The Library preservation program

models, priorities, possibilities

par Jean-Marie Arnoult

W. Ratcliffe

ed. by Jean Merill-Oldham and Merrily Smith.
Chicago : American library association, 1985. - 117 p.; 23 cm.
Index. - ISBN 0-8389-3315-7.

London : British library board, 1984. - Xll-134 p.; 21 cm. - (Library and information research report; 25). ISBN 9-7123-3035-6

Le premier de ces deux volumes réunit les seize communications prononcées lors d'une conférence qui s'est tenue à Washington en avril 1983 sous la double autorité de l'American library association et de la Library of Congress. C'est aussi le premier titre d'une série qui rendra compte de conférences consacrées à la conservation (1984 et 1985 sont en préparation).

Après une introduction de W.J. Welsh et une étude sur le passé récent et moins récent de la notion de préservation (R.D. Rogers), la première partie décrit l'introduction de la préservation dans l'organisation de quatre bibliothèques : Brigham young University library, University of California libraries at Berkeley. Columbia University libraries, Morris library (Southern Illinois University). La seconde partie développe l'analyse des besoins, les priorités et les options choisies à travers quatre exemples : Yale University, Stanford University. University of California at Berkeley, et Library of Congress. La troisième partie enfin aborde le délicat problème des aspects financiers et des possibilités dans ce domaine : la publicité (P. Sparks), comment trouver des fonds (D.H. Stam), connaître les coûts (A. Russell), l'aspect fiscal à Stanford en particulier (D.C. Weber), l'apport fédéral (M. Child), les fondations privées (J.M. Morris). Le volume se clôt sur la prospective et la planification en matière de conservation (P.W. Darling).

II n'est pas possible de rendre compte en détail de toutes les communications; on peut toutefois dégager les grandes lignes du modèle Nord-américain dans un domaine où l'imagination n'a d'égal que la volonté de mettre en place une politique efficace. A travers ces expériences, on retrouve les mêmes préoccupations et le désir de concevoir les fonds des bibliothèques non pas comme des joyaux à isoler mais comme des instruments de travail dont il faut garantir l'intégrité et qu'il faut respecter. II n'est donc pas question ici de conservation exclusive et tyrannique, ignorante des impératifs de la communication. mais bien plutôt d'un auxiliaire précieux dans la gestion des bibliothèques et dans l'accomplissement de leur mission.

L'une des tâches considérées comme prioritaires est la formation des personnels et de leurs partenaires, les lecteurs. La prise de conscience, à tous les niveaux, de la réalité quotidienne est en effet le fondement même de toute politique de préservation : connaissance des matériaux composant les documents, connaissance de l'environnement, perception attentive de l'évolution de l'état des fonds. Ce regard critique portant sur de petits détails doit s'apprendre, et chacune des institutions citées a d'abord commencé par dresser un bilan critique de ses attitudes, avant de songer à ses besoins. La définition des priorités opportunes ne peut être entreprise qu'avec une bonne connaissance des méthodes de préservation et, ultérieurement, de conservation. Les formations initiale et continue sont donc les prémices à tout effort rationnel.

Mais l'originalité du programme américain se dessine surtout dans la troisième partie. A chacun de trouver, d'une part les fonds, et d'autre part les moyens pour appliquer à sa propre institution ce qui lui convient le mieux. Le rôle de la Library of Congress, elle-même confrontée à ces problèmes, est de promouvoir des modèles : c'est, en définitive, son propre exemple qu'elle donne aux autres bibliothèques, avec ses avis, ses conseils pour la mise en place de programmes locaux. Elle intervient pour assurer un support intellectuel, comme en témoigne cette conférence d'avril 1983, elle coordonne, mais elle n'intervient pas dans la vie quotidienne des bibliothèques qui restent libres; elle n'intervient pas non plus directement sur le plan financier, ce qui est un aspect non négligeable. Le programme national de préservation n'est donc pas le fruit d'une agence ou d'un centre national, mais le résultat d'initiatives locales nées sur le terrain même des bibliothèques. Nul ne contestera cependant le rôle de « centre national » joué par la Library of Congress, ni l'évidence de la qualité de ses avis. II n'existe peut-être pas, sur le papier, de programme national, mais le rôle de coordination quelle joue en tient lieu.

