Coopération : un oui franc et massyf

Le Centre national de coopération des bibliothèques publiques

Jean Goasguen

Présentation du Centre national de coopération des bibliothèques publiques de Massy. Sa création a été décidée en 1984, à la suite du rapport Yvert, la décentralisation conduisant la Direction du livre à renforcer ses fonctions de coopération. Le centre a été implanté à la bibliothèque publique de Massy qui offrait l'infrastructure nécessaire en locaux et en personnel. Les activités de coopération qui ont démarré à l'automne 1985 s'exercent dans trois directions prioritaires. Service bibliographique : administration de la base bibliographique du réseau LIBRA, gestion du fichier d'autorités, création de relais régionaux, introduction de notices de phonogrammes ; patrimoine : mise en service d'une unité mobile de désinfection intervenant à la demande; formation-information : réflexion globale et actions expérimentales de formation continue et de coopération, développement du centre de documentation professionnelle. Diverses autres missions, notamment d'information professionnelle, sont envisagées.

Presentation of the Centre national de coopération des bibliothèques publiques de Massy (National cooperation center for public libraries). The center was built up in 1984, after Yvert report, as the Direction du livre had to consolidate the cooperation service within the decentralisation program. The center was located at the public library of Massy which offered enough buildings and staff. The cooperation actions which started last fall are aimed in three essential directions. Reference service : management of the bibliographic base of LIBRA network, and of the authority list, creation of regional relays, insertion of phonogram entries; national patrimony : bringing a mobile unit of desinfection into service (working on demand); education-information : overall thought and continuing education and cooperation tests; development of the professional information center. Many other missions are expected, above all on professional information.

« L'appellation - non encore contrôlée - de Centre national de coopération des bibliothèques publiques a fait une apparition relativement discrète dans l'horizon professionnel, et cela en dépit des remous qui avaient entouré naguère la création de cet organisme. Une pareille discrétion se justifie par la modestie des moyens que recouvre actuellement cette appellation 1, et elle se justifie également par le caractère expérimental de l'entreprise. Pour cette double raison, tout ce qui ressemblerait à de la publicité serait à la fois prématuré et présomptueux. Mais le secret n'en est pas pour autant de rigueur et n'est pas davantage justifié. C'est pourquoi tous ceux qui lisent minutieusement la presse professionnelle et qui ne manquent aucune journée d'études ont pu glaner çà et là quelques informations sur le sujet (1). Toutefois, même lorsqu'elles ont paru récemment, celles de ces informations qui ont été publiées ont pour la plupart été rédigées à l'époque où le Centre de coopération n'avait pas commencé à fonctionner, c'est-à-dire avant septembre 1985. Le texte qui suit se propose donc d'actualiser ces données et de faire le point après six ou sept mois de fonctionnement.

Pourquoi coopérer ?

Certains bons esprits n'auront sûrement pas manqué de relever - et cela avec quelque apparence de raison - le paradoxe qui consiste à créer un organisme d'Etat de plus, au moment où s'engage la décentralisation... D'où la nécessité de répondre à cette question préalable : pourquoi un Centre national de coopération (des bibliothèques publiques) ?

Mythologie

Commençons par éliminer toute idée de génération spontanée, aussi bien que toute idée de création artificielle. En effet, la coopération a déjà une longue histoire. On ne remontera pas ici à la préhistoire, c'est-à-dire par exemple au prêt interbibliothèques, âgé d'un siècle. Mais on n'omettra pas de rappeler - fut-ce rapidement - (car il serait malhonnête de ne pas le faire), que la Bibliothèque nationale a été à l'origine des seules actions de coopération qui ont existé pendant longtemps : la formation moyenne et supérieure 2, la restauration d'ouvrages, les premiers catalogues collectifs... On a probablement tendance aujourd'hui à oublier cette histoire ancienne. Ce qui est encore moins connu, et qui n'a jamais fait l'objet d'une évaluation, d'une analyse, c'est la fonction de coopération que certaines grandes bibliothèques municipales ont assumé de la façon la plus discrète et la plus désintéressée dans leurs régions respectives : combien de centaines d'heures consacrées ainsi à la formation, à l'assistance technique, à des prestations diverses (prêt de matériels, d'expositions, diffusion d'informations professionnelles...). Cela n'est pas seulement de l'histoire ancienne mais encore de l'histoire récente. Certains écrits (22) viennent de rappeler aussi à juste titre que les bibliothèques centrales de prêt sont par excellence des organismes de coopération départementaux (il est vrai que l'accroissement récent de leurs moyens donne à cette fonction un caractère nettement plus crédible qu'auparavant: en tout cas la chose est de plus en plus visible sur le terrain).

C'est à l'initiative privée qu'on doit l'apparition, dans les années soixante, de deux entreprises spécialisées de coopération à l'échelon national, encore bien vivantes aujourd'hui : la Discothèque de France et la Joie par les livres. Puis, dans les années soixante-dix, les administrations centrales des bibliothèques ont lancé quelques projets pilotes, notamment le CANAC (Catalogage national centralisé), l'opération « Audio-visuel dans les bibliothèques publiques » (dont la sélection partagée des documents constitue l'un des aspects originaux), le CCN (Catalogue collectif national des publications en série), le SUNIST (Serveur universitaire pour l'information scientifique et technique). Se mettaient en place également les Centres techniques de la DICA (Division de l'informatisation et de la coopération) et de la Bibliothèque nationale (Prêt, Echanges, Livre ancien, etc.) avec des espérances de vie variables.

Cette brève évocation des mouvements précurseurs ne doit pas nous masquer la réalité. Au seuil des années quatre-vingts, l'essentiel restait à faire en matière de coopération. Rien n'existait en France qui pût être comparé aux puissants systèmes mis en place dans les pays étrangers depuis parfois vingt ans ou plus, tels les plans d'acquisitions partagés, les centrales d'achats et de prestations (RFA, Pays-Bas), les systèmes régionaux de coopération (Grande-Bretagne, USA), les catalogues collectifs informatisés (USA, Canada). La coopération, on en parlait beaucoup, pourtant, de façon rituelle, dans les congrès et journées d'études. J'ai lu récemment (mais je ne me souviens plus où) qu'un congrès de l'Association des bibliothécaires français avait été consacré à ce sujet... vers 1930 ! Cela permet d'affirmer au moins que le besoin existait depuis longtemps, ainsi que la prise de conscience de ce besoin.

... grand-messe

Quant aux solutions, les bibliothécaires français les ont plutôt recherchées d'abord du côté de la déconcentration. L'installation de véritables services régionaux de bibliothèques apparaissait à un nombre croissant d'entre eux comme la formule la plus efficace et la plus proche des utilisateurs. J'ai exposé précédemment les divers avatars de ce concept (3) et n'y reviendrai donc pas en détail. D'autant plus que toute idée de déconcentration a dû être abandonnée dès 1982, devant la nouvelle réalité politique, c'est-à-dire la décentralisation.

A ce moment-là, en revanche, la Direction du livre a engagé une réflexion organisée et une véritable politique de coopération, entièrement déterminées par la façon dont elle appréhendait elle-même la décentralisation dans le secteur des bibliothèques publiques. On sait que cette réflexion a trouvé son expression la plus officielle et la plus achevée dans le document dit « rapport Yvert » (4), élaboré en 1983-84. Certes, il s'agit d'un rapport présenté au directeur du livre, et non pas par lui. Néanmoins (à la différence d'autres rapports sur d'autres sujets), on peut dire de ce document qu'il constitue toujours la bible en la matière, dans son argumentaire comme dans ses grandes lignes, et que la politique suivie depuis deux ans par la Direction du livre s'est appuyée fortement sur ses analyses et sur ses propositions. Je renvoie donc au rapport Yvert ceux qui voudraient avoir une connaissance intime de cette philosophie. S'agissant de la politique suivie, je la schématiserai à l'extrême par la définition suivante. La décentralisation conduit l'Etat à abandonner toutes ses fonctions de tutelle, de gestion et d'intervention directe : par voie de conséquence, elle le conduit à renforcer sa fonction (et ses moyens) de coopération.

