Référence : un service trois étoiles

Francine Carrière

Définition du rôle de service de référence à l'intérieur d'une bibliothèque d'université et description des modalités de fonctionnement. Le service fourni peut aller du niveau 1 (localisation des documents où le public pense trouver son information) au niveau 3 (information très élaborée sur les différents moyens d'accès et leur maniement); un service efficace suppose des moyens bibliographiques variés mais surtout un personnel à la fois compétent et formé aux techniques de relations et de communication.

Definition of a three-star service in a university library and description of its functioning. The supplied service may be at level one (localization of the documents where the public hopes to find some information) as well as at level three (elaborated information on the various access modes and their use); an efficient service implies various bibliographic supplies and a competent staff well trained to relation and communication methods

Les services aux usagers d'une bibliothèque peuvent être multiples et variés. Plusieurs ont fait l'objet d'études ou de publications. Qu'il s'agisse du prêt interbibliothèques ou de la recherche documentaire informatisée, le personnel des bibliothèques y est sensibilisé. Il en est peut-être autrement du service de référence. Pourtant, il est un de ceux qui étiquettera particulièrement l'image de marque de la bibliothèque et pourra devenir sa meilleure action de marketing. Dans une vision globale de services publics quelle place tient-il ? Quel niveau de service de référence pouvons-nous offrir ? Quel rôle y joue le bibliothécaire ? Quelle importance accordons-nous à l'usager et à ses besoins documentaires ? Comment se déroule l'entrevue de référence ? Quelles techniques utilisons-nous pour arriver à la satisfaction du lecteur ? Pour répondre à ces questions, je m'appuierai sur la conception nord-américaine des services de référence d'une bibiothèque 1 et sur mon expérience personnelle comme bibliothécaire de référence dans ce genre de service 2.

Menu de service

Avant d'amorcer cette réflexion, précisons quelques termes.

Service de référence : celui qui existe trop souvent à l'état embryonnaire... Dans une structure de service public, il est un des services à l'usager. Il comprend l'accueil, l'information, l'aide à la recherche manuelle ou informatisée, la formation des usagers, etc. Ce sont habituellement des bibliothécaires de référence (conservateurs) qui en assurent le fonctionnement, aidés de techniciens(nes) (bibliothécaires-adjoints). Ces personnes y seront à plein temps ou presque, normalement aux heures d'ouverture de la bibliothèque, tout au moins aux heures d'affluence.

Usager : l'utilisateur, le client, le lecteur, peu importe son nom. Qu'il soit chercheur d'information et/ou fauteur de trouble, il est celui pour lequel la bibliothèque existe. Notre souci de répondre à ses besoins doit être primordial comme celui de toute organisation qui veut garder ou accroître sa clientèle.

Référence : processus de renvois (de voir et de voir aussi) d'une personne à l'autre (et/ou d'un document à l'autre) jusqu'à ce qu'on trouve une réponse. En ce sens, tout le personnel de la bibliothèque peut faire partie du service ou de l'équipe de référence. Chaque personne doit donc connaître le circuit de l'information dans sa bibliothèque pour ne pas donner à l'usager l'impression qu'on joue au « ping-pong » avec lui. Le produit peut être une information factuelle, statistique, bibliograhique, etc.

Bibliothécaire de référence : qui a appris dans sa formation et/ou par l'expérience comment faire aboutir ce processus de renvois de la façon la plus satisfaisante pour l'usager.

Question de référence : la raison pour laquelle le lecteur vient à la bibliothèque. Ce qu'on ne voudrait plus entendre certains jours (toujours répéter les mêmes informations automatiques), mais qui, à tout moment, dans sa simplicité ou sa complexité, permet au personnel et à la bibliothèque de jouer pleinement leur rôle.

Entrevue de référence : le moment passé avec l'usager qui devrait aboutir à un éclair de satisfaction. Elle demande de la part de l'interviewer tact, méthodologie, connaissances professionnelles, etc.

« Fast food », cafétéria, gastronomie ?

Après cette clarification, on peut se demander quel niveau de service de référence nous offrons à nos usagers. Est-ce le niveau conservateur 3 (sans vouloir jouer sur les mots), qu'on peut aussi appeler service minimum ? Dans une bibliothèque très achalandée et/ou qui manque de personnel, on cherche à répondre à la question de l'usager en indiquant du bout du nez ou du doigt où se trouve la documentation, l'endroit ou la personne qu'il demande. L'usager effectue toute la démarche seul.

