Le prix de l'information bibliographique à la Bibliothèque nationale
La Bibliothèque nationale poursuit l'informatisation de ses services et la constitution de sa base bibliographique, BN-OPALE *. La mise en place se fait progressivement ; elle se terminera avec l'automatisation de la chaîne de traitement des ouvrages français, vers la mi-1987. La BN dispose d'ores et déjà d'une base riche de 470 000 notices bibliographiques. Mais pour jouer pleinement son rôle, ce stock de données doit être assuré d'une diffusion efficace. C'est à cet effet que le conseil d'administration du 26/6/1986 a approuvé le principe d'une commercialisation de l'information bibliographique en ligne.
Certes la Bibliothèque nationale a toujours eu une activité d'édition et de vente de ses catalogues, mais les perspectives qu'offre l'informatique pour exploiter la bibliographie nationale sur une plus large échelle rendent nécessaire une redéfinition de sa politique commerciale.
Réfléchissant à l'expérience de CANAC (catalogage national centralisé), qui consistait à diffuser gratuitement des notices à une série de bibliothèques, Serge Salomon souligne que « la gratuité n'existe pas, c'est une subvention. Faire payer un service est une garantie de qualité. La pression de la clientèle oblige à se remettre en question ».
Une demande très forte
Selon les responsables de la Bibliothèque nationale, le contexte actuel d'informatisation des bibliothèques leur est tout à fait favorable. La demande d'information bibliographique est très forte à l'heure actuelle.
Les bibliothèques souhaitent récupérer le maximum de notices rétrospectives pour constituer leur fichier de base. Effectuer sur place la saisie de leur catalogue pour le mettre en ligne est long et onéreux. Si l'on évalue les frais de personnel et les délais de l'opération, il est plus rapide et plus économique d'acheter un fichier « clés en main ». Son prix sera toujours modeste finalement par rapport à celui du matériel et des logiciels dans l'équipement informatique de départ. Pour toutes ces raisons, la Bibliothèque nationale développe un service de fourniture de fichiers « personnalisés », par extraction des notices de sa base. A partir de clés numériques, ISBN, numéro de parution dans la Bibliographie de la France, ou bien non numériques, auteur-titre, les informations bibliographiques en format INTERMARC ou UNIMARC sont extraites de la base BN-OPALE. Les données locales propres à la bibliothèque, cote, indices,etc., peuvent être ajoutées aux notices standard.
L'autre service qui va être développé concerne la production du catalogage courant. Les bibliothèques intéressées recevront les bandes contenant l'ensemble des notices du Dépôt légal ou de la Bibliographie de la France, ou des deux à la fois, puisque, dans la base BN-OPALE, les notices passent par ces deux états,. et sont progressivement enrichies. Elles auront alors à sélectionner les notices des titres qui les concernent et à les décharger dans leur propre fichier.
A l'heure actuelle, la base est constituée de 470 000 notices : 400 000 monographies, recensées depuis 1975 pour les notices françaises et depuis 1983 pour les étrangères, et 70 000 notices ISDS de publications en série françaises. Les fichiers d'autorité, auteurs-noms de personne, collectivités-auteurs et mots-matière, représentent par ailleurs 330 000 notices.
Un délai de traitement plus rapide
Lorsque la chaîne française, Dépôt légal et Bibliographie de la France, sera totalement automatisée, la base s'enrichira de l'information bibliographique courante, soit environ 30 000 notices par an. A cela s'ajoute un nombre équivalent de notices pour les ouvrages étrangers reçus à la BN. La question délicate dans le circuit de traitement des ouvrages reste celle des délais. A l'heure actuelle, quatre mois en moyenne s'écoulent entre le timbrage d'un Dépôt légal et la parution de la notice dans la Bibliographie de la France (dont six semaines pour la publication). Avec la base en ligne, le délai ne devrait pas excéder un mois.
Par ailleurs, un programme de récupération rétrospective des notices fera s'élever à 1 million, à la fin de 1987, le nombre de titres correspondant au catalogue des imprimés complet depuis 1970. Selon Geneviève Boisard, « l'appétit de conversion du catalogue ancien est énorme. Elle ne pourra être réalisée que par étapes, si l'on songe que la Bibliothèque nationale a 12 millions de volumes. Des fonds anciens, il n'y a guère que le Catalogue des anonymes, des origines à 1800, en cours d'élaboration, qui sera chargé dans la base. Il restera le Catalogue général auteurs, les publications officielles, les factums, les catalogues de vente qu'il faudra progressivement intégrer ». Il faudra également intégrer les notices des documents spécialisés ; une étude est en cours pour les cartes et plans et la musique imprimée. Il existe en outre une base pour les enregistrements sonores et les vidéogrammes et une base expérimentale pour les estampes.
