Aventures en Birmanie
ou deux ans d'acquisitions de vidéocassettes en Loire-Atlantique
Yannick Nexon
Depuis 1986, les vidéothèques de prêt ne cessent de se multiplier : 65 étaient recensées fin 1988, dont 17 en BCP. Dernière-née, la bibliothèque centrale de prêt de Loire-Atlantique constitue, avec ses quelque 1 200 cassettes, un des plus gros fonds de prêt de France. Les bibliothèques désirant prêter de la vidéo se heurtent cependant à de nombreuses difficultés. La législation, très complexe, de l'audiovisuel ignore le prêt gratuit, contraignant les bibliothèques à acheter les cassettes au prix fort pratiqué pour les vidéoclubs. Les produits vidéo sont très mal recensés, mal diffusés, mal suivis, souvent inintéressants et parfois défectueux... Devant ce tableau affligeant, les bibliothèques, qui représentent désormais une clientèle intéressante, ont assurément un rôle à jouer. L'auteur leur attribue quatre missions : assurer la diffusion du patrimoine cinématographique, élargir la notion de patrimoine aux films " autres " que classiques, diffuser de la documentation vidéo dans tous les secteurs et donner un aperçu de la production régionale.
Since 1986, the number of videocenters has been increasing : 65 were listed at the end of 1988, among them 17 in central lending libraries. The last one : the Central lending library of Loire-Atlantique represents one of the most important lending collection in France, with about 1 200 tapes. However, libraries wishing to lend videotapes come up against difficulties. The legislation for audiovisual is very complicated and does not take into account the loan free of charge. Therefore, libraries are forced to buy tapes at the same highest possible price as clubs. Video products, which are often uninteresting and sometimes defective, have a very bad census, poor circulation and follow-up. In such a deplorable context, central lending libraries have an important part to play, as they are now an interesting clientèle. The author assignes four missions : to spread the cinema patrimony, widen the concept of patrimony to other films than classics, make video documents available in all the fields and provide a general idea of the regional production.
Proposer des films au grand public n'est pas une mince affaire : le pari fait par la bibliothèque centrale de prêt de la Loire-Atlantique témoigne de la difficulté de l'entreprise. Avant toutes choses, un bref détour historique s'impose.
Sous l'impulsion de la Direction du livre et de la lecture, en 1978, quelques bibliothèques se lancent dans la vidéo. Les choix initiaux sont faits en faveur du format 3/4 pouce semi-professionnel et, par là-même, de la consultation sur place. Le catalogue des films dont la Direction du livre et de la lecture a acquis les droits pour ce réseau s'élève à 1 000 titres en 1988: il s'agit de films documentaires dont, par la force des choses, les bibliothèques sont devenues (et plus particulièrement en province) quasiment les seuls diffuseurs, mais aussi de films d'animation pour enfants, eux aussi très mal sinon pas distribués par les réseaux commerciaux ordinaires. En 1988, on compte 103 vidéothèques de consultation dont 90 bibliothèques municipales 1.
Jeune et innocent
Depuis 1986, quelques bibliothécaires ont bravement abordé le VHS, constituant avec maintes difficultés un fonds destiné au prêt et suscitant au fil des mois des émules en nombre grandissant. Entre-temps, le format VHS s'était imposé comme le grand vainqueur commercial face aux autres concurrents 1/2 pouce (Betamax, V2000). En outre, des exemples étrangers prouvaient que, dans leur rôle de diffuseurs culturels, les bibliothèques s'ouvraient largement au prêt des vidéogrammes comme elles l'avaient déjà fait pour d'autres supports 2. Mais il faut reconnaître que l'initiative de l'ADAV 3, proposant, dès décembre 1985, un catalogue sélectionnant des films accessibles au prêt après négociation directe avec les éditeurs vidéo, a joué un rôle essentiel. Initialement distribué aux seules bibliothèques disposant déjà d'un fonds 3/4 pouce, ce catalogue ouvrait l'appétit sans toutefois le satisfaire entièrement 4. Il créait cependant une dynamique et, aujourd'hui, certains se souviennent avec émotion des photocopies de ce document transmises à ceux qui n'avaient pas l'honneur d'être recensés dans le réseau officiel des vidéothèques.
