Pour une communauté des bibliothèques européennes

Les activités de la Commission des communautés européennes dans le domaine des bibliothèques

Ariane Iljon

Présentation des actions de coopération engagées par la Commission des Communautés européennes (DG XIII) dans le domaine des bibliothèques. Longtemps laissées à l'écart des actions engagées au niveau international et au niveau européen pour développer de nouveaux moyens de gestion de l'information, les bibliothèques sont aujourd'hui reconnues comme un maillon important de la chaîne informationnelle, notamment en ce qui concerne les services et l'accès à l'information. Par sa Résolution du 27 septembre 1985, le Conseil de la CE posait les principes d'une coopération entre bibliothèques, plus spécialement dans le secteur de l'informatique. A la suite du Hearing de Luxembourg (février 1987), la Commision a décidé d'agir comme catalyseur d'initiatives propres aux bibliothèques et à leurs organismes de tutelle ; cinq lignes d'action ont été retenues, qui pourraient faire l'objet d'un programme quinquennal communautaire à financement partagé : développement de catalogues informatisés, interconnexion de systèmes pour certaines fonctions, développement de services novateurs utilisant les nouvelles technologies, etc.

Presentation of the cooperative actions taken by the Commission of the European communities (DG XIII) in the library sector. After being excluded from the various actions taken at the international and at the European level for the development of new information management means, libraries are now acknowledged as an important link in the information chain, above all regarding services and access to information. In the Resolution of the 27 September 1985, the Council of the European community layed the principles for an interlibrary cooperation, especially in the data processing sector. Following the Hearing of Luxembourg (February 1987), the Commission decided to be a catalyst for the initiatives of the libraries and of their authorities. Therefore, five lines of action have been accepted : development of online catalogues, interconnection of systems for special functions, development of innovative services using new technology, etc. They could be subjected to a five-year community programme with a shared financing.

On ne saurait placer les bibliothèques dans une perspective européenne sans évoquer le rôle potentiel de la Commission des communautés européennes dans ce domaine et, plus spécialement, les actions de coopération que tente de mener la DG XIII.

La Direction B, « Industrie et marché de l'information », de la Direction générale XIII, dont l'intitulé officiel est actuellement « Télécommunications, industries de l'information et innovation », est en effet depuis toujours activement impliquée dans le domaine de l'accès à l'information. Pour comprendre cela, il faut remonter aux années 50, puisque la DG XIII est issue de l'ancien Centre d'information et de documentation de l'EURATOM, c'est-à-dire la Communauté européenne pour l'énergie atomique. Ses préoccupations et sa mission ont, bien sûr, évolué avec le temps : d'abord axées sur l'information scientifique et technique - particulièrement le nucléaire, puis la métallurgie -, elles se sont progressivement orientées vers les notions d'industrie et de marché de l'information spécialisée.

Les titres successivement adoptés par la DG XIII et la Direction B elle-même reflètent cette évolution. En 1968, au moment de la création de la Commission des communautés européennes, la DG XIII s'intitulait « Diffusion des connaissances », tandis que la Direction B gardait sa dénomination précédente de « Centre d'information et de communication ». En 1973, la première appellation fut changée en « Information scientifique et technique, et gestion de l'information », la Direction B devenant responsable de la « Gestion de l'information », titre qui reflétait probablement mieux le mandat implicite donné par la Résolution du Conseil de 1971. Peu après l'ouverture du réseau Euronet, en 1980, la DG XIII devint « Marché de l'information et innovation », la Direction B gardant, quant à elle, le même intitulé. Les noms actuels de l'une et de l'autre datent de 1986, moment de la fusion avec la Task force « Technologies de l'information et Télécommunications ».

Explosion de l'information

Les bibliothèques, au sens traditionnel du terme, ont été, il faut bien le reconnaître, à la périphérie de nos préoccupations jusqu'en 1984-1985, ce qui n'a rien de surprenant. Ces préoccupations reflétaient la prise de conscience générale des années 60, tant en Europe qu'ailleurs, de ce qu'il a été convenu d'appeler « l'explosion de l'information » et de la nécessité d'employer des moyens modernes informatiques et télématiques pour y faire face, à savoir les systèmes documentaires automatisés et les réseaux de transmission de données. Préoccupations qui apparurent également dans les nouvelles professions de l'information de l'époque, parallèles à celle de bibliothécaire, celle de documentaliste par exemple.

Quelques bibliothèques ont toutefois été directement, et indirectement, concernées dès 1975 par certaines de nos activités qui résultaient des plans d'action successifs pour l'information scientifique et technique. A partir du moment où les bases de données bibliographiques se sont multipliées et sont devenues facilement accessibles « en ligne » via, par exemple, le réseau Euronet-Diane, la pléthore de références bibliographiques rendues soudain disponibles a dû en effet influencer la demande de documents qu'on leur adressait. Selon les pays et les domaines professionnels, certaines d'entre elles ont commencé à offrir des services d'intermédiaire à ces bases de données en ligne, passant ainsi elles-mêmes au rôle d'acteurs, même involontaires, dans l'évolution du monde de l'information et de la documentation - au niveau de la Communauté européenne tout au moins.

Dès le début des années 80, nos préoccupations se sont progressivement déplacées vers des notions plus générales et plus économiques, voire même politiques. Nous avons davantage considéré les conditions d'accès à l'information et aux services fournis, que le moyen d'accès et les systèmes spécifiques en tant que tels. La transformation des intitulés témoigne bien de cette orientation qui correspond à une tendance plus générale. Certains auteurs ont identifié trois phases successives de l'évolution au cours des quinze ou vingt dernières années : une première, qui a mis l'accent sur la mise en place d'infrastructures telles le réseau Euronet ; une seconde, axée sur la multiplication et la diversification des services d'information ; la troisième enfin, l'actuelle, où prime la notion de « marché », c'est-à-dire la rencontre entre les utilisateurs et leurs besoins d'une part, et les fournisseurs de services d'autre part. La DG XIII-B prépare d'ailleurs, en ce moment même, un nouveau programme en ce sens, sous le titre bien significatif de « Communication au Conseil concernant la mise en oeuvre au niveau communautaire d'une politique et d'un plan d'actions prioritaires pour le développement d'un marché des services de l'information » 1.