Dans cet esprit, la Direction du livre s'emploie donc à mener ou à encourager des actions de coopération tous azimuts, et à mettre en place un arsenal de moyens. Pendant que ses chargés de mission suscitent et mettent sur les rails des agences régionales de coopération (de statut associatif) largement subventionnées par l'Etat, elle apporte une aide substantielle à des associations agissant dans le cadre national (l'AFNOR, la Joie par les livres, etc.) et elle répartit ses propres forces entre deux unités de travail: le Bureau de la coopération (administration centrale, 15 personnes), et le Centre national de coopération (service extérieur, 31 personnes à terme). Cette imposante distribution de moyens s'accompagne d'un discours dynamique, optimiste et incitatif sur la coopération, lequel se développe à l'occasion de « grand-messes » régionales (rencontres de Valence, de Fontevrault).

Un guide-mémento-bilan etc. de la coopération va être publié cette année par la Direction du livre dans sa collection « Bibliothèques publiques et... ». Cette publication devrait permettre, outre une large vue d'ensemble de la question, de mesurer les premiers résultats obtenus sur le terrain dans certaines régions (Rhône-Alpes, Nord Pas-de-Calais...), les projets en cours dans quelques autres (Pays de Loire, Ile-de-France, etc.), les financements importants déjà engagés par certains conseils régionaux (Provence-Côte d'Azur en tête).

Organisation...

On ne saurait trop souligner une fois encore l'importance de l'enjeu que représentent ces actions régionales de coopération, et de leur taux de réussite, ou de plus ou moins grande couverture du territoire. Car la coopération, c'est d'abord et avant tout cela. Mais ce n'est pas notre propos d'aujourd'hui. Revenons donc aux moyens propres de l'Etat. La nécessité d'une structure nationale de services et de coopération a été ainsi définie par le rapport Yvert.

1. Une région ne peut prétendre satisfaire la totalité des besoins en documentation de sa population;

2. Il importe que soient accomplis des travaux ou fournis des services qui permettent aux réseaux régionaux de pratiquer entre eux des échanges, d'évoluer dans des directions compatibles entre elles, d'éviter la redondance des tâches;

3. Il est nécessaire qu'un organisme (national) expérimente les normes et les techniques bibliothéconomiques nouvelles, en particulier celles qui sont recommandées ou promues par l'administration centrale;

4. Il apparaît que, pour certaines fonctions, la solution la plus adéquate techniquement et la plus économique consiste en une prestation de services d'un partenaire se situant à l'échelon national (par exemple l'achat en nombre, en vue d'une diffusion, de notices bibliographiques d'ouvrages étrangers);

5. L'Etat aura besoin, même et surtout après la décentralisation, d'un organisme technique lui permettant effectivement de fournir un certain nombre de services, tout particulièrement pour lui permettre d'assurer ses responsabilités propres à l'égard des collections patrimoniales.

Cette brassée de justifications (non limitative, d'ailleurs) devrait paraître suffisamment convaincante à chacun, du moins en raisonnant selon des critères professionnels. En tout cas, j'ai pu constater un peu partout qu'il y avait un « vaste consensus » là-dessus.

Et encore cette argumentation se développe-t-elle dans une perspective où demeurerait en place une administration centrale. Mais si, comme le voudrait une certaine logique décentralisatrice (qui a cours à droite comme à gauche), l'administration centrale venait à disparaître, ou du moins à être sérieusement « dégraissée », alors se poserait encore plus fortement la nécessité d'un organisme chargé de maintenir un minimum de langage commun et de cohésion technique, au milieu d'un paysage dont l'éparpillement des organismes, la dispersion des initiatives et l'inégalité des structures seraient les traits fondamentaux.

... et cohabitation

Dans l'état actuel des choses, la répartition des responsabilités entre le bureau de la coopération et le Centre de coopération est loin d'être évidente pour tout le monde, comme le prouvent les questions qui sont régulièrement posées à ce sujet. Pourtant, il est clair que l'administration centrale, (dont fait partie le bureau de la coopération), garde les compétences traditionnelles de l'Etat, c'est-à-dire : la compétence administrative (initiative législative et réglementaire, gestion des établissements nationaux), la formation professionnelle initiale, la formation continue du personnel d'Etat, des missions d'études et de conseils demandées par les collectivités territoriales (constructions, informatique, etc.), et enfin, un rôle international. Elle conserve aussi aujourd'hui -mais probablement pas pour toujours - un rôle d'intervention financière, d'incitation.

En revanche, s'agissant des compétences de l'Etat en matière de coopération et de prestations de services, le rapport Yvert fait remarquer que « lorsque l'exercice (de ces compétences) nécessite un investissement lourd, a une dimension technique nettement affirmée et peut justifier une facturation (aux collectivités territoriales bénéficiaires), on peut considérer qu'une structure de services et de coopération est plus qualifiée pour les assurer qu'une administration ».

Prenons deux exemples. Il appartient certainement à une direction des bibliothèques de définir la configuration et le contenu d'une base bibliographique nationale, de choisir le système le plus approprié, et de faire les choix d'évolution de celui-ci; il lui revient également de négocier avec des partenaires les conditions d'alimentation de cette base, et les conditions d'accès des utilisateurs. Mais cette administration centrale n'a ni la vocation ni la possibilité de gérer quotidiennement l'administration de la base, de constituer des fichiers d'autorité, etc. Cela, c'est le travail de la structure de services. Autre exemple: un ministère de la Culture, une Direction du livre, ont une responsabilité patrimoniale qui les amènent à déterminer des secteurs prioritaires : microfilmage de périodiques, inventaires collectifs, interventions d'urgence (désinfection, restauration...). Mais cette administration ne peut en aucune façon gérer elle-même des ateliers de restauration, de microfilmage ou de désinfection.

Massy : histoire d'une supernova

Pourquoi Massy ? Telle est la deuxième question qui se pose. Pour y répondre, il faut commencer par répondre à une autre : qu'est-ce-que Massy ?

Depuis une quinzaine d'années, dans le microcosme des bibliothèques, on voit apparaître tous les sept ou huit ans une planète brillante. Enfant chéri des pouvoirs publics, elle bénéficie de gros crédits et de créations d'emplois et elle concentre à ce moment-là tout le potentiel d'innovation de la profession; à ce titre elle attire comme des mouches le fin du fin des jeunes-bibliothécaires-de-progrès. En 1985-86, c'est la médiathèque de la Villette qui joue ce rôle; en 1977-78, c'était la BPI (Bibliothèque publique d'information) ; en 1970-71, c'était Massy.

De la planète...

Bibliothèque pilote, bibliothèque d'application, Massy a été, qu'on s'en souvienne, le premier établissement où le tout jeune service de la Lecture publique a pu réaliser ses rêves de l'époque, c'est-à-dire construire lui-même, en en ayant totalement la maîtrise, la première bibliothèque appliquant les normes, devant donc servir de vitrine et de modèle, à une époque où les bibliothèques municipales neuves se comptaient sur les doigts des deux mains et où presque aucune ne présentait la panoplie complète de Massy : totalité des documents en libre-accès, présence d'une discothèque, informatisation du prêt, haute qualification du personnel, importance des activités de formation et d'animation.

Dès le début et pendant plusieurs années, sous l'impulsion de Jacqueline Gascuel, cet établissement allait jouer le rôle de laboratoire de la lecture publique, de lieu d'expérimentation et d'innovation perpétuelles. La symbiose avec un centre d'enseignement mettait tout le personnel en situation de recherche et de perfectionnement permanents; le passage incessant d'innombrables élèves, stagiaires, visiteurs français et étrangers entretenait une atmosphère d'émulation et maintenait un haut niveau professionnel.

Comme Clamart pour les enfants, Massy expérimenta toutes les formes d'animation en direction de tous les publics, spécialement des plus défavorisés. Très tôt également, s'y pratiqua la coopération, elle aussi sous toutes ses formes : organisation d'animations en commun; diffusion de documentation, d'expositions; création et animation de comité de lecture (interbibliothèques); organisation de journées d'études, etc 3.

