le retrait. La mise en réserve place les documents en accès indirect. Le dépôt met, temporairement ou définitivement, une partie du fonds d'une bibliothèque dans une autre bibliothèque, la bibliothèque déposante restant propriétaire.
On a longtemps estimé, dans les bibliothèques universitaires, qu'une bibliothèque était « comble », lorsque le rayonnage disponible était occupé à 85 %. Vers la mi-86, j'ai identifié, au Royaume-Uni, seize bibliothèques universitaires occupées à au moins 85 %, et neuf autres qui auraient atteint ce taux en deux ans maximum. Sans parler de l'Irlande du Sud, où, pourtant, trois bibliothèques universitaires au moins s'apprêtaient à crever le plafond. Certaines des bibliothèques subventionnées par l'UGC ont actuellement des bâtiments en construction, mais il y a des chances pour que celles qui s'estiment sous-équipées attendent encore. Pour celles-ci, il est très aisé de calculer l'espace auquel elles peuvent prétendre et d'établir une comparaison avec la répartition actuelle, afin d'en tirer certaines conclusions (cf. tableau 1).
Les calculs théoriques du tableau 1 ont été faits selon les normes UGC: 3,8 m d'étagères occupés pour 1 étudiant à temps plein + 0,2 m2 pour 1 étudiant, pour 10 ans d'accroissement.
J'ai mentionné le Collège universitaire de Cardiff (occupé à 84,7 %), dont la fusion imminente avec l'UWIST 3 fait l'actualité au moment où j'écris, mais je n'ai pas tenu compte des bibliothèques des instituts et écoles dépendant de l'Université de Londres, dans la mesure où elles forment une entité à part. Comme le montre ce tableau, les trois premières bibliothèques sont nettement sous-équipées en places assises et en rayonnages, mais des projets de construction sont en cours. Bath et le Collège impérial paraissent, quant à elles, justifier à première vue l'espace supplémentaire qu'elles revendiquent. Les autres méritent qu'on s'y arrête puisqu'elles semblent être sur-équipées en places assises ou en rayonnages, quand ce ne sont pas les deux à la fois. Il est possible de calculer dans quelle mesure cet excédent apparent dans un domaine peut compenser un sous-approvisionnement dans l'autre (cf. tableau 2).
Ce tableau indique que cinq bibliothèques ont des locaux insuffisants, alors que sept paraissent avoir un excédent. J'insiste sur le fait que ces tableaux ne tiennent pas compte des facteurs particuliers, tels les fonds spéciaux, les places supplémentaires accordées aux étudiants en droit, les sites éclatés, etc. Toutefois, si l'on inclut les étudiants en droit, il apparaît que Brunel, Dundee, Kent et RHBNC 4 sont toutes excédentaires et devraient, en vertu des normes prônées par l'UGC, avoir un taux d'élimination équivalent à leur taux d'acquisition.
La prise en compte de facteurs particuliers autorise Southampton à avoir des bâtiments supplémentaires ; la construction en est d'ailleurs avancée. On peut à l'évidence faire ce genre de remarques pour d'autres sites: ainsi, Dundee va également s'agrandir. Les quatre autres bibliothèques révélant un excédent de rayonnages se situent toutes dans le secteur de Londres. Il serait intéressant de calculer la quantité de documents dont elles devraient se défaire pour descendre à 85 % d'occupation, avec une marge de manoeuvre de dix ans au taux actuel d'acquisition (cf. tableau 3). On obtient ici un total de 23 253 km de stock excédentaire, soit un peu moins de 14,5 miles. Si l'on admet avec l'UGC que 75 % sont des monographies, on est en présence d'un demi-million de monographies et de plus de 150 000 volumes de périodiques reliés en attente d'un nouveau local - l'équivalent d'une bibliothèque de la taille approximative de celle de l'université d'Exeter. J'ignore le coût exact que représenterait l'élimination d'un tel lot - il y a peu de données disponibles sur les coûts de désherbage -, mais cela pourrait facilement avoisiner 1 à 1,5 million GBP 5.
Elimination
Un coup d'oeil sur les bibliothèques qui manquent d'espace révèle l'urgence de construire entre 4 000 et 5 000 m2 de surfaces supplémentaires pour atteindre les normes UGC relatives aux places assises et aux rayonnages dans les bibliothèques déjà officiellement pleines. Ce qui représentera un peu moins de 4 millions GBP au tarif actuel, programme plutôt modeste si l'on se réfère aux bibliothèques du tableau 2. Une autre catégorie de bibliothèques mérite d'être signalée, celles qui ont un excédent d'espace sans avoir encore pourtant atteint les 85 % d'occupation. Pour l'une d'entre elles au moins, celle de Hull, l'autorité de tutelle a proposé de convertir une partie de cet espace à d'autres usages - approche procrustéenne de ce problème prédit, en fait, il y a déjà dix ans.
