Anatomie des bibliothèques pour la jeunesse : innovation pédagogique et sociale
Entretien avec la sociologue Bernadette Seibel sur les sections jeunesse des bibliothèques municipales : le formidable essor de la lecture publique et le développement du CAFB option Jeunesse dans les années 60 ont permis à de nombreux bibliothécaires spécialisés dans ce domaine de faire valoir leurs idées novatrices. Ils ont principalement revendiqué pour les enfants le plaisir de lire, libérés des contraintes scolaires, et mis en avant leur rôle de spécialistes et de prescripteurs du livre pour la jeunesse. Reconnus aujourd'hui par les enseignants, ils cherchent à sensibiliser de façon plus large tous les autres éducateurs, parents, animateurs de crèche et de maternelle, dans un mouvement général de coopération des différents agents culturels autour de l'enfant.
Interview of the sociologist Bernadette Seibel about the branch for the young in the municipal libraries : the quick development of the public reading and of the CAFB diploma (Youth option) in the years 60, has enabled many librarians to command respect for their innovating ideas. They mainly have claimed the joy of reading for the young, free from school, and have enhanced their own action as experts and book prescribers for the young. Accepted today by the teachers, they try to sensitize all the other educators, parents and nursery animators.
Comment situer les bibliothèques pour la jeunesse dans le développement général de la lecture publique ? Quelles sont leurs relations avec l'école ? Comment définir le métier de bibliothécaire pour enfants ? Autant de questions qui ne vont pas sans susciter de nombreux débats ! Le travail d'une sociologue comme Bernadette Seibel nous a semblé important à verser au dossier. Entre deux enquêtes sur les bibliothèques et les bibliothécaires *, elle a bien voulu nous dire ce qu'elle avait pu observer dans les sections jeunesse des bibliothèques municipales.
BBF. On assiste depuis quelques années à une formidable expansion des sections jeunesse dans les bibliothèques publiques. Quelles ont été, d'après vous, les conditions sociales favorables à ce développement ?
Bernadette Seibel. Ce mouvement en faveur du développement des sections enfantines a démarré, bien avant ce qu'on a appelé le Rapport Pompidou 1, dans les années 60. Toutefois, il est à réingérer, pour l'ensemble, dans le développement plus général de la lecture dont l'essor véritable a eu lieu dans les années 70, grâce aux nouveaux programmes de construction et aux subventions accordées par l'État, qui ont permis la création d'un nombre important de bibliothèques municipales et des réaménagements d'équipements déjà existants. À cette occasion, et pour la première fois, les municipalités ont été amenées à prendre en compte (en terme d'espace matériel) les sections enfantines, dont le rôle se limitait, jusqu'alors, à une distribution de livres sans local approprié.
L'enfant redécouvert
Cette prise en compte a été possible grâce à la conjonction de plusieurs facteurs : il y a eu, dans les années 60, un accroissement du public potentiel, à savoir les enfants nés en nombre après la guerre, qui arrivaient à l'âge où l'on commence à avoir envie de lire: parallèlement à cela, un développement important des classes maternelles, accompagné d'une fréquentation de l'école de plus en plus précoce (forte scolarisation après trois ans); et, corrélativement, l'offre étant étroitement liée à la demande, une expansion prodigieuse de l'édition enfantine, soutenue activement par un certain nombre d'organismes, voire de groupes de pression, qui ont permis de faire connaître et de diffuser cette littérature enfantine. Parmi ceux-ci, que je qualifierais d'appareil de consécration et de célébration, figurait la Joie par les livres, dont le rôle fut essentiel.
Au même moment, une conception novatrice de « projet éducatif » animait les bibliothécaires des sections enfantines : elle incluait autour du livre toutes sortes d'activités d'animation, et s'inscrivait dans un mouvement plus général en faveur de l'enfant, qualifié par Jean-Claude Chamborédon et Jean Prêvot de « redécouverte du métier d'enfant » 2.
De ce même mouvement découla un réel effort pour repenser, ou plus exactement « penser », la formation de bibliothécaire pour enfants. Le CAFB jeunesse, option créée en 1951 et restructurée en 1960, dit d'ailleurs clairement dans ses premiers textes que le bibliothécaire n'est pas un simple distributeur de livres pour enfants mais, sans pour autant négliger ce rôle, qu'il a un travail pédagogique de prescripteur de livres à accomplir, en clair, qu'il a vocation à un certain travail d'éducation auprès des enfants.
