Information management

from strategies to action

par Philippe Hoch
ed. by Blaise Cronin
London : ASLIB, 1985. - 189 p. 23 cm
ISBN 0-85142-193-8

Si le terme de « management » est entré de plein droit dans le champ lexical de la langue française, avec la bénédiction de notre prudente Académie, son association au concept d'« information » n'est cependant pas encore habituelle. La gestion de l'information apparaît pourtant comme une préoccupation ressentie avec une acuité de plus en plus grande par les milieux professjonnels concernés. La publication d'études sur le sujet, en France et à l'étranger; témoigne, parmi d'autres signes révélateurs, à la fois d'une profonde évolution - notamment d'ordre technologique - et des tentatives d'analyse et d'adaptation qui l'accompagnent.

Un recueil édité par l'ASLIB, à l'initiative de Blaise Cronin, tente ainsi de cerner une notion aux contours mouvants et d'ordonner une réalité encore trop peu définie.

Management de l'information : le sujet est suffisamment neuf, pour que l'éditeur et coordonnateur du volume parle d'une « discipline en voie d'émergence» et s'attache à inventorier des faits qui, considérés isolément, pourraient sembler anodins, mais dont la convergence est pour le moins porteuse de sens. Ainsi, pour citer quelques exemples, sur le marché de l'emploi, tout d'abord, les propositions sont nombreuses dans le domaine du management de l'information. En conséquence, des filières universitaires adaptées se développent, surtout aux États-Unis, davantage, il est vrai, qu'en Grande-Bretagne, point de référence privilégié des auteurs. La multiplication des périodiques spécialisés ou encore l'apparition du titre d'information manager, ainsi que d'organismes structurés chargés de la défense des intérêts des personnes qui portent ce titre, sont d'autres indices importants. Enfin, last but not least, derrière l'acronyme ASLIB se cache non plus l'Association of special libraries, mais l'Association for information management. Signe des temps ? La question, en tout cas, mérite d'être posée, de savoir si, par-delà le changement de dénomination, nous avons affaire à une notion véritablement nouvelle, qu'il conviendrait de penser comme telle, ou si, en définitive, sous l'habit neuf du management de l'information ne se masquerait point, en fait, notre bonne vieille bibliothéconomie. Pour Blaise Cronin, il ne fait point de doute que la différence entre les deux disciplines est bel et bien essentielle, au sens fort et premier du terme. Cela au moins est clair : le management de l'information est à la fois plus et autre chose qu'une simple valeur ajoutée à la bibliothéconomie.

Il reste, alors, à tenter une approche plus précise de cette discipline en voie de constitution, à la circonscrire aussi exactement que possible. Vain projet, rétorque d'emblée Cronin, car les définitions sont aussi nombreuses que les auteurs qui font usage du concept. Pluralité de positions et de recherches, donc, inévitable sans doute; polyphonie qui. en vérité, est signe de richesse aussi bien que d'incertitude et de tâtonnements. Bref, dans leur diversité même, les contributions réunies dans le volume de l'ASLIB ont pour dessein ambitieux de faire mentir FEcciésiaste : il y a bien quelque chose de nouveau sous le soleil de l'information...

Pareille mutation exige de la part des professionnels concernés. cela va sans dire, un effort d'adaptation vital. Et si la prophétie quelque peu provocatrice lancée il y a quelques années par l'un des collaborateurs du volume, Dennis Lewis, qui ne voyait d'autre avenir, pour les bibliothécaires, que celui des brontosaures, doit aujourd'hui être nuancée, il n'en reste pas moins qu'un défi est lancé : « les jours du bibliothécaire tel que nous le connaissons sont comptés ». Des possibilités neuves ne cessent d'apparaître, qui tendent à réduire, voire anéantir les clivages traditionnels entre le bibliothécaire et le spécialiste de l'information, au profit d'un ensemble de gestionnaires de l'IST, managers efficaces de cette ressource vitale qu'est l'information. Cette dernière, au fond, est la clé de tout; l'ensemble des contributions rassemblées tendent, par des chemins diversifiés, à le démontrer. Or cette clé - et, à nouveau, l'unanimité est de mise - ne peut être déposée qu'entre les mains de spécialistes, seuls aptes à maîtriser un flux difficile à endiguer. Car l'information brute ne confère plus, désormais, en elle-même et par elle-même, le pouvoir. Celui-ci appartient à présent aux happy few détenteurs de l'information sur l'information, de la science de la science, bref aux irremplaçables professionnels seuls capables de l'obtenir, mais plus encore de la traiter de façon à la rendre utilisable.

Ainsi donc, des experts, exclusivement, peuvent faire face à la fameuse croissance exponentielle de l'information qui, pour n'être pas nouvelle, n'en reste pas moins impressionnante. Les chiffres rappelés dans le livre frappent l'esprit. Qu'on en juge : il paraît un nouvel article dans un périodique médical toutes les vingt-six secondes; il faudrait à un médecin quelque cinquante-cinq siècles pour lire la production bio-médicale publiée au cours de la seule année 1978; entre 1939 et 1977, le nombre des périodiques scientifiques s'est accru de 742 %. Des données comparables pourraient être avancées pour l'information en ligne, de même que pour le hardware. Phénomène démesuré, monstrueux à certains égards, auquel, de plus en plus, les managers de l'information doivent faire face. Mais, qui seront-ils demain ? Les bibliothécaires, s'ils se montrent prêts à accepter la mutation profonde de leur métier, pourront faire bonne figure parmi les élus auxquels s'adressent Blaise Cronin et son équipe.