On peut rappeler ici ce qu'est le modèle de la bibliothèque Atkinson (cf. graphique 1).
Aucune bibliothèque ne pratique en permanence cette méthode. En 84-86, le refoulement a été égal ou supérieur aux acquisitions dans cinq bibliothèques (R > ou = A) ; l'élimination égale ou supérieure au refoulement dans un très grand nombre d'entre elles (E > ou = R), et, dans une seulement, le taux d'élimination a dépassé celui des acquisitions (E > A). Mais, en règle générale, le taux d'acquisition pratiqué dans les bibliothèques universitaires anglaises équivaut à 8 fois et demie le taux d'élimination, avec un refoulement de cinq volumes pour quatre éliminés. Sur les cinq bibliothèques occupées à 85 %, avec un excédent d'espace apparent par rapport aux normes, une seule, celle du Collège de l'Université de Londres, a une élimination égale ou supérieure au refoulement. J'en conclus donc que les bibliothèques peuvent avoir un taux d'occupation largement supérieur à 85% avant de devoir éliminer, que les universités disposant d'un excédent d'espace pour la bibliothèque espèrent que les normes Atkinson seront révisées à la hausse, qu'elles gonflent le nombre des étudiants pour obtenir une extension, qu'un programme général de désherbage est sur le point de se mettre en place, ou qu'il est impossible de gérer une bibliothèque universitaire ou de recherche sur le mode Atkinson.
Tactiques de désherbage
Pour mieux comprendre le désherbage actuellement pratiqué, il convient d'étudier les bibliothèques qui refoulent ou éliminent des quantités importantes de leurs fonds. Qu'entend-on par « importantes » ? J'ai examiné les bibliothèques qui ont désherbé au moins 100 mètres linéaires de 1984 à1986, et deux autres, celles de Heriot-Watt et de York, dont le taux de désherbage est important par rapport au taux d'acquisition. Les bibliothèques qui ont cet important taux d'élimination sont représentatives des plus grandes bibliothèques. L'échelle se situe en fait entre 60 mètres d'élimination sur deux ans pour la bibliothèque d'Heriot-Watt et 1 850 mètres de refoulement à Bristol. Les documents concernés touchent l'ensemble des collections, et les critères retenus pour le refoulement sont l'utilisation, l'obsolescence et la date de publication.
La plupart des établissements semblent adopter cette tâche rebutante de désherbage comme ultime recours, ou à la suite de circonstances spéciales, mais d'autres ont, ou semblent avoir, une politique d'élimination régulière, et deux .au moins, dont la mienne, sont sur le point d'entamer un programme systématique. Il est tout à fait clair que, dans la pratique, aucun modus operandi n'est généralement observé par les bibliothèques pour rester dans les limites imposées par l'application des normes UGC.
Beaucoup ont sans doute l'impression que la bibliothèque universitaire de Newcastle est un modèle de bibliothèque Atkinson, ce que peut effectivement faire croire le soutien qu'apporte son bibliothécaire à ce modèle. En fait, Newcastle n'a pas encore atteint ce statut : dans les deux ans qui ont précédé le 31 juillet 86, la bibliothèque a acquis au moins 8 fois plus qu'elle éliminait. Elle doit maintenant avoir atteint un taux d'occupation de 85 %.
Je ne détaillerai pas les refoulements effectués par chaque bibliothèque, mais évoquerai plutôt des stratégies et des pratiques adoptées dans des situations particulières.
Le taux d'expansion variable : la première situation rencontrée a été l'expansion variable. Quel que soit le contrôle exercé sur les dépenses, certaines parties du fonds auront en effet une croissance plus forte que d'autres et dépasseront l'espace qu'on leur attribue.
La bibliothèque comble : les réponses limitées à des problèmes locaux ne suffisent plus ; une action de plus grande envergure s'impose.
La surcharge: les bibliothécaires savent qu'il est possible d'avoir un excédent de stock dans certaines disciplines. Les raisons peuvent en être diverses, les tactiques adoptées pour y parer, différentes, selon les circonstances.
La gestion des collections: la bibliothèque peut avoir une politique formelle de gestion des collections. Les politiques très élaborées sont rares, mêmes si certains établissements commencent à en développer, ou en ont à l'état embryonnaire dans certaines disciplines.