Usager : « Avez-vous la Revue française de finances publiques ?

Bibliothécaire : - Un instant, je vérifie dans la liste... Oui, nous l'avons, la cote est..., montez au premier étage, la revue est sur les étagères à gauche. Les cotes sont indiquées sur les rayonnages ».

Avec ce niveau d'intervention, nous sommes les spécialistes du « fast food » en documentation.

Que donne le niveau moyen ? Le bibliothécaire fait un effort actif pour informer l'usager qu'il reçoit sur les documents de la bibliothèque susceptibles de répondre à sa question. C'est le service cafétéria. Dans les jours très chargés, il revient à l'approche minimum. Reprenons l'exemple précédent avec une nuance qualitative supplémentaire.

Bibliothécaire : « Voulez-vous le dernier numéro ?

Usager : - Non, je voudrais regarder les trois dernières années, je pense qu'il y a eu un numéro spécial sur les coûts des services de santé en France que je voudrais retrouver.

Bibliothécaire : - Vous pouvez vérifier dans le dernier numéro, vous trouverez une liste donnant les titres parus ».

Que donne le niveau maximum ? Le bibliothécaire accompagne l'usager dans sa recherche vers toutes les sources possibles. Il pousse l'entrevue de référence jusqu'à la satisfaction de l'usager. Il facilite les recherches complexes en indiquant dans quels documents primaires 4 secondaires ou tertiaires de la bibliothèque l'usager peut trouver sa réponse, et si ces ressources ne suffisent pas, quels autres bibliothèques, personnes ou organismes peuvent l'aider à compléter sa recherche. L'usager dispose d'un choix abondant dans toutes les nourritures intellectuelles possibles, c'est la gastronomie. Voici à peu près comment se poursuivrait l'entrevue de tout à l'heure.

Usager: « J'ai trouvé le numéro que je voulais mais ce n'est pas suffisant pour le travail que j'ai à faire.

Bibliothécaire : - Qu'est-ce qui vous manque comme type de renseignements ?

Usager : - Des statistiques des autres pays de la CEE, des commentaires, des analyses sur les coûts et l'utilisation des services de santé en Europe.

Bibliothécaire : - Nous avons un index des publications des communautés européennes qui vous aidera à retrouver les documents perhirents. Il existe aussi des index qui vous indiqueront d'autres références bibliographiques sur le sujet. Ils sont ici à côté, je peux vous montrer comment les utiliser. Vous trouverez certainement aussi dans les collections de l'INSEE... »

Chaque niveau de service rapproche davantage l'usager de l'information cherchée. Dans le premier niveau, nous lui indiquons simplement où se trouve l'information. Dans le service moyen, nous ajoutons quelques éléments sur l'utilisation d'une source d'information ou quelques précisions sur l'information elle-même contenue dans cette source. Enfin, dans le service maximum, l'utilisateur reçoit un message de plus en plus proche de l'information qu'il cherche 5.

Alors, en tenant compte de tous les éléments contraignants de nos bibliothèques, quel service de référence voulons-nous ou pouvons-nous leur offrir ? La réponse n'est pas évidente. Le niveau 1 n'est pas nécessairement celui des bibliothèques pauvres en ressources et en personnel. Et la qualité du service ne devrait pas dépendre uniquement de l'humeur du bibliothécaire ou de sa « répugnance » à prolonger une entrevue avec un lecteur. Elle aurait avantage à être discutée dans une politique d'ensemble de services aux usagers. Par ailleurs, le niveau maximum est un idéal, pas toujours réalisable pour une bibliothèque.