Les bibliothèques jouent un rôle important dans la chaîne informationnelle, en particulier au niveau des services et de l'accès à l'information et à la connaissance. Il paraît donc logique qu'à cette même époque, vers 1984, on ait commencé à leur manifester un certain intérêt, au niveau européen et à la Commission elle-même et ce, notamment, du point de vue de l'utilisation des nouvelles technologies.

Peut-être s'est-il également agi d'une conjoncture propice, car les bibliothèques ont sûrement vécu leur propre processus évolutif au niveau national - et international - au cours des vingt dernières années. A la même époque, fut également relancé le débat sur l'intégration européenne, dont un élément important était la sensibilisation à l'identité culturelle et sociale de l'Europe. Par leur affiliation à la culture et à l'éducation, les bibliothèques s'intégraient donc tout naturellement dans la discussion. Aussi l'intérêt qu'on leur porte a-t-il plusieurs composantes...

1984

En fait, l'attention de la Commission s'est portée sur la problématique des bibliothèques en Europe grâce à deux événements ayant tous deux eu lieu en 1984. Le premier fut la Résolution du Parlement européen - dite Résolution Schwencke - du 30 mars 1984, qui posait toute une série de problèmes, allant, entre autres, du prêt interbibliothèques à la formation professionnelle, et des systèmes de classification à la question du copyright. Cette résolution proposait la création d'une bibliothèque européenne dans le but d'accroître la coopération en Europe, et invitait la Commission à élaborer des propositions. Le second événement fut un symposium qui se tint à Luxembourg en novembre 1984, patronné à la fois par la Commission, le Conseil de l'Europe, la Fondation culturelle européenne et la Division scientifique de l'OTAN, et dont le sujet était l'impact des nouvelles technologies sur la gestion, les ressources et la coopération des bibliothèques 2.

Une centaine d'experts étaient venus à titre personnel de nombreux pays, y compris d'Outre-Atlantique. A l'ordre du jour figurait le projet d'une bibliothèque européenne telle que la concevait le Parlement européen. Ils tombèrent d'accord pour reconnaître que le projet était fort ambitieux mais, du point de vue professionnel, difficile, sinon impossible à réaliser. Ils ont toutefois interprété cette résolution de manière positive, comme un document dont l'objectif serait plutôt politique (je traduis librement), donc libre d'interprétation et destiné principalement à lancer un débat et à provoquer une réflexion plus poussée. C'est d'ailleurs en ce sens que la Commission prépara sa réponse au Parlement européen.

Pour compléter ce tableau de convergences d'intérêt et d'opportunité, signalons également que c'est au mois de juin de la même année que les ministres de la culture se sont officiellement réunis pour la première fois au sein du Conseil des ministres des Communautés européennes. C'est dans cette nouvelle perspective que s'inscrit l'adoption par le Conseil, le 27 septembre 1985 3, d'une Résolution concernant « la collaboration entre bibliothèques dans le domaine de l'informatique », qui, non seulement invitait la Commission à « prendre en considération l'opportunité d'une action rapide en faveur des bibliothèques », mais citait aussi explicitement notre programme quinquennal pour le développement du marché de l'information spécialisée en Europe comme cadre approprié à une initiative, tout au moins pour une première phase d'actions en ce domaine. Elle reconnaissait par ailleurs l'importance des bibliothèques tant sur le plan culturel qu'en tant « qu'agent actif dans le domaine du marché de l'information ».

Cette Résolution marque le début de nos activités spécifiquement centrées sur les problèmes des bibliothèques en Europe. Notre premier souci a d'abord été de mieux connaître et comprendre l'univers des bibliothèques et ses problèmes spécifiques au niveau de la Communauté, afin de mieux cerner la forme de coopération qui devait être favorisée et encouragée. Il en découla un certain nombre d'études et autres travaux. Mais nous avons également eu le souci d'évaluer dans quelle mesure une action communautaire était nécessaire, utile et justifiable, et quel rôle pouvait y jouer la Commission, afin de déterminer, si besoin était, la nature et l'ampleur d'une intervention potentielle. Ceci s'est traduit par de nombreux contacts informels dans les divers pays membres de la Communauté et avec des organismes internationaux tels que la FIAB et le Conseil de l'Europe, ainsi que par une consultation plus formelle, en février 1987, sous la forme d'une « Audition sur les bibliothèques dans la Communauté européenne ».

Le débat bibliothéconomique

Cette audition a réuni plus de soixante personnes pendant deux jours à Luxembourg. L'auditoire se composait d'une délégation de quatre personnes par pays membre de la Communauté européenne, dont les noms nous avaient été communiqués par les Représentations permanentes, c'est-à-dire les ambassades auprès de la CE, et des observateurs provenant d'associations professionnelles et autres organismes internationaux concernés par les bibliothèques. Il y avait une assez bonne répartition entre les professionnels d'une part, et des personnes provenant d'administrations nationales ayant des responsabilités dans le domaine des bibliothèques d'autre part, ce que nous avions précisément espéré.

Pour préparer ce hearing, une liste non exhaustive de seize questions avait été dressée. A la différence du symposium de novembre 1984, nous souhaitions obtenir une réponse (ou point de vue) nationale plutôt que personnelle. Les questions se regroupaient en cinq thèmes allant de la problématique générale à des préoccupations d'ordre spécifique - tels le multilinguisme et l'indexation par sujet, la préservation et la conservation, la formation... - en passant par la coopération entre bibliothèques et leur mise en réseau - réseaux logiques et réseaux physiques. Ces cinq thèmes ont structuré la discussion pendant les deux journées. La consultation nous a semblé extrêmement utile, et même très réussie. Les points de vue des participants révélèrent une étonnante unanimité, résultat assez inattendu dans un monde aussi divers et complexe, et pour un auditoire international constitué de personnes aux préoccupations si différentes. Il y eut également consensus sur la nécessité d'une action au niveau communautaire et sur le rôle que la Commission pourrait y jouer.