Quelle que soit la situation stratégique, les méthodes employées pour les tactiques de désherbage sont souvent très semblables. Mais si certaines conviennent mieux au court terme, toutes devraient être examinées. Les gens aiment en général trouver des solutions simples à leurs problèmes, mais la complexité des choses est telle qu'il n'y a pratiquement pas de problèmes simples et que, par conséquent, les solutions simples sont discutables. Il paraîtra à certains plus facile de refouler des périodiques qu'à d'autres.
Une sorte de filtre
Les critères employés dans le choix des documents à désherber sont de trois niveaux. D'abord, le bibliothécaire détermine la « catégorie » des documents à désherber : périodiques, monographies, thèses, fonds spéciaux ou autres. Puis interviennent les critères dits « objectifs », qui sont :
L'utilisation : ce terme concerne en général les prêts, le cachet d'une date ou d'un enregistrement informatique faisant foi. Certaines bibliothèques notent même les livres trouvés ici et là pour pouvoir estimer l'usage interne qui en est fait ou, tout au moins, leur déplacement.
L'obsolescence : ce concept, qui recouvre maintes définitions, est aussi une facilité permettant d'amalgamer diverses catégories de documents, comme les éditions périmées de manuels, ou des documents n'ayant plus aucun rapport avec l'enseignement traditionnel ni avec les programmes de recherche. Signalons que les documents obsolètes peuvent être très utilisés, certains étudiants lisant en effet tout ce qui leur tombe sous la main. L'obsolescence n'a rien à voir avec l'âge.
L'âge : autre concept approximativement défini qui signifie soit le temps écoulé depuis l'acquisition, de l'ouvrage par la bibliothèque soit le temps écoulé depuis sa publication.
La mort: l'âge y amène naturellement. Ce terme ne concerne en réalité que les publications en série ou les périodiques, et inclut à la fois les séries dont la publication a cessé et celles auxquelles les bibliothèques ne s'abonnent plus. La détérioration : des livres récents, très utilisés, s'abîment, d'autres tombent carrément en miettes pour de multiples raisons. Il peut s'avérer plus facile de les mettre au rebut que d'élaborer une réelle politique de conservation.
Enfin, à ces critères objectifs, se superpose une sorte de filtre. Il arrive en effet, et ce, quel que soit le poids des critères objectifs, qu'une ou plusieurs personnes décident de conserver à tout prix certains documents. Un peu comme si on laissait des pâquerettes dans la pelouse pour faire joli...
Pour prolonger un peu la métaphore, supposons que nous soyons contraints de traiter les mauvaises herbes du jardin. Imaginons avoir tout essayé pour opérer une meilleure répartition des ouvrages et ajouter des étagères à la place de sièges en surnombre, etc. En un mot, notre bibliothèque est comble. Par où commencer ?
Heureux celui qui peut affirmer, sans être contredit, que sa bibliothèque est surchargée par une quantité de documents obsolètes : Southampton, Exeter et Warwick, par exemple. Toutes ont désherbé, ou sont en train de désherber, les collections de collèges ou d'instituts d'enseignement autrefois indépendants. Les besoins auxquels répondaient ces collections ont complètement changé ces dernières années, et point n'est besoin d'expert pour constater que les manuels utilisant les poids et mesures du système impérial n'ont de place aujourd'hui que dans un fonds historique. Il est aisé de déceler en quoi les documents non pédagogiques mêlés aux collections indispensables de l'actuelle bibliothèque excèdent les besoins. On peut, bien sûr, n'effectuer cet exercice qu'une seule fois, mais il permet de libérer cinquante mètres d'étagères et ce n'est qu'un début.
Trois alternatives
La cible suivante concerne les fonds correspondants aux départements qui ont fermé : à Southampton, on réduit les sciences humaines, l'italien, le russe et la théologie dans une perspective de fermeture prochaine. Il est encore difficile d'en évaluer les conséquences, car une partie de ces documents peut être choisie par les « sommités » sur notre liste de transfert pour les accompagner dans leurs nouveaux postes. Mais imaginons la situation suivante : on transfère, par exemple, à Exeter, un enseignant de théologie qui a passé environ17 ans à Southampton. Si tous les ouvrages de théologie acquis durant cette période l'ont été sur ses propositions, il peut souhaiter emporter 70 mètres de stock. A supposer qu'Exeter en possède déjà un tiers, nous pouvons envisager le retrait de 47 mètres. Il restera 350 mètres au moins pour la théologie, qui sera encore au programme jusqu'à la mi-90. Si l'on conserve des ouvrages pour les étudiants résidants, 5 000 suffiront-ils ? La moitié du stock en libre accès nous donne un total de 6 300 livres, avec une possibilité de stockage de 175 mètres jusqu'au départ de notre dernier enseignant.
