La formation des bibliothécaires en Autriche

Édith Fischer

Les fonds des bibliothèques universitaires autrichiennes s'élèvent à un total de 25 millions de volumes, avec un accroissement annuel d'environ 650 000 ouvrages et 100 000 périodiques scientifiques vivants.

D'après le Guide des bibliothèques universitaires et des centres de documentation, il y a, en Autriche, plus de 1 400 établissements d'information spécialisée, sous la tutelle d'autorités diverses, dont essentiellement la République fédérale et les Etats fédéraux. La Bibliothèque nationale d'Autriche, les douze bibliothèques universitaires, les bibliothèques des six académies des beaux-arts, ainsi que les bibliothèques de tous les établissements scientifiques, des musées et de la Direction des monuments nationaux sont toutes placées sous l'autorité du ministère des Sciences et de la Recherche, ce qui représente un fonds d'environ 16 millions de volumes et 80 000 périodiques vivants.

Les bibliothèques universitaires ont fait récemment l'objet de réformes importantes. Ainsi le contenu et la répartition des tâches ont été redéfinis sur une base légale; bon nombre de bibliothèques et d'extensions ont été achevées, d'autres sont encore en cours de construction; les premières réalisations informatiques consistent en un système de prêt automatisé et une banque de données des périodiques autrichiens. L'informatisation de la gestion des bibliothèques n'en est encore qu'au stade de projet. Des services d'information ont été installés dans toutes les bibliothèques pour la diffusion des références bibliographiques reçues en ligne à partir des banques de données nationales et internationales.

Une formation évolutive

Si l'espace, le personnel et les moyens financiers sont les ingrédients de base du bon fonctionnement des bibibliothèques, ils ne peuvent suffire : les bibliothécaires devraient recevoir une excellente formation et être suffisamment motivés pour donner de bons résultats. Et la formation des bibliothécaires a été également un cheval de bataille dans les réformes des bibliothèques en Autriche.

Deux nouveaux systèmes de formation ont été mis en place pour satisfaire l'accroissement des demandes; l'un pour les catégories A et B (les diplômés des universités et des grandes écoles) est en vigueur depuis 1978, l'autre pour les catégories C (techniciens spécialistes) depuis 1985. Le programme de formation et l'examen final ont été réadaptés aux exigences professionnelles modernes. Malgré un allégement conséquent et un accord de principe sur l'enseignement des connaissances de base, la formation s'est cependant considérablement élargie. Il existe par ailleurs des stages de perfectionnement et de spécialisation dont le nombre devrait augmenter. Ce procédé économique et rationnel s'inscrit tout à fait dans la ligne politique de l'Autriche; en outre, il correspond à des besoins professionnels caractérisés par une capacité de redéfinition et de renouvellement incessants qui permettent de suivre le rythme des progrès technologiques.

Ainsi apparaissent de nouvelles matières, telles les études de gestion, construction et aménagement des bibliothèques spécialisées et des centres de documentation, reprographie, moyens audio-visuels, promotion et formation à l'utilisation des bibliothèques, études de documentaires et d'archives; on a élargi le contenu et la durée de l'enseignement de certains sujets comme les problèmes juridiques et le traitement informatisé des données découlant de l'enregistrement des documents dans tous domaines. La bibliothéconomie et la documentation ont reçu la même attention. Une tentative de modernisation des méthodes d'enseignement a été entreprise grâce à des moyens audio-visuels, des jeux de simulation économique, etc. La structure de la formation a été simplifiée et refondue, tout en liant plus étroitement théorie et pratique.

Formation à différents niveaux

Tout ceci n'a pu être réalisé qu'en scindant la formation en deux : au niveau universitaire, la première partie du programme se déroule dans six grandes bibliothèques centres de formation - Vienne, Graz, Innsbruck, Salzbourg et Linz. L'accent est mis ici sur la pratique, depuis l'acquisition des documents jusqu'à la fourniture d'informations; les diplômés suivent des cours de seize semaines, les élèves des grandes écoles de treize semaines. Une formation pratique de plusieurs semaines dans des bibliothèques et des centres de documentation précède la seconde partie du programme qui se déroule au centre de formation de la Bibliothèque nationale d'Autriche (douze semaines pour les diplômés et sept pour les autres). Cette seconde phase porte essentiellement sur des sujets tels que les problèmes juridiques, la construction et l'aménagement des bibliothèques, l'histoire du livre et les médias.