Pour guider cette action et en déterminer les choix, plusieurs critères fondamentaux jugés essentiels ont été clairement dégagés :
- pragmatisme, approche modulaire et flexible ;
- résultats tangibles à court et à moyen terme ;
- effet multiplicateur et impact européen de chacun des projets sélectionnés, plutôt qu'action d'envergure ;
- promotion de règles et de normes internationales, mais aussi promotion d'expériences pilotes et de démonstration, théorie et pratique étant les deux composantes de l'action ;
- respect des priorités nationales et prise en compte des réalisations existantes (ne pas réinventer la roue) ;
- possibilité pour les pays présentant des retards de les rattraper ; bénéfices culturels mais aussi économiques ;
- le cas échéant, effet de convergence sur les politiques nationales ;
- amélioration des services aux utilisateurs ;
- incitation à un processus autosélectif des bibliothèques ou autres organismes concernés pouvant bénéficier de cette action ;
- ouverture à la participation de pays tiers.

Réflexion communautaire

Le hearing a donné lieu à un rapport qui résume les réactions obtenues à chacune des questions posées et tire un certain nombre de conclusions générales reflétant les critères ci-dessus mentionnés.

L'enseignement que nous en avons tiré et, dans une moindre mesure, les résultats de nos études ont constitué le point de départ de la réflexion que nous avons menée ces derniers mois sur la formule la plus appropriée à adopter pour mener l'action communautaire souhaitée. S'il y a consensus sur la nécessité d'une telle action, force est de reconnaître la complexité du domaine abordé - ne serait-ce que par sa diversité : les différences importantes entre pays, la situation globalement peu satisfaisante quant à l'utilisation des nouvelles technologies dans les bibliothèques européennes, comparée à l'évolution qui a eu lieu sur le continent nord-américain, la prise de conscience relativement faible de la part des décideurs dans l'ensemble du monde de l'information... Le problème reste donc entier car il reste encore trop à faire : comment définir une action et fixer des objectifs réalistes qui soient acceptables par le plus grand nombre, tant par les autorités politiques et de tutelle que par les professionnels de tout bord ? Quelle action réellement efficace, en même temps qu'économiquement justifiée, pourrait stimuler le développement sans gaspiller les ressources ? Quelle devrait être son envergure ? Quelle formule fournirait le meilleur cadre catalyseur d'un certain progrès ? Enfin, comment répondre dans la pratique à la Résolution du Conseil de septembre 1985 et aux grandes orientations qu'elle a données ? Il n'existe sûrement pas de formule magique.

Si l'information et sa problématique se sont internationalisées - ce qui explique les activités de la DG XIII-B depuis plus de 25 ans -, les bibliothèques, quant à elles, sont restées à un niveau de responsabilité purement national, sinon régional ou local. Leur coopération sur un plan international est demeurée, à ma connaissance, peu institutionalisée en Europe. Certes, il y a eu par le passé un certain nombre d'accords bilatéraux, mais cette coopération commence en fait à peine à prendre réellement forme actuellement : les directeurs des bibliothèques nationales d'Europe occidentale se sont ainsi réunis pour la première fois en 1987. Cet état de fait ne fait que compliquer la tâche, car une action de la Commission, quelle qu'elle soit, ne saurait être qu'arbitraire - même dans le cas où elle répond aux critères ci-dessus énoncés - s'il n'y a pas d'initiatives correspondantes dans les divers pays. Les critères doivent en effet, à mon avis, s'appliquer à stimuler et à orchestrer davantage les initiatives propres aux bibliothèques et à leurs organismes de tutelle que celles de la Commission. Celle-ci ne devrait qu'être le catalyseur qui fournira le cadre, aussi accueillant que possible, pour les canaliser. Il serait donc souhaitable de trouver une formule qui mobiliserait effectivement les bibliothèques et stimulerait toutes sortes d'initiatives nationales, régionales et locales pouvant aboutir à une coopération communautaire.

Notre formule

Ces éléments ont été autant de préalables à notre réflexion. Nous pensons avoir trouvé une formule qui, même imparfaite et encore au stade de la première mouture, pourrait servir de base à une discussion élargie sur un éventuel plan d'action.

Afin de raisonner logiquement, il nous a semblé important de commencer par analyser et interpréter l'orientation générale donnée par la Résolution du Conseil, et d'identifier de façon assez précise les objectifs qui pourraient en découler. La Résolution préconise de rendre plus accessible l'ensemble du patrimoine des bibliothèques européennes - à savoir leurs collections - à travers l'Europe. Et ce, au moyen d'une utilisation judicieuse des nouvelles technologies de l'information (ou NTI), d'efforts coopératifs accrus au niveau communautaire qui tiennent compte de l'évolution coût/bénéfice, et de l'harmonisation des initiatives déjà prises ou à prendre en ce domaine.

Il s'agit donc, à nos yeux, d'améliorer les services offerts aux utilisateurs à travers l'Europe et de permettre en même temps aux bibliothèques d'optimiser l'utilisation de leurs ressources de manière à fournir ces services améliorés. Le plan d'action devrait donc être destiné aux bibliothécaires en même temps qu'aux utilisateurs des bibliothèques.

