Information science in theory and practice
Brian C. Vickery
Alina Vickery
ISBN 0-408-10684-0
Les précédents ouvrages de Brian Vickery sont devenus des classiques pour tous ceux qui doivent concevoir et faire fonctionner des systèmes d'information spécialisés. Le nouveau travail, écrit en collaboration avec Alina Vickery, se situe dans le prolongement des efforts du premier auteur pour mieux comprendre les phénomènes qui interviennent aux différentes étapes du transfert de l'information, depuis le scientifique qui produit l'information jusqu'aux diverses catégories d'utilisateurs. « Ce livre est une tentative pour présenter et discuter une compréhension scientifique des processus de transfert de l'information ».
On laisse donc le terrain maintenant bien balisé des techniques de repérage de l'information pour aborder celui, plus mouvant, de la contribution de diverses disciplines à l'analyse scientifique du transfert de sens. L'intérêt de cet essai réside dans cette mise en relations des problèmes pratiques du fonctionnement des systèmes et services d'information avec les disciplines, dont l'objet est d'étudier les phénomènes sous-jacents : sociologie, linguistique, analyse des systèmes, sciences de la communication, etc. La tentative est audacieuse. Les résultats sont intéressants mais, disons-le d'emblée, d'inégales valeurs.
Transfert de l'information : un comportement
Les trois premiers chapitres, assez brefs, rappellent que l'information prend une importance grandissante dans la société post-industrielle et que c'est un concept opérationnel dans d'autres disciplines (e.g. chimie ou biologie). Ceci permet de mieux caractériser le transfert de l'information entre êtres humains selon un modèle qui tient compte des facteurs personnels et sociaux. Le quatrième chapitre étudie les aspects sociaux et psychologiques du transfert de l'information, en décrivant par exemple le processus de diffusion de l'information dans l'entreprise, en laboratoire ou dans un groupe de fermiers. Différentes manières de se comporter à l'égard de l'information sont analysées et l'on reprend les enquêtes qui ont montré par exemple l'importance relative des sources écrites et orales, les divergences de comportement selon le statut social ou la fonction. Les auteurs soulignent alors que les connaissances que nous avons de ces processus psychologiques et sociaux sont très parcellaires et mériteraient des études plus fines et des analyses quantitatives plus poussées si l'on veut pouvoir les utiliser dans un environnement opérationnel.
Dissection d'un système
Le chapitre 5 reprend succinctement les fonctions et les composantes principales d'un système d'information de manière à introduire les deux catégories de problèmes liés à leur conception, les questions de sémantique d'une part, les questions d'interaction humaine d'autre part. Les aspects sémantiques des opérations effectuées dans un système d'information sont mis en valeur dans le chapitre 6, ce qui conduit les auteurs a présenter brièvement quelques éléments de linguistique et de psycho-linguistique jugés pertinents (tests d'associations verbales, relations sémantiques, grammaire des cas). Les questions relatives aux intermédiaires et à l'interaction utilisateur/système d'information sont, quant à elles, étudiées dans le chapitre 7, dans le contexte de la psychologie de la connaissance, des techniques d'entrevues et de l'intelligence artificielle. On décrit brièvement la technique de l'analyse linguistique automatisée (parsing) et deux systèmes experts (MYCIN et PLEXUS).
Le chapitre 8 revient au concept de système d'information et montre comment un grand nombre de données chiffrées disponibles grâce aux recherches bibliométriques peuvent être utilisées au moment de la conception d'un système d'information ou pour en améliorer le fonctionnement. L'évaluation des systèmes fait l'objet du chapitre 9, qui analyse les différentes manières d'évaluer les différentes composantes d'un système d'information. Les références à un certain nombre d'études d'évaluation qui ont fait date viennent utilement appuyer la discussion et souligner les difficultés théoriques et pratiques de cette opération. Le chapitre 10 conclut par l'étude de la place et de la circulation de l'information dans la société. Un ensemble de données chiffrées sur les mass media, la production et la circulation de la documentation imprimée, les services d'information et de bibliothèques, les banques et bases de données sert de base à une discussion intéressante sur le coût de l'information et le risque de coupure entre deux segments de la société selon les possibilités d'accès à l'information (information rich and information poor). Une abondante bibliographie de plus de 500 titres permet au lecteur de poursuivre ses recherches.
Interdisciplinarité balbutiante
Le débat sur l'existence même d'une science de l'information a plus de vingt ans maintenant et la publication de Information science in theory and practice devrait faire date à cet égard. En effet, l'auteur connaît parfaitement tous les problèmes pratiques que soulèvent l'analyse et la diffusion de l'information et son but est de montrer en quoi certaines disciplines peuvent permettre de contribuer à leurs solutions. Or, les différentes parties donnent au lecteur des impressions assez contrastées. Certains chapitres mettent aisément en évidence le lien entre les théories et la pratique (chapitres 4, 8 et 9 en particulier), mais d'autres laissent le lecteur insatisfait dans la mesure où les conséquences pratiques des discussions théoriques n'apparaissent pas clairement (chapitres 6 et 7). Ainsi, on présente les différentes relations paradigmatiques étudiées en linguistique et les grammaires des cas, sans que l'on sache exactement en quoi ces concepts ont permis de mieux comprendre ou d'améliorer le travail des documentalistes.
De la même façon, une brève description du système expert PLEXUS. conçu pour réaliser la fonction d'interaction utilisateur/système de recherche, n'est pas suivie d'un exposé des leçons que l'on a pu tirer de cette expérience. On pourrait citer de nombreux autres exemples de cet ordre.
En d'autres termes, en essayant d'examiner concrètement les apports de différentes disciplines à la fonction documentaire, les auteurs mettent en lumière, volens noiens, que l'interdisciplinarité, dont on attendait tant, a encore beaucoup de chemin à faire. Les analyses précises et rigoureuses requièrent de la part du lecteur une attention soutenue. Le désir de clarté sera quelquefois insatisfait, car certains thèmes sont abordés en plusieurs endroits (e.g. techniques d'analyse statistique, psychologie de la connaissance, étude des mass media). Il faut noter aussi que certaines disciplines ne sont pas abordées du tout (épistémologie, théorie mathématique de l'information), sans doute parce que les liens avec les problèmes pratiques sont plus ténus. Il reste que l'ouvrage mérite d'être lu par tous ceux qui s'intéressent aux problèmes théoriques de la fonction documentaire et qui souhaitent l'améliorer par le biais de la recherche fondamentale ou appliquée. En particulier, cette contribution donne de nombreuses pistes de recherche qui méritent l'examen attentif des jeunes chercheurs.
En définissant de manière rigoureuse les problèmes du transfert de l'information et en indiquant certaines disciplines susceptibles de contribuer à leurs solutions, les auteurs ont réalisé une tâche très difficile et qui était nécessaire depuis longtemps.