En ce qui concerne le personnel technique (catégorie C), sa formation est décentralisée; les agents peuvent suivre des cours dans les six bibliothèques centres de formation citées plus haut. La formation de base s'appuie sur le principe suivant : aussi courte que possible, mais aussi longue que nécessaire. Comparée à celle d'autres pays, cette formation nous semble relativement courte, mais elle reste pourtant excessivement longue aux yeux des chefs d'établissements; cela tient aux dispositions légales, en vertu desquelles toute affectation implique obligatoirement une formation. Le chef du département formation en assure la coordination et le contrôle. Quant aux enseignants, leurs tâches dépassent souvent leur service normal.

L'examen est également fractionné en plusieurs parties, afin d'assurer la maîtrise d'un aussi vaste domaine. Les étudiants de niveau universitaire doivent remettre un dossier, tandis que les candidats de catégorie B ont le choix entre un dossier et un examen écrit traditionnel. L'oral comprend aussi bien le droit constitutionnel et administratif, la réglementation de l'emploi et des salaires des fonctionnaires, que les problèmes juridiques posés par la protection des données, le copyright, etc. Les autres matières englobent le fonctionnement, le développement, l'organisation, le catalogage, ainsi que la collecte et la communication de l'information.

La partie pratique de l'examen réservé à la catégorie C comprend quelques exemples simples d'acquisition, l'enregistrement en bonne et due forme des documents, et l'application pratique des règles de catalogage et des procédures de commande. L'oral porte sur les mêmes matières que celles des catégories A et B, mais à un niveau moins approfondi.

Il faut souligner que la formation de base des bibliothécaires spécialistes et des documentalistes est identique et commune, parce que, d'une part ces deux groupes travaillent en étroite collaboration, d'autre part il faut encourager au maximum la mobilité au sein de l'ensemble des métiers de l'information.

Affaire d'État

La formation des bibliothécaires d'université en Autriche est caractérisée par le fait que tous les postes des bibliothèques universitaires sont des postes d'Etat, donc occupés presque entièrement par des fonctionnaires. Le ministère des Sciences et de la Recherche en est responsable ; son organisation repose sur un directeur nommé par le ministre, et sur le département de la formation de la Bibliothèque nationale : aucun programme ne peut être mis en route tant que la nomination de ce directeur n'est pas effective.

Grâce à la réforme, les non-fonctionnaires peuvent désormais suivre une formation légalement reconnue, ce qui est très important pour les documentalistes du secteur privé ou des comités et syndicats.

Toute formation effectuée à l'étranger et de statut analogue est reconnue, à condition toutefois que les études juridiques portent sur le système autrichien.

La formation en Autriche se situe donc à un niveau postuniversitaire et est financée par l'Etat. D'une durée de deux ans, elle est assurée par un personnel à temps partiel et ne concerne, faute de place, que 50 ou 60 candidats. Les étudiants réussissant l'examen final obtiennent un diplôme national leur garantissant un poste d'Etat.

Même si l'expérience a prouvé que le champ des connaissances s'est élargi, quelques problèmes juridiques se sont posés : réciprocité de la formation universitaire et postuniversitaire dispensée à l'étranger, morcellement des matières, etc. Des efforts sont réalisés actuellement pour définir le domaine de la science de l'information dans les programmes universitaires.

Outre cette formation de base, la formation continue joue aussi un rôle important de perfectionnement pour les personnels professionnels qualifiés. On attache beaucoup d'importance à leur promotion et à leur formation continue; ils sont encouragés à suivre des formations extérieures et on organise ou on aide des sessions de formation sur différents sujets d'intérêt professionnel.