Il fallut moins d'une décennie pour qu'on voie cette situation se dégrader considérablement. Demeurée rattachée au ministère de l'Education après l'éclatement de la Direction des bibliothèques en 1975, la bibliothèque de Massy vit ses moyens diminuer d'année en année par suite du désintérêt progressif de l'autorité de tutelle. Faute de maintenance, l'informatisation dut être abandonnée. Entre-temps, l'équipement avait vieilli et ne pouvait plus servir de modèle, dans la mesure où précisément ce modèle avait été suivi et dépassé, et où des bibliothèques municipales de plus en plus nombreuses et de plus en plus modernes avaient été construites un peu partout. Lorsqu'en 1983 fut enfin décidé le transfert au ministère de la Culture (qui eut lieu début 1984), celui-ci hérita d'un établissement se trouvant engagé dans la récession et où le moral du personnel se trouvait donc assez bas, en dépit de sa forte motivation pour la lecture publique (et à cause d'elle).

C'était l'époque où le rapport Yvert était en cours d'élaboration. Dans un premier temps, la Direction du livre n'eut pas d'autre projet pour Massy que de remettre le navire à flot en lui accordant des crédits convenables, et en prévoyant la modernisation de l'équipement (notamment l'informatisation). Mais, lorsque au milieu de 1984, la décision fut prise d'adopter une des propositions du rapport Yvert (qui venait d'être remis au directeur du livre), en créant un Centre national de coopération, la certitude était acquise en même temps qu'aucun emploi ne pourrait être affecté à un tel service sur le budget de 1985. D'où l'idée de reconvertir la bibliothèque de Massy en Centre de coopération.

... au système solaire

A vrai dire, c'est l'analyse générale de la situation qui conduisait de toute façon à cette décision. En effet, il n'était pas besoin de pousser cette analyse très loin pour trouver anormale une situation où l'Etat prenait en charge totalement, depuis plus de quinze ans, le service de lecture publique qui aurait dû normalement être assuré par la Ville de Massy. A l'heure de la décentralisation, et alors que les justifications initiales avaient disparu, il n'était pas pensable de perpétuer cet état de fait 4. En revanche, l'Etat avait le plus grand besoin des moyens concentrés à Massy pour assumer ses responsabilités propres, c'est-à-dire sa mission de coopération.

La décision fut donc prise au cours de l'été 1984, et dès ce moment-là, le ministère de la Culture annonça au maire de Massy son intention d'utiliser désormais l'équipement et le personnel de la bibliothèque publique pour des missions exclusivement nationales. Il était donc demandé au maire de prendre en charge le service de lecture publique destiné à la population locale, ce qui supposait, bien entendu, la construction ou l'aménagement d'un équipement municipal, pour lequel l'Etat proposait son aide, ainsi que pour la création des emplois nécessaires. Les négociations furent difficiles, car la ville n'avait évidemment pas prévu du tout cet équipement dans sa programmation. Un accord put être conclu cependant, sur la base d'un transfert progressif, échelonné sur quatre ans.

La ville s'engagea à construire une nouvelle bibliothèque de 2 000 m2 dans un délai de deux ans et à créer quinze emplois dans un délai de quatre ans : cinq en 1985, quatre en 1986, trois en 1987, trois en 1988. De son côté, l'Etat s'engagea à subventionner au maximum la construction, les emplois (100 % la première année) et à transférer à la ville la plus grande partie des collections et une part des matériels. Cette solution paraissait de nature à satisfaire les besoins des lecteurs qui, dans un premier temps, avaient protesté contre une éventuelle régression du service. Il était également demandé à la ville d'examiner avec bienveillance les candidatures des personnels qui souhaiteraient continuer à exercer leurs fonctions actuelles dans le nouveau cadre municipal.

Parallèlement, s'engageaient entre la Direction du livre et le personnel des négociations pour tenter de régler le sort des agents déjà sur place. Cette décision avait en effet provoqué une émotion considérable parmi les personnels qui avaient choisi Massy pour y faire un certain travail et qui éprouvèrent d'abord un grand choc, puis un grand désenchantement, se plaignant de ne pas avoir été consultés au préalable, d'être mis devant le fait accompli et d'avoir à faire un choix inacceptable : soit la valise, soit le statut municipal (non désiré), soit l'inconnu (le Centre de coopération). Le paradoxe auquel Massy est confronté, c'est que ce lieu d'innovation, ce lieu où l'on contestait et remettait en cause des pratiques périmées, doit se remettre en cause lui-même pour faire face à une situation socio-politique nouvelle et pour rester fidèle à sa propre image.

Coopération tous azimuts

L'ensemble des objectifs du centre national ayant été défini dans les moindres détails par le rapport Yvert, je me contenterai de rappeler, en les résumant, les priorités, les grands objectifs que ce document avait retenus.

Tout d'abord, cet organisme devra avoir pour souci permanent « d'éviter la redondance de travaux déjà accomplis par des organismes existants » (Centres techniques de la Bibliothèque nationale; services de l'animation et services « Etudes et recherches » de la BPI ; CADIST ; CCN...) et il devra au contraire « travailler en étroite coopération avec ceux-ci ». Dans cet esprit de complémentarité avec les organismes nationaux, mais aussi avec les organismes régionaux à créer, les missions propres du Centre étaient décrites dans l'ordre d'urgence :
- la production et le transfert de l'information bibliographique (c'est-à-dire principalement l'administration de la base bibliographique des bibliothèques publiques) ;
- la préfiguration d'un service de préservation et de mise en valeur du patrimoine;
- la réalisation d'actions de formation continue.

A plus long terme, le Centre national de coopération a vocation pour développer un ensemble d'activités très diversifiées. L'éventail de ces activités se trouve implicitement contenu dans la définition générale qui a été employée ci-dessus : « outil d'expérimentation et de services ». Cette formule peut couvrir un champ à peu près illimité dans lequel le rapport Yvert puis certaines déclarations officielles (5) ont néanmoins sélectionné quelques directions préférentielles: gestion de catalogues collectifs, développement d'un service patrimonial articulé en plusieurs ateliers (restauration, désinfection, désacidification, photographie), production d'outils collectifs d'action culturelle et de publicité pour les bibliothèques, intervention en faveur des publics spécifiques, nouvelles technologies.

Un texte ministériel paru à la fin de 1984 (6) ajoutait à ce catalogue quelques fonctions assez ambitieuses : coordonner le prêt entre bibliothèques et les échanges de documents, assurer le suivi de l'évolution des méthodes de travail dans les bibliothèques, collaborer avec les organismes documentaires nationaux et internationaux... On observera que plusieurs de ces tâches sont plutôt de la compétence des administrations centrales : le rédacteur du texte - à la différence du rapport Yvert - semble pencher vers un effacement de ces dernières...

Les moyens nécessaires à la réalisation de ce programme avaient été chiffrés par le rapport Yvert : 1650 m2 de locaux, 56 personnes regroupées en six services. Le choix de Massy présentait des avantages évidents: un « gisement » de 31 emplois, un bâtiment de 4 000 m2 et toute une infrastructure en état de fonctionnement: service administratif, équipement duplicateur (photocopie, offset), personnel ouvrier, de service et d'entretien, locaux et matériel pédagogique (salles de cours et de conférences), centre de documentation professionnelle. Mais ce choix obligeait néanmoins à une révision des objectifs. D'une part les effectifs disponibles ne permettaient de réaliser que la moitié du programme. D'autre part il fallait prendre en compte la spécificité de Massy, c'est-à-dire la présence d'un personnel très compétent dans le domaine de la formation, de l'animation, de l'action culturelle, mais pas du tout dans celui du patrimoine. D'où la nécessité de réduire sensiblement cette dernière priorité (qui aurait employé à elle seule 24 personnes).