On comprendra sans peine que soit mis en valeur (et en préliminaire) le rôle essentiel de la coopération régionale : la bibliothèque centrale de prêt de la Loire-Atlantique a la chance, au-delà des frontières administratives modernes, d'avoir pu participer très tôt aux réunions de coopération « avant la lettre » des autres bibliothèques de Bretagne. L'exemple de la BCP du Morbihan, puis des BCP des Côtes-du-Nord et du Finistère, et parallèlement de bibliothèques municipales de taille diverse comme celles de Brest, Rennes, Nantes ou Hennebont nous ont entraînés sur la pente. En novembre 1988, les vidéothèques de prêt ouvertes en France peuvent être estimées à 65, dont 17 dans des BCP 5. Le rythme de création s'accélère, plus particulièrement dans les petites et moyennes bibliothèques, où l'impulsion des. BCP est fondamentale. Sans l'ADAV, sans l'exemple des autres bibliothèques, enfin - et l'élément décisif fut celui-là - sans la volonté du Conseil général de Loire-Atlantique, exprimée dès janvier 1986, de créer une vidéothèque de prêt, il n'aurait pas été possible de tracer ce premier bilan.
La BCP de Loire-Atlantique n'est pas - et de loin - la première vidéothèque de prêt à fonctionner en BCP, ni même en Bretagne. Mais, en ce mois de novembre où le service ouvre 6, elle possède près de 1 200 cassettes. Ce chiffre, qui la place certainement parmi les fonds de prêt les plus importants de France, nous a confrontés à des problèmes inédits, ardus mais passionnants, tant dans l'organisation matérielle des collections que dans leur traitement intellectuel et dans leur choix. Cette situation justifie une réflexion plus générale sur la politique d'acquisition des vidéogrammes.
La Ruée vers l'or
Sommes-nous des apprentis sorciers ? Notre naïveté initiale s'est teintée de pragmatisme. La différence essentielle entre le marché du livre et celui de la vidéo n'est apparue que très progressivement et, là encore, grâce à la confrontation d'expériences locales et grâce au rôle de conseil et d'information joué par l'ADAV. Peut-être pensions-nous au départ trouver parmi les éditeurs vidéo une palette aussi variée que pour le livre, les équivalents d'un Gallimard (Warner home vidéo ?), d'un Laffont, des Editions de Minuit, pour ne pas en citer d'autres d'un autre tonneau ? Rêvions-nous à des catalogues d'éditeurs plus ou moins régulièrement diffusés, à des revues spécialisées informatives ou sélectives (un Livres Hebdo de la vidéo), à des annuaires faisant état des disponibilités de l'édition ? Pour les points de vente, l'existence de l'ADAV, intervenant comme une centrale d'achat, dissimulait la pauvreté du réseau: grandes surfaces, vidéoclubs, grossistes et quelques trop rares libraires. La réalité s'est imposée : même si quelques progrès ont pu être constatés, il serait injurieux pour l'édition du livre de la comparer à l'édition vidéographique. Bref, les vidéothécaires, qui sont de par leur formation actuelle des bibliothécaires, se trouvent plus ou moins désarmés.
Ce désarroi ne peut qu'être accru par la complexité de la législation dans le domaine de l'audiovisuel 7. Un bref rappel de l'évolution de la vidéo est nécessaire. Les éditeurs ont d'abord conçu leurs produits pour le marché des vidéoclubs. Ceux-ci étaient près de 5 000 en 1984 : ils ne sont plus que 2 000 et le « dégraissage » n'est pas achevé. Les cassettes ont été vendues avec droits locatifs inclus, cette location commerciale assurant les recettes et en principe le financement des vidéoclubs. Durant toute cette période, les prix des cassettes étaient exorbitants pour une bibliothèque, ce que reflètent les premières sélections de l'ADAV.