Donc dimension pédagogique de la profession, et spécialité en littérature enfantine. La section pour enfants cherche à se faire reconnaître comme originale et différente, et, surtout, comme moteur du changement.
Les nouveaux bibliothécaires
BBF. Quels ont été les effets de ce développement sur la profession de bibliothécaire ? En quoi la promotion de la lecture publique enfantine et l'animation, privilégiée en secteur jeunesse, ont-elles transformé l'image et le rôle du bibliothécaire ?
BS. Il faudrait inverser la question, car, à mon avis, c'est bien plutôt parce qu'il y a eu de nouveaux bibliothécaires dans la profession que ces transformations ont été possibles.
Lié au développement du CAFB jeunesse, sont arrivés sur le marché, en nombre croissant, des bibliothécaires spécialisés dans cette option : l'enquête que j'ai réalisée en 1978 donnait 12 % de détenteurs du CAFB jeunesse ayant plus de quarante ans à ce moment-là, contre 55 % ayant entre 20 et 30 ans.
Mais ce qu'il faut surtout noter, quant à ces nouveaux professionnels, ce sont leurs caractéristiques. Ils ont en effet, d'une part, un niveau d'études supérieur à celui de leurs prédécesseurs (licence ou bac plus deux années universitaires en général), car ils ont bénéficié d'une scolarisation plus longue, correspondant d'ailleurs à celle de l'ensemble de la population française depuis la guerre; porteurs de ce projet d'innovation dont nous avons parlé, ils sont, d'autre part, prêts à investir une nouvelle conception du métier dans leur travail.
BBF. Comment décide-t-on de devenir bibliothécaire pour enfants ?
BS. Parmi les plus âgés, on constate un nombre assez élevé d'anciens enseignants qui ont quitté leur métier pour des raisons diverses : soit parce qu'ils ne trouvaient pas la possibilité d'y faire carrière - c'est le cas des maîtres auxiliaires -, soit parce qu'ils avaient des difficultés de relations avec leurs élèves, soit encore parce que, justement, ils ne pouvaient assouvir leur désir d'innovations pédagogiques dans le milieu scolaire. Nombre d'entre eux avaient donc eu une expérience antérieure de contact avec les enfants.
Cette dimension éducative n'est d'ailleurs pas totalement absente des strates d'âge plus jeunes, le choix de l'option jeunesse pouvant résulter en effet, pour certains d'entre eux, d'expériences précédentes d'animation culturelle, ou autres activités similaires, à caractère bénévole ou militant, témoignant d'un intérêt déjà constitué pour l'enfance.
Parmi les classes âgées de plus de 40 ans, nous trouvons également une proportion non négligeable de femmes, pour lesquelles l'activité professionnelle, par le biais de la bibliothèque pour enfants, peut être interprétée comme une reconversion de leur « activité maternelle ».
BBF. Vous parlez de femmes. Est-ce que le terme de bibliothécaire pour enfants ne se décline qu'au féminin ?
BS. C'est en effet une profession très féminisée. Plus de 80 % de femmes parmi les titulaires du CAFB; 96 % pour la seule option jeunesse. Toutefois, les hommes commencent à arriver...
BBF. Ces femmes restent-elles toute leur vie professionnelle en section jeunesse ?
BS. Pour certaines, c'est effectivement le cas; elles s'installent à vie en section jeunesse. Pour d'autres, l'intérêt qu'elles portent aux différentes sections de la bibliothèque évolue en fonction de l'âge des enfants au foyer. Car c'est une catégorie où l'on trouve beaucoup plus de femmes mariées avec enfants au foyer, que dans les autres secteurs. L'intérêt initialement porté aux enfants évolue, se déplace progressivement vers l'adolescent, puis vers l'adulte, orientant ainsi leur carrière d'une section à l'autre comme un cheminement parallèle au cycle familial. Pour ces bibliothécaires, il y a interaction très forte entre la profession et le milieu familial.