Des recettes qui marchent

Les principales conditions pour assurer un service efficace sont :
- la satisfaction de l'usager: elle est notre premier objectif et implique qu'on ne laisse jamais une question sans réponse.
- la présence constante d'une personne du service au bureau de renseignement-information-référence. Il est important que cette personne soit vue dès l'entrée des usagers dans la bibliothèque, qu'elle soit même, si possible, sur leur chemin, qu'elle ait à sa portée les ouvrages de référence qui lui faciliteront la tâche, qu'elle n'ait pas trente-six choses à faire en même temps et soit vraiment disponible.
- une collection d'ouvrages de référence pertinents et à jour, ce qui nécessite un choix rationnel dans les acquisitions et un plan de développement des collections. Il est quelquefois plus important d'avoir des index, des abstracts, des sources bibliographiques que d'avoir des volumes ou des périodiques qu'on ne peut exploiter. L'accès à l'information est beaucoup plus large, même si nous risquons de frustrer des usagers parce qu'ils n'auront pas tout à la portée de la main. Le prêt interbibliothèques leur fournira, la plupart du temps, les documents dont ils ont besoin.
- la formation documentaire assumée par le service n'est pas uniquement le superflu du service maximum : éduquer l'usager dans l'utilisation de la bibliothèque et des instruments bibliographiques demande beaucoup d'énergie et de temps sur plusieurs semaines de l'année, mais cet investissement est sûrement rentable, entre autres pour les bibliothèques qui manquent de personnel: moins de questions d'information et de réponses à répéter. Et quand nous serons débordés par le travail sur place, les demandes par téléphone, le temps passé au terminal pour la recherche documentaire informatisée, il y aura des usagers qui pourront se débrouiller sans notre service maximum. Les lecteurs connaîtront tout de même une ou plusieurs personnes-repère auxquelles ils pourront demander de l'aide. Heureuses aussi les bibliothèques qui peuvent utiliser le minitel ou un micro-ordinateur pour informer et former les usagers...
- la création de guides bibliographiques ou d'outils d'information qui feront connaître davantage les collections et l'utilisation de la bibliothèque; ils ne peuvent suppléer au personnel du service mais ils sont certainement une aide efficace.
- l'utilisation de la recherche documentaire informatisée : beaucoup de bibliothèques offrent actuellement cette possibilité à leurs utilisateurs. Bien qu'elle soit indispensable aux chercheurs, aux thésards, etc., elle n'est pas la panacée qui suppléera à tous les manques documentaires d'une bibliothèque. Il y a quelquefois un espace vide dans la question d'un usager, entre sa vérification au catalogue-matière et son recours à la recherche dans les banques de données. C'est là qu'intervient le bibliothécaire de référence dont la compétence et la connaissance de la bibliothèque permettront d'exploiter vraiment les fonds documentaires sur place avant de recourir à la RDI. Celle-ci n'a pas à masquer la non-connaissance par le personnel des ressources de la bibliothèque. Elle peut montrer cependant certains « trous » dans les collections et aider dans le choix des nouvelles acquisitions.
- La formation d'une équipe où l'information circule: la notion d'efficacité implique très souvent une solidarité entre les gens d'un même service. Connaître quelques éléments essentiels du travail de son voisin pour pouvoir répondre à une urgence lors d'une absence brève. Se faire des « bottins » d'adresses qui serviront à tous, noter les questions difficiles qu'on a résolues ou non, la démarche suivie, accepter d'en discuter avec les autres sont un ensemble de petits détails qui feront gagner du temps à la personne qui cherchera la même chose. Connaître les heures d'ouverture des autres bibliothèques, sur le campus ou dans la ville, la bonne personne à contacter pour tel type de recherche est souvent aussi précieux pour un lecteur que d'avoir sur place le livre qu'il désire. De même, la notion de réseaux et de coopération entre biliothèques d'une même région, d'une même spécialité est importante, non seulement pour rationaliser les collections, mais aussi pour offrir une plus large possibilité de réponses aux questions des usagers. L'obstacle apparent des ressources limitées trouve d'ailleurs sa solution dans la communauté environnante et dans le concept de réseau social 6.