Le prix de revient d'une notice
Pour financer ce vaste programme, la Bibliothèque nationale compte en partie sur les ressources que lui fournira la vente de ses services, extraction de notices rétrospectives et abonnement à la bibliographie courante. Il ne peut s'agir bien évidemment d'équilibrer, par ces recettes, les dépenses considérables de la production d'information bibliographique. Il y a plusieurs années déjà, des études avaient estimé à 300 F environ le prix de revient d'une notice publiée dans une bibliographie nationale. A ce coût, devraient s'ajouter aujourd'hui les coûts informatiques. Françoise Finelli-Lemelle précise la conception qu'a adoptée la Bibliothèque nationale de la commercialisation de ses produits : « Nous ne cherchons pas du tout à rentabiliser notre travail. Nous sommes un service public. Etablir la bibliographie nationale fait partie de notre mission. Le prix de vente d'une notice n'a absolument rien à voir avec son prix de revient. Nous avons établi une fourchette de prix qui nous paraît raisonnable par rapport à nos clients potentiels. »
Sans chercher à équilibrer ses dépenses, la Bibliothèque nationale se fixe néanmoins des objectifs de recettes. Pour Serge Salomon, « le prix de l'information est le prix du marché, compte tenu de ce que les bibliothèques peuvent payer. Nous allons essayer d'amortir le quart de notre matériel informatique avec le développement de nos prestations pour l'extérieur ».
Le prix de l'information rétrospective a été fixé à 1,5 F pour une notice extraite par clé numérique et à 2,5 F pour une notice extraite par clé non numérique. Pour l'abonnement à l'information courante, le prix est de 2,5 F par titre pour une notice du Dépôt légal ou de la Bibliographie de la France, et de 3,7 F pour les deux états de la notice. Il faut souligner que la bibliothèque paye cet abonnement selon le nombre de ses acquisitions françaises annuelles. Les petits établissements ne sont donc pas pénalisés. Le catalogage de 8 000 ouvrages, par exemple, leur coûtera 20 000 F.
Outre les bibliothèques, les clients potentiels de la Bibliothèque nationale sont également les serveurs institutionnels. « Nous avons mis en place deux types de tarifs, remarque Françoise Finelli-Lemelle, car nous ne voulons pas créer de fausse concurrence. Une bibliothèque doit payer à peu prés le même prix pour l'information bibliographique, qu'elle passe par un serveur ou qu'elle s'adresse directement à nous. Il faut que les conditions soient égales afin que le marché national soit équilibré. En revanche, la qualité du service offert sera peut-être différente et orientera le choix des bibliothèques vers tel ou tel fournisseur. »
De la fiche au CD-ROM
Pour le moment, la diffusion de l'information bibliographique n'est envisagée que sous forme de bandes magnétiques. A terme, la base sera interrogeable en ligne, mais le développement des connexions directes dépendra de l'équipement des bibliothèques et de leur faculté d'adopter ce type de liaison.
La Bibliothèque nationale n'abandonne pas pour autant les supports plus traditionnels. Un service de fiches sera poursuivi pour les bibliothèques qui le souhaitent. Il faut signaler également la mise en vente du Catalogue général auteurs sur microfiches, dont le prix, 48 000 F, peut être avantageusement comparé à celui de la version papier, 75 000 F, dont certains volumes étaient d'ailleurs épuisés.
Il n'est pas question non plus de supprimer l'édition imprimée de la Bibliographie de la France. Le risque de concurrence entre les différents suppports est évoqué par Geneviève Boisard : « Ce sont des produits complémentaires. L'accès en ligne sert à la recherche ponctuelle. La version papier permet, par ses sections thématiques, de se tenir au courant des nouveautés. Il faudra, de toutes façons, mieux définir le créneau de chaque mode de diffusion. »
Aucune solution n'est écartée aujourd'hui, puisqu'est même évoquée l'éventualité d'une édition sur CD-ROM des fichiers d'autorité et de l'ensemble des notices françaises depuis 1975. Mais, selon les responsables de la Bibliothèque nationale, le choix de privilégier tel ou tel support de diffusion de l'information sera fait, une fois de plus, en fonction de la demande et de l'évolution technologique des bibliothèques françaises.