Enfin la vente vint... De ce temps date la confusion la plus grande. Les grands éditeurs ne s'y sont ralliés que très lentement. Certains ont donc inventé le « double catalogue » : le même film est vendu à moins de 200 F (« réservé à la vente aux particuliers ») ou à 1 000 F, sinon plus (« droits locatifs inclus »). Dans le meilleur des cas, l'éditeur imprime deux jaquettes différentes selon le catalogue (Walt Disney ou Warner par exemple). Les bibliothèques, qui ne pratiquent (en principe) ni la location ni la vente, ne sont pas prévues ; pour rester dans la légalité, elles doivent se rabattre sur le catalogue « location » au prix fort. Chez certains éditeurs tel Warner, ces dispositions faisaient que certains titres « réservés à la vente » leur étaient de fait inaccessibles, tel Casablanca de Michael Curtiz, que tout lecteur pouvait trouver en vente dans son hypermarché... D'autres éditeurs ont continué jusqu'à ce jour à ne pas faire de distinction entre les deux catalogues, tout en interdisant par des formules plus ou moins subtiles la location ou l'échange « sauf autorisation de l'éditeur ». Imagine-t-on un établissement négocier avec la Metro Goldwyn Mayer les autorisations demandées ?
A l'heure actuelle, les vidéoclubs sont confrontés à une crise très grave. Seuls les meilleurs subsisteront. D'ailleurs, 70 % des possesseurs de magnétoscopes ne fréquentent pas de vidéoclub. En revanche, la vente progresse et est « assurée » à plus de 70 % par les grandes surfaces dans des conditions bien connues : achats groupés de milliers d'exemplaires, vente massive sur quelques semaines et le reste soldé en vrac sur les rayons, cassettes pornographiques, séries Z saucissonnées, fonds de tiroirs mêlés à des titres promotionnels comme le Nom de la Rose ou Jean de Florette. Le reste de la vente s'effectue par des vidéoclubs (qui soldent aussi par ce moyen les titres rentabilisés), quelques rares libraires et par correspondance 8.
Ce fut, et c'est encore le rôle principal de l'ADAV que de faire connaître aux éditeurs la spécificité des bibliothèques en tant que services culturels. En s'engageant sur des conditions précises, tel que le prêt gratuit obligatoire (pas de location), l'ADAV a négocié auprès des éditeurs l'accès aux catalogues réservés à la vente, abaissant ainsi considérablement le coût moyen des cassettes et enrichissant sa propre sélection 9.
Malheureusement tous ces progrès ne suffisent pas à combler notre attente. Nombreux sont les réalisateurs absents de l'édition vidéo. En novembre 1987, l'annuaire Télé-Ciné-Vidéo n'annonçait que « 7 200 » titres disponibles, dont une part importante de séries X. La consultation parallèle des « listings » d'éditeurs (aucun catalogue digne de ce nom n'existant) permet de constater que les deux tiers des titres de l'annuaire ne sont plus cités : ce qui ne veut pas dire qu'il suffit de commander le tiers restant pour l'obtenir. En réalité, la disponibilité de certains titres est réduite à quelques semaines.
La Grande vadrouille
L'ADAV a débroussaillé ce maquis, mais rien n'empêcherait les bibliothécaires de jouer les explorateurs. Toutefois, il est juste d'énumérer les différents problèmes qui se poseraient. Si on respecte scrupuleusement la légalité, les exemplaires réservés à la vente sont interdits aux bibliothèques, sauf autorisation formelle de l'éditeur. La consultation des listings d'éditeurs - par comparaison, la lecture de l'annuaire PTT est un moment de poésie pure - livre une série de titres : Baby love, le Bal de l'horreur, la Ballade de Gregorio Cortez, les Bêtes féroces attaquent, Booby trap 10, etc. Aux bibliothécaires de juger si leur culture cinématographique leur permet d'identifier les films en question dont aucun - sauf ignorance de ma part - ne semble fondamental. Mais, comme il n'y a pas de jour sans bonheur, parmi tous ces titres un Madame Bovary peut se glisser: j'eus moi-même la naïveté de questionner le vendeur : la version de Minnelli ou celle de Renoir ? Après vérification, il s'agissait évidemment de la version pornographique.