Rencontre du 3e type

Profil du poste à visage humain

Nous avons vu jusqu'ici qu'il faut des compétences professionnelles pour être efficace dans un service de référence, mais j'ajouterai qu'on exige en plus du personnel des services publics (prêt, référence, etc.) des aptitudes particulières pour entretenir de bonnes relations avec le « client ». Les Américains vont très loin en ce sens et insistent sur la nécessaire polyvalence du bibliothécaire de référence. En fait, celui-ci devrait pouvoir intégrer carrière professionnelle et développement personnel pour mieux desservir la communauté, d'après R. J. Merikangas. Le bibliothécaire est, non seulement, un expert de la démarche générale (où trouver quoi) mais aussi un spécialiste d'une discipline. Par ces deux fonctions, il est lui-même engagé dans un processus d'éducation permanente. Il participe au choix et au développement des collections, à la formation des usagers, à la recherche documentaire informatisée, à la rédaction de guides bibliograhiques, etc. Il est un « fournisseur » d'information sur et pour son milieu; il manifeste donc un vif intérêt professionnel pour la communauté qui l'entoure. Il contribue à l'auto-apprentissage de l'étudiant, de l'adulte qui vient lui demander de l'aide : il fait du counseling éducationnel. L'aspect humain de cette participation au processus de référence fait partie des défis du métier. Peut-on espérer avoir autant le souci de développer nos aptitudes à la communication que nos connaissances professionnelles ?

La communication est pourtant un des aspects les plus importants de l'entrevue de référence.

Que le courant passe

D'après plusieurs enquêtes faites aux Etats-Unis et au Canada 7, 30 à 40 % des questions posées sont des demandes d'informations rapides, des questions de premier niveau 8 qui peuvent être résolues par n'importe quel personnel expérimenté de la bibliothèque. Les questions de deuxième (45-50 %) et de troisième niveaux (20-25 %) nécessitent une entrevue de référence habituellement assurée par le bibliothécaire. Dans ces mêmes enquêtes, on dit que 20 à 25 % des questions n'expriment pas les besoins réels des usagers et qu'il est souvent difficile au premier abord d'analyser le niveau de la question. L'entrevue de référence devient donc indispensable. Elle débute au premier contact avec l'usager et se déroule parfois en quelques minutes; c'est justement la clé du problème, car dans ces quelques minutes, nous jouons bien sûr la carte de la compétence professionnelle, mais aussi le défi de la communication. Pourtant, dans le feu de l'action, saisissons-nous le niveau réel de la question ? Est-ce que notre interlocuteur repartira satisfait ? Plusieurs personnes se sont déjà penchées sur l'entrevue de référence. Une association professionnelle en a même fait l'objet d'un symposium 7. J'ai personnellement choisi trois aspects pour en parler: la technique, la fonction pédagogique et le langage non-verbal qui inclut les barrières psychologiques vécues lors de cette entrevue 9. En tenant compte de ces éléments, le bibliothécaire-interviewer montre son souci de rendre la communication la plus claire possible. Les brouillages peuvent se situer au niveau de l'usager désavantagé qui a un problème à résoudre, qui ne sait peut-être pas exactement ce qu'il veut et qui doit recourir à quelqu'un pour l'aider. Ils peuvent intervenir dans le langage non-verbal du bibliothécaire ou de l'usager qui, par leurs attitudes, créent des barrières psychologiques au bon déroulement de l'entrevue. Certains d'entre nous auraient d'ailleurs avantage à suivre des cours de relations humaines pour améliorer leurs techniques d'interview. Ci-après, quelques points qu'on oublie parfois, mais dont il faut tenir compte :
- écouter non seulement avec ses oreilles, sa tête, mais aussi avec son corps, ce qui établit une relation de confiance et met l'interlocuteur à l'aise ;
- questionner: c'est une habitude qu'on peut développer en « ouvrant » les questions. La question ouverte est celle qui permet à l'usager d'éclaircir sa pensée ou l'oblige à élaborer une réponse ;
- résumer, reprendre, redire la question sous d'autres formes pour que l'usager se sache bien compris et spécifie davantage ses idées ;
- faire silence ou réfléchir pendant quelques secondes, ne pas hésiter à prendre un temps de pause quand les questions ouvertes ne donnent pas de résultats, que la situation semble aller vers un cul-de-sac. Cet arrêt peut générer de nouvelles informations et nous permettre de poursuivre ;
- revenir à un utilisateur qu'on a délaissé parce qu'un professeur, un recteur ou une personnalité importante est arrivé, ou parce qu'un appel téléphonique nous a dérangés.

