Informatique documentaire

par Annick Bernard

André Dewèze

Paris : Masson, 1985. - 237 p. ; 33 cm.
Index. Bibliogr. - ISBN 2-225-80521-0: 180 F.

Voilà un ouvrage qui cherche à concilier plusieurs genres et toucher un public divers. Il veut procurer une initiation à l'informatique et servir de guide pour le non-informaticien confronté à la nécessité d'automatiser un service de documentation ou une bibliothèque. Il veut aussi constituer un manuel pour l'étudiant en sciences de l'information.

A la toute première préoccupation répond le début de l'ouvrage qui en une cinquantaine de pages rappelle les données technologiques de base : fonctions et organes de l'ordinateur, production de documents à l'aide de l'informatique, ordinateur et archivage de documents. Suit un chapitre de cinquante-six pages sur l'informatisation d'une bibliothèque où est utilisé pendant cinquante-cinq pages l'exemple opérationnel depuis 1980 dans l'entreprise grenobloise Merlin-Gerin dont M. Dewèze a dirigé pendant de longues années le service de documentation. On est ici au niveau de l'analyse organique de l'application, ce qui peut être utile à des étudiants dans des exercices d'école. Il serait plus judicieux d'offrir au bibliothécaire des réflexions sur les principes à respecter, la démarche à suivre et les écueils à éviter.

Bien que l'auteur rappelle brièvement que l'ordinateur ne rend que ce qu'on lui a au préalable donné, nous regrettons qu'il n'insiste pas sur la nécessité de se conformer aux normes en vigueur. Ce n'est pas une nouveauté dans le domaine du catalogage; cela devient encore plus indispensable dans une situation automatisée, de même qu'il faut utiliser une structure de données normalisée (format INTERMARC ou UNIMARC, ou un sous-ensemble) ou compatible, si l'on veut utiliser des notices rédigées ailleurs ou participer à des entreprises collectives. L'intérêt d'utiliser de véritables fichiers d'autorité (auteurs personnes et collectivités, titres uniformes, vedettes matières) pour assurer la cohérence de bases importantes n'est pas mentionné.

N'est pas évoqué non plus dans ce chapitre l'aspect dynamique de l'informatisation d'une bibliothèque : explorations préalables, visite de bibliothèques déjà informatisées, étude comparative des systèmes existants, rédaction du cahier des charges, appel d'offres, dépouillement des réponses et choix, reprise des fichiers, montée en charge.

Les derniers chapitres de l'ouvrage sont consacrés au cahier des charges et aux coûts d'une application informatique, ainsi qu'au choix des solutions. L'auteur insiste à juste titre sur l'importance du cahier des charges et rappelle utilement que, sous peine de déboires ultérieurs, les spécifications d'une application informatique sont le résultat d'un travail en commun. Ceci suppose en effet un dialogue constant entre les utilisateurs - c'est-à-dire le service ou l'établissement bénéficiaire - et l'homme de l'art - par exemple informaticien de la ville ou un ingénieur-conseil appartenant à une société de services. Malheureusement après moins d'une page et demie, nous revoilà confrontés à un cas d'école beaucoup trop précis (pourquoi définir les tables ?) et sans portée générale. L'aspect contractuel du cahier des charges (engagements, délais, pénalités...) n'est nullement évoqué.

Quant aux pages relatives aux choix des solutions, l'auteur confirme là sa quasi-totale ignorance de l'état de l'informatisation des bibliothèques en France et à l'étranger. De la dizaine de systèmes de gestion de bibliothèque actuellement commercialisés en France et offrant pour la plupart les principales fonctions recherchées (catalogage et interrogation, prêt, acquisitions), l'auteur semble ne connaître qu'un seul. Avant d'envisager (comme il est suggéré p.228) la possibilité de développer un logiciel de bibliothèque à partir d'un logiciel non spécialisé, il nous paraît hautement préférable d'examiner d'abord si un système clé en mains - logiciel et matériel - opérationnel, éprouvé, documenté, n'offre pas plus de garanties sur le plan de la maintenance, des extensions ultérieures, de l'existence de groupes d'utilisateurs, de la maîtrise des coûts, etc.

Au passage, rectifions un point d'histoire (cf. p. 228) : l'ancienne application informatique de la Bibliothèque nationale consistait en un ensemble de programmes qui ont permis, de 1975 à avril 1984, d'enregistrer les notices des ouvrages français reçus par Dépôt légal et de réaliser l'édition automatisée de la Bibliographie de la France. Cette application ne s'est jamais appelée MONOCLE. MONOCLE était tout d'abord une réflexion sur le format des notices bibliographiques et a eu le grand mérite d'être à l'origine du format INTERMARC utilisé en effet par la Bibliothèque nationale.

Nous ne nous étendrons pas, n'étant pas nous-même de la partie, sur les chapitres appartenant au domaine proprement documentaire : analyse et indexation des documents, conception et réalisation d'un thésaurus : l'auteur est spécialiste en ce domaine. On peut voir d'après ce qui précède qu'ils ne constituent pas la majeure partie de l'ouvrage. Quant aux pages sur les bases de données bibliographiques, les exemples utilisés font clairement comprendre ce que sont des fichiers inverses. Cependant la notion de SGBD (Système de gestion de bases de données) est absente.

Au total un ouvrage décevant, méconnaissant l'état de l'art dans le domaine des bibliothèques, justifiant imparfaitement son titre et utilisant des exemples concrets qui permettent certes - selon le mot d'un collègue - de vulgariser l'informatique à l'aide d'applications existantes servant ici de prétextes. Il serait toutefois dangereux de considérer ces applications comme des modèles qu'on peut adopter les yeux fermés.