Informatique et bibliothèques
pourquoi et comment informatiser une bibliothèque
Hervé Le Crosnier
Paris : Editions du Cercle de la librairie, 1986. - 275 p.; 24 cm. - (Collection Bibliothèques)
ISBN 2-7654-0344-9.
ISBN 2-7654-0339-2: 130 F.
Au printemps dernier, le Cercle de la librairie publiait, dans sa collection « Bibliothèques 1 », deux ouvrages sur l'informatique et les bibliothèques : Il est d'autant plus facile de les associer dans ce compte rendu que leurs contenus et leurs objectifs ne les rendent pas directement concurrents.
La micro-informatique : un nouveau secteur de la bibliothèque, rédigé par Hervé Le Crosnier (conservateur à Caen) a pour but d'apporter aux bibliothécaires les éléments de base indispensables pour introduire correctement les logiciels dans les fonds des bibliothèques. Introduction d'un nouveau support, parmi d'autres, qui devrait permettre aux bibliothèques de devenir progressivement des « réservoirs de toutes les formes de communication » et de « concilier la micro-informatique et les secteurs traditionnels de la culture ».
Informatique et bibliothèques : pourquoi et comment informatiser une bibliothèque, est un manuel collectif 2. Dès l'avertissement, les auteurs affichent leur « ambition » de convaincre les bibliothécaires que « les avancées de l'informatisation sont inéluctables et que les îlots à ce jour préservés que sont les bibliothèques devront accueillir des méthodes nouvelles pour mener à bien l'ensemble de leurs fonctions ».
Bien structurés, les deux ouvrages sont clairs et de lecture facile. Les auteurs ont évité le piège de la langue de bois que certains croient indissociable de la technicité... Gageons que ce choix judicieux leur attirera un large public de professionnels insuffisamment rodés au vocabulaire des nouvelles technologies. Ainsi, le bibliothécaire soucieux de saisir toutes les subtilités de termes qu'il manipule de plus en plus fréquemment, tout en tremblant de dire une énormité (tels les : bogue, microprocesseur ou modem), pourra utilement se reporter à ce que l'un appelle « lexique informatique » et les autres « glossaire ». Regrettons, néanmoins, dans les deux cas une maquette fort dense et donc bien peu attractive.
Des lacunes comblées
Ces deux livres comblent, en partie mais avec des réussites inégales, des manques évidents dans la littérature professionnelle française. Si Hervé Le Crosnier s'est attaqué à un domaine bien circonscrit, ce qui lui a facilité la tâche, les auteurs du second ouvrage ont mis la barre très haut en abordant un domaine vaste et fort complexe, ce qui les a amenés à quelques lacunes fâcheuses, à des imprécisions gênantes et au « gommage » de problèmes indissociables cependant de l'informatisation des bibliothèques. Il est fort probable qu'ils étaient conscients de ces écueils mais qu'ils n'ont pas trouvé, pour les dépasser, de moyen conciliables avec leur volonté de concision.
La compilation, dans un ouvrage commode et d'utilité immédiate, de connaissances élémentaires et indispensables est à mettre au crédit d'Hervé Le Crosnier. Certes, une lecture quelque peu assidue d'un périodique d'accès aussi facile que Sciences et Vie Micro apporterait la presque totalité de ces informations... Il n'empêche : ce livre va faire gagner beaucoup de temps à de nombreux bibliothécaires et leur permettre de s'acheminer plus sereinement vers la constitution des médiathèques de demain 3.
Après un rapide historique sur « Quarante ans d'informatique », l'auteur apporte tout d'abord les informations générales nécessaires aujourd'hui aux bibliothécaires; il traite ensuite les différents aspects bibliothéconomiques et l'introduction des logiciels dans les bibliothèques.
Il dresse d'abord un inventaire du matériel informatique, décrit l'état du marché, passe en revue les grands types de logiciels, leurs applications et les problèmes d'édition avant de s'attarder un peu plus longuement sur l'Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO), puisque les logiciels appelés didacticiels constituent une part importante des documents informatiques actuellements introduits dans les bibliothèques.