Dispositif anti-brouillage

Les brouillages se situent aussi au niveau des barrières physiques qui empêchent les lecteurs de venir poser des questions au bureau de renseignements s'il est mal situé dans la bibliothèque, voire caché du public, ou si la personne qui s'y trouve semble trop occupée ou mal disposée à recevoir les gens... En dernier lieu, ces brouillages peuvent être d'ordre psychologique: chaque individu apporte avec lui ses propres obstacles à la communication ; mais l'environnement et le milieu de travail peuvent également créer des situations de stress et nuire au bon déroulement de cette entrevue. Il arrive qu'on sente un conflit de personnalité avec l'usager dès le début de la rencontre, ou que la question ne nous plaise pas parce que trop technique, et il nous est difficile d'avouer notre ignorance. Est-ce que nous fuyons et renvoyons alors notre interlocuteur au fichier matière sans aller plus loin que le premier niveau de service ? C'est la responsabilité du bibliothécaire de mener à bien l'entrevue, c'est à lui de développer une attitude positive d'écoute, d'aller au-delà du sujet qui l'embête, d'y porter autant d'attention qu'un autre qui l'intéresse davantage ou qu'il connaît parfaitement; il sera vigilant aussi dans son propre langage non-verbal pour ne pas nuire à sa relation avec l'usager.

Une question l'autre

Avec Rober Taylor 10, nous pouvons nous demander :

Que veut connaître l'usager et pourquoi ?

Quel usage va-t-il faire de cette information ?

Que connaît-il déjà du sujet ? Sous quelle forme désire-t-il son information ?

Quelle quantité d'information veut-il 11 ?

Il est important de donner son vrai sens à la demande initiale. A la question « Avez-vous des livres en informatique ? », la réponse peut être « Oui, cherchez au fichier matière sous le mot informatique »; mais si l'on poursuit, on apprendra que l'usager veut de la documentation sur un logiciel en particulier ou sur le langage Cobol, ce qui modifie la stratégie de recherche. Ce sont souvent des questions de premier niveau qui se transforment et deviennent plus complexes avec des interventions appropriées. La technique d'entrevue prend de l'importance quand l'étudiant ne sait pas exactement où il va ou encore quand il est au début d'un travail de recherche pour un mémoire ou une thèse. L'aider à définir et à formuler ses concepts, lui donner des principes méthodologiques de recherche fait partie du rôle pédagogique du bibliothécaire. De plus, le spécialiste intervient dans la discipline. Nous ne sommes pas des êtres polyvalents, c'est certain. Lorsqu'une question est complètement hors de notre champ de connaissance et que, pour toutes sortes de raisons, nous sommes dans l'obligation d'y répondre, il faut accepter de faire la démarche de base avec l'usager et même lui avouer nos limites (s'il ne s'en est pas déjà rendu compte). Il nous reste toujours nos compétences bibliographiques et notre connaissance de la bibliothèque pour nous débrouiller. Cet apprentissage que nous faisons avec les usagers fait justement partie de la démarche d'éducation permanente du blibliothécaire, du défi quotidien qui laisse moins de place à la routine. Il y aurait beaucoup d'exemples à donner encore au niveau de la stratégie de recherche.

Pourquoi ne pas se donner ensemble, au service de référence, une formation par les pairs, en acceptant de revoir certaines questions qui ont été difficiles pour l'un ou pour l'autre et d'élaborer des stratégies de recherche possibles ?

Nous donner une formation personnelle et professionnelle, être suffisamment sensibilisés, conscients et actifs pour que l'usager sorte satisfait de nos bibliothèques, n'est-ce pas une déontologie à cultiver ? Créer ou asseoir un service de référence sur des bases solides nous rapproche de cet idéal. Quelle place ce service tient-il chez les gestionnaires de bibliothèques en France ? Il y a certainement un développement inégal dans les bibliothèques qui empêche de généraliser cette structure déjà existante à certains endroits sans en porter le nom. Mais qu'au moins, là où on profite déjà de l'informatisation, en tout ou en partie, on cherche à aligner directement les objectifs, à réajuster, à réaménager des tâches pour se rapprocher de l'usager.

A cet usager, quel niveau de service offrons-nous ? Minimum, moyen ou maximum ? Chaque bibliothèque peut s'ajuster selon ses possibilités et ses limites. La gastronomie n'est pas nécessairement obligatoire. Certains jours, on peut vivre du régime fast food ou cafétéria pourvu que l'usager soit notre premier souci.