Quatre objectifs principaux ont été identifiés pour satisfaire à l'orientation donnée, et mis en regard des principales préoccupations des participants au hearing : l'action communautaire devrait promouvoir la disponibilité et l'accès à des services modernes de bibliothèques, tout en tenant compte des disparités évidentes entre les pays (particulièrement entre pays du Nord et pays du Sud) et de leurs besoins respectifs. Elle devrait également promouvoir l'introduction accélérée et méthodique des NTI, en tenant compte du facteur coût/efficacité, la normalisation - application ou développement, selon les cas, de règles et de normes appropriées -, enfin l'harmonisation des politiques nationales en matière de bibliothèques.

L'étape suivante est la traduction logique de ces objectifs en champs d'application ou domaines précis, ce qui devrait permettre de toucher un certain nombre de problèmes et donc de réaliser un réel progrès par rapport à la situation actuelle. Tenant compte de cette situation, nous avons circonscrit quatre grands domaines connexes qui, ajoutés aux objectifs globaux et à notre interprétation de la Résolution, devraient mobiliser les initiatives et générer une gamme diversifiée d'activités utiles. Il s'agit de la ressource de base, à savoir la disponibilité (et éventuellement l'amélioration) de catalogues et/ou de bibliographies nationales sur support informatique ; de la capacité d'interconnecter les systèmes gérant ces fichiers pour les rendre plus accessibles ; de l'accès aux fonds des bibliothèques, donc d'une meilleure localisation de ces fonds et des services améliorés ; enfin de la formation professionnelle et du savoir-faire adaptés aux exigences techniques.

Sans le catalogue automatisé - les différents pays sont plus ou moins avancés dans ce domaine -, il est impossible d'interconnecter des fichiers. L'interconnexion des systèmes n'est elle-même utile qu'à condition de permettre un échange effectif, autrement dit de meilleurs, voire de nouveaux services aux utilisateurs, ainsi qu'un meilleur accès aux collections. Enfin, il est évident que sans le savoir-faire approprié, il est difficile de faire un bon usage des NTI et des réseaux de communication. Il faut bien reconnaître que le postulat central de notre démarche est que la coopération, le partage des ressources et l'accès à l'information contenue dans les bibliothèques passent par les réseaux télématiques et l'accès aux systèmes.

Le lecteur peut bien sûr se poser la question clé : comment passer de ce cadre intellectuel à l'action effective ? D'aucuns pourraient trouver que c'est une procédure bien compliquée quand il s'agit seulement de s'atteler à telle ou telle tâche dans la pratique. Mais notre réflexion a montré que le problème était précisément là : certains prôneront une tâche comme prioritaire quand d'autres en proposeront une autre. Qui aura raison, qui aura tort ? Il nous a semblé avant tout essentiel d'éviter une action aléatoire, isolée, hors contexte, qui n'aurait que peu de répercussions ou d'impact et se réduirait à privilégier certains (déjà probablement bien lotis) aux dépens des autres. Il nous a également paru indispensable de ne pas oublier le problème de fond, à savoir le rôle des bibliothèques dans l'ensemble de l'évolution du monde de l'information, car, si elles ont un rôle traditionnel bien connu et apprécié, les conditions dans lesquelles s'exerce leur fonction subissent actuellement de profondes transformations et force est de reconnaître qu'elles devront, à la longue, s'adapter aux exigences nouvelles si elles ne veulent pas devenir seulement des silos de livres oubliés.

Et agir...

La clé de voûte de l'édifice est finalement la manière concrète qui permettra d'agir et d'atteindre les objectifs. Cette formule devrait être modulaire et, dans la mesure du possible, éviter d'être axée sur des sujets ponctuels et relativement limités afin d'en étendre la portée. Si le mot d'ordre est la coopération au niveau communautaire, il est nécessaire de considérer les politiques nationales sans lesquelles celle-ci serait difficilement envisageable. L'action devrait s'étendre au moins sur cinq ans afin de permettre aux différentes initiatives de se développer. La formule pouvant satisfaire à ces critères - en même temps qu'à ceux retenus par le hearing - serait, selon nous, celle d'un financement partagé et se subdiviserait en cinq lignes d'action à mener de front, complémentaires et d'égale importance, qui couvriraient : - une contribution à des projets, proposés au niveau national, favorisant l'existence - et éventuellement l'amélioration - des données sources sur support informatique, à savoir les bibliographies nationales (certains pays n'en ont pas), les catalogues collectifs nationaux et la conversion rétrospective de catalogues de collections d'intérêt international ;
- une contribution à des projets favorisant l'interconnexion internationale de systèmes automatisés pour des fonctions et des besoins précis définis par les intéressés ; ce qui devrait non seulement stimuler quelques projets pilotes de plus grande envergure proposés par des consortia de bibliothèques ou de coopératives, mais aussi permettre de tester les techniques avancées en matière de réseau (OSI * en particulier), contribuant ainsi au processus de normalisation dans ce domaine ;
- une contribution à toute une série de petits projets favorisant la fourniture de services novateurs dans les bibliothèques sur la base de critères bien définis qui utilisent les nouvelles technologies. L'idée serait d'encourager et de fournir l'opportunité de tester la demande des utilisateurs en vue de créer de nouveaux services que seules les bibliothèques sont aptes à offrir. La conception de ces innovations, à laquelle pourront participer toutes les bibliothèques, devra, bien sûr, prendre en compte la situation des bibliothèques dans les divers pays ;
- une contribution à des projets susceptibles de stimuler le secteur privé pouvant le pousser à développer des produits et des services commercialement viables à l'usage des bibliothèques et qu'il serait certainement utile d'encourager ;
- enfin une prise en charge totale des projets destinés à stimuler les échanges et le savoir-faire, à savoir le financement d'études et de recherches (études de faisabilité pour certains projets complexes par exemple), de séminaires, de voyages d'étude, etc.

