Imprimeurs et libraires parisiens du XVIe siècle
Paris : Bibliothèque nationale, 1986. - XXXIV-524 p. : 37 cm.
ISBN 2-7177-1745-5
En décidant de publier le Répertoire des imprimeurs et libraires parisiens du XVIe siècle, d'après les manuscrits de Philippe Renouard, le Service des travaux historiques de la Ville de Paris et la Bibliothèque nationale ont entrepris, à partir de 1964, une oeuvre essentielle pour la connaissance de la production des presses parisiennes au temps de l'Humanisme et des Réformes.
Trois volumes recensant la production des imprimeurs et libraires, de Abada à Billon, ont été publiés entre 1964 et 1979 ; un quatrième volume, Binet-Blumenstock, va paraître au cours de l'année 1987. Mais les recherches et les vérifications indispensables sont longues et malaisées. Pour accélérer la publication, la Bibliothèque nationale a pris, au début des années 1980, l'heureuse initiative d'imprimer sous forme séparée des fascicules consacrés à un seul atelier et destinés à s'insérer dans la série alphabétique du Renouard. Ainsi, ont été édités, en 1982, le fascicule Breyer, en 1984 le fascicule Brumen, et le présent fascicule en 1986. Parallèlement, est publié par les soins de Brigitte Moreau le précieux Inventaire chronologique des éditions parisiennes du XVIe siècle dont les trois volumes édités entre 1972 et 1985 couvrent les années 1501 à 1530.
Cette méthode de travail, dans trois directions complémentaires, encouragée par les crédits alloués à la Bibliothèque nationale par la Mission de la recherche, permet une publication plus rapide de cet instrument essentiel de référence qui, malgré tout, ne sera achevé qu'à une date lointaine et encore incertaine. Ce volume consacré à Guillaume Cavellat, associé un temps à Marnef, à la veuve de Guillaume Cavellat, à Pierre, Léon et Jean Cavellat, est l'ouvrage d'Isabelle Pantin et constitue l'aboutissement de quatre années passées rue de Richelieu. Sylvie Postel-Lecocq et Geneviève Guilleminot-Chrétien ont prêté leur concours à la correction des épreuves, permettant ainsi la publication d'un volume de plus de 500 pages recensant 600 éditions. Les règles suivies pour la rédaction de ce volume sont les mêmes que celles adoptées dans les deux fascicules précédents, à ceci près que les documents d'archives déjà édités ne font plus désormais l'objet d'une simple citation, mais sont analysés d'une manière succincte, après vérification des originaux.
A elle seule, la liste des bibliothèques citées, en France et à l'étranger (p. IX-XXVI), montre l'étendue de l'enquête menée pour repérer et localiser les exemplaires des ouvrages produits par les ateliers étudiés. Elle suppose d'incessantes recherches, un échange constant de correspondance pour obtenir la communication de tel exemplaire ou, à défaut, des photocopies; des informations sur des points précis. Solidement basé sur une telle enquête, appuyé aussi sur une importante bibliographie (p. XXVII-XXXIII), constitué par des notices précises et claires de chaque ouvrage, ce répertoire ne peut que répondre aux voeux des spécialistes de l'histoire du livre et des idées.
Son intérêt est d'autant plus grand que la production de Guillaume Cavellat, associé ou non à Marnef et, à un moindre degré, celle de ses successeurs, allant de 1547 à 1588, permet de définir la politique éditoriale de cette maison. Entre 1547 et 1563, quelque 150 éditions réelles sortent sous la marque de la poule grasse de Cavellat, au rythme de dix à quinze par an en moyenne, la période de production la plus importante se situant entre 1555 et 1558. La répartition de ces 150 éditions selon les disciplines dont elles relèvent ou les types d'ouvrages auxquels elles s'apparentent s'établit ainsi : 75 éditions de mathématiques (incluant les sciences annexes comme l'astronomie et la cosmographie) ; 18 de florilèges et recueils divers ; 18 de religion ; 7 d'histoire ; 7 de médecine ; 6 de morale et de philosophie, 4 de droit et 2 d'architecture. Cette classification fait ressortir le trait le plus marquant de la politique édioriale de Cavellat. Peu tourné vers les belles lettres, il a cependant édité le Recueil de poésie de Du Bellay (1549) et des Odes de Ronsard (1550, 1553). Les 75 éditions de mathématiques présentent certaines caractéristiques spécifiques. Cavellat en a été le promoteur unique : une seule est partagée ; toutes de format in-8e, illustrées pour la plupart, ont été imprimées avec le matériel de Benoît Prevost ; beaucoup ont bénéficié de la pratique de l'« émission programmée », ayant été distribuées sur le marché sous plusieurs dates, ce qui donne un total de 122 éditions apparentes. En outre, Cavellat a placé en tête des éditions les plus remarquables un Avis au lecteur où il précise clairement la part prise par son officine à la promotion des sciences à Paris.
Cavellat a essentiellement publié pour les étudiants, public limité mais stable et régulièrement renouvelé. Son activité dépendait donc des programmes liés à la tradition et aux initiatives des professeurs. Ses réalisations les plus originales, l'Algèbre de Scheubel (1552), le Ptolémée de 1556, le commentaire au De numero arenae d'Archimède, l'Euclide de 1557 ont été édités grâce à la volonté de professeurs comme Jean Magnien ou Pascal Du Hamel de renouveler la matière de leur enseignement. Pour répondre aux désirs de sa clientèle, Cavellat trouva plus avantageux de stocker les livres pendant quelques années, plutôt que d'en donner de nouvelles éditions à des intervalles trop rapprochés : il prit l'habitude de demander à son imprimeur de lui fournir, pour une édition donnée, quelques exemplaires portant la date réelle, et les autres une autre date. S'il n'était pas l'inventeur de ce procédé, il sut toutefois l'utiliser avec une constance remarquable.
L'association ente Jérôme de Marnef et Guillaume Cavellat (1563-1576) et celle entre Marnef et Denise Girault, veuve de Cavellat (1577-1596) n'a pas eu pour résultat une augmentation sensible de leur production ; la politique éditoriale menée sous la marque du Pélican n'a jamais acquis une réelle unité et est restée tributaire de deux tendances distinctes aboutissant à la prédominance du courant Marnef et à l'abandon par Cavellat de ce qui avait fait l'originalité de son entreprise.
Ces quelques notations montent l'intérêt de ce fascicule et la richesse des informations qu'il apporte sur l'activité éditoriale des Cavellat et leur associé. La publication d'analyses de textes notariés, la précision des notices bibliographiques et enfin un copieux index alphabétique achèvent de donner à ce volume toute sa valeur scientifique et intellectuelle. Puisse la Bibliothèque nationale poursuivre cette entreprise si bien commencée depuis quelques années.