From script to book. A symposium

par Denis Pallier
ed. by Hans Bekker-Nielsen, Marianne Borch, Bengt Algot Sorensen
Odense : Odense university press, 1986. - 172 p. ; 22 cm
ISBN 87-7492-568-7

Cet ouvrage rassemble les exposés prononcés les 15 et 16 novembre 1982, lors du septième congrès international organisé par le centre d'études sur la littérature vernaculaire du Moyen Age de l'université danoise d'Odense, ainsi que les débats qui les ont accompagnés. Le congrès d'Odense s'est inscrit parmi les manifestations du 500e anniversaire de l'introduction de l'imprimerie au Danemark et en Scandinavie. Aussi les huit contributions publiées ici sont-elles consacrées aux débuts de l'imprimerie dans les pays scandinaves et en Europe, à l'évolution du manuscrit et du livre, ainsi qu'à l'évolution des bibliothèques dans la période qui s'étend de la fin du XVe siècle aux premières décennies du XVIe siècle.

Trois études traitent de l'imprimerie en Scandinavie. Torben Nielsen, après avoir présenté brièvement la plus ancienne bibliothèque danoise existante, celle de l'université de Copenhague, où l'année 1482 est marquée par une importante donation de livres de Peder Albertsen. évoque le premier livre en danois. Il s'agit du seul incunable en langue vernaculaire imprimé au Danemark et en Scandinavie, la chronique danoise rimée sortie en 1495 des presses de Gotfred de Ghemen à Copenhague. Torben Nielsen examine ensuite les livres imprimés en danois de 1482 à 1522 - avant que les luttes de la Réforme n'influencent profondément la vie spirituelle et politique du Danemark -, leur diffusion et l'origine des exemplaires conservés. Il recense 23 titres. 35 éditions, dont dix issues de presses de Paris, Cologne ou Leipzig.

Ursula Altmann reconstitue, sur la base d'analyses bibliographiques et typographiques, l'exercice de Johann Snell, le premier imprimeur danois, dont peu d'ouvrages portent le nom. Après des débuts à Lübeck en 1480, Snell est appelé à Odense pour l'impression du bréviaire du diocèse de Fünen. En 1483. il est à Stockholm, où il imprimera, entre autres choses, un missel d'Uppsala. L'étude d'Ursula Altmann souligne le rôle éditorial des évêques scandinaves. L'histoire du bréviaire et du missel de Nidaros (1519) par Lilli Gjerløw illustre le même thème. A l'initiative d'Erik Valkendorf, l'actif évêque de Nidaros, les imprimeurs parisiens Jehan Kerbriant et Jehan Bienayse donneront un de leurs plus beaux bréviaires, dont l'édition a été suivie par Christiern Pedersen, chanoine de Lund qui résida longtemps à Paris et Hans Reff. chanoine de Nidaros. A l'initiative du même évêque, le Missale Nidroniense est produit par Poul Reff. chanoine de Copenhague, premier imprimeur né au Danemark, qui exerce à Copenhague, puis à Nyborg et Aarhus.

La transition vers d'autres champs géographiques est assurée par les études de N.F. Blake sur William Caxton et Helmar Härtel sur le développement des bibliothèques en Basse-Saxe. Résumant ce que l'on sait de Caxton, mercier, importateur de livres et manuscrits, puis imprimeur à Cologne, Bruges et Westminster, N.F. Blake caractérise Caxton comme un éditeur plus qu'un imprimeur, un marchand plus qu'un artisan. Il conteste le lien privilégié de Caxton avec la culture bourguignonne et souligne son adaptation à la scène littéraire anglaise : traductions et poésies de cour.

Helmar Härtel, après identification des fonds d'anciennes bibliothèques, atteste le rôle de la réforme des ordres monastiques (congrégations de Windersheim et de Bursfeld) dans la relance des bibliothèques en Basse-Saxe. Ces bibliothèques comportent essentiellement de la littérature de dévotion. Les bibliothèques franciscaines, en liaison avec l'université d'Erfurt. reflètent plus les questions théologiques d'actualité et s'ouvrent sur d'autres disciplines. L'étude fait apparaître l'importance de l'engagement individuel et de l'effort réformateur des abbés, l'apport des bibliothèques particulières aux bibliothèques institutionnelles, religieuses ou laïques, l'impulsion complémentaire donnée à ce mouvement par la Réforme protestante à ses débuts.

Incunables, impressions du xvie siècle et manuscrits coexistent dans les bibliothèques saxonnes, notamment chez les franciscains. L'analyse de ce recouvrement constitue le second pôle majeur du colloque, avec trois études. Joseph W. Scott retrace l'évolution des chroniques universelles, du manuscrit sous forme de rouleau au codex et au livre imprimé. Il attire l'attention sur l'intérêt d'abattre les frontières entre spécialistes du manuscrit enluminé et spécialistes de l'illustration du livre. L'Italie de la Renaissance, de Pétrarque à Politien, est le cadre de l'étude d'Armando Petrucci sur la typologie du livre et de la lecture. Les idées de Pétrarque. favorable au livre « maniable », à l'évolution de l'écriture, à la participation de l'auteur à la reproduction et à la diffusion des textes, sont des propositions à long terme, assimilées successivement par les éditeurs de manuscrits puis de livres. Aux nouveaux publics du XVe siècle, Niccolo Nicoli et Poggio Bracciolini proposent à Florence de nouveaux livres : minuscule caroline, format moyen, textes classiques, entraînant la chute de la production en langue vulgaire, qui ne relèvera plus que des humbles faiseurs de livres sur papier et de la copie personnelle, en cursive « mercantesca ».

L'introduction de l'imprimerie en Italie ne provoque pas au XVe siècle de profondes modifications dans la typologie du livre. La production des manuscrits se poursuit : livres classiques et « Petrarchini » sur parchemin, généreusement ornés, et dont le format se réduit, livres vulgaires en papier. L'évolution se situe peut-être au niveau de l'usage d'imprimés abondants, et de bibliothèques diverses comme le fit Angelo Poliziano. savant riche de peu de livres. Pourquoi la production de manuscrits s'est-elle poursuivie, notamment par copie de livres imprimés, pour les bibiophiles humanistes du XVe siècle ? Albert Derolez répond à cette question en s'appuyant sur les travaux de Curt Bühler et en examinant de nouveaux cas : la collection de Raphaël de Marcatellis, abbé de St-Bavon, fils naturel de Philippe Le Bon et les textes de mathématiques et d'astronomie de la cathédrale de Gand. Au prestige du manuscrit s'ajoute l'intérêt de disposer, sous cette forme, de textes qui ne circulent pas dans le pays et de créer des corpus par thèmes, en abrégeant ou en corrigeant les documents copiés.

Par ses références géographiques, l'accent mis sur les langues vernaculaires et la relation manuscrit/imprimé, le colloque d'Odense constitue, quoique publié tardivement, une contribution originale parmi les nombreuses célébrations du cinquième centenaire de l'imprimerie.