Le taux de la contribution communautaire à ces projets varierait, selon la ligne et le type d'action, de 10 à 100 % - 100 % par exemple pour les études - dans la limite de certains plafonds. Certaines lignes d'action sont destinées à favoriser davantage soit les pays dits « du Sud » soit ceux « du Nord », selon les besoins de ces pays et leur degré d'avancement. L'initiative des propositions en ce domaine revient en principe aux bibliothèques, aux organismes associés (telles les coopératives de bibliothèques) et aux organismes de tutelle. Mais un travail de préparation et d'encouragement sera probablement inévitable pour stimuler la formulation de projets valables. Il ne s'agit, bien entendu, que d'une idée destinée à être affinée et dont les implications devront être étudiées en profondeur, donc plutôt une base de discussion.

Il est fort possible que ce qui nous paraît conceptuellement cohérent ne puisse être que partiellement réalisé. Seules une discussion et une réflexion approfondie avec tous les protagonistes concernés permettront, d'une part de déterminer le degré de faisabilité et les implications utiles éventuelles, d'autre part d'ajuster la formule en conséquence. Quelle que soit l'issue du débat, il n'en demeure pas moins que le fil conducteur de toute action communautaire devra être, à mon sens, de contribuer à l'adaptation des bibliothèques européennes aux nouvelles exigences de notre société de l'information et de favoriser une convergence fructueuse avec les autres services de l'information.

fin 1987

Annexe - Audition Luxembourg, 11-12 février 1987

Afin de procéder à un échange de vues avec les représentants des États membres sur un certain nombre de thèmes et de problèmes, il a été décidé d'organiser un hearing sur les bibliothèques de la Communauté européenne. Les problèmes retenus ont été présentés sous la forme d'une liste non exhaustive de 16 questions, réparties en 5 séances. La dernière séance a regroupé les différentes conclusions que l'on pouvait tirer de ce hearing.

Séance sur la coopération entre bibliothèques et leur mise en réseau

Cette séance s'articulait autour de quatre questions portant sur le principe d'une action directe ou indirecte, l'interconnexion physique, l'interconnexion logique et l'interaction avec le secteur édition/librairie.

« Une action communautaire dans le domaine de la mise en réseau devrait-elle avoir pour objet de promouvoir des applications et des développements ou devrait-elle être axée essentiellement sur les préalables nécessaires (par exemple les normes, etc.) ? »

De l'avis général, la théorie doit être complétée par une action concrète et vice versa; c'est ainsi que l'application des normes internationales existantes doit certes être encouragée dans toutes les actions engagées, mais le processus de normalisation doit en même temps être accéléré au moyen d'expériences pilotes de démonstration, de manière à ce que l'action ne soit pas bloquée ou retardée dans les domaines où il n'existe pas de normes définitives. En d'autres termes, la Commission doit se concentrer aussi bien sur les préalables, tels que l'élimination des obstacles à la coopération internationale, que sur les applications concrètes qui peuvent mener à une meilleure compréhension des problèmes à surmonter. De telles applications pourraient également favoriser l'harmonisation et la coordination en matière d'élaboration et d'utilisation des normes. La fixation de délais réalistes pour les actions réalisables aussi bien à court qu'à long terme est apparue essentielle et une approche pragmatique, tenant compte des réalisations existantes (y compris les accords de coopération) a été recommandée. L'ensemble des opinions exprimées était favorable aux normes internationales existantes, telles que le format UNIMARC et le système ISBN, et des domaines ont été identifiés où un effort supplémentaire à court ou à long terme serait utile en matière d'harmonisation et d'élaboration de normes. Il existe, par exemple, un besoin évident de normes en matière de logiciels pour les applications du CD-ROM dans les bibliothèques. Certains des obstacles à la coopération internationale dans un environnement de réseaux ont été évoqués; outre les normes, le droit d'auteur et la structure de la tarification des services ont été cités comme exemples de domaines où des problèmes se posent.

« Comme l'interconnexion physique des bibliothèques utilisera nécessairement les infrastructures fournies par les résea ux et les sezvices publics de télécommunications, quelles actions spécifiques à la mise en réseau des bibliothèques faudra-t-il prévoir au niveau communautaire, et de telles actions devraient-elles explicitement s'orienter sur l'avènement de réseaux avancés tels que le réseau numérique à intégration de services (RNIS) ? »

Les participants ont reconnu que, pour ses propres applications, le secteur des bibliothèques devait s'appuyer sur le développement de réseaux publics de transmission de données avancés et efficaces. A cet égard, il serait sans doute utile qu'il fasse connaître ses besoins aux PTT, en tant que groupe d'utilisateurs. L'importance du modèle OSI/RNIS (interconnexion de systèmes ouverts/réseau numérique à intégration de services) pour l'interconnexion de matériels et de logiciels différents et d'une contribution européenne à l'élaboration de normes appropriées au niveau « applications » du modèle OSI (protocoles, interfaces, etc.) a été soulignée, de même que la nécessité de réaliser dans ce domaine des projets pilotes destinés à explorer les solutions techniques. L'interconnexion des réseaux avancés nationaux pour la recherche scientifique a été citée comme l'un des vecteurs possibles et comme cadre éventuel de l'interconnexion des systèmes de bibliothèque. Il a été noté que les tarifs de transmission des données, en particulier ceux qui ne sont pas fonction de la distance, constituent un facteur clé et qu'à cet égard, les systèmes de stockage de masse à haute densité basés sur les technologies optiques, tels que le CD-ROM, avaient l'avantage de ne pas entraîner de frais de télécommunications.