Au bout de maints efforts, quelques titres repérés seront commandés, certains livrés. Il reste à découvrir l'état du tirage. L'édition vidéographique reste une technique nouvelle et, comme tous les supports sur bande, le VHS n'offre pas toujours la qualité de reproduction souhaitable. De sensibles progrès ont toutefois été réalisés entre les tirages anciens (1982, 1983) et les tirages de 1988. Le Super-VHS en 1989 améliorera peut-être la qualité moyenne des copies, à condition du moins que les petits et moyens éditeurs investissent dans des laboratoires professionnels. Aux défauts du tirage s'ajoutent les mutilations des films eux-mêmes : soit parce que la copie n'est pas intégrale (Autopsie d'un meurtre est amputé, sans qu'on soit prévenu, de 20 minutes), soit parce qu'en convertissant le panascope à l'écran carré, on a tronqué à droite et à gauche le générique (l'angoisse du catalogueur) ou, pire, le reste du film lui-même 11.
Enfin, n'oublions pas la jaquette, attractive pour le public, mais entièrement. publicitaire. Les acteurs annoncés ne sont pas tous présents dans le film, le réalisateur peut être faux, le résumé à des lieues de l'original ; pire, un Fritz the cat de Bakshi se révèle être la médiocre suite d'un nommé Robert Taylor. Pour conclure cet affligeant état des lieux, un exemplaire sur dix est défectueux et doit être retourné sous quinze jours au fournisseur.
Tout ce circuit, sommairement décrit, est purement commercial. Aucun éditeur vidéo ne semble animé de la volonté de se constituer un « fonds » comme le font les grands éditeurs de livres. La loi du marché s'applique à Bergman, Rossellini,... ce qui, stricto sensu, veut dire qu'à de rares et brèves exceptions près, leurs oeuvres ne sont pas disponibles et ne l'ont jamais été. Les grands films classiques du cinéma français ne sont évidemment pas mieux traités. Le mal vient de ce que les éditeurs vidéo achètent les droits de reproduction des films pour des durées limitées et, le plus souvent, par « lots », un Bergman se glissant par hasard dans un catalogue de productions pornographiques, comme l'exemple nous en a été donné récemment.
Il faut une grande capacité d'adaptation pour appréhender cette situation et se définir malgré tout une politique d'acquisition. Le temps semble cependant travailler pour les bibliothèques qui achètent davantage et qui, surtout pour certains catalogues jugés peu rentables par les éditeurs (films classiques), s'imposent comme des clients de plus en plus intéressants. L'avenir nous dira si les bibliothécaires sont assez courageux pour assumer un véritable dialogue avec les professionnels de l'édition dans ce domaine.
La Règle du jeu
Ces contraintes juridiques et commerciales influent sur toute politique d'acquisition et en limitent de fait les objectifs pré-établis. Mais les évolutions à venir sont assez encourageantes pour ne pas désespérer de les tenir, dans un avenir proche. De nature fondamentalement différente des vidéoclubs, la vidéothèque selon moi doit se donner quatre missions.
- Assurer la diffusion du patrimoine cinématographique. Rappelons que dans ce domaine aussi, l'Education nationale brille par son absence. Le cinéma français, de par sa naissance et son histoire, est un des plus importants au monde. Il n'est pas étudié à l'école et les ciné-clubs de lycées ont malheureusement tendance à disparaître. Faut-il réserver la Règle du jeu de Renoir aux cinéphiles invétérés, aux Parisiens ou habitants de grandes villes universitaires, aux fanatiques des séances télévisées de 22 h 30 ? La tâche en ce secteur est immense : les grands films de l'histoire du cinéma, les films qui ont fait date, dans le cinéma muet ou parlant, en version originale sous-titrée ou/et en version française, les cinémas français, américain, italien, russe,... mais aussi les « autres » cinémas - et ce d'autant plus que, dans les zones rurales et les petites villes desservies par la BCP, ce cinéma-là est absent des programmations locales pour de contraignantes raisons commerciales, dont un service culturel n'est pas prisonnier 12.
