Répertoire des ouvrages de controverse entre catholiques et protestants en France (1598-1685).
Louis Desgraves
1 : 1598-1628. - VI-423 p.
2 : 1629-1685. - 520 p.
Il est rare que la publication d'une bibliographie, œuvre de longue haleine, puisse accompagner la célébration d'un événement historique. Le recensement des ouvrages de controverse publiés sous le régime de l'édit de Nantes est donné par L. Desgraves pour le trois-centième anniversaire de la révocation de l'édit, sur la base d'un travail engagé dès 1969.
Ce répertoire qui ne compte pas moins de 7171 numéros repose sur le dépouillement de bibliographies, de catalogues imprimés et, pour les bibliothèques françaises, de nombreux fichiers. Son champ couvre non seulement les publications françaises, mais aussi celles des grands centres typographiques étrangers de Suisse, des Pays-Bas et, à un moindre degré, d'Allemagne, qui ont contribué très largement à l'édition et à la diffusion d'ouvrages réformés, introduits en France pour y être vendus plus ou moins ouvertement selon la vigueur de la censure.
Sous le terme d'ouvrages de controverse sont comprises trois grandes catégories de textes, allant du gros in-folio rempli de citations de l'Evangile et des Pères de l'Eglise à des plaquettes de quelques pages. Les ouvrages doctrinaux proprement dits rédigés par les personnalités marquantes des deux réformes constituent la première. Leur publication a souvent été le point de départ de controverses (éventuellement internes à chacun des cultes) qui se sont poursuivies parfois pendant plusieurs années. Ces textes traitent de l'ensemble de la doctrine des Eglises, Ecriture, tradition apostolique, la Messe, la présence réelle, les pouvoirs du Pape, le purgatoire, le culte des saints, ou, plus souvent, d'un point du dogme choisi par l'auteur. S'ajoutent à cette catégorie les manuels de controverse, illustrés par F. Véron qui joua un rôle considérable dans le champ catholique.
La seconde catégorie, ce sont les comptes rendus des conférences tenues entre des théologiens catholiques et protestants, qui exposaient contradictoirement dans des séances le plus souvent publiques leurs arguments sur un point de doctrine. A maintes reprises ces comptes rendus, jugés partiaux, ont été suivis de répliques.
Les récits relatant la conversion au culte adverse d'une personne isolée ou d'une famille, voire de la totalité des habitants d'une ville, à la suite d'un événement politique ou d'une mission, constituent le troisième groupe de documents retenus. Là aussi les textes peuvent former grappe autour d'un même événement. Ainsi la conversion au catholicisme du duc de Lesdiguières suscita plus de vingt opuscules. N'ont été retenus en revanche que de manière exceptionnelle les sermons et les actes officiels des autorités politiques ou des Eglises.
Dans ces limites et avec les problèmes de choix qu'elles ont posés, cet inventaire permet d'apprécier l'importance de la littérature de controverse et sa chronologie. Apparues dès les premières années de la Réforme, les controverses entre catholiques et protestants ont connu une période de grande activité après l'édit de Nantes, qui proclamait la tolérance mais n'interdisait pas le prosélytisme. La période de plus forte activité s'étend de 1598 à 1628, de la proclamation de l'édit à la chute de la Rochelle. Plus de 50% des textes ont été publiés au cours de ces trente premières années, avec des pointes en 1613 et 1622-1623, qui est le moment d'un changement d'hommes et de méthodes dans le camp catholique, ainsi que l'a signalé H.-J. Martin. Si les controverses ne cessent jamais complètement, il faut attendre 1660 pour constater une recrudescence de ces publications, plus marquée après 1680. Il n'est rien de comparable à l'envol des polémiques politiques de la Fronde (plus de 1 000 pièces en 1649 et 1652).
La méthode choisie pour la présentation de ce répertoire est celle de la liste sommaire. Les notices des ouvrages sont classées par année, dans l'ordre alphabétique des auteurs ou des titres pour les ouvrages anonymes. Une série d'ouvrages non datés a été renvoyée à la fin du second tome (n° 7008-7166). Les titres sont reproduits le plus souvent in extenso. Sont donnés le format et éventuellement la pagination. L'adresse bibliographique comprend le nom de la ville et celui de l'éditeur, de l'imprimeur ou du libraire. Enfin l'auteur s'est efforcé de localiser le plus grand nombre d'exemplaires avec leurs cotes.
Un index, à la fin du tome II, rassemble les noms d'auteurs et aussi les noms de personnes et de lieux mentionnés dans les titres des ouvrages. II n'y a pas d'index des Lieux d'édition et des éditeurs. L. Desgraves a signalé les principaux centres d'édition dans sa contribution au tome I de l'Histoire de l'édition française (p. 455). Du côté catholique presque tous les centres typographiques sont représentés et particulièrement Paris, Lyon, Rouen, Bordeaux, Toulouse. Les ouvrages protestants sont imprimés à Sedan, Charenton, Quevilly, Saumur, appuyés par La Rochelle au début du siècle, par les centres typographiques étrangers déjà évoqués et épisodiquement par Bergerac, Montauban, Sainte-Foy-la-Grande, Castres, Montpellier, Nîmes.
Cette liste constitue une source importante pour l'histoire de l'édition, l'histoire religieuse et l'histoire des idées. Elle sera sans doute le point de départ de nombreuses études sur l'évolution des thèmes des controverses, les modes d'édition et de diffusion de ces textes qui traduisent la lutte - relativement pacifique après les conflits armés du XVIe siècle - entre Réforme et Contre-Réforme.