Les lettres françaises

Annie Le Saux

« Ecriture et typographie, pour une culture contemporaine », tel fut le thème du colloque organisé les 2, 3 et 4 juin par l'Atelier national de création typographique (ANCRT) *, créé en 1985 afin de réhabiliter la typographie française.

Comment parvenir à intégrer la typographie dans un ensemble ? Cette volonté se traduisait déjà par le choix des intervenants : professionnels de la typographie bien sûr, mais aussi enseignants de niveau général, universitaires et enseignants des écoles de beaux-arts. Or, bien que cette nécessité d'échanges entre spécialistes et universitaires ait été le leit-motiv de ces journées, les difficultés à instaurer une plus grande coopération entre eux.n'ont pas été pour autant abolies.

Comment introduire la typographie à tous les niveaux de l'enseignement ? En faisant un retour à l'ancienne. Au niveau de l'enseignement primaire, une constatation : si les enfants écrivent mal, c'est qu'ils n'écrivent pas ou peu. Une lueur d'espoir : on note actuellement des rééditions de livrets d'écriture et une tendance à reconsidérer l'écriture comme un acte graphique faisant appel au travail de l'oeil et de la main. Dans les écoles des beaux-arts, réintroduction également de la typographie qui est enseignée dans le cadre de la communication, non seulement comme objet plastique, mais aussi en fonction de sa lisibilité - ce qui ne signifie pas absence de créativité -, dessinant ainsi la frontière entre arts plastiques et arts graphiques. Différente du manuscrit, elle est image à l'intérieur du texte, incarnation de l'écriture alphabétique. En Chine, une véritable langue écrite s'est créée face à la langue verbale. Le minimum sémantique est noté et non le discours. Il y a participation directe et concrète du lecteur, par nécessité d'interpréter le signe et le contenu sémantique du texte, ce que l'on peut retrouver en Occident dans le libellé des télégrammes.

De tout temps et dans toutes les civilisations, il y a eu alliance entre l'histoire et l'histoire de la lettre : les graveurs ont traduit et traduisent toujours dans leurs créations les préoccupations de leur temps. Actuellement, les sollicitations pour les nouveaux médias ne peuvent pas, pour autant, masquer les besoins typographiques qui nous entourent : génériques de films au cinéma et à la télévision, affiches, publicité en pleine expansion ; se pose simplement le problème d'une nouvelle typographie modulaire et mobile destinée à l'écran informatique.

Jamais non plus, jusqu'à présent, un nouveau médium ne s'est entièrement substitué au médium précédent, et le rapport qui existe entre l'écriture informatisée et la typographie rappelle celui qui existait entre la typographie et la calligraphie. L'informatique peut être un détour pour réhabiliter l'écriture. Le développement des imprimantes à laser, de son côté, contribue à la survie de la typo sur papier.

S'il s'est avéré souhaitable d'accroître les relations entre typographes et enseignants, une collaboration entre informaticiens et graphistes n'en a pas moins semblé indispensable si l'on veut produire des outils performants, aptes à offrir un travail de qualité. Cependant, trop souvent le décalage entre professionnels et chercheurs se fait sentir, les uns allant trop vite et ne laissant donc pas aux autres le temps pour l'expérimentation - la vitesse étant privilégiée, au détriment de la qualité. Or, le temps, la patience et la volonté ne sont pas à négliger pour qui cherche à revaloriser la typographie, ce terme qui sent le plomb et l'antimoine !

  1. (retour)↑  L'ANCRT est situé dans les locaux de l'Imprimerie nationale, où s'est également tenu le colloque (8, rue du Capitaine Ménard).