- Elargir cette notion de patrimoine. Il semble nécessaire de joindre à ces acquisitions « classiques » des films plus contemporains, dont la place n'est pas encore attribuée dans les futures histoires du cinéma, mais qui représentent un ton, un style, une oeuvre, un auteur à suivre. Toutefois, la vidéothèque ne peut, surtout en BCP, se cantonner dans un strict répertoire d'art et essai, qui risquerait d'exclure un public dont la connaissance est limitée aux quelque vingt succès de l'année. S'il s'agit en l'occurrence de films de qualité, leur vocation « tout public » ne peut que justifier leur présence dans les collections d'une BCP. Dans le domaine du livre, ne sommes-nous pas attachés à mêler la lecture de loisirs et la documentation ? Malgré les réticences, les refus liés à des alibis plus ou moins solides (pourquoi proposer ce qui est diffusé largement - ou ce qui le sera - par les télévisions ?), la BCP de Loire-Atlantique possède désormais - quoiqu'on en pense - Manon des sources, la Grande vadrouille, Out of Africa. A juste titre on non, beaucoup de films invitent à une comparaison avec des livres. Ce dialogue littérature/cinéma peut être selon les cas fructueux ou inutile, mais la demande des lecteurs existe déjà. Aussi ont été acquises de nombreuses « adaptations » littéraires, parfois dans des versions différentes. Enfin, secteur prioritaire entre tous, les films pour enfants et adolescents constituent à l'évidence la demande principale. Malheureusement, c'est en ce domaine que les éditeurs sont les plus pauvres, si l'on fait abstraction d'un grand nombre de productions insipides américano-japonaises, déjà envahissantes sur les écrans télévisés. En compensation, un effort est fait pour offrir un catalogue de films - et non seulement de dessins animés - accessibles à tous ; un cinéma des années 50 et 60 conçu pour les familles, que les télévisions obnubilées par les « produits » pseudo-nouveaux n'offrent plus aussi généreusement que par le passé.
- Donner accès à une documentation de vulgarisation dans les différents secteurs de l'information. Ce rôle, essentiel, n'est pas pleinement assuré. A peine un dixième du fonds est constitué de documentaires, de qualité très variable. La concurrence en ce domaine de l'excellent catalogue 3/4 pouce de la Direction du livre et de la lecture se fait cruellement sentir: les meilleurs titres du cinéma documentaire y sont certainement représentés. Il semble envisageable, dans un avenir que nous souhaitons proche, d'avoir accès en VHS à une partie même minime du catalogue. A défaut, les meilleurs titres du fonds documentaire actuel sont l'Odyssée sous-marine de Cousteau, les films animaliers de Bel et Vienne, Calderon et Rossif, sans oublier le sublime Shoah de Claude Lanzman. Il serait difficile de ne pas évoquer l'immense patrimoine de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), dont on regrettait jusqu'à présent l'« inexploitation ». La coïncidence veut que, ce mois-ci, l'INA commercialise à la vente deux premières séries de réalisations télévisées (« Grands romans » et « Nature et animaux »), mais en en concédant l'exclusivité à une chaîne d'hypermarchés bien connue. On se plaît à espérer que des productions du service public puissent également être accessibles un jour à des établissements publics qui seraient d'excellents clients de l'INA.
