Préservation et conservation

Formations

Jeanne-Marie Dureau

Le congrès de Vienne était immédiatement suivi par un séminaire de deux jours consacré à l'enseignement de la conservation/préservation, également hébergé par la Bibliothèque nationale de Vienne. Cette réunion était une initiative conjointe de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires, du Conseil international des archives et de la Fédération internationale de documentation. C'est dire qu'on voulait envisager cette question sans la cloisonner par d'éventuelles barrières entre les différentes catégories de personnels responsables des documents. La présence du représentant de l'Unesco était aussi un gage pour ne pas se restreindre aux pays dits développés.

Effectivement, l'origine très diverse et internationale des participants aux séances a bien répondu à ce souci : l'Afrique y a côtoyé l'Asie (Inde et Chine), les Amériques du Nord et du Sud, l'Europe, y compris l'Europe de l'Est.

Les points inscrits au programme étaient les suivants : bilan des formations existantes; besoin en filière de formation; qualification des enseignants; documents pédagogiques; formation continue; secteurs de recherche; contenu souhaitable des formations et méthodes d'enseignement.

Il voulait enfin aboutir à des recommandations et un plan d'action.

Le dernier point

Avec autant de questions soulevées, il n'est donc pas étonnant qu'en un délai bref la réunion n'ait pu vraiment remplir que le dernier de ces objectifs.

On ne pouvait pas dresser vraiment un bilan des formations et, tout au plus, a-t-on donné des exemples précis de formations en Espagne, en Inde, en Autriche, en Australie, etc. Par contre, tous les intervenants et participants se sont accordés à insister sur les besoins de filières de formation. La qualification des enseignants a été précisément cernée par Ann Russel du North Eastern conservation center d'Andover qui préconise de joindre des « conservators», des responsables d'opération de conservation, le tout en liaison avec une bibliothèque et en appelant aussi des experts extérieurs. Documents pédagogiques, formation continue et secteurs de recherche n'ont pu être abordés.

Enfin, le contenu même des enseignements et les méthodes d'enseignement ont fait l'objet d'exposés, mais n'ont pu être approfondis par des discussions. Il en a été ainsi certainement faute de temps, mais je crois aussi parce que le séminaire n'a pas bien distingué - s'attachant à la formation à la conservation - entre formation des professionnels chargés de la mise en oeuvre des traitements des documents 1 et formation des responsables de collections ou de programmes de conservation.

Or, la formation des techniciens spécialistes de la restauration n'est pas du tout comparable, me semble-t-il, à celle qu'il faudrait donner à des bibliothécaires, archivistes ou documentalistes.

Les bibliothécaires aussi

Dans le premier cas, en effet, il s'agit d'une formation qui a son autonomie et dont on connaît le contenu. Personne ne conteste la nécessité de ces filières, même si l'on peut déplorer qu'elles soient encore peu nombreuses. Des exemples précis de ce type de formation ont été exposés pour l'Espagne, à Madrid, par C. Crespo, pour l'Inde, à New-Delhi, par Y.P. Kathpalia, pour l'Australie par J. Lyall.

Par contre, la nécessaire formation minimale obligatoire de tous les archivistes bibliothécaires ou documentalistes est loin d'être une idée admise de tous. De plus, ce n'est pas une formation indépendante mais un surcroît dont il faut trouver la place dans des programmes déjà lourds. La nécessité de faire pénétrer cette idée a bien été soulignée par D. Clements (British library), M. Smith (Library of Congress), H. Bansa (Bayerische Staatsbibliothek, München), A. Russel (Andover). Une telle reconnaissance suppose, ont indiqué les intervenants, une très large prise de conscience des problèmes de conservation par le public et par les bibliothécaires eux-mêmes. Cette première condition constitue une étape nécessaire pour que les écoles de bibliothécaires, archivistes, documentalistes intègrent ce point dans un enseignement obligatoire.

Du coup, les propositions précises de H. Bansa sur un cursus 2, sur des méthodes d'enseignement par petits groupes exposées au séminaire, les suggestions d'Otto Wachter sur le contenu des enseignements, d'Ann Russel sur les enseignants, n'ont pas encore été discutées.

Elles se révéleront probablement très utiles après que les résolutions finales du séminaire auront trouvé leur application. Nous finirons donc sur ces résolutions, puisqu'elles sont des moyens pour promouvoir une prise de conscience qui n'est pas encore générale :
- faire un bilan précis des formations existantes et le publier ;
- mettre sur pied des principes directeurs pour la formation des bibliothécaires et archivistes, grâce à un séminaire international ;
- faire de la conservation le thème d'un congrès de la FIAB dans les trois ans ;
- favoriser les échanges d'experts et d'enseignants entre les pays ;
- recommander la création de centres de recherche et de formation dans les pays en voie de développement ;
- faire reconnaître les principes du Congrès de Vienne ;
- favoriser la communication en matière de conservation.

  1. (retour)↑  Périphrase destinée à éviter le mot conservator à la résonnance trompeuse en français et le mot « restaurateur », au rôle trop étroit du point de vue de nos collègues américains.
  2. (retour)↑  Restaurator, vol. 7, n° 1, 1986, p. 36-47.