Mise sur orbite

La nomination du directeur du centre fut décidée en décembre 1984 et effective le 1er mars 1985. Trois missions simultanées lui étaient confiées : préparer la mise en place et assurer le fonctionnement et le développement du nouveau service; organiser avec la ville de Massy le transfert des services de lecture publique et la définition des futurs équipements; assurer temporairement le fonctionnement de la bibliothèque actuelle jusqu'à l'achèvement du transfert.

La première tâche à réaliser fut l'élaboration du programme de développement du Centre. La chose était plutôt complexe car il fallait combiner trois paramètres : les objectifs à atteindre, la libération échelonnée des emplois, les mouvements internes et externes du personnel. Le programme devait tenir le plus grand compte de ce troisième point; il devait aussi recenser les différents problèmes posés par la reconversion et le transfert des services publics et proposer des solutions. Cette étude déboucha sur un plan de montée en charge étalé sur quatre ans (1985-1988). C'est à l'échéance 1987 que le Centre de coopération doit disposer de la totalité des locaux, les services de lecture publique étant alors transférés dans la nouvelle bibliothèque municipale. Entre temps, les activités devront fonctionner provisoirement dans un espace non utilisé de 225 m2 5. C'est en 1988 que le Centre doit pouvoir disposer de la totalité des 31 emplois.

Vitesse lumière

Le délai de six mois prévu pour la phase de préparation (mars-août 1985) a été tenu. Cette période a été consacrée à définir les emplois et les tâches, à préparer le recrutement et la formation des premiers agents dont l'affectation a commencé en septembre 1985. A l'heure actuelle ce sont sept personnes (mais seulement cinq emplois du fait des temps partiels et des heures de service public à la bibliothèque) qui sont employées par le Centre (sans compter les services communs et le service de formation). Le budget de fonctionnement de Massy s'élève pour 1986 à 2 MF. Il sera complété par un crédit d'investissement de 1 MF (matériels informatiques, véhicules et aménagement des locaux provisoires du centre) poursuivant la dotation en matériel ouverte l'année précédente. Toutes ces mesures ont permis la mise en route de l'administration de la base bibliographique en septembre 1985 tandis que l'UMD (unité mobile de désinfection) entrait en service à partir de janvier 1986. Enfin, un conservateur (à mi-temps) s'est vu confier la responsabilité de coordonner les équipes et celle de travailler à la mise en place des autres activités, spécialement la formation continue.

Co-opération à cœur ouvert

Les activités de coopération du Centre s'exercent pour le moment sur trois secteurs prioritaires : service bibliographique, patrimoine, formation-information. Ce programme n'est néanmoins pas limitatif et le Centre ambitionne d'élargir ses activités au cours des prochaines années.

Biblio-base

Le service bibliographique a reçu pour mission de développer principalement les activités suivantes : administration de la base bibliographique nationale des bibliothèques publiques, gestion et création de catalogues collectifs, participation à la normalisation, formation bibliographique. Il compte actuellement deux emplois (répartis sur trois personnes) et devrait en avoir sept ou huit en 1988.

L'administration de la base bibliographique nationale occupe la part la plus importante de ses activités. Rappelons les caractères principaux de cette base (7). En avril 1986, elle représente un total de 135 000 notices, dont la grosse majorité sont produites quotidiennement par les 51 bibliothèques du réseau LIBRA et qui comprend également 50 000 notices de la BPI introduites en 1985. Ce chiffre s'accroît à une cadence de 1500 notices par semaine. Prévues et annoncées de longue date, l'introduction de 210 000 notices de la Bibliothèque nationale (acquisitions 1975-1983) et de celles du Cercle de la librairie se feront très certainement en 1986. Les 51 participants du réseau comprennent 40 bibliothèques centrales de prêt, 9 bibliothèques municipales et deux bibliothèques d'art 6 et réalisent un catalogage partagé en temps réel (8). Lorsqu'une bibliothèque quelconque catalogue des nouveautés, elle en trouve systématiquement 7 ou 8 figurant déjà dans la base (histoire : 5 ou 6 ; romans : 9 ou 10), et peut donc récupérer ces notices grâce à la fonction « reprise ».

A la barre de la base

Il était devenu depuis très longtemps impossible au personnel très réduit de la Direction du livre de prendre en charge à la fois la conception du système, son évolution et l'administration quotidienne de la base. Cette dernière tâche a été transférée à Massy en septembre 1985, après une formation des personnels par l'équipe de l'avenue de l'Opéra. Après un mois de rodage, la totalité des messages concernant l'administration de la base a été basculée sur Massy à partir d'octobre. Il y a donc désormais un partage des tâches, le bureau DL 6 de la Direction du livre continuant à gérer l'évolution du système et le développement du réseau.

Le travail actuel de l'équipe de Massy, bien qu'il suffise à occuper le personnel à plein temps, se limite encore à une première étape de l'administration de la base, c'est-à-dire à deux missions principales : la centralisation des problèmes rencontrés par les utilisateurs, le contrôle de la pertinence et de la cohérence des notices. Les utilisateurs utilisent la messagerie électronique pour faire part des difficultés qu'ils rencontrent. Ces messages quotidiens sont centralisés par Massy et ventilés selon leur nature. Lorsqu'il s'agit de problèmes d'utilisation des différents modules du système LIBRA (notamment le module "circulation"), les messages sont retransmis à la Direction du livre. Lorsqu'il s'agit de problèmes techniques à répétition (tirages d'étiquettes, étiquettes tronquées ou qui se collent, inventaires coupés, problèmes du module "reprise"...), les messages sont retransmis aux informaticiens. Enfin, lorsqu'il s'agit de problèmes de catalogage, ceux-ci sont traités directement par Massy; c'est ce qu'on appelle le contrôle de la pertinence et de la cohérence des notices.

Qu'est-ce que cela signifie ? En fait, le terme de "contrôle" est un peu trompeur. Il ne faut pas s'imaginer que les 1 500 notices produites chaque semaine sont "contrôlées" systématiquement. Ce serait tout à fait impossible. Le travail de Massy consiste uniquement (mais cela occupe des journées) à exécuter des corrections demandées par des utilisateurs qui signalent des anomalies au fur et à mesure qu'ils les constatent.

Multimédias, multirégions

Au cours de l'année 1986, les principales étapes de développement devraient être la gestion des autorités par le Centre national, la création de relais régionaux et locaux, l'introduction de notices de phonogrammes.

La gestion du fichier d'autorités est une vocation essentielle du Centre national. Cela ne veut pas dire que celui-ci produit lui-même les notices autorités, mais qu'il utilise les fichiers ou listes existants : BN, BPI, Cercle de la librairie..., et aussi qu'il utilise les compétences de catalogueurs spécialisés : ceux des grandes bibliothèques municipales, ceux des bases régionales, etc. En cas de lacune ou d'incohérence, le Centre pourra créer lui-même certaines notices. Mais sa fonction essentielle sera de valider les notices établies par les différents producteurs, d'arbitrer en dernier recours. Sans validation, pas de base nationale, pas de réseau.

Autre étape importante : la création de relais régionaux. La première base régionale est mise en service en Rhône-Alpes par l'agence de coopération ACORD. Elle doit fonctionner sur le SUNIST. Deux opérations majeures ont été réalisées dans ce but. D'abord, en février 1986, le chargement sur le SUNIST de la base nationale; puis, en mars-avril, la connexion sur ce serveur des bibliothèques de Rhône-Alpes appartenant au réseau LIBRA. Lorsque cette base régionale fonctionnera, le transfert d'informations bibliographiques se fera quotidiennement dans les deux sens, entre centre national et base régionale. Un deuxième relais devrait être mis en service dans les mois suivants peut-être en Nord-Pas-de-Calais. La mise en place de ces relais est une condition essentielle du futur développement du système 7.