« Si « un espace catalographique européen », une « carte des profils d'acquisition des bibliothèques » et un « espace pour la communication des documents » sont des objectifs valables et réalistes, quelles actions seraient nécessaires en ce qui conceme les procédures logiques et les méthodologies pour atteindre ces objectifs et quelles seraient les priorités ? »

Les participants se sont accordés à reconnaître l'importance des bibliographies nationales comme pierres angulaires d'un « espace catalographique européen ». Une priorité a également été accordée à l'amélioration des services rendus aux utilisateurs des bibliothèques et à tout ce que cela pourrait impliquer. A cet égard, priorité doit être donnée à l'harmonisation, au niveau communautaire, des pratiques et des procédures applicables à la demande et à la communication des documents - c'est-à-dire au prêt entre bibliothèques - y compris la structure des tarifs à appliquer à de tels services. Ces priorités devraient dicter les orientations d'actions concrètes basées sur les réalisations existantes et sur une approche décentralisée; là encore il faudra faire preuve de pragmatisme. De nombreuses suggestions ont été faites en ce sens, notamment : l'établissement de codes internationaux de déontologie applicables à l'échelle de la communauté au prêt entre bibliothèques et à l'interconnexion des systèmes/réseaux de prêt-inter; une base de données fournissant un guide pratique des bibliothèques et de leurs collections serait utile aux utilisateurs; la conversion rétrospective de catalogues manuels de fonds anciens constituerait un atout considérable pour le partage des ressources au niveau européen; l'idée d'un poste de travail universel à l'usage des bibliothèques mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un cadre théorique pour le recensement systématique des collections détenues dans les bibliothèques, dans le but de définir une carte européenne des profils d'acquisition des bibliothèques.

« Quels effets sur les interactions entre bibliothèques et éditeurs/libraires conviendrait-il d'encourager (ou d'éviter) au moyen d'une telle coopération européenne dans le cadre de la mise en réseau ? »

Dans l'ensemble, les bibliothèques ne sont pas hostiles à voir encourager la coopération avec les éditeurs et les libraires dans l'intérêt mutuel des deux secteurs, malgré certains conflits d'intérêt apparents. Il a été convenu de la nécessité d'approfondir les discussions au niveau communautaire entre les deux secteurs afin de trouver un terrain d'entente et, par la suite, de faire un travail en commun. Plusieurs domaines où un tel terrain d'entente pourrait être recherché ont été suggérés (par exemple, service de « catalogage dans la publication » (CIP = Cataloguing in publication), ensemble de données bibliograhiques de base, édition électronique, problèmes de droits d'auteur afférents aux nouveaux supports, adoption des normes par l'industrie, etc.).

En résumé, une attitude ouverte et pragmatique a été jugée souhaitable afin d'obtenir des résultats visibles dans des délais raisonnables. La nécessité de coordonner et d'harmoniser l'application des règles et des normes au niveau communautaire a été reconnue, mais un besoin non moins urgent de tirer les enseignements d'applications pratiques et d'expériences pilotes de mise en réseau et d'interconnexion est également apparu. La satisfaction des besoins des usagers des bibliothèques doit être l'une des principales motivations de toute action de coopération.

Séance sur le multilinguisme et l'accès par sujet

Au cours de cette séance, trois questions générales ont été posées, dans le but surtout de déterminer si la solution du problème de l'accès multilingue aux catalogues de bibliothèque constitue effectivement une priorité et, dans l'affirmative, quelle approche pourrait être la plus acceptable (et faisable) pour aider à surmonter ce problème tant à court qu'à long terme.

« Si le problème de l'accès multilingue par sujet aux catalogues informatisés risque d'être particulièrement aigu, une action communautaire se justifie-t-elle et, dans l'affirmative, quelle approche serait la plus appropriée et la plus utile pour faciliter la coopération internationale (par exemple par discipline, par type d'outil de recherche, y compris les listes d'autorité, etc.) ? »

La plupart des participants ont estimé que ce problème méritait de retenir l'attention. Parmi les différents types d'outils documentaires possibles, une préférence a été exprimée pour les systèmes basés sur la combinaison langage naturel/vedettes-matières/mots-clés, tels que les thésaurus. Il a été suggéré d'envisager une solution à deux niveaux à ce problème : l'une pour le grand public et l'autre, plus sophistiquée, pour les utilisateurs expérimentés. Des travaux préparatoires seraient néanmoins nécessaires pour inventorier les listes/thésaurus existants et faire le point sur leur utilisation dans les bibliothèques. Les problèmes linguistiques et de translittération qui se posent pour certaines langues ont été évoqués comme étant une question difficile.

« Conviendrait-il d'accorder une attention particulière aux fichiers d'autorité comme outils documentaires possibles pour l'accès des utilisateurs aux catalogues ? »

Il a été estimé que les fichiers d'autorité méritent attention. Certains participants étaient notamment favorables à la traduction et à la coordination des listes existantes de vedettes-matières et de noms d'auteurs (telles que celle de la bibliothèque du Congrès) et à la définition d'un format normalisé pour l'échange de tels fichiers.

« Convient-il d'encourager la R&D à long terme afin de déterminer si l'ordinateur peut contribuer à résoudre le problème de l'accès multilingue aux catalogues de bibliothèques ? »

Dans une perspective plus large et à plus long terme, l'application des techniques de traduction automatique devrait être étudiée au fur et à mesure que celles-ci se développent. L'idée d'un clavier et d'un jeu de caractères européens pour les terminaux d'ordinateurs mérite également d'être étudiée.

En résumé, le problème de l'accès multilingue ne doit pas être ignoré mais il ne doit pas être traité de façon isolée. Il est probablement préférable de l'aborder dans un contexte plus large. Il pourrait également être inclus dans l'un ou l'autre des projets pilotes à financer dans le cadre du programme.

Séance sur la préservation et la conservation des collections

Les questions portaient essentiellement sur l'utilité éventuelle d'actions internationales et, dans l'affirmative, sur les objectifs spécifiques à atteindre au niveau communautaire.

« Le problème de la préservation et de la conservation peut-il être utilement abordé dans une perspective internationale et interdisciplinaire ? »

Il est clair qu'il y a un besoin urgent de traiter sérieusement le problème au niveau national. Toutefois, une réponse nettement positive a également été fournie quant à l'utilité d'une coordination et d'une coopération au niveau international, notamment par des échanges internationaux de connaissances et d'expériences, et quant à l'opportunité d'adopter, au besoin, une approche interdisciplinaire.

