Éditorial

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La bibliothèque doit (se doit d') offrir un fonds de qualité, c'est-à-dire un fonds cohérent, équilibré, susceptible de répondre à la majorité des besoins des utilisateurs et comportant des titres ... de qualité. Ce BA ba des manuels classiques est-il encore de saison ? On peut en douter au vu des plans de rationalisation qui sont en train de se mettre en place et qui reformulent des débats anciens en termes nouveaux : rationalisation documentaire ou rationnement documentaire d'une part ; offre ou demande de l'autre.

La rationalisation proposée par les plans de développement des collections semblerait privilégier une politique de l'offre, surtout pour les Centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique qui sont censés « tout » avoir dans leur spécialité ; ce volontarisme peut néanmoins se conjuguer à l'orientation des universités pour rejoindre la demande même des utilisateurs.

Mais ce dépassement ne pourra se réaliser que par un renforcement des moyens alloués à l'ensemble des bibliothèques d'universités : André Miquel insiste sur ce point. Tout comme il insiste sur le fait que ces bibliothèques doivent se penser en réseau, en pièces interdépendantes d'un puzzle documentaire à l'échelle nationale. L'aggiornamento des bibliothèques suppose à son tour une refonte globale de l'offre documentaire dans l'université, seul moyen de résoudre le dilemme, bien connu, des manuels et des consommations estudiantines.

Outre-Manche, la rationalisation collective passe par la gestion locale ; pour relever de la « microgestion », celle-ci n'en est pas moins sophistiquée et affine des paramètres diversifiés en matière de gestion du linéaire et d'évaluation des usages.

Les bibliothèques publiques iraient-elles à l'encontre de la politique de la demande ? Les analyses à propos de l'autocensure montrent que celle-ci s'exerce sur une gamme très large : politique, plus fréquemment qu'on a bien voulu le dire, mais aussi qualitatif - un terme qui recouvre beaucoup de choses. Comment fait-on la différence entre le mauvais livre et le bon livre ? Les critères de distinction ont longtemps été moraux ; ils se veulent aujourd'hui esthétiques ou littéraires. On insiste désormais sur le plaisir de lire, sur la satisfaction du public, mais la politique d'acquisition a-t-elle pour autant beaucoup évolué ?

Politique pourtant il doit y avoir : la bibliothèque ne se confond pas avec un rayon de grande surface, ni pour les livres, ni, surtout, pour la vidéo. Constituer un fond de vidéocassettes de fiction s'apparente parfois à la course à l'échalotte, tant le marché de la vidéo est soumis à des impératifs commerciaux. Raison de plus pour élaborer une politique ambitieuse, une politique de fonds, une politique de public. Pour tous les publics.