Le versant lecture publique

L'organisation des bibliothèques publiques est totalement différente de celle des bibliothèques universitaires. Les bibliothèques publiques relèvent des conseils municipaux, des églises et organismes divers. Elles sont en partie subventionnées par le ministère de l'Education, des Arts et des Sports qui coiffe également les bibliothèques scolaires. C'est ce ministère qui a lancé la fondation de la Société autrichienne des bibliothèques publiques et des bibliothécaires en 1948. En dépit de plusieurs tentatives, les bibliothèques publiques n'ont jamais pu obtenir une loi leur assurant un statut culturel, économique et politique à l'image de nombreux autres pays.

En Autriche, ce sont 500 employés à temps plein et environ 4 000 autres personnes (bénévoles et à temps partiel) qui travaillent dans les bibliothèques publiques. Le plan de formation a dû être ainsi élaboré en deux parties; il s'appuie sur les termes d'un accord intervenu en 1965 entre le ministère de l'Education, des Arts et des Sports, les municipalités et la Société autrichienne des bibliothèques publiques et des bibliothécaires.

Ces bibliothèques publiques sont au nombre de 2 300 environ et dépendent de diverses tutelles avec approximativement 800 000 lecteurs inscrits; la moyenne des prêts est de 13 millions de volumes par an.

Les contenus

Le conseil d'Education, qui a la responsabilité de tous les programmes d'enseignement et d'examens, est constitué d'un représentant du ministère de l'Education, des Arts et des Sports, de l'agence autrichienne d'urbanisme, des conseils régionaux et municipaux, et de la Société autrichienne des bibliothèques publiques et des bibliothécaires.

Un enseignement de base est offert aux bénévoles et aux agents à temps partiel; cet enseignement, qui a lieu à l'Institut national de formation pour adultes, comprend deux parties. Les cours, polycopiés, sont disponibles au ministère de l'Education. D'autres cours de formation professionnelle sont aussi dispensés à intervalles réguliers. L'examen comporte un écrit et un oral.

Les bibliothécaires de catégories C et D des bibliothèques publiques, à temps plein et à temps partiel, ont la possibilité de recevoir une formation parallèle dans les différentes bibliothèques centres de formation. Celles-ci doivent disposer d'un minimum de personnel, de documents, d'espace et de services. Les cours couvrent les matières suivantes :
- la bibliothèque publique, fonctions et organisation ;
- gestion des bibliothèques; - livres et littérature ;
- panorama général de la littérature mondiale ;
- fichier alphabétique d'auteurs ;
- l'Etat et les lois ;
- littérature allemande au niveau supérieur.

Pour les bibliothécaires qualifiés de catégorie B, l'examen comprend la présentation d'un dossier, une épreuve écrite de quatre heures et un oral; cette épreuve écrite n'est que de deux heures pour les bibliothécaires de catégorie C, moins spécialisés, et le dossier n'est pas obligatoire.

Les diplômés d'une école de bibliothéconomie étrangère dont les titres correspondent à ceux des bibliothécaires qualifiés d'Allemagne de l'Ouest peuvent solliciter, auprès du conseil d'Education, le statut de bibliothécaire qualifié conformément aux textes.

La direction des bibliothèques municipales des établissements de plus de 20 000 volumes, des bibliothèques comportant des services spécialisés, des sections spécialisées dans les réseaux de bibliothèques municipales et des services techniques devrait incomber à des bibliothécaires qualifiés de niveau universitaire. Il existe des réglementations particulières (fonctionnaires, examens d'entrée en fonction dans les états fédéraux, etc.) pour les conditions d'admission et de recrutement des professionnels de haut niveau.

Ceci ne facilite pas l'unification de la formation, alors que l'enseignement de base devrait en principe être le même pour tous. En conclusion, il faut insister sur l'importance des évolutions intervenues dans la bibliothéconomie autrichienne surtout en ce qui concerne les bibliothèques universitaires. La formation professionnelle est encore en pleine éclosion. C'est en fait l'accroissement des demandes d'information qui améliorera la formation des spécialistes en la matière.

Illustration
Les bibliothèques universitaires et de recherche en Autriche