Enfin, notre service de référence, s'il existe, sera aussi performant dans chacun des services qu'il offre aux lecteurs. Pourquoi l'usager qui utilise la recherche documentaire informatisée aurait-il un service maximum alors que ceux qui utilisent la recherche manuelle recevraient un service minimum ? Tous les services offerts par la bibliothèque doivent être compétitifs avec les autres moyens d'information pour que les utilisateurs les considèrent comme une nécessité. Un service est dynamique quand il répond et s'ajuste aux besoins de changements de l'environnement et de ses usagers dans sa structure et dans les personnes qui l'animent, d'où l'importance d'une évaluation périodique. De même, son efficacité passe par cette approche communautaire 12 qui lui permettra de mieux desservir la communauté universitaire, municipale, etc., en répondant à leurs besoins.

  1. (retour)↑  Exemple de ce type de service dans l'article de Marie-Françoise BOIS-DELATTE, « May I help you ? », Bull. Bibl. France, t. 30, n° 5, 1985, p. 416-419.
  2. (retour)↑  Je suis bibliothécaire au Canada, à l'Université du Québec à Rimouski depuis 1980. De septembre 1985 à août 1986, j'ai fait un échange avec un collègue de l'Université de Nice, Section Droit et Sciences économiques, et ce séjour m'a permis, avec des visites dans d'autres bibliothèques, de connaître un peu les bibliothèques françaises. A ce sujet, je voudrais remercier le personnel de la bibliothèque universitaire de Nice pour son accueil. Cet article n'aurait pas vu le jour sans son soutien et les nombreux échanges que nous avons eus au cours de l'année.
  3. (retour)↑  Ces niveaux ont été différenciés par William A. KATZ dans Introduction to reference work, vol. 2 : Reference services and reference process, 4e ed, New York, McGraw-Hill, 1980, p. 52-56.
  4. (retour)↑  Pour la question ci-dessus, les documents primaires seraient les statistiques officielles publiées par le ministère des Affaires sociales, les documents tertiaires, des commentaires, des réflexions etc., à partir de ces statistiques, et les documents secondaires, les instruments bibliographiques qui permettent de retrouver ces statistiques et ces commentaires. Les recherches documentaires informatisées fourniraient des documents tertiaires.
  5. (retour)↑  James RETTIG, « A Theoretical model and definition of the reference process », RQ, automne 1970, p. 25.
  6. (retour)↑  Robert J. NOERULERGAS, « The Academic reference librarian : roles and development », in New horizons for academic libraries, New York, K.G. Saur publishing, 1979, p. 395.
  7. (retour)↑  William A KATZ, op. cit., et John WILKINSON, « A Step approach to reference service » in Canadian library association, Annual conference, Montréal, PQ, du 9 au 15 juin 1977, The reference interview : proceedings of the CACUL symposium on the reference interview, CLA, 1979, 93-98.
  8. (retour)↑  Bien qu'on puisse rapprocher les questions de premier, deuxième et troisième niveaux des services décrits ci-dessus, définis comme minimum, moyen et maximum, il existe quand même une nuance. Si nous donnons un service minimum, nous ne saurons jamais si la question était de difficulté second niveau ou si c'était une question complexe, sauf si l'usager revient nous voir...
  9. (retour)↑  William A KATZ, op. cit., et John WILKINSON, « A Step approach to reference service » in Canadian library association, Annual conference, Montréal, PQ, du 9 au 15 juin 1977, The reference interview : proceedings of the CACUL symposium on the reference interview, CLA, 1979, 93-98.
  10. (retour)↑  Sur ces aspects, voir l'article de Lilian RIDER et de Claire TURNBULL, « The Reference interview : a dramatic présentation of the Basics », in Canadian library association, annual conference, Montréal, PQ, du 9 au 15 juin 1977, The reference interview : proceedings of the CALCUL symposium on the reference interview, CLA, 1979, p. 5-26.
  11. (retour)↑  Robert TAYLOR, « Question negociation and information seeking in libraries », College and research libraries, vol. 29, n° 3, mai 1968, p. 178-194.
  12. (retour)↑  Voir l'article de Jean LEMAIRE, « La référence : le talon d'Achille de nos bibliothèques d'enseignement », Argus, vol. 4, n° 6, nov.-déc. 1975, p. 121-123.
  13. (retour)↑  Robert J. MERIKANGAS, op. cit., p. 399.