« Quels devraient être les principaux objectifs d'une coopération internationale (par exemple R&D, inventaires, projets pilotes, etc.) et quelles devraient être les priorités ? »

« Quels devraient être les objectifs de la Commission dans ce domaine ? »

Les participants ont reconnu que le problème est complexe, que les enjeux sont élevés et que des choix doivent être opérés - par exemple entre la conservation du passé et la préservation de l'avenir, entre la conservation de l'objet lui-même ou de son contenu uniquement, etc. Néanmoins, un certain nombre de priorités en matière de coopération internationale et en particulier en ce qui concerne une action au niveau communautaire se sont dégagées et ont obtenu le soutien de la plupart des participants. Ils se sont notamment déclarés favorables à une série d'applications pratiques et utiles destinées à déterminer ce qui en Europe a été conservé/préservé ou devrait l'être et à partager les connaissances disponibles à ce sujet. Il peut s'agir, par exemple, d'applications telles qu'un répertoire des microformes-mères reproduisant des documents originaux, une méthodologie pour décrire et inventorier les collections détenues dans les bibliothèques, des études techniques, en particulier sur l'utilisation des supports optiques pour créer des substituts de documents originaux, etc. Il a également été recommandé une action en faveur de l'utilisation de papier « permanent » dans les publications, ce qui devrait constituer un objectif à long terme auquel seraient associées toutes les parties intéressées. Certains problèmes ne doivent pas être ignorés (par exemple le dépôt légal des nouveaux supports, l'obsolescence des équipements spéciaux utilisés pour certains types de supports, etc.).

En résumé, la pertinence d'une action communautaire dans ce domaine a été soulignée et les orientations générales d'une telle action, qui serait axée en particulier sur l'application dés technologies de l'information, ont été clairement définies.

Séance sur la formation du personnel des bibliothèques

La question posée revient essentiellement à savoir quelle serait la meilleure façon d'inclure un élément réaliste de formation dans toute action communautaire menée dans ce domaine.

« Si encourager, au niveau communautaire, la définition d'objectifs modernes en matière de formation des bibliothécaires et la mise au point d'outils de formation permettant de les atteindre constitue un objectif valable, quelles mesures pourraient contribuer de la façon la plus concrète à atteindre un tel objectif ? Tenant compe d'autres programmes communautaires, apparentés, et parmi les mesures qui pourraient être envisagées, y a-t-il un besoin plus particulier de :
- promouvoir la mobilité internationale des bibliothécaires professionnels et des stagiaires;
- encourager le partage des résultats d'expériences pilotes menées dans ce domaine;
- prévoir des mesures spécifiques à certaines disciplines et dans certains pays ? »

Les participants sont convenus du fait que tout en répondant à des objectifs évidents à court terme, la formation professionnelle constitue aussi un investissement essentiel pour l'avenir. En conséquence, toute intervention dans ce domaine doit se situer à deux niveaux : elle doit servir, d'une part, à compléter les autres actions (par exemple la mise en réseau ou la préservation) et, d'autre part, à promouvoir la modernisation de l'enseignement de la bibliothéconomie et de la formation professionnelle dans ce domaine. Une telle intervention pourrait revêtir des formes diverses telles qu'échange d'informations à l'occasion de cours d'été et d'ateliers sur des thèmes particuliers, production de matériel didactique portatif sur l'application/l'utilisation des nouvelles technologies, encouragement des échanges de responsables de formation et de gatekeepers au niveau communautaire, lancement d'une analyse critique des programmes de cours des écoles de bibliothéconomie.

En résumé, ce problème a effectivement été jugé d'une importance cruciale pour l'impact à long terme de toute action communautaire dans le domaine des bibliothèques.

Séance sur l'approche générale

Les cinq questions couvraient une série de thèmes allant du rapport coûts/bénéfices escompté et de l'amélioration de l'utilisation des ressources à la représentation des intérêts de la profession au niveau communautaire, en passant par les types de bibliothèques, d'approche et d'intervention (stimulation ou mesure de relance) les mieux adaptés à une action communautaire.

« Quel rapport coûts/bénéfices peut-on et doit-on attendre d'une action de coopération menée au niveau communautaire avec le soutien de la Commission et comment une telle action peut-elle favoriser, par-delà l'amélioration des systèmes et services existant dans chaque État membre, une utilisation plus rationnelle et plus efficace des ressources disponibles dans les bibliothèques de la Communauté dans leur ensemble » ?

De l'avis général, toute action menée au niveau communautaire, aussi modeste soit-elle, aurait un effet multiplicateur, en particulier au niveau national, et constituerait ainsi un investissement pour l'avenir, entraînant donc d'incontestables. bénéfices. Il a également été souligné que si les objectifs culturels d'une telle action sont importants (en particulier sa contribution à une sensibilisation accrue à l'héritage culturel européen), d'inévitables facteurs économiques sont également en jeu et les justifications économiques d'éventuelles actions sont dès lors essentielles. En outre, il a été noté que certains avantages particuliers (résultant, par exemple, de la normalisation) peuvent être retirés de certains types d'action qui ne peuvent être envisagés qu'au niveau communautaire en raison de leur composante internationale.

« Sur quels types de bibliothèques une action de coopération communautaire devrait-elle être axée en premier lieu - en d'autres termes, comment l'expression « les bibliothèques les plus importantes » utilisée dans la résolution doit-elle être interprétée ? »

A priori, aucun type de bibliothèque ne doit être exclu des avantages apportés par une action communautaire. Cela suppose une approche modulée, à plusieurs niveaux et en plusieurs étapes. En outre, le terme de bibliothèque ne devrait pas être défini de façon trop restrictive et il devrait couvrir les systèmes coopératifs existants. Il est clair que les premiers bénéficiaires seront probablement les organismes les plus avancés qui répondent à des critères minimaux, tels que les bibliothèques nationales et les grandes bibliothèques d'étude ou d'autres centres spécialisés. En fait, toute participation comportera un processus autosélectif en fonction des projets proposés et des besoins des utilisateurs pris en compte. C'est pourquoi une approche pragmatique est, en l'occurrence, jugée nécessaire.