- Présenter un aperçu des productions régionales. Là encore, de louables intentions se heurtent aux difficultés de la prospection des produits, puis de la négociation des droits. Le travail considérable mené par les partenaires de la commission vidéo (DIVA) de l'Association de coopération des bibliothèques de Bretagne (COBB) nous a fait connaître les producteurs, leurs intentions et leurs réalisations. Le choix s'exerce en fonction de l'intérêt régional, mais aussi de la qualité technique et de la vertu pédagogique du document. Des séances de visionnement collectif aboutissent à des présélections ; encore faut-il que le producteur dont la vidéo a été retenue accepte de la diffuser et autorise les bibliothèques à la prêter, à des conditions financières correctes. Conscience professionnelle oblige, notre fonds comporte des programmes sur l'anguille et sa cuisine en pays nantais, sur des régates ou sur Gauguin à Pont-Aven. Mais pour sélectionner dix titres, il faut bien en avoir visionné cinquante.
Comme souvent, le calendrier a voulu que le fonds de la BCP de Loire-Atlantique soit entièrement constitué avant l'ouverture du service, mais aussi sans connaître le public auquel il serait proposé. Quitte à provoquer, j'oserai dire que ce n'est pas un inconvénient majeur. Cela permet de nous différencier en toute liberté des vidéoclubs et de tenter, soit de trouver un autre public que le leur, soit de lui proposer une autre pratique. On peut imaginer qu'un adhérent de vidéoclub soit aussi abonné à notre service : il n'y trouvera pas la même chose. Il va sans dire qu'au fil de l'expérience, nous corrigerons le tir, nous étudierons la demande quitte à remettre en question quelques-uns des objectifs pré-établis.
Et vogue le navire
Devant le succès grandissant des vidéothèques de prêt, les acquisitions vont très rapidement poser un certain nombre de problèmes majeurs. Tout d'abord il n'existe quasiment pas de formation de vidéothécaire. La plupart du temps, ce poste est confié au dernier arrivant, aux discothécaires, au mieux à un amateur de cinéma. Au-delà des controverses inhérentes au métier, on s'accorde en général à souhaiter que les bibliothécaires aient une culture générale de base dans le domaine littéraire. Malheureusement la culture cinématographique n'a pas encore pignon sur rue. Il faut espérer que, dans l'avenir, les centres régionaux de formation professionnelle sauront pallier cette carence et que l'on ne recrutera pas de vidéothécaire sans formation spécifique.
La demande ne cessant de croître, les limites du marché de la vidéo se font de plus en plus insupportables. N'est-il pas déjà frustrant d'ouvrir une vidéothèque sans proposer l'Avventura d'Antonioni, un choix varié de Bergman, les Portes de la nuit, Drôle de dames, Hôtel du Nord de Carné, Pinocchio et Casanova de Comencini ? La liste des manques serait inépuisable. Mais comment renouveler les fonds en titres anciens, alors que les nouveautés de l'année constituent l'essentiel des sorties des éditeurs et que même le remplacement d'exemplaires usagés posera problème, fauté de disponibilité ? Aujourd'hui, la BCP de Loire-Atlantique possède les quatre cinquièmes du dernier catalogue de l'ADAV, lequel comprend près de 1000 titres. Des achats complémentaires, limités, dans la mesure où l'ADAV joue sérieusement son rôle de sélection dans la production actuelle, ne suffisent pas à utiliser les budgets votés.
Un rôle nouveau peut s'offrir aux bibliothécaires, s'ils ont le courage de l'affronter : participer à un réel dialogue avec certains producteurs, certains distributeurs, les convaincre de l'intérêt d'éditer de nombreux titres prestigieux dont ils possèdent les droits, quitte à proposer des souscriptions comme l'étudie, en Pays de la Loire, l'agence régionale de coopération 13 . Encore faut-il, pour assurer la rentabilité de l'opération, qu'ils soient de plus en plus nombreux.
Cette perspective de dialogue ouvre des horizons nouveaux au métier de bibliothécaire et je considère personnellement, après deux années d'étude et de travail sur la vidéothèque de Loire-Atlantique, que ce secteur nous offre l'occasion unique de renouveler notre champ d'action, nos partenaires et nos méthodes archaïques d'acquisition. A nous de saisir la balle au bond...
novembre 1988