Parallèlement, et toutes proportions gardées, les hommes changent toutefois plus facilement de section que les femmes durant leur vie professionnelle.
Un contre-modèle de l'école ?
BBF. Donc la bibliothèque pour enfants s'est immédiatement démarquée par rapport à ce qui existait, optant en particulier pour des animations diverses. S'est-elle construite comme contre-modèle de l'école sur le plan pédagogique ?
BS. Pour définir un nouveau rôle, il faut investir un nouveau créneau. Elle a donc tout naturellement pris le créneau laissé libre par l'école. Tout en reconnaissant la fonction primordiale de l'école, à qui elle doit son public, elle lui a laissé le rôle de transmission des codes linguistiques et la maîtrise de l'écrit, et s'est spécialisée dans la signification de l'acte de lecture. Il n'y a pas eu empiétement, mais partage des rôles, division du travail.
À secteur nouveau, pédagogie nouvelle : cette conception s'est traduite au début par un rejet catégorique de tout le « scolaire », qui faisait figure de repoussoir. Fortement imprégnée par les notions de psychopédagogie moderne et de psychanalyse de l'enfant, la bibliothèque s'est définie comme un lieu de loisir culturel, revendiquant pour l'enfant le droit au développement et à l'épanouissement de sa personnalité, permettant une familiarisation diffuse avec le livre, une inculcation douce de l'écrit, en un mot, une appropriation progressive de la lecture et du goût de lire dans un lieu de détente, en opposition avec le mode d'inculcation contraignant et rythmé de l'école. Faisant très fortement appel à la motivation de l'enfant, elle s'est fondée sur la notion de plaisir définie comme absence de contrainte - absence aussi, bien sûr, de suivi sur le travail de l'enfant, puisqu'elle n'a ni les moyens ni le souci de vérifier la progression des acquisitions.
Le succès du documentaire
BBF. Cette attitude envers l'école a-t-elle évolué ? Le regain d'intérêt pour le documentaire n'est-il pas significatif d'un rapprochement entre les deux institutions ?
BS. Il est vrai que l'intérêt pour le documentaire a récemment beaucoup augmenté.
Pendant des années, on a inscrit le documentaire du côté de l'école, en opposition à la littérature associée à l'idée de plaisir et de gratuité, synonyme de lecture valorisée et valorisante. Cette attitude se trouvait d'ailleurs renforcée par le fait que la demande de documentaires émanait surtout du milieu scolaire : soit d'enseignants venus à la bibliothèque avec leurs classes pour travailler sur des documents, soit d'enfants, pour répondre à un besoin scolaire ou un intérêt personnel suscité par l'école.
Notons au passage qu'il y a toujours eu, quand même, des bibliothèques pour faire un travail autour du documentaire : des expositions thématiques, par exemple, qu'elles préparaient avec les enfants ou des organismes spécialistes de la vulgarisation scientifique, ou bien des rencontres avec des spécialistes. Mais la fréquence de ces manifestations restait assez faible.
L'intérêt croissant pour le documentaire que nous constatons actuellement est dû à plusieurs facteurs: d'abord les contacts qu'ont eus certains bibliothécaires des quartiers difficiles avec des enfants qui lisaient peu ou qui avaient des difficultés de lecture et qui venaient à la bibliothèque dans un tout autre but que celui de lire; l'expérience aussi d'une fraction militante de la profession qui est allée sur le terrain vers ces enfants dits « non motivés » par la lecture; et puis la découverte d'un autre type d'enfants dont la réelle curiosité était le documentaire, et, par là-même, la prise de conscience par les bibliothécaires que l'idée de plaisir pouvait être liée à l'acquisition des connaissances - prise de conscience étayée d'ailleurs par des discours prescriptifs de la presse et les écrits de certains leaders de la profession en faveur du document, ainsi que tout le travail réalisé, autour du livre scientifique, en particulier à La Villette; l'origine sociale enfin des nouveaux bibliothécaires section jeunesse, issus plus souvent qu'autrefois des milieux agricole, ouvrier et employé, milieux pour lesquels le rapport à l'écrit passe souvent par le livre pratique et le document.
Il faut ajouter qu'une fois reconnus par le milieu enseignant, les bibliothécaires pour enfants ont moins ressenti la nécessité de se situer en négatif par rapport au scolaire.