« Quel type d'approche serait le plus approprié et le plus efficace pour une action communautaire : une approche sectorielle par discipline, une approche axée sur les fonctions des bibliothèques, une approche liée à des facteurs temporels, etc. ? »

Dans l'ensemble, il a été estimé qu'une combinaison de ces différents types d'approche serait la plus fructueuse, tout en se fondant sur les orientations dictées par les priorités nationales. En d'autres termes, une approche pragmatique centrée sur des projets spécifiques et donc sur des objectifs réalistes particuliers serait appropriée. Les participants ont souligné que l'accent devrait être mis sur des projets qui s'inscrivent à la pointe de la technologie, étant donné, précisément, que la technologie est aisément transférable.

« La Commission devrait-elle se limiter à des activités de stimulation ou devrait-elle aussi tenter d'atténuer certains écarts dans le développement des bibliothèques par certaines aides au fonctionnement (par exemple, des mesures de relance) ? »

Des actions concrètes visant aussi bien à stimuler qu'à contribuer à réduire les disparités régionales ont été jugées nécessaires. Les actions devraient par conséquent être conçues pour résoudre des problèmes spécifiques et en même temps avoir des retombées; là où cela est nécessaire, elles impliqueraient une participation nationale. Il a toutefois été noté qu'il convenait de tirer parti, le cas échéant, d'autres programmes communautaires ayant pour objet spécifique de réduire les disparités régionales.

« L'idée d'un mécanisme de dimension européenne qui représenterait d'une manière aussi large que possible les intérêts des bibliothèques et des bibliothécaires (agissant donc comme un groupe d'intérêt ou un lobby professionnel européen) est-elle valable et réalisable et correspond-elle à une évolution souhaitable » ?

De nombreux participants ont estimé que l'idée d'un « groupe d'intérêt » européen de la profession méritait d'être explorée à condition d'éviter un chevauchement avec les activités des organismes existants. Il a toutefois été noté que l'importance et l'influence des associations nationales de bibliothèques varient d'un pays à l'autre. Il serait par conséquent utile d'encourager de telles associations à se développer, en particulier dans les pays où elles sont le moins bien établies.

En résumé, les délégations se sont clairement et constamment exprimées en faveur d'une approche pragmatique qui permette de lancer rapidement une action, aussi modeste soit-elle, de lui assurer des retombées et de s'attacher à éviter des investissements inutiles. Une telle approche a été jugée préférable à la mise en place d'un cadre de règles et de critères complexes pour la fixation de priorités, qui provoquerait inévitablement des retards.

Conclusions

Les principales conclusions que l'on peut tirer de l'audition sont les suivantes :
1. Les participants ont été unanimes à considérer que, sans préjuger des responsabilités nationales dans le domaine des bibliothèques, une action est nécessaire au niveau communautaire et que la Commission a donc clairement un rôle à jouer, en particulier en ce qui concerne l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. Il a en outre été souligné que les bénéfices en termes à la fois économiques et culturels à attendre d'une action communautaire dans ce domaine ne font aucun doute.
2. L'effet multiplicateur que pourrait avoir un programme communautaire en faveur des bibliothèques, en particulier au niveau national, a été jugé d'une importance cruciale pour l'avenir, aussi bien à court terme qu'à long terme.
3. D'une façon générale, un programme communautaire devrait naturellement viser à informer, à coordonner et à harmoniser, dans le but d'améliorer les services offerts aux utilisateurs. Une telle coopération devrait en outre encourager, dans la communauté des bibliothécaires, une propension à « penser européen » et contribuer ainsi activement à l'union européenne.
4. Pendant toutes les séances, un très large consensus s'est dégagé pour considérer que toute action communutaire doit être guidée par une approche pragmatique, réaliste et concrète.
5. Bien qu'un effort à long terme soit souhaitable, un sentiment d'urgence, marqué par la volonté générale d'obtenir des résultats tangibles dans des délais raisonnables, s'est également manifesté. Cela suppose une approche par phases, empreinte de souplesse.
6. Toute action devrait inclure deux composantes : d'une part l'harmonisation et la promotion de l'application de règles et de normes internationales; d'autre part, la mise en place, en collaboration avec les bibliothèques participantes, d'expériences pilotes/de démonstration basées sur les réalisations existantes. De plus, de telles actions devraient avoir pour fondement la résolution de problèmes spécifiques.
7. Si l'amélioration des communications et la mise en réseau constituent effectivement une priorité pour améliorer le partage des ressources et des moyens disponibles pour satisfaire les besoins des utilisateurs, les autres aspects abordés pendant l'audition ne sont pas moins importants pour un éventuel programme communautaire (accès multilingue par sujet, préservation/conservation, formation professionnelle). Dans chacun de ces quatre domaines, des orientations générales ont été suggérées en vue d'actions éventuelles.
8. Il conviendrait, le cas échéant, d'établir des liens avec les autres programmes communautaires.
9. Les observateurs présents se sont félicités d'une éventuelle initiative communautaire et se sont déclarés prêts à contribuer au développement de la coopération entre bibliothèques en Europe, cela ne leur paraissant pas incompatible avec leurs propres objectifs. Ils ont toutefois recommandé qu'un programme communautaire soit ouvert à des pays tiers (comme l'a été EURONET).

  1. (retour)↑  Référence COM(87)360 final/2.
  2. (retour)↑  Ce symposium a donné lieu à la publication suivante : New information technologies and libraries, ed. H. Liebaers, W.J. Haas et W. E. Biervliet, Dordrecht, D. Radel, 1985.
  3. (retour)↑  JO, n° C271/1, du 23-10-1985.
  4. (retour)↑  cf. « Mots de passe pour l'Europe », dans ce même numéro.