Troisième étape du programme 1986, l'introduction des notices de phonogrammes sera rendue possible grâce à la convention passée en 1984 entre la Direction du livre et la Discothèque de France. Aux termes de cet accord, la Discothèque de France va mettre sa compétence et sa force de travail au service de la Direction du livre pour toute la partie « phonogrammes » de la base multimédias. C'est donc cet organisme qui effectuera, pour les notices des documents sonores, le même travail de contrôle que le Centre de Massy effectue pour les livres; et c'est lui qui proposera les formes d'autorité à retenir. Mais c'est le centre national qui procédera à la validation définitive. En effet, même si les formes proposées seront probablement validées dans 99 % des cas, il faudra bien vérifier la cohérence des notices de phonogrammes avec l'ensemble de la base.

Les bibliothèques-discothèques participant au réseau devraient pouvoir commencer leur catalogage au cours du deuxième semestre de 1986. En effet, une longue phase préparatoire aura été nécessaire. L'équipe de la Discothèque de France a dû préalablement suivre à Massy un stage d'initiation au catalogage UNIMARC. Puis elle doit tester les possibilités de LIBRA, les adapter au catalogage des phonogrammes et faire des propositions à ce sujet. Pendant ce même temps, on peut espérer qu'un accord aura abouti sur la nouvelle norme, et aussi que la coordination avec la base de la Phonothèque nationale sera effective.

Biblio-services

Les catalogues collectifs. Un fait important est passé jusqu'à maintenant relativement inaperçu : la base nationale des bibliothèques publiques constitue le premier et le seul catalogue collectif d'ouvrages informatisé en service. En effet, sous chaque notice de la base figurent les différentes localisations. En avril 1986, le catalogue collectif ainsi constitué atteignait le chiffre très appréciable de 250 000 localisations. Les établissements participants sont ceux qui ont été mentionnés plus haut, c'est-à-dire une majorité de bibliothèques centrales de prêt et plusieurs petites ou moyennes bibliothèques municipales. Le catalogue contient donc l'essentiel de la production générale française des trois ou quatre dernières années, mais on y trouve aussi un début de diversification intéressant : la production locale de plus de la moitié des départements, les acquisitions de deux bibliothèques d'art, le fonds professionnel du Centre de Massy... Cette diversification augmentera encore lorsqu'entreront prochainement dans le réseau des bibliothèques importantes comme celles de Nîmes et de Metz 8. Dès maintenant, ce catalogue commence à devenir intéressant pour le prêt interbibliothèques. Il est logique d'imaginer que le Centre national puisse en diffuser ultérieurement tout ou partie sur microfiches.

En dehors des ouvrages, le Centre national a vocation pour constituer, gérer et diffuser des catalogues secondaires dont la Direction du livre a déjà les éléments : périodiques microfilmés des bibliothèques publiques, vidéocassettes des bibliothèques municipales.

Participation à la normalisation. Dans l'un des textes qui ont défini les missions du Centre de coopération, le ministère de la Culture précisait que cet établissement serait « chargé de collaborer avec les autres organismes agissant dans le secteur de la documentation... comme l'AFNOR ». Cette mission est sans doute appelée à prendre une certaine importance dans l'avenir. Dans le présent, la Direction du livre - où un conservateur à plein temps est responsable de la normalisation - demande plutôt au Centre de coopération de lui apporter seulement une aide pour certains travaux. Le personnel du Centre participe ainsi à deux commissions de l'AFNOR: une enseignante spécialiste de catalogage participe à la commission 6 (catalogage) et un conservateur, responsable de la formation continue et de l'option « musique » du CAFB, a participé à la commission 6 GEN (catalogage des enregistrements sonores). La Direction du livre souhaite que dans l'avenir cette participation du centre de Massy s'élargisse aux deux responsabilités suivantes : assurer le suivi de ces commissions, et si possible d'autres, au profit de la Direction du livre; assurer la valorisation de la normalisation, c'est-à-dire mettre au courant les bibliothèques de la modification des normes, des définitions, etc. (par exemple par le biais d'une rubrique régulière dans un organe périodique professionnel).

Formation bibliographique. C'est une mission bien spécifique du Centre de coopération que d'organiser la formation des futurs gestionnaires des bases régionales ou de partenaires privilégiés de la base nationale et, plus généralement, des utilisateurs de LIBRA.

Plusieurs actions de ce type se sont déroulées à partir de février 1986. Il s'agit de stages de formation au catalogage en format UNIMARC, mais aussi de formations complémentaires ou spécifiques, par exemple sur le traitement des phonogrammes ou sur le fonctionnement d'une base (contrôle bibliographique, messagerie, etc.). Les bénéficiaires de ces formations ont été les représentants de l'ACORD (Agence de coopération du livre Rhône-Alpes), l'équipe de la Discothèque de France dont il a été question plus haut, des personnels de la DBMIST, du SUNIST, de l'ENSB, des personnels de bibliothèques récemment connectées à la base nationale.

Les responsables de bases régionales seront en mesure, par la suite, d'assurer dans leur propre région la formation des utilisateurs du système LIBRA. Celle-ci a été jusqu'à présent entièrement prise en charge par la Direction du livre elle-même.

Réseaux heure zéro

Le développement de la base LIBRA pose, cela va de soi, la question de la coopération bibliographique entre les différents réseaux. On excéderait aussi bien les limites de cet article que les compétences du Centre de coopération en prétendant trancher ici de ce vaste et redoutable sujet. Toutefois, comme il s'agit d'un enjeu capital pour les bibliothèques et leurs utilisateurs, on n'évitera pas d'y faire allusion et on ne dissimulera pas que le Centre de coopération se trouve impliqué, volens nolens dans cette affaire.

Lorsqu'on s'entretient de ces questions avec des gens raisonnables, c'est un sentiment général de désolation qui prévaut devant le paysage qui s'offre aux yeux. Le principe est simple : chacun choisit (dans le meilleur des cas) le système, le logiciel qui paraissent les plus aptes à assurer la gestion locale. Or, il en existe au moins six ou sept qui peuvent répondre à cette demande. Pour le travail en réseau, en coopération, on verra plus tard. On choisit son informatique comme on choisit son mobilier. Il y a bien pire encore, lorsque le choix n'est même pas fait selon des critères professionnels. Le résultat, c'est une belle anarchie (vision pessimiste) ou une belle diversité (vision optimiste).

Les uns et les autres ont, de surcroît, bonne conscience, dans la mesure où ils ont beau jeu de dire que l'exemple est venu de haut. Cela a été vrai, mais l'est de moins en moins. La concertation interministérielle, engagée au sein d'un « Groupe d'information bibliographique » est en voie d'aboutir à un accord sur quelques points fondamentaux. DBMIST (Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique), Direction du livre, Bibliothèque nationale ont maintenant des vues convergentes sur la question des formats d'échanges, sur celle des listes d'autorité, sur celle des tarifications.

Les principaux obstacles au développement de réseaux inter-bibliothèques seront levés lorsqu'aux termes de ces accords seront réalisées les opérations suivantes : émission des bandes d'échange de la Bibliothèque nationale en format UNIMARC; conversion du format de SIBIL en UNIMARC; utilisation de listes d'autorité communes; tarification préférentielle appliquée par la Bibliothèque nationale aux agences de coopération et aux réseaux de bibliothèques, etc.

Dans l'avenir, on verra probablement se constituer deux catégories de bibliothèques : celles qui pourront bénéficier du transfert maximum d'informations au moindre coût, parce qu'elles travailleront au sein d'un réseau, et les autres, pour lesquelles la saisie des documents et l'acquisition de notices représenteront des charges comparativement beaucoup plus lourdes. D'ores et déjà, il serait certainement très instructif d'esquisser une première évaluation parmi les bibliothèques appartenant au principal (et en fait unique) réseau existant, c'est-à-dire le réseau LIBRA, mais aussi parmi celles de réseaux plus modestes (TOBIAS, OPSYS) ou spécialisés (REBUS).

Patrimoine sur des chapeaux de roue

Faute de voir mis en place avant bien longtemps les services régionaux envisagés par le rapport Desgraves9, les auteurs du rapport Yvert avaient jugé comme un minimum la création d'un service patrimonial complet au sein de la structure nationale de coopération et de services. Devant à la fois répondre à l'urgence de nombreuses demandes et jouer un rôle d'entraînement, ce service aurait dû comprendre quatre ateliers (désinfection, désacidification, restauration, photographie) et employer 24 personnes. On a vu ci-dessus que cet objectif pourtant minimum a dû être abandonné pour des raisons conjoncturelles, au moins dans la première étape de développement du Centre national 9.