Une nouvelle société ?
BBF. La bibliothèque pour enfants s'est aussi constituée en contre-modèle de l'école sur le plan social. Démocratise-t-elle vraiment les chances d'accès aux biens culturels et réduit-elle les inégalités ?
BS. En créant de nouveaux lieux d'accès, en diversifiant et en multipliant les espaces, on améliore l'offre de lecture et on intensifie les chances d'accès au livre. Les enfants viennent en plus grand nombre, soit par le biais de l'école, soit d'eux-mêmes, comme ils iraient au centre de loisir du quartier. En ce sens, l'accroissement du public est bien une forme de démocratisation.
Pour ce qui est de réduire les écarts socio-culturels entre les enfants, il y a deux niveaux d'action possibles : d'une part la diversification de l'écrit, et donc une plus large sélection, sous-tendue par la volonté de ne pas établir de hiérarchie entre les différents genres; d'autre part, la diversification des propositions de lecture, c'est-à-dire l'adaptation aux différentes fractions sociales du public afin de n'en privilégier aucun et d'accompagner tous les modes et tous les usages de lecture.
Quand on a créé des bibliothèques dans des quartiers difficiles, certaines banlieues de la région parisienne notamment, il a fallu en effet répondre aux demandes d'une nouvelle population. Le public était constitué d'enfants défavorisés qui ne venaient pas prioritairement pour le livre, mais plutôt en quête d'un lieu d'accueil. Les bibliothécaires ont alors dû repenser leur rôle et faire des propositions différentes, type animation socio-culturelle, plus proches de celles des maisons de l'enfance ou du centre de loisirs. Ce qui a d'ailleurs largement contribué à attirer dans la profession toute une fraction de personnes militantes pour qui cette dimension du rôle social était très importante.
Il est tout aussi important de réfléchir à la manière de proposer l'écrit que de travailler sur son contenu pour déterminer la valeur intrinsèque de l'ouvrage. Amener l'enfant au livre, c'est aussi, sans jeu de mot, amener le livre à l'enfant en proposant différents types et niveaux de lecture, diverses formes d'approche et d'accompagnement de l'écrit.
Il faut montrer à l'enfant qu'il existe des usages différenciés de lecture, il faut lui montrer que tout est possible, qu'il existe des lectures utilitaires et des lectures désintéressées, qu'on peut lire dans la rue ou dans le métro, et s'approvisionner dans des lieux très divers, qu'il appartient au bibliothécaire de lui faire connaître.
L'éducation, toujours
BBF. Donc, tout serait bon ? Il n'y aurait pas de mauvais livres ni de mauvaises lectures ? Les bibliothécaires ont-ils complètement abandonné l'idée de projet éducatif qui les soutenait au départ ?
BS. Je ne le pense pas. Si certains affirment actuellement qu'il faut supprimer toute idée de hiérarchie entre les écrits et qu'un bon lecteur lit tout, il n'en demeure pas moins qu'ils gardent sous-jacente l'idée d'éducation, de curriculum de lecture, qui consiste à amener progressivement l'enfant vers des lectures « de qualité ». Dans les réunions professionnelles, on assiste encore au vieux débat : doit-on ou non introduire la série des « Bibliothèque rose » dans son établissement ? Doit-on en mettre quelques-uns comme « appât » pour pouvoir ensuite diriger l'enfant vers de meilleurs titres ?
BBF. Si l'enjeu est la redéfinition du pouvoir pédagogique sur l'enfant pour chaque catégorie de médiateurs culturels, comment les bibliothécaires définissent-ils leur rôle par rapport à celui des enseignants ? Quelles sont les relations existant actuellement entre les deux ?
BS. La bibliothèque fonctionnant uniquement comme organisme de prêt de livres pour la classe a tendance à disparaître. En 1978 déjà, 75 % d'entre elles organisaient des activités d'animation pour les écoles, et il faut savoir que l'indicateur minimal était une visite annuelle de la bibliothèque !
Actuellement les venues régulières de classes sont le B.A. BA des échanges entre les deux institutions et, conséquence de la nouvelle demande des enseignants, qui cherchent à introduire l'animation culturelle à l'école (incités en cela par les Plans d'actions éducatives), une reconnaissance mutuelle a fini par s'instaurer progressivement.