Une autre conclusion peut être tirée de cette expérience dont les résultats sont tangibles dans un certain nombre d'établissements. La préservation, dont la nécessité est ressentie par ceux qui sont chargés de la pratiquer, franchit peu à peu les frontières des bibliothèques américaines. La sensibilisation est d'autant plus forte qu'elle est issue du milieu dans lequel elle doit croître et un public de plus en plus large y est réceptif. Aux Etats-Unis, la préservation commence à descendre dans la rue. Fondée essentiellement sur la responsabilisation de tous, l'expérience américaine montre que même les non-spécialistes ont un rôle capital à jouer dans la sauvegarde du patrimoine.

D'autres pays ont été conduits à promouvoir une politique de préservation. Ce fut le cas de la France avec le rapport Patrimoine des bibliothèques, initiateur d'idées fécondes et prémonitoires. Ce fut le cas aussi du Royaume-Uni avec le rapport Ratcliffe, qui mena sa réflexion dans le même temps et dans une direction très voisine. L'organisation des bibliothèques britanniques a suscité une conception différente, mais le principe de base reste le même : la préservation est le point de départ de tout programme de conservation, de même que la reproduction - ou plus exactement le transfert de supports - est la seule technique fiable et rapide pour permettre de sauvegarder les contenus et de continuer à les communiquer. Les conclusions du rapport Ratcliffe sont simples : à partir d'un bilan des possibilités locales, inciter à la coopération tout en coordonnant ces activités par l'intermédiaire d'un conseil national. C'est ainsi que fut créé, en novembre 1984, l'Office national de la préservation rattaché au Preservation service de la British library, mais composé d'experts indépendants, issus du monde des bibliothèques britanniques. Cet Office s'est donné pour tâches : promouvoir la préservation et les bonnes pratiques de la conservation; organiser un service de référence; rechercher les sujets d'étude d'intérêt national; encourager la coopération. Ces divers points ont suscité des actions qui ont pour dénominateur commun l'information et la formation, par tous les moyens possibles. Comme aux Etats-Unis, cet Office, bien qu'indépendant de la British library, ne pourrait vivre sans elle, car elle en est en grande partie le support technique et intellectuel. En conclusion de ces deux exemples, un certain nombre de réflexions d'ordre général peuvent être tirées, sans entrer dans le détail des diverses techniques de préservation et de conservation.

- Les bibliothèques nationales ont un rôle primordial à jouer par leur vocation; par leurs dimensions, elles sont des laboratoires de recherche en bibliothéconomie de la préservation, dont elles assurent la diffusion, et elles contribuent à l'homogénéité des programmes nationaux.

- Toutes les bibliothèques, quels que soient leur type et leur nature, sont responsables de la conservation de leurs fonds.

- II n'y a pas de miracles en matières financières : l'Etat suscite, mais il ne peut supporter les charges de la préservation hormis celles qui sont de la recherche fondamentale.

- La coopération entre les bibliothèques, les échanges, outre qu'ils permettent l'harmonisation des attitudes, sont la clé de tout programme à long terme.

- La formation de tous les personnels, y compris des usagers des bibliothèques, est la première étape vers une responsabilisation générale.

- L'information, sur tous les supports disponibles. doit être considérée comme une priorité.

Ces différents points constituent une charte des bibliothèques. C'est ce que va tenter de développer l'IFLA dans son nouveau programme fondamental Preservation and conservation (PAC), mis en place récemment. C'est une vaste tâche qui a pour but d'amener les bibliothèques à organiser leur vie quotidienne en fonction de la durée des documents et non pas de subordonner ces derniers aux besoins des utilisateurs.

II faut donc insister, une fois encore, sur la nécessaire prise de conscience au niveau de chaque établissement, sur l'utilité de profiter des expériences positives, d'en tirer parti, sur l'urgence de préparer de façon homogène des programmes en fonction des réalités. En corollaire, la préservation ne doit pas être le refuge de la non-communication. Certes, l'aspect technique de la conservation est sans aucun doute valorisant pour une profession dont la spécificité est contestée. Mais croire que la technique est une fin serait une incompréhension du rôle même des bibliothèques et de leur mission. La technique n'est qu'un moyen de mieux communiquer, d'offrir dans de meilleures conditions des informations de plus en plus nombreuses et de plus en plus fragiles dans leur matérialité.