Des calculs identiques peuvent être faits pour l'italien et le russe, avec les résultats figurant au tableau 4 bien que, dans ces cas particuliers, on puisse envisager de se débarrasser d'un stock plus volumineux dans la mesure où les cours vont cesser. Ce sera plus difficile pour les lettres classiques, car les deux professeurs qui restent seront réaffectés au lieu d'être transférés : il serait plus prudent de dire que, dans un premier temps, nous pourrions refouler la moitié du stock.
La somme des données du tableau 4 montre qu'il est possible de se débarrasser de 237 mètres et d'en refouler 375, sans causer de sérieux désagréments au public. Si l'on place ces chiffres à côté des 780 mètres représentant approximativement notre taux annuel d'acquisition, il est clair qu'il nous reste un long chemin à parcourir avant d'atteindre le modèle Atkinson. En cinq ans, nous devons réussir à mettre 3 900 mètres à l'écart. Si notre stock se compose de 75 % de monographies et de 25% de périodiques (selon l'UGC), c'est presque un quart des monographies, ou plus d'un tiers des périodiques, ou encore une combinaison des deux qui serait à mettre à l'écart. Ce qui peut être traité de façon linéaire : sur le plan technique, le graphique 2 montre les possibilités de refoulement, le tableau 5 représente l'ensemble des activités que ça recouvre.
Ce tableau plutôt énigmatique, qui révèle encore beaucoup d'inconnues, ne sert qu'à illustrer le problème. Outre interpréter les chiffres (et on pourrait faire des suppositions raisonnables), il reste à définir notre type de problème. Trois alternatives sont possibles : tenter de minimiser le coût de refoulement d'une partie donnée du stock, tenter de maximiser la quantité refoulée en fonction d'une quantité de ressources donnée ou tenter de maximiser les bénéfices tirés du refoulement, ou bien d'en minimiser les pertes.
Nous pouvons alors envisager de revoir l'ensemble des réponses, mais je pense, à ce stade, avoir suffisamment indiqué les questions à poser quand on entreprend un vaste programme de refoulement. En ce qui concerne ma propre bibliothèque, je le rappelle, il faut refouler jusqu'à 3 900 mètres ! La bibliothèque de l'université de Bristol a réussi à refouler environ 2 000 mètres de monographies qu'on n'utilisait plus depuis 1976. Notre approche doit être encore plus drastique. Le critère le plus simple, dans notre cas, serait celui de l'âge. En refoulant ainsi tout le stock vieux de plus de 20 ans, nous atteindrions facilement notre but, mais, malheureusement, je ne suis pas certain que l'âge soit un critère excellent.
Au-delà du problème du choix des documents à refouler, il y a celui de leur stockage. Faut-il classer les documents afin de permettre aux utilisateurs de butiner ? C'est ce que font certaines bibliothèques. Faut-il les enfermer dans des caisses selon l'ordre chronologique du désherbage, rendant tout butinage impossible ? Le choix d'une méthode de stockage peut agir sur nos critères de sélection et affecter notre calcul de bénéfices.
Micro-contexte politique
En résumé, les bibliothèques universitaires révèlent en général la même variété de pratiques dans leur approche du refoulement qu'il y a dix ans. L'UGC continue à financer la construction de locaux pour les établissements universitaires qui se situent au dessous de la moyenne indiquée par les normes officielles. Peu de bibliothèques, si ce n'est aucune, ont estimé possible de fonctionner selon le modèle Atkinson, et peu également ont abordé de manière exhaustive la gestion systématique des stocks, prenant en compte la politique d'acquisition et les besoins en conservation. Ma propre bibliothèque illustre l'ampleur du travail qui reste à accomplir : elle est, comme je l'ai dit, dans la toute dernière phase d'un projet important de construction et de rénovation.
En rédigeant cet article, j'ai parfois eu l'impression de me substituer à l'UGC. En 1977, celui-ci a monté un groupe de travail sur les bibliothèques, chargé de suivre les développements résultant du rapport Atkinson. Ce groupe de travail a disparu, en raison principalement de la crise financière de 1981, et il m'a semblé qu'il était temps d'analyser l'impact des normes proposées par l'UGC. Je m'en suis tenu aux bibliothèques universitaires, non parce que les autres types de bibliothèques sont moins intéressants, mais parce qu'il me semble que les bibliothèques universitaires perçoivent différemment leur rôle et évoluent dans un micro-contexte politique. Mes idées sur le contrôle des stocks ont toutefois bénéficié des échanges que j'ai eus avec des collègues de bibliothèques publiques et polytechniques.