La bibliothèque a attiré l'école en proposant diverses manifestations autour du livre; les enseignants se sont davantage tournés vers elle. Elle n'avait plus qu'à jouer son rôle de prestataire de services et répondre à la demande. Il y a eu travail commun au niveau de la sélection bibliographique et des activités d'animation, venues d'auteurs par exemple... Les anciens conflits ont fait place à une complémentarité de bon aloi.
Quand la bibliothèque est plus active dans sa démarche, elle cherche à se faire reconnaître en tant que spécialiste et prescripteur du livre pour enfant, et essaie de gagner l'école à sa conception en lui proposant des services de formation en littérature enfantine.
BBF. La bibliothèque pour enfants cherche-t-elle à étendre ses relations à d'autres instances culturelles que l'école ?
BS. Les plus en pointe actuellement ont une nouvelle tactique qui consiste à sensibiliser les relais bien avant l'action de l'école, et donc à opérer en amont vers les co-éducateurs : parents, maternelles, centres de protection infantile... Ils s'instaurent en faux contre l'idée de maternage de l'enfant à travers un filtre culturel, le livre, et se présentent comme des spécialistes de la littérature enfantine qui font un travail de spécialistes dirigé vers d'autres adultes, un travail de conversion au niveau du sens de lecture. Si cette attitude ne se concrétise pas toujours dans les faits, c'est en tout cas une conviction qui tend à se répandre dans la profession et qui s'insère d'ailleurs dans un mouvement plus général de coopération et de définition réciproque des divers agents culturels autour de l'enfant.
La section enfantine et les autres
BBF. A l'intérieur de l'institution bibliothèque elle-même, comment fonctionne actuellement la section enfantine ?
BS. Le mode de fonctionnement de la section enfantine au sein même de la bibliothèque dépend du mode de fonctionnement général de l'établissement et varie donc d'un établissement à l'autre. Il est des endroits où l'on définit une politique générale de la bibliothèque avec des équipes constituées, et, dans ce cas-là, elle s'intègre très bien; d'autres, où les sections sont plus autonomes les unes par rapport aux autres.
Toutefois, c'est une question complexe qui comporte bien des aspects contradictoires. Au niveau des carrières, par exemple, si la détention d'un CAFB jeunesse conduisait de façon presque inexorable aux sections enfantines, ceci est en train de changer. Certes elle permet plus rarement que l'option Bibliothèque publique par exemple, d'accéder à d'autres responsabilités, en particulier celles de direction d'un établissement, mais aujourd'hui, environ 40 % des titulaires du CAFB jeunesse exercent en sections adultes. Une telle évolution tient sans doute au fait que, longtemps moins diplômés universitairement que les détenteurs de l'option Bibliothèque publique, les bibliothécaires pour enfants sont actuellement aussi souvent titulaires de licences que ceux exerçant en section adultes.
BBF. On a souvent parlé de « ghetto » pour les sections enfantines. Est-ce à dire que, malgré leur dynamisme affiché comme secteur de pointe, elles n'ont pas réellement l'image qu'elles souhaiteraient en avoir ?
BS. Réellement, je l'ignore. Répondre à cette question demanderait une enquête précise.
Fut un temps, il est vrai, où la bibliothèque pour enfants faisait figure de « ghetto » et où il semblait difficile d'en sortir, mais ce terme est assez ambigu car, nous l'avons vu, elle cherchait alors à se faire reconnaître, à se créer une image,'et donc, la nécessité d'une rupture s'imposant, elle s'est elle-même retranchée derrière ses prérogatives. Maintenant, une fois acquise cette reconnaissance, à l'extérieur de l'institution comme à l'intérieur du métier lui-même, se présentent, au-dehors comme au-dedans, de réelles possibilités d'ouverture.
Bien sûr, elle oscille encore parfois entre deux représentations extrêmes d'elle-même qui sont le lieu de gardiennage à usage social et le centre culturel de quartier apte à donner les prescriptions de lecture, mais celles-ci ne traduisent-elles pas des réponses différentes aux attentes différenciées de chacun de ses publics ?