En attendant, le seul atelier qui a pu être mis en route appartient à l'espèce mobile. Il s'agit d'un projet élaboré voici déjà quelques années, antérieurement donc au projet du Centre de coopération. Cette UMD (unité mobile de désinfection) est une unité unique. L'idée a vu le jour chez l'ancien inspecteur Caillet et a mûri au sein du bureau « Patrimoine » de la Direction du livre. Aucune machine semblable n'existait nulle part. Il s'agit donc d'un prototype dont la genèse et la mise au monde ont inévitablement connu toutes les péripéties qui accompagnent ordinairement ce genre d'aventure.

Des esquisses successives ont abouti à un camion de 19 tonnes, sur le châssis duquel a été installé un double autoclave d'une capacité totale de 5 m3. Cette installation, qui comprend également un groupe électrique, a été faite par une entreprise spécialisée. Le principe de fonctionnement repose sur l'injection dans les cuves d'un mélange d'oxyde d'éthylène et d'un autre gaz (azote ou Fréon 12) selon la saison, le mélange oxyde d'éthylène-air ayant été exclu pour raisons de sécurité. Le système est prévu pour fonctionner seulement quand le véhicule est arrêté. L'intervention d'un carrossier a également été nécessaire pour réaliser un carénage et des équipements spéciaux, notamment des panneaux latéraux ouvrant complètement (pour donner accès à la machinerie) et un hayon élévateur de 1 000 kg posé à l'arrière pour le chargement des cartons à livres. Une attention particulière a été portée au recrutement et à la formation des agents chargés de faire fonctionner l'installation (cf. Annexe).

La plus élémentaire prudence avait conduit à choisir, pour la première intervention, un lieu peu éloigné. La bibliothèque municipale de Provins présentait le profil idéal : proximité de Massy, opération suffisamment importante, mais pas trop considérable (25 000 volumes) et, surtout, présence dans la ville du Centre André François - Poncet dont les installations et le personnel pouvaient fournir une précieuse aide technique, ce qui fut effectivement le cas 10.

Cette première expérience a permis de mettre au point une procédure administrative qui paraît satisfaisante pour l'instant. Il est demandé à la collectivité locale bénéficiaire de participer aux frais en prenant à sa charge la fourniture de gaz (ce qui évite d'établir des factures); on doit savoir à ce propos qu'une journée de désinfection revient à environ 1000 francs lorsqu'on utilise l'azote, mais à 1 600 francs lorsque la température extérieure impose l'utilisation du Fréon 12, c'est-à-dire en hiver. La collectivité locale doit également, bien entendu, fournir une aide en personnel de manutention et héberger l'UMD dans un lieu répondant à plusieurs conditions bien spécifiques (endroit fixe, en plein air, bien surveillé, etc.). Cette intervention a enfin permis de définir les principes d'une méthodologie de la désinfection itinérante, méthodologie qui fera l'objet d'un manuel 11.

Actuellement, les demandes en instance suffisent à occuper l'UMD pendant plus d'une année. Dix à douze bibliothèques sont sur les rangs (Chambéry, Châteaudun, Carcassonne, Annecy, Niort, etc.), et chacune de ces interventions exigera généralement plusieurs semaines (à la cadence de 1 500 à 2 000 volumes par jour).

Le principal avantage de la formule est d'éviter aux bibliothèques les frais de transport des cartons de livres vers les ateliers de Sablé ou Provins. En effet, ces frais sont très élevés. Un autre avantage tient à la moindre immobilisation des ouvrages et à la possibilité de remettre ceux-ci en place au fur et à mesure du traitement. Il faut penser aussi à la fonction de sensibilisation que devrait normalement jouer l'UMD dans les différentes régions qu'elle traversera. Cet outil moderne devrait tout à la fois faire prendre conscience du problème, intéresser aux nouvelles technologies de conservation, et, enfin et surtout, donner l'idée de créer dans les régions des équipements fixes ou mobiles. Car si l'UMD est une formule séduisante et originale, ses limites apparaissent dès maintenant évidentes : à titre de comparaison, pensons à ce qu'est un bibliobus par rapport à une vraie bibliothèque. Elle est soumise à de notables contraintes de fonctionnement (ne serait-ce que la difficulté de recruter un personnel ayant un profil très spécifique) et on doit considérer essentiellement cet instrument d'abord comme un moyen d'intervention d'urgence, mais tout autant comme un moyen de démonstration, comme une activité pilote : cela sous-entend que les institutions locales prendront progressivement le relais.

D'autres actions sont inscrites au programme du Centre : il s'agit d'activités gérées directement par l'administration centrale mais qui ont vocation à être prises en charge par le Centre de coopération. Parmi celles-ci on peut ranger l'inventaire photographique des fonds anciens. Cela à un double titre: parce qu'il s'agit d'une activité expérimentale et parce que la gestion de catalogues nationaux (et collectifs) relève bien des missions du Centre. Le redéploiement de l'équipe actuelle 12 et la création d'une deuxième équipe sont donc prévus à court terme. A long terme, le Centre national sera appelé à gérer la base de données des fonds anciens après son versement dans LIBRA : mais il aura fallu au préalable que le module « catalogage livres anciens » du système soit devenu opérationnel, ce qui va demander encore un certain délai.

A court ou moyen terme (dès qu'un agent du Centre pourra y consacrer quelques heures par mois), des activités ponctuelles d'information, de formation et de sensibilisation sur le patrimoine seront réalisées, soit sur la demande de l'administration centrale, soit sur la demande des bibliothèques, soit à l'initiative du Centre : produits graphiques ou audio-visuels, expositions, stages, interventions diverses...

Enfin, lorsque l'ensemble des locaux aura été libéré, l'installation d'un atelier-école demeure un des objectifs principaux.

Reformater (l'in)formation

Troisième priorité du Centre de coopération, la mission de formation continue ne pouvait guère trouver de meilleur lieu que Massy pour être mise en œuvre. Le Centre de coopération ne fait ici que continuer une tâche déjà entreprise, que reprendre un héritage. A cause des importants moyens du Centre de formation, mais tout autant à cause des orientations prises dès le début, et de la tradition ainsi instaurée, la bibliothèque publique de Massy a toujours été un foyer actif - et réputé - de formation continue. Encore quelques mois à peine avant la création du centre de coopération, en 1984, le directeur de la bibliothèque, Jacques Breton, élaborait un programme diversifié 13, qui préfigurait déjà en partie les actions que le Centre national va être appelé à conduire.

A partir de ce milieu très favorable, il importait cependant de définir un créneau de compétences. Chose délicate, le terrain de la formation continue étant tout à la fois encombré et mal occupé. Plusieurs réunions de travail et échanges de vues (avec la Direction du livre, avec le personnel de Massy, avec différents partenaires) ont permis de définir les principales lignes directrices.

Le Centre de coopération doit se fixer pour priorité principale la formation dans le domaine de la coopération, en particulier celle des personnels régionaux. Dès maintenant, la formation des utilisateurs du réseau LIBRA et des gestionnaires de bases est une première application concrète de cette mission. Comme deuxième priorité, le Centre mettra systématiquement sa force de travail et les compétences diverses de son personnel au service des actions engagées par la Direction du livre. En 1986, cette participation concernera deux ou trois stages au profit du personnel d'Etat. Plus généralement, le Centre sera associé à l'élaboration du programme pédagogique de la Direction. Comme troisième ligne directrice - et c'est là que le champ est le plus vaste -, le Centre recherchera la complémentarité avec les diverses actions nationales, régionales et locales. Il proposera donc des prestations dans les domaines non représentés (ou de façon insuffisante), et il pourrait s'intéresser particulièrement aux personnels ne relevant pas des pouvoirs publics et n'ayant pas accès aux formations organisées par ceux-ci (comités d'entreprise, associations, personnel bénévole...). Enfin, les actions menées traditionnellement par Massy en collaboration avec les CFPC de la région parisienne seront poursuivies. Mais il serait logique, tout en s'appuyant au maximum sur l'expérience acquise, de dépasser ce rôle régional.

