L'Époque de la Renaissance 1400-1600

1. L'avènement de l'esprit nouveau (1400-1480)

par Denis Pallier
publié sous la direction de Tibor Klaniczay, Eva Kushner, André Stegmann.
Budapest : Akademiai Kiado, 1988. - 594 p. ; 24 cm. - (Histoire comparée des littératures de langues européennes. VII-1)
ISBN 96305-41-30-0

L'avènement de l'esprit nouveau constitue la première partie du tome VII de l'Histoire comparée des littératures de langues européennes, publiée, dans un ordre non chronologique, sous les auspices de l'Association internationale de littérature comparée. Trois autres volumes doivent être consacrés à la période de deux cents ans qui englobe, pour la majorité des peuples d'Europe, leur renaissance littéraire. Un tel essai d'historiographie littéraire ne pouvait être que collectif. L'équipe internationale de plus de quarante chercheurs, responsable de ce volume, a travaillé sous la direction des chefs de trois centres internationaux connus des études de la Renaissance : le Centre d'études supérieures de la Renaissance de Tours, le Centre de recherche de la Renaissance de Budapest et la chaire de français de l'université Mc Gill de Montréal.

Les grands thèmes affirmés de la Renaissance ont servi de cadre directeur : aspirations à imiter une littérature ancienne, volonté d'enrichir et d'illustrer la langue nationale, pensée critique et expérimentale, humanisme. Dans la tranche chronologique étudiée, l'objectif du travail collectif est de rendre manifestes tous les genres actifs, lettrés ou populaires, toutes les tendances, traditions ou innovations. Dans une période où la conscience littéraire se constitue peu à peu, par delà l'histoire littéraire, s'étend l'immense domaine des idées et des mentalités. Aussi les deux premiers chapitres de ce volume rendent-ils compte des rapports qui s'instaurent entre les grandes mutations sociales et politiques (l'essor des nationalismes, l'expansion commerciale, l'évolution de la connaissance du monde terrestre et céleste) et le discours littéraire. Le chapitre 3 souligne que cette nouvelle culture s'appuie sur des supports sans précédent : renouvellement de la latinité, connaissance du grec, fondation de bibliothèques humanistes, débuts de l'imprimerie, apport des arts graphiques et nouvelle pédagogie.

Le « nouvel esprit humaniste » s'exprime par une vision renouvelée de l'homme, du monde, de l'amour et un idéal nouveau de formation intellectuelle (chapitre 4). Mais la période est également marquée par un renouveau spirituel : transmission des connaissances bibliques, courants mystiques, mouvements spécifiques tels la Devotio moderna, la révolution des hussites ou les appels orthodoxes à la réforme de l'Église, courants de pensée assez puissants pour se traduire par des écrits très nombreux (chapitre 5). Dans le domaine artistique (chapitre 6), d'importantes innovations se font jour. La révolution de la troisième dimension, une nouvelle sensibilité artistique et le renouveau architectural ont leur écho dans la littérature de la Renaissance, tandis qu'en musique, s'affirme, autour des compositeurs franco-flamands, la « permanence gothique ».

Au sein de ce bouillonnement culturel, trois grands ensembles littéraires se dessinent. Le premier (chapitre 7) est celui des écrits de grande diffusion à prédominance didactique : encyclopédies en transition, historiographie apologétique, littérature religieuse en langue vulgaire avec ses compléments iconographiques, théâtre religieux, littérature pédagogique ou moralisante et satire. Les genres et thèmes littéraires traditionnels qui se renouvellent par leur dynamisme interne constituent le second groupe (chapitre 8) où l'on constate les persistances et les mutations de l'héritage médiéval : épanouissement de l'épopée chevaleresque en prose, chants et récits en l'honneur des héros, poursuite de la tradition courtoise, essor soudain du conte et de la nouvelle. En fin sont présentés (chapitre 9) les phénomènes de pointe qui se développeront dans le demi-siècle suivant : la littérature savante et humaniste, l'héritage de Dante, Pétrarque et Boccace, les traductions des œuvres de l'antiquité gréco-latine, la poésie néo-latine, le premier théâtre humaniste, les débuts de la nouvelle historiographie et le culte humaniste des grands personnages.

Pour chaque phénomène donné. l'inventaire des noms et des œuvres dans les littératures nationales concernées forme le substrat des sous-chapitres. Leur nombre (44) a pour conséquence naturelle la densité et la brièveté. Mais on doit souligner le souci constant de faire apparaître les divergences et décalages existant entre les différentes zones culturelles. Le trait caractéristique de cet ouvrage important est d'aller constamment, au-delà des pays qui ont donné le signal de la Renaissance, l'Italie, la France, l'Allemagne, vers l'Europe du Sud et du Centre sinon vers l'Europe du Nord. Pour des études plus approfondies, chaque sous-chapitre comporte une bibliographie, auxquelles s'ajoute une bibliographie générale (p. 546-562).