Il aborde ensuite les problèmes posés par l'acquisition et le traitement bibliothéconomique de ces documents 4 et donne enfin une bibliographie (presse et livres) qui correspond bien aux besoins du public auquel il s'adresse.
Le second ouvrage débute, de manière identique, par une introduction historique; celle-ci décrit rapidement les grandes étapes de l'informatisation des bibliothèques dans le monde et en France. Elle parle de l'ensemble des bibliothèques mais privilégie concrètement les bibliothèques de lecture publique, voire la Bibliothèque nationale, au détriment des bibliothèques universitaires. Ainsi les seuls « produits » cités les concernant (dans l'introduction comme dans le reste de l'ouvrage) sont ceux qui permettent un fonctionnement coopératif auquel participent également les bibliothèques de lecture publique, tel le Catalogue Collectif National des publications en série (CCN); de la même manière, si OPSYS, GEAC et LIBRA sont bien cités, SIBIL, par contre, semble être inconnu des auteurs. On aurait préféré qu'ils s'en tiennent explicitement au seul secteur de la lecture publique évitant ainsi des risques de confusion dans l'esprit de lecteurs peu avertis.
L'ouvrage traite ensuite, de manière sans doute un peu trop scolaire, les problèmes de l'informatisation : objectifs, fonctions à informatiser, normalisation et coopération, données informatiques et démarche à suivre. Utile, cet ouvrage est une source importante d'informations nombreuses mais souvent trop théoriques qui sera certainement un outil de référence fort utilisé par les élèves de l'ENSB (ou de l'ENSSIB) et tous les professionnels soucieux de se recycler. Il est donc prudent de dire clairement quelles sont ses limites.
Tout d'abord, l'informatisation des bibliothèques y est traitée de manière encore trop nombriliste comme si de telles actions pouvaient être abordées sans tenir compte de nombreux facteurs, ou contraintes, extérieurs à la (ou aux) bibliothèque(s). Ensuite, il faudrait déterminer quelle place tient l'informatisation documentaire dans le marché informatique général; il faudrait savoir que les gouvernements successifs ont eu dans ce domaine des approches économiques protectionnistes avec lesquelles il a bien fallu compter; savoir qu'informatiser une bibliothèque ne peut se faire sans référence aux politiques documentaires nationales (celle de la DBMIST, ou celle de la DLL) ou locales (mairies, départements, régions ou universités), et que ces politiques ne sont pas obligatoirement les mêmes...
Approche théorique
On peut admettre que l'informatisation des bibliothèques soit conçue à partir de grands systèmes coopératifs et de produits de gestion intégrée ; regrettons néanmoins que les auteurs n'aient pas dit qu'il existait d'autres approches et aient passé sous silence la micro-informatique qui correspond cependant souvent beaucoup mieux à la réalité des bibliothèques pour des raisons de taille et de coûts. Si ce livre aborde les problèmes d'ergonomie (ce qui est bien nouveau dans les bibliothèques), on peut regretter qu'il ne donne pas suffisamment d'importance aux problèmes psychologiques à prendre en compte au moment de l'introduction de l'informatique.
Manuel théorique, l'ouvrage convaincra, peut-être, les professionnels encore réticents de ce que les bibliothèques ne peuvent plus ignorer l'informatique. Sans doute eût-il été plus efficace pour ce faire d'apporter les mêmes informations à partir de l'étude de quelques cas concrets d'informatisation avec leurs réussites et leurs échecs... Mais cela serait un autre ouvrage et reconnaissons qu'il aurait demandé beaucoup plus de temps. Regrettons enfin, et sans nier l'utilité des annexes (essentiellement celle du glossaire) l'absence d'un index des systèmes existant actuellement sur le marché, qui donnerait leur âge, leurs caractéristiques et les principaux lieux d'implantation.
Disons, pour conclure, et atténuer ce qui pourrait sembler trop critique envers l'ouvrage Informatique et bibliothèques, qu'on serait malvenu de se contenter de reprocher à ses auteurs les imperfections en laissant de côté le positif de leur livre qui permet une approche globale de l'informatisation des bibliothèques.