A partir de ces principes, le conservateur responsable de la formation continue consacrera essentiellement le peu de temps disponible au cours de cette première année à une réflexion (conduite avec tout le personnel du Centre), à une étude de l'existant sur le plan national et à une ou deux actions expérimentales s'ajoutant éventuellement aux différentes actions énumérées ci-dessus. Ce sont, au total, une quinzaine de stages, cycles, journées d'études qui sont ainsi programmés pour cette première année.

Documentation. Un des éléments intéressants du potentiel de Massy consiste en l'existence d'une bibliothèque professionnelle. Jusqu'à présent limitée dans ses objectifs - qui étaient ceux d'une bibliothèque pédagogique pour les élèves du CAFB -, elle offre en réalité des ressources diques étrangers, etc. Elle est, d'autre part, la seule à recueillir la documentation produite dans les régions.

Information. Parmi les fonctions les plus utiles et les plus attendues d'un centre de coopération, on rangera sans hésiter la fonction d'information. Celle-ci pourrait s'exercer dans de multiples directions, mais on peut distinguer certains besoins prioritaires. D'abord, différents bureaux de la Direction du livre comptent sur le Centre pour diffuser et valoriser certaines informations, grâce à une collaboration de son personnel, mais aussi grâce à ses moyens matériels (imprimerie, messagerie électronique...). D'autre part, le Centre national est très bien placé pour recueillir et diffuser des informations sur l'activité des organismes régionaux de coopération (toutefois, ces derniers assureront peut-être eux-mêmes cette fonction, à travers une association fédérative que la Direction du livre leur propose de constituer). Enfin, au fur et à mesure qu'il développera ses activités, le Centre aura une information de plus en plus importante à faire sur ce travail. Outre les canaux existants des revues et des messageries professionnelles, il sera probablement amené à utiliser des moyens propres.

Projections

Tout ce qui précède décrit principalement des actions engagées ou des décisions prises et, pour le reste, s'inscrit de toute façon dans les trois principales priorités assignées au Centre de coopération.

Les autres missions ne sont pas perdues de vue pour autant, mais on ne peut encore parler que de projets. Si tous les emplois programmés sont pourvus, l'une ou l'autre de ces missions pourront faire l'objet d'actions de préfiguration engagées cette année. Dans cette hypothèse optimale, l'équivalent d'un mi-temps (conservateur ou bibliothécaire-adjoint) sera consacré à mettre au point ce type d'actions : cela pourrait être soit une expérience d'« outil collectif d'action culturelle, publicité, etc.» (produit imprimé, graphique, audio-visuel, exposition itinérante...), soit une expérience d'action en direction des publics spécifiques. En cas de moyens insuffisants, le Centre se contenterait, dans un premier temps, de participer à des actions générées par d'autres organismes.

La présence dans les locaux de Massy d'activités de coopération interbibliothèques et interprofessionnelles (comité de lecture et d'analyse d'ouvrages pour jeunes; association « Lire pour comprendre », réunissant scientifiques, enseignants et bibliothécaires dans le but de promouvoir la vulgarisation scientifique; service des publications...) constitue en l'occurrence un point d'appui très utile.

Ombres chinoises...

Dans un rapport sur l'avenir de Massy, élaboré en 1983, Jacques Breton faisait à propos de la publicité et de la signalisation, des remarques qui sont encore valables, malgré quelques améliorations observées çà et là (notamment à la Ville de Paris) : « les bibliothécaires utilisent des techniques publicitaires qui sont souvent artisanales, parfois coûteuses et d'une efficacité incertaine... La signalisation intérieure a tendance à glisser vers des stéréotypes monotones et souvent discutables... ». Voici donc tout un programme, qui ressemble à un défi. La Direction du livre (bureau du développement de la lecture) est en train de constituer un groupe de travail pour affronter ce problème, groupe auquel participera le Centre de Massy, en attendant de pouvoir prendre totalement à son compte ce genre d'action.

Sans même savoir si toutes les missions prévues pourront être accomplies, on ne peut s'empêcher de penser à d'autres services que pourrait rendre le Centre de coopération, dans la mesure où il s'agit de besoins exprimés de façon permanente dans la profession. Par exemple, on imagine facilement comment le centre documentaire pourrait s'élargir en véritable centre d'information professionnelle. Dans le rapport cité ci-dessus, Jacques Breton faisait le constat de ce besoin (« la profession reste largement sous-informée des évolutions en cours, des innovations et mutations... ») et décrivait les différents services à rendre : information en matière de normalisation, en matière d'équipement, mobilier, matériel; information administrative; information bibliothéconomique; information culturelle. Pour avoir sa pleine efficacité, ce centre d'information aurait à assurer un véritable « SVP bibliothèques », avec réponse rapide. Exemples de questions posées ces temps-ci : quelle est l'efficacité comparative des systèmes anti-vols ? Quelle a été l'incidence de l'informatisation sur l'organisation et les méthodes de travail dans les bibliothèques ? Quelles sont les meilleures machines à écrire pour bibliothèques ?, etc. Le Centre devrait donc également proposer des démonstrations permanentes de matériel, une sorte de salon permanent des nouvelles technologies et des méthodes de travail. Plus généralement, on attend d'un tel organisme qu'il réalise au profit de la communauté professionnelle, d'une façon permanente et systématique, l'exploitation et la diffusion des statistiques, rapports, compte rendus d'expériences qui intéressent la vie quotidienne des bibliothèques publiques 14.

On pourrait développer aisément le sujet, car il est toujours assez facile de bâtir un beau programme. Il faut néanmoins revenir sur terre et considérer que le futur développement, l'avenir du centre de coopération, sont fortement tributaires du statut administratif de celui-ci. Le statut actuel, celui de service extérieur de l'Etat, a plusieurs avantages : il assure la stabilité, la neutralité, une indépendance certaine (car être privé des délices d'un conseil d'administration ou de tout autre conseil n'est pas forcément un inconvénient). Mais le régime financier, bien connu, manque de souplesse. Pour un organisme prestataire de services, donc appelé à percevoir des recettes relativement importantes, la possibilité de facturer ces services et de réemployer ces recettes est une évidente nécessité. Pour un personnel appelé à faire de nombreux déplacements, les remboursements effectués avec plusieurs mois de retard sont une contrainte peu acceptable. Tout cela peut conduire à souhaiter un statut d'établissement public, mais ce serait gagner un peu de souplesse au prix de beaucoup de lourdeur. Aussi recherche-t-on une formule intermédiaire - qui existe dans d'autres administrations : un statut de service extérieur autorisé à gérer et réaffecter ses propres recettes.

L'avenir du Centre dépend aussi un peu des atouts et des handicaps du site et du « gisement professionnel » de Massy. Le principal handicap est peut-être un relatif éloignement géographique, auquel on essaiera de remédier partiellement en équipant le Centre d'un moyen collectif de locomotion (pour transport de stagiaires, d'intervenants, de visiteurs). Quant aux atouts, ils ont déjà été décrits au cours de ce texte: atouts matériels d'abord, c'est-à-dire des locaux très vastes, des infrastructures administratives et techniques, des possibilités de garage, de stationnement; potentiel humain et professionnel, d'autre part : un centre de formation, un héritage d'innovation, d'esprit d'adaptation, et une pratique de la coopération. Par ailleurs, tout ce qui est lié au site de Massy doit être relativisé. En effet, le développement du Centre de coopération peut amener celui-ci à s'appuyer sur plusieurs sites, et à regrouper des unités de travail situées aussi bien à Paris que dans différentes régions.

... et estompes

Pour concevoir la programmation future, on doit donc tenir compte de ces atouts et de ces contraintes. Mais il faut insister ici sur un autre point. Le futur programme, les futures activités n'ont pas à être déterminés trop à l'avance et de façon précise. Pourquoi ? Parce qu'elles auront à être définies pour une très large part en fonction de ce qui se fera ou ne se fera pas dans les régions et les départements. Or, la décentralisation nous réserve à cet égard la part d'inconnu la plus grande possible. Toutes les solutions sont imaginables, depuis celle où le Centre national n'aurait plus rien à faire, jusqu'à celle où il aurait tout à faire, avec toute la gamme des situations intermédiaires. Dans le contexte politique actuel, c'est peut-être dans le cadre départemental (mais dans une minorité de départements) que la coopération interbibliothèques et interprofessionnelle a le plus de chances de se réaliser, de recevoir le soutien des autorités locales, et de réussir. Malgré le départ encourageant des expériences Rhône-Alpes ou Nord-Pas-de-Calais, l'incertitude continue de planer sur l'avenir de la coopération régionale : en fait, l'aboutissement de la majorité des projets dépend du soutien que l'Etat pourra ou non leur apporter pendant suffisamment de temps. Autrement dit, le Centre national doit attendre et observer, de manière à mener des actions vraiment complémentaires de celles des régions et des départements; une étroite concertation avec les responsables de ces actions sera évidemment indispensable 15.

Il aura de toute façon suffisamment d'occupation, en attendant, avec les tâches que l'Etat lui demandera d'effectuer. Encore que là aussi se manifeste une autre incertitude, à vrai dire très grande. Est-ce que la politique actuelle, qui fait de la coopération une priorité des priorités, sera continuée et développée dans les années qui viennent ? Dans l'affirmative, tout le programme qui vient d'être décrit se trouverait peut-être en deçà des futures possibilités : imaginons que cinq ou dix emplois supplémentaires soient affectés au Centre de coopération ; d'un seul coup on pourrait passer à une vitesse nettement supérieure... Mais l'inverse est également possible, et je préfère ne pas l'envisager, évidemment.

Ce qui est aussi possible, c'est que les divers organismes et moyens nationaux de coopération, qui sont actuellement répartis entre différentes instances, se trouvent redéployés ou redistribués à la suite de modifications structurelles des administrations centrales. Le contenu de certaines missions importantes du Centre, comme la coopération internationale, qui n'a pas encore été défini de façon précise, pourra varier beaucoup en fonction de ces éventuels remaniements.

Toutes ces inconnues ont de l'importance, mais ne sont pas l'essentiel. Plutôt que de constituer des freins ou des alibis, on doit les tenir au contraire pour un élément très stimulant. Car la coopération est une aventure passionnante qui nous est proposée, mais que vaut une aventure sans inconnu ? Dans le proche avenir, les bibliothèques ne pourront rien les unes sans les autres, c'est cela qui compte. Le Centre de coopération n'est qu'un instrument mis en place pour faciliter une partie des choses. Objectif apparemment modeste, en réalité très ambitieux et captivant. Par exemple, l'expérience de travail collectif et de réflexion partagée qui a lieu actuellement au sein du réseau LIBRA introduit une nouvelle forme d'organisation du travail et de relations interbibliothèques et interindividus, dont on ne tardera pas à mesurer la portée. En jouant dans cette dynamique un rôle actif, quotidien et cependant presque invisible, en fournissant les crayons à ceux qui dessinent les nouveaux paysages, le Centre de coopération trouve là une de ses principales raisons d'exister. Mais non la seule : parce qu'il sera lui aussi capable de dessiner, de tenir le crayon.

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La boîte à correction des notices

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Annexe

  1. (retour)↑  C'est-à-dire en avril 1986, date d'achèvement de ce texte.
  2. (retour)↑  Les cours du DSB ont été donnés pendant plusieurs années dans les locaux appartenant à la Bibliothèque nationale.
  3. (retour)↑  Le rôle dynamique de la bibliothèque-centre d'enseignement de Massy et son rayonnement ont été soulignés par Geneviève Guilhem, dans « Le Temps de lire », Bull. Bibl. France, n° 3-4/1985, p. 259).
  4. (retour)↑  « J'ai décidé de reconvertir progressivement à cette mission nouvelle la bibliothèque publique de Massy, service extérieur de mon département, qui actuellement dessert la population de cette ville, comme le ferait une bibliothèque municipale, ce qui n'est plus conforme à l'esprit de la décentralisation » (Réponse du Ministre de la Culture à Monsieur Taittinger, Sénat, 20557, 22 nov. 1984, JO du 17.1.1985).
  5. (retour)↑  Il s'agit d'un local initialement prévu pour un restaurant qui n'a jamais fonctionné.
  6. (retour)↑  Bibliothèques de l'Ecole des Beaux-Arts et de l'Ecole du Louvre
  7. (retour)↑  Des relais départementaux sont également en projet (Vaucluse, Bas-Rhin)
  8. (retour)↑  La Bibliothèque de Nîmes fonctionne en site autonome sur IBM 43XX et a commencé le catalogage rétroactif d'une annexe; la Bibliothèque de Metz, connectée en avril 1986, se limitera à la fonction « reprise » dans un premier temps.
  9. (retour)↑  Rappelons que ce rapport avait estimé à 50 personnes et 2 640 m les moyens d'un Centre régional du patrimoine du type A, à 30 personnes les effectifs d'un centre de type B.
  10. (retour)↑  Cette assistance permit aussi et surtout de faire face à la situation créée par un événement dramatique et extra-professionnel : la mort accidentelle (pendant un week-end) du jeune responsable de l'UMD après la troisième semaine d'intervention. C'est donc un agent spécialiste du centre François-Poncet qui a pris le relais sur l'UMD et achevé le travail.
  11. (retour)↑  Outre les exigences relatives au stationnement du véhicule, on ne saurait trop insister sur l'importance du conditionnement des livres. Pour la bibliothèque « sinistrée », réunir une quantité considérable de cartons n'est déjà pas simple, mais, de plus, il ne s'agit pas d'utiliser n'importe quels cartons : il est recommandé d'utiliser des emballages très solides et de petite dimension - le profil idéal est représenté par les cartons de bouteilles d'huile... Plus généralement, il va falloir faire le choix suivant : vaut-il mieux utiliser des cartons de récupération, ce qui ressemble assez à du bricolage et comporte des inconvénients fonctionnels (place perdue, livres en porte-à-faux...), ou vaut-il mieux que le Centre national fasse faire en grande quantité des cartons spéciaux ? Sachant qu'un carton ne supporte pas plus de deux désinfections, cette deuxième solution risque d'être extrêmement onéreuse. Très importantes pour la réussite de l'opération sont également, bien entendu, toutes les opérations préliminaires (déménagement, dépoussiérage des livres, des locaux...), l'organisation des manutentions (à Provins 4 personnes pendant une heure par jour), la nécessité d'un local de transit (après désinfection) et bien d'autres détails qui seront précisés à toutes les villes désirant bénéficier de ce service.
  12. (retour)↑  Un ITA et un photographe.
  13. (retour)↑  Ce programme envisageait : des journées d'études, des cycles de longue durée, des stages (édition scientifique, mise à niveau des personnels des discothèques, animation musicale pour enfants, conte pour enfants, lecture des adolescents...), des détachements de fonctionnaires. Une partie de ces actions a été menée à bien.
  14. (retour)↑  La Direction du livre va mettre en place prochainement une petite antenne de documentation dans ses locaux. Elle y rendra accessible une partie de sa documentation interne, à l'intention des professionnels et des élus locaux principalement.
  15. (retour)↑  Dans sa circulaire du 1er août 1985 sur les BCP, la Direction du livre précise que « Le Centre national de coopération coordonnera les actions des centres régionaux ». La chose paraît couler de source, mais elle n'en soulève pas moins des difficultés d'application, les dits centres régionaux étant tous de statut associatif. C'est donc pour faciliter cette articulation qu'a été constituée la Fédération des organismes de coopération, évoquée ci-dessus, et dont le directeur du Centre national de coopération est membre de droit.